La lune est grande, le ciel clair
Et plein d’astres, la terre est blême,
Et l’âme du [size=18]monde est dans l’air.
Je rêve à l’étoile suprême,[/size]
À celle qu’on n’aperçoit pas,
Mais dont la lumière voyage
Et doit venir jusqu’ici-bas
Enchanter les yeux d’un autre âge.
Quand luira cette étoile, un jour,
La plus [size=18]belle et la plus lointaine,
Dites-lui qu’elle eut mon amour,
Ô derniers de la race humaine ![/size]
**** Sully Prudhomme (1839-1907) ****
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Le plus important dans la vie,
mon garçon, c'est l'air pour respirer,
c'est l'eau pure pour se nourrir,
c'est le temps pour bien le remplir.
Mon garçon, parfois
l'air s'appelle liberté,
l'eau pure est synonyme d'amitié,
le lait est pour tous ceux qu'on aime,
la terre est un devoir
le temps est une conscience.
Alain Bosquet
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Rappelle-toi, quand l'Aurore craintive
Ouvre au Soleil son palais enchanté ;
Rappelle-toi, lorsque la nuit pensive
Passe en rêvant sous son voile argenté ;
A l'appel du plaisir lorsque ton sein palpite,
Aux doux songes du soir lorsque l'ombre t'invite,
Ecoute au [size=18]fond des boisMurmurer une voix :Rappelle-toi.[/size]
Rappelle-toi, lorsque les destinées
M'auront de toi pour jamais séparé,
Quand le chagrin, l'exil et les années
Auront flétri ce [size=18]coeur désespéré ;Songe à mon triste amour, songe à l'adieu suprême !L'absence ni le temps ne sont rien quand on aime.Tant que mon coeur battra,Toujours il te diraRappelle-toi.[/size]
Rappelle-toi, quand sous la froide terre
Mon [size=18]coeur brisé pour toujours dormira ;Rappelle-toi, quand la fleur solitaireSur mon tombeau doucement s'ouvrira.Je ne te verrai plus ; mais mon âme immortelleReviendra près de toi comme une soeur fidèle.Ecoute, dans la nuit,Une voix qui gémit :Rappelle-toi.[/size]
------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Le papillon
Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
Sur l'aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
S'enivrer de parfums, de lumière et d'azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
S'envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté!
Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté!
Moi, je suis la tulipe, une fleur de Hollande ;
Et telle est ma beauté, que l’avare Flamand
Paye un de mes oignons plus cher qu’un diamant,
Si mes fonds sont bien purs, si je suis droite et grande.
Mon air est féodal, et, comme une Yolande
Dans sa jupe à longs plis étoffée amplement,
Je porte des blasons peints sur mon vêtement,
Gueules fascé d’argent, or avec pourpre en bande.
Le jardinier divin a filé de ses doigts
Les rayons du soleil et la pourpre des rois
Pour me faire une robe à trame douce et fine.
Nulle fleur du jardin n’égale ma splendeur,
Mais la nature, hélas ! n’a pas versé d’odeur
Dans mon calice fait comme un vase de Chine.
Théophile Gautier
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
[size=32] Reflets[/size]
Recueil : Serres chaudes (1889).
Sous l'eau du songe qui s'élève,
Mon âme a peur, mon âme a peur !
Et la lune luit dans mon cœur,
Plongé dans les sources du rêve.
Sous l'ennui morne des roseaux,
Seuls les reflets profonds des choses,
Des lys, des palmes et des roses,
Pleurent encore au fond des eaux.
Les fleurs s'effeuillent une à une
Sur le reflet du firmament,
Pour descendre éternellement
Dans l'eau du songe et de la lune.
Maurice Maeterlinck.
-----------------------------------------------------------
Ninnenne