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MessageSujet: Nouveaux poèmes (un peu de tout)   Nouveaux poèmes (un peu de tout) Icon_minitimeJeu 2 Nov - 11:07

Poème sur la danse de Marcelline Desbordes-Valmore


La danse de nuit
Ah, la danse ! La danse
Qui fait battre le coeur,
C'est la vie en cadence
Enlacée au bonheur.
Accourez, le temps vole,
Saluez s'il-vous-plaît,
L'orchestre a la parole
Et le bal est complet.
Sous la lune étoilée
Quand brunissent les bois
Chaque fête étoilée
Jette lumières et voix.
Les [size=18]fleurs plus embaumées

Rêvent qu'il fait soleil
Et nous, plus animées
Nous n'avons pas sommeil.
Flammes et musique en tête
Enfants ouvrez les yeux
Et frappez à la fête
Vos petits pieds joyeux.
Ne renvoyez personne !
Tout passant dansera
Et bouquets ou couronne
Tout danseur choisira.
Sous la nuit et ses voiles
Que nous illuminons
Comme un cercle d'étoiles,
Tournons en choeur, tournons.
Ah, la danse ! La danse
Qui fait battre le coeur,
C'est la vie en cadence
Enlacée au bonheur.[/size]
Marcelline Desbordes-Valmore.




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MessageSujet: Re: Nouveaux poèmes (un peu de tout)   Nouveaux poèmes (un peu de tout) Icon_minitimeJeu 2 Nov - 11:33

L'amitié


Nouveaux poèmes (un peu de tout) 3383a849
 
 

La véritable amitié est pure.
Elle ne recherche aucune faveur en retour. 
Elle élève celui qui la donne. 

La véritable amitié est généreuse. 
Elle est plus forte que tous les préjugés. 
Elle anoblit celui qui la donne. 

La véritable amitié est fidèle. 
Elle n'est pas altérée par le temps. 
Elle honore celui qui la donne. 

La véritable amitié est tenace. 
Elle est faite de loyauté et de franchise. 
Elle grandit celui qui la donne. 

La véritable amitié est magnanime. 
Elle ne pose aucune condition. 
Elle embellit celui qui la donne. 

La véritable amitié est absolue. 
Elle n'est jamais donnée par miettes. 
Elle fait honneur à celui qui la donne. 

La véritable amitié est spontanée. 
Elle ne fait l'objet d'aucun marchandage. 
Elle récompense celui qui la donne. 

La véritable amitié est sincère. 
Elle ne pose pas de conditions. 
Elle enrichit celui qui la donne. 

Henri de Lacordaire, (1802-1861)

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MessageSujet: Re: Nouveaux poèmes (un peu de tout)   Nouveaux poèmes (un peu de tout) Icon_minitimeJeu 2 Nov - 12:45

NOUS VERRONS - CHATEAUBRIAND


Nouveaux poèmes (un peu de tout) D81ee7b1
 
 
Nous verrons - CHATEAUBRIAND

Le passé n'est rien dans la vie,
Et le présent est moins encor :
C'est à l'avenir qu'on se fie
Pour nous donner joie et trésor.
Tout mortel dans ses vœux devance
Cet avenir où nous courons ;
Le bonheur est en espérance,
On vit, en disant : Nous verrons.

Mais cet avenir plein de charmes,
Qu'est-il lorsqu'il est arrivé ?
C'est le présent qui de nos larmes
Matin et soir est abreuvé !
Aussitôt que s'ouvre la scène
Qu'avec ardeur nous désirons,
On bâille, on la regarde à peine ;
On voit, en disant : Nous verrons.

Ce vieillard penche vers la terre ;
Il touche à ses derniers instants :
Y pense-t-il ? Non ; il espère
Vivre encor soixante et dix ans.
Un docteur, fort d'expérience,
Veut lui prouver que nous mourons :
Le vieillard rit de la sentence,
Et meurt en disant : Nous verrons.
...
Nous verrons est un mot magique
Qui sert dans tous les cas fâcheux :
Nous verrons, dit le politique ;
Nous verrons, dit le malheureux.
Les grands hommes de nos gazettes,
Les rois du jour, les fanfarons,
Les faux amis et les coquettes,
Tout cela vous dit : Nous verrons.
 
Chateaubriand — Poésies diverses
Paris, 1810.




LE PAPILLON ET LES TOURTERELLES - J.B. WILLART DE GRECOURT


Nouveaux poèmes (un peu de tout) B54901ae
Source illustration [size=13]http://deviantart.com  Auteur Hocusfocus 55[/size]
 
Le papillon et les tourterelles 
 Jean-Baptiste Willart de GRECOURT
 

Un papillon, sur son retour,
Racontait à deux tourterelles,
Combien dans l'âge de l'amour
Il avait caressé de belles :
"Aussitôt aimé qu'amoureux,
Disait-il, ô l'aimable chose ! 
Lorsque, brûlant de nouveaux feux,
Je voltigeais de rose en rose !
Maintenant on me suit partout,
Et partout aussi je m'ennuie ;
Ne verrai-je jamais le bout
D'une si languissante vie ?"
Les tourterelles sans regret
Répondirent : "Dans la vieillesse
Nous avons trouvé le secret 
De conserver notre tendresse ;
À vivre ensemble nuit et jour
Nous goûtons un plaisir extrême :
L'amitié qui vient de l'amour
Vaut encor mieux que l'amour même."
 

