[size=24]Complainte amoureuse
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Oui dès l'instant que je vous vis
Beauté féroce, vous me plûtes
De l'amour qu'en vos yeux je pris
Sur-le-champ vous vous aperçûtes
Ah ! Fallait-il que je vous visse
Fallait-il que vous me plussiez
Qu'ingénument je vous le disse
Qu'avec orgueil vous vous tussiez
Fallait-il que je vous aimasse
Que vous me désespérassiez
Et qu'enfin je m'opiniâtrasse
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m'assassinassiez
Alphonse Allais
Le mensonge
Le châtiment de la cuisson appliqué aux imposteursChaque fois que les gens découvrent son mensonge,
Le châtiment lui vient, par la colère accru.
" Je suis cuit, je suis cuit ! " gémit-il comme en songe.
Le menteur n'est jamais cru.
Alphonse Allais
Le blason de la dent
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Dent, qui te montres en riant
Comme un diamant d'Orient
Dent précieuse et déliée,
Que nature a si bien liée
En celui ordre où tu reposes
Qu'on ne peut voir plus belle chose
Dent blanche comme cristal, voire
Ainsi que neige, ou blanc ivoire ;
Dent qui sens bon comme fait baume,
Dont la beauté vaut un royaume ;
Dent qui fais une bouche telle
Comme fait une perle belle
Un bien fin or bouté en aeuvre ;
Dent que souvent cache et découvre
Cette belièvre purpurine,
Tu fais le reste être divine,
Quand on te voit à découvert.
Mais, dent, quand ton pris est couvert
Le demeurant moins beau ressemble,
Car son honneur est, ce me semble,
Luisant ainsi que perle nette,
Qui reluit comme une planète,
Encore plus fort que la lune ;
En tout le monde n'en est une
Qui soit si parfaite que toi.
Je te promets quand je te vois,
Comme au premier que je te vis, je suis tout transi et ravi,
Et cuide au vrai, te regardant,
Que ce soit un soleil ardent
Qui se découvre des nuées.
De l'odeur qui belle dent rache,
Garde-toi bien qu'on ne t'arrache,
Car pour vrai qui t'arracherait,
Plusieurs et moi il fâcherait
Pourtant que l'arracheur méchant
Arracherait en t'arrachant,
La beauté de toute la face,
Qui n'a sans toi aucune grâce.
Michel d'Amboise
Petite perle cristalline
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Petite perle cristalline
Tremblante fille du matin,
Au bout de la feuille de thym
Que fais-tu sur la colline ?
Avant la fleur, avant l'oiseau,
Avant le réveil de l'aurore,
Quand le vallon sommeille encore
Que fais-tu là sur le coteau ?
Henri-Frédéric Amiel
Le faisan doré
Quand le Faisan doré courtise sa femelle,
Et fait, pour l'éblouir, la roue, il étincelle
De feux plus chatoyants qu'un oiseau de vitrail.
Dressant sa huppe d'or, hérissant son camail
Couleur d'aube et zébré de rayures d'ébène,
Gonflant suri plastron rouge ardent, il se promène,
Chaque aile soulevée, en hautaines allures ;
Son plumage s'emplit de lueurs, les marbrures
De son col vert bronzé, l'ourlet d'or de ses pennes,
L'incarnat de son dos, les splendeurs incertaines
De sa queue où des grains serrés de vermillon
Sont alternés avec des traits noirs sur un fond
De riche, somptueuse et lucide améthyste,
Tout s'allume, tout luit...
... Et, sur ces yeux muants de claires pierreries
S'unissant, se brisant en des joailleries
Que sertissent le bronze et l'acier, et l'argent,
Court encore un frisson d'or mobile et changeant,
Qui naît, s'étale, fuit, se rétrécit, tressaille,
Éclate, glisse, meurt, coule, ondule, s'écaille,
S'écarte en lacis d'or, en plaques d'or s'éploie,
Palpite, s'alanguit, se disperse, poudroie,
Et d'un insaisissable et féerique réseau
Enveloppe le corps enflammé de l'oiseau
Auguste ANGELLIER
Ninnenne blog de partage
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