NOUS VERRONS - CHATEAUBRIAND
Nous verrons - CHATEAUBRIAND
Le passé n'est rien dans la vie,
Et le présent est moins encor :
C'est à l'avenir qu'on se fie
Pour nous donner joie et trésor.
Tout mortel dans ses vœux devance
Cet avenir où nous courons ;
Le bonheur est en espérance,
On vit, en disant : Nous verrons.
Mais cet avenir plein de charmes,
Qu'est-il lorsqu'il est arrivé ?
C'est le présent qui de nos larmes
Matin et soir est abreuvé !
Aussitôt que s'ouvre la scène
Qu'avec ardeur nous désirons,
On bâille, on la regarde à peine ;
On voit, en disant : Nous verrons.
Ce vieillard penche vers la terre ;
Il touche à ses derniers instants :
Y pense-t-il ? Non ; il espère
Vivre encor soixante et dix ans.
Un docteur, fort d'expérience,
Veut lui prouver que nous mourons :
Le vieillard rit de la sentence,
Et meurt en disant : Nous verrons.
...
Nous verrons est un mot magique
Qui sert dans tous les cas fâcheux :
Nous verrons, dit le politique ;
Nous verrons, dit le malheureux.
Les grands hommes de nos gazettes,
Les rois du jour, les fanfarons,
Les faux amis et les coquettes,
Tout cela vous dit : Nous verrons.
Chateaubriand — Poésies diverses
Paris, 1810.
LE PAPILLON ET LES TOURTERELLES - J.B. WILLART DE GRECOURT
Source illustration [size=13]http://deviantart.com Auteur Hocusfocus 55[/size]
Le papillon et les tourterelles
Jean-Baptiste Willart de GRECOURT
Un papillon, sur son retour,
Racontait à deux tourterelles,
Combien dans l'âge de l'amour
Il avait caressé de belles :
"Aussitôt aimé qu'amoureux,
Disait-il, ô l'aimable chose !
Lorsque, brûlant de nouveaux feux,
Je voltigeais de rose en rose !
Maintenant on me suit partout,
Et partout aussi je m'ennuie ;
Ne verrai-je jamais le bout
D'une si languissante vie ?"
Les tourterelles sans regret
Répondirent : "Dans la vieillesse
Nous avons trouvé le secret
De conserver notre tendresse ;
À vivre ensemble nuit et jour
Nous goûtons un plaisir extrême :
L'amitié qui vient de l'amour
Vaut encor mieux que l'amour même."
Jean-Baptiste Willart de GRECOURT (1683-1743)
ANNA DE NOAILLES - POEME DE L'AMOUR XVI
ANNA DE NOAILLES - POEME DE L'AMOUR XVI
Les mots que tu me dis ne comptent pas beaucoup,
Mais si j’ai confiance en toi,
C’est pour ce mouvement du visage et du cou
D’une tourterelle qui boit.
Tes projets quelquefois sont obscurs et divers,
Pourtant jamais tu ne te nuis ;
Ton souffle dans l’espace attiédirait l’hiver,
Ton rire est le croissant des nuits.
Je ne puis m’abuser alors que tu me plais :
Que peux-tu prendre ou bien donner,
Puisque l’étonnement dont mon cœur se repaît
Est de songer que tu es né ?…
Anna de Noailles
L'AMOUR MARCELINE DESBORDES-VALMORE
L'amour - Marceline Desbordes - Valmore
Vous demandez si l'amour rend heureuse ;
Il le promet, croyez-le, fût-ce un jour.
Ah ! pour un jour d'existence amoureuse,
Qui ne mourrait ? la vie est dans l'amour.
Quand je vivais tendre et craintive amante,
Avec ses feux je peignais ses douleurs :
Sur son portrait j'ai versé tant de pleurs,
Que cette image en paraît moins charmante.
Si le sourire, éclair inattendu,
Brille parfois au milieu de mes larmes,
C'était l'amour ; c'était lui, mais sans armes ;
C'était le ciel... qu'avec lui j'ai perdu.
Sans lui, le coeur est un foyer sans flamme ;
Il brûle tout, ce doux empoisonneur.
J'ai dit bien vrai comme il déchire une âme :
Demandez-donc s'il donne le bonheur !