Jean-Baptiste Willart de GRECOURT (1683-1743)
 

ANNA DE NOAILLES - POEME DE L'AMOUR XVI


Nouveaux poèmes (un peu de tout) B2369a75
 
 
ANNA DE NOAILLES - POEME DE L'AMOUR XVI
 
Les mots que tu me dis ne comptent pas beaucoup,
Mais si j’ai confiance en toi,
C’est pour ce mouvement du visage et du cou
D’une tourterelle qui boit.
 

Tes projets quelquefois sont obscurs et divers,
Pourtant jamais tu ne te nuis ;
Ton souffle dans l’espace attiédirait l’hiver,
Ton rire est le croissant des nuits.
 

Je ne puis m’abuser alors que tu me plais :
Que peux-tu prendre ou bien donner,
Puisque l’étonnement dont mon cœur se repaît
Est de songer que tu es né ?…
 

Anna de Noailles
 

L'AMOUR MARCELINE DESBORDES-VALMORE


L'amour - Marceline Desbordes - Valmore
 
Vous demandez si l'amour rend heureuse ;
Il le promet, croyez-le, fût-ce un jour.
Ah ! pour un jour d'existence amoureuse,
Qui ne mourrait ? la vie est dans l'amour.
 

Quand je vivais tendre et craintive amante,
Avec ses feux je peignais ses douleurs :
Sur son portrait j'ai versé tant de pleurs,
Que cette image en paraît moins charmante.
 

Si le sourire, éclair inattendu,
Brille parfois au milieu de mes larmes,
C'était l'amour ; c'était lui, mais sans armes ;
C'était le ciel... qu'avec lui j'ai perdu.
 

Sans lui, le coeur est un foyer sans flamme ;
Il brûle tout, ce doux empoisonneur.
J'ai dit bien vrai comme il déchire une âme :
Demandez-donc s'il donne le bonheur !
 

Vous le saurez : oui, quoi qu'il en puisse être,
De gré, de force, amour sera le maître ;
Et, dans sa fièvre alors lente à guérir,
vous souffrirez, ou vous ferez souffrir.
 

Dès qu'on l'a vu, son absence est affreuse ;
Dès qu'il revient, on tremble nuit et jour ;
Souvent enfin la mort est dans l'amour ;
Et cependant... oui, l'amour rend heureuse !
 

Marceline Desbordes-Valmore
(1786-1859)
 

LE MEILLEUR DE TOI-MEME - MERE TERESA

Nouveaux poèmes (un peu de tout) 45523656

Le meilleur de toi-même - Mère Teresa
 
Les gens sont souvent déraisonnables, illogiques et centrés sur eux-mêmes.
Pardonne-les quand même..
 

Si tu es gentil, les gens peuvent t'accuser d'être égoïste et d'avoir des arrières pensées.
Sois gentil quand même… Si tu réussis, tu trouveras des faux amis et des vrais ennemis.
 

Réussis quand même… Si tu es honnête et franc, il se peut que les gens abusent de toi.
Sois honnête et franc quand même…
 

Ce que tu as mis des années à construire, quelqu'un pourrait le détruire en une nuit.
Construis quand même…
 

Si tu trouves la sérénité et la joie, ils pourraient être jaloux.
Sois heureux quand même…
 

Le bien que tu fais aujourd'hui, les gens l'auront souvent oublié demain.
Fais le bien quand même…
 

Donne au monde le meilleur que tu as, et il se pourrait que cela ne soit jamais assez.
Donne au monde le meilleur que tu as quand même…
 

Tu vois, en faisant une analyse finale, c'est une histoire entre toi et Dieu,
cela n'a jamais été entre eux et toi.
 
 
Mère Teresa - Voix de la sagesse
 

TRISTESSE - ALFRED DE MUSSET

Nouveaux poèmes (un peu de tout) 0be0615b
TRISTESSE - ALFRED DE MUSSET
 
J’ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis, et ma gaieté ;
J’ai perdu jusqu’à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.

Quand j’ai connu la Vérité,
J’ai cru que c’était une amie ;
Quand je l’ai comprise et sentie,
J’en étais déjà dégoûté.

Et pourtant elle est éternelle.
Et ceux qui se sont passés d’elle
Ici-bas ont tout ignoré.

Dieu parle, il faut qu’on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d’avoir quelquefois pleuré.

Alfred de Musset.
Poésies nouvelles - 1857


L’ATLANTIDE - STANISLAS DE GUAITA
 
A Émile Michelet.
 
Loin de la multitude où fleurit le mensonge
Puisque l’âme s’épure et s’exalte en rêvant,
Au gré du souvenir vogue, ô mon Âme, et songe :
Songe à la cendre humaine éparse dans le vent ;
 
Songe aux crânes heurtés par le soc des charrues ;
Aux débris du passé dans l’inconnu flottant :
Car des mondes sont morts, des cités disparues,
Où la vie eut son heure et l’amour son instant !

Aux siècles primitifs, une île, immense et belle,
Nourrice jeune encor d’un peuple de géants,
Livrait à ses fils nus sa féconde mamelle,
Et sa hanche robuste au choc des océans.
 
Cette terre avait nom l’Atlantide. — Des villes
Y florissaient alors, superbes, par milliers,
Avec leurs parthénons et leurs jardins fertiles,
Et leurs palais de marbre aux antiques piliers.
 
Aqueducs ! Monuments massifs, aux colonnades
De jaspe, défendus par de grands léopards!
Coupoles de granit ! Innombrables arcades
Brodant de leur dentelle épaisse les remparts ! —
 
L’on eût dit des forêts de pierre. — Les bois vierges
Reflétaient leur verdure aux lacs bleus sans roseaux,
Et l’âme des jasmins et des lys, sur les berges,
Se mariait, légère, à des chansons d’oiseaux !
 
Un cantique montait d’espérance et de joie
Vers Jupiter très bon, très auguste et très grand :
L’homme tendait les mains à l’azur qui flamboie,
Et le fleuve apaisé priait — en murmurant !...
 
Mais ce monde, marqué du sceau de la colère,
Devait s’anéantir, sans que rien en restât
Que des îlots perdus sur l’onde tumulaire,
— Seuls vestiges épars où notre œil s’arrêtât !
 
On entendit rugir les forges souterraines,
Tout le sol s’effondra, secoué brusquement...
Et la mer fit rouler ses vagues souveraines
Sur la plaintive horreur de cet écroulement !
 
Cependant, par delà ces monstrueux décombres
Que, sous mille pieds d’eau, tu vois se dessiner,
O mon Âme, entends-tu ?... Du fond des lointains sombres,
De prophétiques Voix semblent vaticiner :
 
— « Ainsi les continents, les villes séculaires,
« Les grands monts hérissés de sapins et d’orgueil,
« L’homme et ses passions, le monde et ses colères,
« — Cadavres disloqués et mûrs pour le cercueil,
 
« Gigantesques amas sans nom, épaves mornes —
« S’engloutiront un jour, (tout étant accompli,)
« Sous les flots ténébreux d’une autre mer sans bornes
« Et plus profonde encor — qui s’appelle l’OUBLI !
 
« Alors, exécutant la suprême sentence,
« L’ombre, comme un déluge, envahira les cieux ;
« Et tout bruit s’éteindra, comme toute existence,
« Dans le néant obscur, vaste et silencieux. » —
 
Juin 1884. -  ROSA MYSTICA


NUIT DE PRINTEMPS - CHATEAUBRIAND

Nouveaux poèmes (un peu de tout) 5e653316
 
 
 
 
 
Chateaubriand — Tableaux de la nature

Nuit de printemps
 
Le ciel est pur, la lune est sans nuage :
Déjà la nuit au calice des fleurs
Verse la perle et l'ambre de ses pleurs ;
Aucun zéphyr n'agite le feuillage.

Sous un berceau, tranquillement assis,
Où le lilas flotte et pend sur ma tête,
Je sens couler mes pensers rafraîchis
Dans les parfums que la nature apprête.

Des bois dont l'ombre, en ces prés blanchissants,
Avec lenteur se dessine et repose,
Deux rossignols, jaloux de leurs accents,
Vont tour à tour réveiller le printemps
Qui sommeillait sous ces touffes de rose.

Mélodieux, solitaire Ségrais,
Jusqu'à mon cœur vous portez votre paix !
Des prés aussi traversant le silence,
J'entends au loin, vers ce riant séjour,
La voix du chien qui gronde et veille autour
De l'humble toit qu'habite l'innocence.

Mais quoi ! déjà, belle nuit, je te perds !
Parmi les cieux à l'aurore entrouverts,
Phébé n'a plus que des clartés mourantes,
Et le zéphyr, en rasant le verger,
De l'orient, avec un bruit léger,
Se vient poser sur ces tiges tremblantes.
 

CHATEAUBRIAND


A VENISE - ALBERT MERAT

Nouveaux poèmes (un peu de tout) C9988463
 
ILLUSTRATION OFFERTE PAR COROLLE
 (CF. SUR CE BLOG SES POEMES DANS LA RUBRIQUE POETES)
 
 
[size=18] A Venise - Albert Mérat[/size]
 
[size=18]Venise! ô souvenir ! ô cité blanche et rose !
Merveilleux alcyon, fleur de la mer éclose
Entre l'azur uni des ondes et le ciel,
Cité-femme au doux nom, ô mon charme éternel,
Venise, ainsi que toi, les Vénus étaient blondes.
[/size]
 

[size=18]Tes pieds exquis trempés aux vagues peu profondes,
Telle qu'une princesse en habits d'Orient,
Tu te penches, et l'eau reflète, en souriant
Le rythme de ton corps et tes parures vaines.
[/size]
 

Des canaux délicats et minces sont tes veines;
Ainsi qu'aux êtres fins le silence t'est cher.
Les marbres éclatants et roses sont ta chair,
Si pure qu'on dirait que les brises sonores
Y font courir le sang des vivantes aurores.
 