Vous le saurez : oui, quoi qu'il en puisse être,
De gré, de force, amour sera le maître ;
Et, dans sa fièvre alors lente à guérir,
vous souffrirez, ou vous ferez souffrir.
Dès qu'on l'a vu, son absence est affreuse ;
Dès qu'il revient, on tremble nuit et jour ;
Souvent enfin la mort est dans l'amour ;
Et cependant... oui, l'amour rend heureuse !
Marceline Desbordes-Valmore
(1786-1859)
LE MEILLEUR DE TOI-MEME - MERE TERESA
Le meilleur de toi-même - Mère Teresa
Les gens sont souvent déraisonnables, illogiques et centrés sur eux-mêmes.
Pardonne-les quand même..
Si tu es gentil, les gens peuvent t'accuser d'être égoïste et d'avoir des arrières pensées.
Sois gentil quand même… Si tu réussis, tu trouveras des faux amis et des vrais ennemis.
Réussis quand même… Si tu es honnête et franc, il se peut que les gens abusent de toi.
Sois honnête et franc quand même…
Ce que tu as mis des années à construire, quelqu'un pourrait le détruire en une nuit.
Construis quand même…
Si tu trouves la sérénité et la joie, ils pourraient être jaloux.
Sois heureux quand même…
Le bien que tu fais aujourd'hui, les gens l'auront souvent oublié demain.
Fais le bien quand même…
Donne au monde le meilleur que tu as, et il se pourrait que cela ne soit jamais assez.
Donne au monde le meilleur que tu as quand même…
Tu vois, en faisant une analyse finale, c'est une histoire entre toi et Dieu,
cela n'a jamais été entre eux et toi.
Mère Teresa - Voix de la sagesse
TRISTESSE - ALFRED DE MUSSET
TRISTESSE - ALFRED DE MUSSET
J’ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis, et ma gaieté ;
J’ai perdu jusqu’à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Quand j’ai connu la Vérité,
J’ai cru que c’était une amie ;
Quand je l’ai comprise et sentie,
J’en étais déjà dégoûté.
Et pourtant elle est éternelle.
Et ceux qui se sont passés d’elle
Ici-bas ont tout ignoré.
Dieu parle, il faut qu’on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d’avoir quelquefois pleuré.
Alfred de Musset.
Poésies nouvelles - 1857
L’ATLANTIDE - STANISLAS DE GUAITA
A Émile Michelet.
Loin de la multitude où fleurit le mensonge
Puisque l’âme s’épure et s’exalte en rêvant,
Au gré du souvenir vogue, ô mon Âme, et songe :
Songe à la cendre humaine éparse dans le vent ;
Songe aux crânes heurtés par le soc des charrues ;
Aux débris du passé dans l’inconnu flottant :
Car des mondes sont morts, des cités disparues,
Où la vie eut son heure et l’amour son instant !
Aux siècles primitifs, une île, immense et belle,
Nourrice jeune encor d’un peuple de géants,
Livrait à ses fils nus sa féconde mamelle,
Et sa hanche robuste au choc des océans.
Cette terre avait nom l’Atlantide. — Des villes
Y florissaient alors, superbes, par milliers,
Avec leurs parthénons et leurs jardins fertiles,
Et leurs palais de marbre aux antiques piliers.
Aqueducs ! Monuments massifs, aux colonnades
De jaspe, défendus par de grands léopards!
Coupoles de granit ! Innombrables arcades
Brodant de leur dentelle épaisse les remparts ! —
L’on eût dit des forêts de pierre. — Les bois vierges
Reflétaient leur verdure aux lacs bleus sans roseaux,
Et l’âme des jasmins et des lys, sur les berges,
Se mariait, légère, à des chansons d’oiseaux !
Un cantique montait d’espérance et de joie
Vers Jupiter très bon, très auguste et très grand :
L’homme tendait les mains à l’azur qui flamboie,
Et le fleuve apaisé priait — en murmurant !...
Mais ce monde, marqué du sceau de la colère,
Devait s’anéantir, sans que rien en restât
Que des îlots perdus sur l’onde tumulaire,
— Seuls vestiges épars où notre œil s’arrêtât !
On entendit rugir les forges souterraines,
Tout le sol s’effondra, secoué brusquement...
Et la mer fit rouler ses vagues souveraines
Sur la plaintive horreur de cet écroulement !