Tes yeux sont le rayon divin du ciel léger,
Et ton sourire fait le jour, sans y songer.
Ainsi mon rêve épris n'a pas pu se défendre
De t'aimer d'un amour mélancolique et tendre,
Comme on aime une femme, et comme on tend les bras
Aux belles visions qui ne s'envolent pas.
 

J'ai connu ton regard et j'ai connu ta bouche.
Je sais ce que le ciel, quand le soleil se couche,
Met à ton front serein de grâce et de splendeur.
Un souffle du Lido m'apporta cette fleur,
Errante sur les Mots brodés d'écumes blanches.
Les cigales au loin résonnaient dans les branches.
 

Lorsqu'il fallut, hélas ! partir et te quitter,
Je te laissai mon coeur sans en rien emporter.
Tel l'amant ô la plus auguste des maîtresses.
S'arrache, frissonnant, aux dernières caresses.
 
Albert Mérat - Les Villes de Marbre 1869
 
 
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MessageSujet: Re: Nouveaux poèmes (un peu de tout)   Nouveaux poèmes (un peu de tout) Icon_minitimeJeu 2 Nov - 13:18

A PROPOS DE VENISE - HENRI DE REGNIER

Nouveaux poèmes (un peu de tout) 82e70c73
Source illustration  deviantart.com  Auteur Sombreda
 
 
A propos de Venise - Henri de Régnier
 
Ainsi rassurez-vous. Je ne vous vanterai pas
le charme mystérieux de la Cité incomparable ;


je ne m'exalterai pas sur la beauté lumineuse
de la lagune,


sur la complexité dédalienne des canaux,

sur le pittoresque inextricable des « calli » ;

je vous ferai grâce des gondoles et
je ne les comparerai ni à des cygnes noirs,
à la façon des romantiques,
ni à des quartiers de lunes funèbres,
à la manière des décadents;


je ne vous ferai pas remarquer l'élégance tout
égyptienne de leur fer de proue dentelé qui fait
songer à l'épervier sacré qui s'éployait au front
de la reine Cléopâtre,

ni les rapports que l'on peut découvrir entre 
la batte d'Arlequin et la rame du barcarol.


De même, je vous épargnerai
la visite des musées et des églises et les
dissertations sur l'architecture des façades
dont s'enorgueillissent les principaux palais;
(...)


Venise est vivante d'un prestige qui
nous capte en son sortilège.


Il nous met aux épaules la baûta de satin noir
et au visage le masque de carton blanc.


Qui ne s'est imaginé participer à son Carnaval et y poursuivre des
aventures à la Casanova et à la Gozzi ?


Qui ne s'est vu, en pensée, pénétrant dans les salles du
Ridotto et poussant des sequins d'or sur la table
de pharaon? Venise se prête merveilleusement
à ce besoin de vies imaginaires qui est en nous.

 

Henri de Régnier (1864-1936) Contes pour chacun de nous 1926.
 

PORTIA (VENISE) - ALFRED DE MUSSET

Nouveaux poèmes (un peu de tout) Ab3cbafd
 Source Illustration[size=10]http://deviantart.com[/size]
 
 
 
Portia - Alfred de Musset —
 
Les premières clartés du jour avaient rougi
L'Orient, quand le comte Onorio Luigi
Rentra du bal masqué. - Fatigue ou nonchalance,
La comtesse à son bras s'appuyait en silence,
Et d'une main distraite écartait ses cheveux
Qui tombaient en désordre, et voilaient ses beaux yeux.

Elle s'alla jeter, en entrant dans la chambre,
Sur le bord de son lit. - On était en décembre,
Et déjà l'air glacé des longs soirs de janvier
Soulevait par instant la cendre du foyer.
Luigi n'approcha pas toutefois de la flamme
Qui l'éclairait de loin. - Il regardait sa femme;

Une idée incertaine et terrible semblait
Flotter dans son esprit, que le sommeil troublait.
Le comte commençait à vieillir. - Son visage
Paraissait cependant se ressentir de l'âge
Moins que des passions qui l'avaient agité.
C'était un Florentin; jeune, il avait été
Ce qu'on appelle à Rome un coureur d'aventure.

Débauché par ennui, mais triste par nature,

Voyant venir le temps, il s'était marié;
Si bien qu'ayant tout vu, n'ayant rien oublié, -
Pourquoi ne pas le dire? il était jaloux. - L'homme
Qui vit sans jalousie, en ce bas monde, est comme
Celui qui dort sans lampe; il peut sentir le bras
Qui vient pour le frapper, mais il ne le voit pas.
 
 
Alfred de Musset — Premières poésies


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MessageSujet: Re: Nouveaux poèmes (un peu de tout)   Nouveaux poèmes (un peu de tout) Icon_minitimeJeu 2 Nov - 14:27

LA VOIX DES CHOSES - JEAN JAURES


Nouveaux poèmes (un peu de tout) Ef293b7d
Source illustration [size=10]http://deviantart.com    Auteur Benheine  Titre Listen to the sunset[/size]
 
 
La voix des choses - Jean Jaurès
 
Même pour la conscience superficielle, le son contient évidemment quelque chose des existences qu’il traduit.
 
Le son pesant et large de la cloche met en nous un moment l’âme lente et lourde du métal ébranlé.
 
Et, au contraire, j’imagine qu’à entendre, sans en avoir jamais vu, un verre de cristal, nous nous figurerions je ne sais quoi de délicat et de pur.
 
Le bruit mélancolique, monotone et puissant d’une chute d’eau traduit bien à l’oreille cette sorte d’existence confuse du fleuve où aucune goutte ne peut vivre d’une vie particulière distincte, où tout est entraîné dans le même mouvement et dans la même plainte.
 
Jean Jaurès 1921

DERNIERE FABLE - DIDIER VENTURINI

Nouveaux poèmes (un peu de tout) 537cc763
Source Illustration [size=10]http://deviantart.com    Auteur   winneuze[/size]
 
 
Dernière fable
 
Une dernière fable
De Venise
Rêves de sable
Qui s’enlisent

Cité mystère
Palais des doges
Les sanctuaires
La grande loge

Les amulettes
Les talismans
Les cours secrètes
Leur goût d’orient

Éclats de lune
Sur les canaux
Que disent les runes
Baron Corvo

Pont des merveilles
Pour une émeraude
Que les lions veillent
Dans la nuit chaude

La clavicule
De Salomon
Lire les formules
Les allusions

Rencontres nocturnes
Une poétesse
Parmi les brumes
Beaucoup d’ivresse

La rue de l’amour
Des amis
Plus loin toujours
D’autres pays

Didier Venturini, 2009


IN MEMORIAM - LOUISE ACKERMANN

 IN MEMORIAM
 
J’aime à changer de cieux, de climat, de lumière.
Oiseau d’une saison, je fuis avec l’été,
Et mon vol inconstant va du rivage austère
Au rivage enchanté.
 
Mais qu’à jamais le vent bien loin du bord m’emporte
Où j’ai dans d’autres temps suivi des pas chéris,
Et qu’aujourd’hui déjà ma félicité morte
Jonche de ses débris !
 
Combien ce lieu m’a plu! non pas que j’eusse encore
Vu le ciel y briller sous un soleil pâli ;
L’amour qui dans mon âme enfin venait d’éclore
L’avait seul embelli.
 
Hélas ! avec l’amour ont disparu ses charmes ;
Et sous ces grands sapins, au bord des lacs brumeux,
Je verrais se lever comme un fantôme en larmes
L’ombre des jours heureux.
 
Oui, pour moi tout est plein sur cette froide plage
De la présence chère et du regard aimé,
Plein de la voix connue et de la douce image
Dont j’eus le cœur charmé.
 
Comment pourrais-je encor, désolée et pieuse.
Par les mêmes sentiers traîner ce cœur meurtri,
Seule où nous étions deux, triste où j’étais joyeuse,
Pleurante où j’ai souri ?
 
Louise Ackermann
Painswick. Glocestershire , août 1850.


POESIE D'ALFRED RUFFIN SUR LES CHATS

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Source illustration[size=10]http://deviantart.com    Auteur kyc-kyc[/size]
 
 
[size=16]POESIE D'ALFRED RUFFIN SUR LES CHATS[/size]

 
Alfred Ruffin. Poésies variées et Nouveaux chats. 1890.
 
 
LE CHAT AU BAISER

En me voyant venir quand tu fermes les yeux
Pour me laisser poser un baiser sur ta tête,
Minet, tu ne sais pas quel sentiment pieux
Tu me fais éprouver, bonne petite bête !

Moi qui pourrais si bien sur ton frêle minois,
Te soulevant au bout de mon bras de colosse,
Me venger du respect effrayé que je dois
A ton royal cousin, le grand tigre féroce,

D'un si lâche dessein loin de me soupçonner,
Pour atteindre du front mes lèvres que tu charmes
Tu te hausses vers moi, fier de t'abandonner
A mes mains qui jamais ne t'ont causé d'alarmes.
 
ALFRED RUFFIN
----------
 
GROUPE DE CHATS

Dans le grenier poudreux entrant comme un éclair,
J'aperçois, noblement assis dans l'un des angles,
Trois chats en regardant un quatrième, en l'air,
Qui les regarde aussi, du haut d'un lit de sangles.

Dans ma propre maison jamais, jusqu'à présent,
Je n'avais cru loger telle ménagerie,
Et leur groupe muet me paraît si plaisant
Qu'à leur barbe il s'en faut bien peu que je ne rie.