Cependant, par delà ces monstrueux décombres
Que, sous mille pieds d’eau, tu vois se dessiner,
O mon Âme, entends-tu ?... Du fond des lointains sombres,
De prophétiques Voix semblent vaticiner :
— « Ainsi les continents, les villes séculaires,
« Les grands monts hérissés de sapins et d’orgueil,
« L’homme et ses passions, le monde et ses colères,
« — Cadavres disloqués et mûrs pour le cercueil,
« Gigantesques amas sans nom, épaves mornes —
« S’engloutiront un jour, (tout étant accompli,)
« Sous les flots ténébreux d’une autre mer sans bornes
« Et plus profonde encor — qui s’appelle l’OUBLI !
« Alors, exécutant la suprême sentence,
« L’ombre, comme un déluge, envahira les cieux ;
« Et tout bruit s’éteindra, comme toute existence,
« Dans le néant obscur, vaste et silencieux. » —
Juin 1884. - ROSA MYSTICA
NUIT DE PRINTEMPS - CHATEAUBRIAND
Chateaubriand — Tableaux de la nature
Nuit de printemps
Le ciel est pur, la lune est sans nuage :
Déjà la nuit au calice des fleurs
Verse la perle et l'ambre de ses pleurs ;
Aucun zéphyr n'agite le feuillage.
Sous un berceau, tranquillement assis,
Où le lilas flotte et pend sur ma tête,
Je sens couler mes pensers rafraîchis
Dans les parfums que la nature apprête.
Des bois dont l'ombre, en ces prés blanchissants,
Avec lenteur se dessine et repose,
Deux rossignols, jaloux de leurs accents,
Vont tour à tour réveiller le printemps
Qui sommeillait sous ces touffes de rose.
Mélodieux, solitaire Ségrais,
Jusqu'à mon cœur vous portez votre paix !
Des prés aussi traversant le silence,
J'entends au loin, vers ce riant séjour,
La voix du chien qui gronde et veille autour
De l'humble toit qu'habite l'innocence.
Mais quoi ! déjà, belle nuit, je te perds !
Parmi les cieux à l'aurore entrouverts,
Phébé n'a plus que des clartés mourantes,
Et le zéphyr, en rasant le verger,
De l'orient, avec un bruit léger,
Se vient poser sur ces tiges tremblantes.
CHATEAUBRIAND
A VENISE - ALBERT MERAT
ILLUSTRATION OFFERTE PAR COROLLE
(CF. SUR CE BLOG SES POEMES DANS LA RUBRIQUE POETES)
[size=18] A Venise - Albert Mérat[/size]
[size=18]Venise! ô souvenir ! ô cité blanche et rose !
Merveilleux alcyon, fleur de la mer éclose
Entre l'azur uni des ondes et le ciel,
Cité-femme au doux nom, ô mon charme éternel,
Venise, ainsi que toi, les Vénus étaient blondes.[/size]
[size=18]Tes pieds exquis trempés aux vagues peu profondes,
Telle qu'une princesse en habits d'Orient,
Tu te penches, et l'eau reflète, en souriant
Le rythme de ton corps et tes parures vaines.[/size]
Des canaux délicats et minces sont tes veines;
Ainsi qu'aux êtres fins le silence t'est cher.
Les marbres éclatants et roses sont ta chair,
Si pure qu'on dirait que les brises sonores
Y font courir le sang des vivantes aurores.
Tes yeux sont le rayon divin du ciel léger,
Et ton sourire fait le jour, sans y songer.
Ainsi mon rêve épris n'a pas pu se défendre
De t'aimer d'un amour mélancolique et tendre,
Comme on aime une femme, et comme on tend les bras
Aux belles visions qui ne s'envolent pas.
J'ai connu ton regard et j'ai connu ta bouche.
Je sais ce que le ciel, quand le soleil se couche,
Met à ton front serein de grâce et de splendeur.
Un souffle du Lido m'apporta cette fleur,
Errante sur les Mots brodés d'écumes blanches.
Les cigales au loin résonnaient dans les branches.
Lorsqu'il fallut, hélas ! partir et te quitter,
Je te laissai mon coeur sans en rien emporter.
Tel l'amant ô la plus auguste des maîtresses.
S'arrache, frissonnant, aux dernières caresses.
Albert Mérat - Les Villes de Marbre 1869
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