Mais à propos me vient cette réflexion
Que, tout seul contre quatre, ignorant leur langage
Pour expliquer mon rire et mon intrusion,
Si quelqu'un doit ici faire triste visage,

C'est moi, l'être à deux pieds, qui, d'un pas malheureux,
Suis venu m'égarer dans leur grave concile;
Et je m'enfuis bien vite, avant qu'ils n'aient entre eux
Le temps de demander : « Quel est cet imbécile? »
 
ALFRED RUFFIN
---------
 
PASSAGE DE CHAT

Je me croyais tout seul en mon appartement,
Sur mes vers enrayés penchant ma tête lasse;
Je ne sais quelle voix me dit subitement :
« Regarde à ton côté, voici le chat qui passe! »

C'est lui! c'est bien mon chat, marchant sans plus de bruit
Qu'un flocon se posant à terre sur la neige;
J'ignore près de moi quel dessein l'a conduit,
Mais j'éprouve déjà que mon ennui s'allège.

A cette heure, sans lui je ne soupçonnais pas
Combien ma solitude était douce et paisible :
Du plancher qu'il traverse on dirait que ses pas
Dégagent le Silence et le rendent visible.

Son corps ondule ainsi qu'une suite de flots,
Et sa queue après lui traîne et lui fait escorte;
Ma lampe a sous son front allumé deux falots,
Puis il a disparu dans l'ombre de la porte.

Mais l'unique regard de ce spectre aux yeux verts
A vaincu la torpeur où sommeillait ma verve,
Et je croirai demain, ayant fini mes vers,
Qu'en songe cette nuit j'ai vu passer Minerve.

ALFRED RUFFIN

---------


LES OEILLETS ROUGES - LOUISE MICHEL


Nouveaux poèmes (un peu de tout) 6e9ea761
ILLUSTRATION : Auteur Ambrosius BRUEGHEL
 
 
Les Œillets rouges
 
Si j’allais au noir cimetière,
Frère, jetez sur votre soeur,
Comme une espérance dernière,
De rouges œillets tout en fleurs.

Dans les derniers temps de l’Empire,
Lorsque le peuple s’éveillait,
Rouge œillet, ce fut ton sourire
Qui nous dit que tout renaissait.

Aujourd’hui, va fleurir dans l’ombre
Des noires et tristes prisons.
Va fleurir près du captif sombre,
Et dis-lui bien que nous l’aimons.

Dis-lui que par le temps rapide
Tout appartient à l’avenir
Que le vainqueur au front livide
Plus que le vaincu peut mourir.
 
Louise Michel

[size=24]CE DOUX HIVER QUI EGALE SES JOURS - TH. AGRIPPA D'AUBIGNE

[/size]
Ce doux hiver qui égale ses jours

 
Ce doux hiver qui égale ses jours
A un printemps, tant il est aimable,
Bien qu’il soit beau, ne m’est pas agréable,
J’en crains la queue, et le succès toujours.


J’ai bien appris que les chaudes amours,
Qui au premier vous servent une table
Pleine de sucre et de mets délectable,
Gardent au fruit leur amer et leurs tours.


Je vois déjà les arbres qui boutonnent
En mille noeuds, et ses beautés m’étonnent,
En une nuit ce printemps est glacé,


Ainsi l’amour qui trop serein s’avance,
Nous rit, nous ouvre une belle apparence,
Est né bien tôt bien tôt effacé.


 
Théodore Agrippa d’Aubigné
[size]
 


COMME UN REVE - JEAN JAURES

[/size]
Comme un rêve - Jean Jaurès

 

Bien souvent, dans la contemplation et la rêverie, nous jouissons de l’univers sans lui demander ses comptes ;
nous aspirons la vie enivrante de la terre avec une irréflexion absolue, et la nuit étoilée et grandiose n’est plus bientôt, pour notre âme qui s’élève, une nuit dans la chaîne des nuits.
 
Elle ne porte aucune date ; elle n’éveille aucun souvenir ; elle ne se rattache à aucune pensée ; on dirait qu’elle est, au-dessus même de la raison, la manifestation de l’éternel.
 
Nous ne nous demandons plus si elle est une réalité ou un rêve, car c’est une réalité si étrangère à notre action individuelle et à notre existence mesquine qu’elle est, pour nous, comme un rêve ; et c’est un songe si plein d’émotion délicieuse qu’il est l’équivalent de la réalité.
 
 
Poèmes -
Jean Jaurès -
publiés en 1921.
[size]


THEOPHILE GAUTIER - INFIDELITE

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Nouveaux poèmes (un peu de tout) Fa06787b

 
 
 
Théophile Gautier — Premières Poésies


Infidélité

 
Voici l’orme qui balance
Son ombre sur le sentier ;
Voici le jeune églantier,
Le bois où dort le silence,
Le banc de pierre où, le soir,
Nous aimions à nous asseoir.

 
Voici la voûte embaumée
D’ébéniers et de lilas,
Où, lorsque nous étions las,
Ensemble, ô ma bien-aimée !
Sous des guirlandes de fleurs,
Nous laissions fuir les chaleurs.

 
Voici le marais que ride
Le saut du poisson d’argent,
Dont la grenouille en nageant
Trouble le miroir humide ;
Comme autrefois, les roseaux
Baignent leurs pieds dans ses eaux.

 

Comme autrefois, la pervenche,
Sur le velours vert des prés
Par le printemps diaprés,
Aux baisers du soleil penche
À moitié rempli de miel
Son calice bleu de ciel.

 
Comme autrefois, l’hirondelle
Rase, en passant, les donjons,
Et le cygne dans les joncs
Se joue et lustre son aile ;
L’air est pur, le gazon doux…
Rien n’a donc changé que vous.

 
 
THEOPHILE GAUTIER
[size]


LA REVOLTE DES FLEURS - SULLY PRUDHOMME


[/size]
La Révolte des Fleurs - Sully Prudhomme

 

La Rose dit un jour en pleurant : « Je m'ennuie !
Mon beau temps est fini. L'homme a fait l'air impur,
L'haleine des cités me dérobe l'azur
Et le zéphyr m'apporte une âcre odeur de suie.

 
« Plus de claires villas dans l'air libre, en pleins champs
Partout des murs, partout de la pierre et de l'ombre,
Partout un pavé dur qu'à flots pressés encombre,
Tumultueux et triste, un peuple de marchands.

 
« Ah ! qu'ils sont loin les jours où l'aspect d'une acanthe
Inspirait leur parure aux frustes chapiteaux,
Où les fins ouvriers des plus rares métaux
M'empruntaient les contours d'une coupe élégante !

 
« J'aidais l'amant à vaincre ; il achète à vingt ans
Le plaisir sans pudeur d'un baiser sans prière.
Et l'amante confie aux doigts d'une ouvrière,
Pour fleurir ses cheveux, le travail du printemps.

 
« Je ne suis plus au bal qu'un luxe de commande,
Je ne couronne plus les fronts dans les banquets ;
Même aux fêtes des morts, combien peu de bouquets
Sont cueillis par les mains qui leur en font l'offrande !

 
« Chez des êtres blasés, brutaux ou dissolus,
Je règne sans grandeur comme une courtisane.
L'art grossier me trahit, l'amour vil me profane,
On me cultive encore, on ne m'honore plus ! »

 
Sully Prudhomme - 1872



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MessageSujet: Re: Nouveaux poèmes (un peu de tout)   Nouveaux poèmes (un peu de tout) Icon_minitimeVen 3 Nov - 12:05

LA VIE IDEALE - CHARLES CROS


Charles Cros — Le Coffret de santal

La Vie idéale
 
À May.
 
Une salle avec du feu, des bougies,
Des soupers toujours servis, des guitares,
Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs rares,
Où l’on causerait pourtant sans orgies.
 
Au printemps lilas, roses et muguets,
En été jasmins, œillets et tilleuls
Rempliraient la nuit du grand parc où, seuls
Parfois, les rêveurs fuiraient les bruits gais.
 
Les hommes seraient tous de bonne race,
Dompteurs familiers des Muses hautaines,
Et les femmes, sans cancans et sans haines,
Illumineraient les soirs de leur grâce.
 
Et l’on songerait, parmi ces parfums
De bras, d’éventails, de fleurs, de peignoirs,
De fins cheveux blonds, de lourds cheveux noirs,
Aux pays lointains, aux siècles défunts.
 

CHARLES CROS


Les Récits et les Élégies - Février


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Les Récits et les Élégies - Février

 
Hélas ! dis-tu, la froide neige
Recouvre le sol et les eaux ;
Si le bon Dieu ne les protège,
Le printemps n’aura plus d’oiseaux !
 
Rassure-toi, tendre peureuse ;
Les doux chanteurs n’ont point péri.
Sous plus d’une racine creuse
Ils ont un chaud et sûr abri.
 
Là, se serrant l’un contre l’autre
Et blottis dans l’asile obscur,
Pleins d’un espoir pareil au nôtre,
Ils attendent l’Avril futur ;
 
Et, malgré la bise qui passe
Et leur jette en vain ses frissons,
Ils répètent à voix très basse
Leurs plus amoureuses chansons.
 
Ainsi, ma mignonne adorée,
Mon cœur où rien ne remuait,
Avant de t’avoir rencontrée,
Comme un sépulcre était muet ;
 
Mais quand ton cher regard y tombe,
Aussi pur qu’un premier beau jour,
Tu fais jaillir de cette tombe
Tout un essaim de chants d’amour.
 

François Coppée


A AURORE - GEORGES SAND


À Aurore
 

La nature est tout ce qu’on voit,
Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on aime.
Tout ce qu’on sait, tout ce qu’on croit,
Tout ce que l’on sent en soi-même.
 
Elle est belle pour qui la voit,
Elle est bonne à celui qui l’aime,
Elle est juste quand on y croit
Et qu’on la respecte en soi-même.
 
Regarde le ciel, il te voit,
Embrasse la terre, elle t’aime.
La vérité c’est ce qu’on croit
En la nature c’est toi-même.
 
 
George Sand


SYMPHONIE DU TORRENT - VICTOR DE LAPRADE


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Le Sonnet - William Mulready - 1839
 
 [size=18]Symphonie du Torrent - Victor de Laprade[/size]
 
[size=18]O naturel en ton sein où l’ennui me ramène,[/size]
Je sens une âme triste ainsi que l’âme humaine ;
Tu gémis : c’est pourquoi je t’apporte mon cœur.
Toi, du moins, tu n’as pas de sourire moqueur,
Jamais ton doux regard ne lance l’ironie,
Et ton front porte haut sa tristesse infinie.
L’homme croit se guérir s’il peut cacher son mal ;
La froide raillerie est son masque banal.
Mais toi, dans la douleur, tu restes calme et vraie ;
Tu n’as pas dans les yeux ce rire qui m’effraie ;
Je viens mêler mes pleurs à tes pleurs sans orgueil.
Car je me reconnais dans ta figure en deuil.
Oui, nous avons tous deux notre peine secrète,
La mienne en tes soupirs trouve son interprète ;
Ta voix semble un écho de mon gémissement.
La nature et mon cœur, tout parle tristement.
 
Victor de Laprade — Les Symphonies


IL FAIT FROID - VICTOR HUGO


IL FAIT FROID - VICTOR HUGO
 
L’hiver blanchit le dur chemin
Tes jours aux méchants sont en proie.
La bise mord ta douce main ;
La haine souffle sur ta joie.
 
La neige emplit le noir sillon.
La lumière est diminuée…
Ferme ta porte à l’aquilon !
Ferme ta vitre à la nuée !
 
Et puis laisse ton coeur ouvert !
Le coeur, c’est la sainte fenêtre.
Le soleil de brume est couvert ;
Mais Dieu va rayonner peut-être !
 
Doute du bonheur, fruit mortel ;
Doute de l’homme plein d’envie ;
Doute du prêtre et de l’autel ;
Mais crois à l’amour, ô ma vie !
 
Crois à l’amour, toujours entier,
Toujours brillant sous tous les voiles !
A l’amour, tison du foyer !
A l’amour, rayon des étoiles !
 
Aime, et ne désespère pas.
Dans ton âme, où parfois je passe,
Où mes vers chuchotent tout bas,
Laisse chaque chose à sa place.
 
La fidélité sans ennui,
La paix des vertus élevées,
Et l’indulgence pour autrui,
Eponge des fautes lavées.
 
Dans ta pensée où tout est beau,
Que rien ne tombe ou ne recule.
Fais de ton amour ton flambeau.
On s’éclaire de ce qui brûle.
 
A ces démons d’inimitié
Oppose ta douceur sereine,
Et reverse leur en pitié
Tout ce qu’ils t’ont vomi de haine.
 
La haine, c’est l’hiver du coeur.
Plains-les ! mais garde ton courage.
Garde ton sourire vainqueur ;
Bel arc-en-ciel, sors de l’orage !
 
Garde ton amour éternel.
L’hiver, l’astre éteint-il sa flamme ?
Dieu ne retire rien du ciel ;
Ne retire rien de ton âme !
 
Victor Hugo


DANS L'INTERMINABLE ... PAUL VERLAINE


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Dans l’interminable … - PAUL VERLAINE

Dans l’interminable
Ennui de la plaine,
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune,
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme des nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?

Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Paul Verlaine, Romances sans paroles (1874)


NOEL - THEOPHILE GAUTIER

Nouveaux poèmes (un peu de tout) 4236ac83
 
 
Noël - Théophile GAUTIER 
 
Le ciel est noir, la terre est blanche ;
- Cloches, carillonnez gaîment ! -
Jésus est né ; - la Vierge penche
Sur lui son visage charmant.

Pas de courtines festonnées
Pour préserver l'enfant du froid ;
Rien que les toiles d'araignées
Qui pendent des poutres du toit.

Il tremble sur la paille fraîche,
Ce cher petit enfant Jésus,
Et pour l'échauffer dans sa crèche
L'âne et le boeuf soufflent dessus.

La neige au chaume coud ses franges,
Mais sur le toit s'ouvre le ciel
Et, tout en blanc, le choeur des anges
Chante aux bergers : " Noël ! Noël ! "
 
Théophile GAUTIER   (1811-1872) 


CHARLES BAUDELAIRE - BRUMES ET PLUIES

Nouveaux poèmes (un peu de tout) 94379597

Charles BAUDELAIRE - Brumes et pluies
 

Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.
 

Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.
 

Rien n'est plus doux au coeur plein de choses funèbres,
Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,
Ô blafardes saisons, reines de nos climats,
 

Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,
- Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.
 
Charles BAUDELAIRE (1821-1867) (Recueil : Les fleurs du mal)


MATIN D'OCTOBRE - FRANCOIS COPPE

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Matin d’octobre
 
C’est l’heure exquise et matinale
Que rougit un soleil soudain.
A travers la brume automnale
Tombent les feuilles du jardin.
 
Leur chute est lente. On peut les suivre
Du regard en reconnaissant
Le chêne à sa feuille de cuivre,
L’érable à sa feuille de sang.
 
Les dernières, les plus rouillées,
Tombent des branches dépouillées ;
Mais ce n’est pas l’hiver encore.
 
Une blonde lumière arrose
La nature, et, dans l’air tout rose,
On croirait qu’il neige de l’or.
 
 
François COPPÉE (1842-1908) Le Cahier rouge


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