marileine moderateur
Messages : 27475 Date d'inscription : 08/03/2012 Localisation : belgique
| Sujet: Poèmes de différents auteurs Lun 6 Oct - 15:23 | |
| L'Offrande à la nature Nature au coeur profond sur qui les cieux reposent, Nul n'aura comme moi si chaudement aimé La lumière des jours et la douceur des choses, L'eau luisante et la terre où la vie a germé.
La forêt, les étangs et les plaines fécondes Ont plus touché mes yeux que les regards humains, Je me suis appuyée à la beauté du monde Et j'ai tenu l'odeur des saisons dans mes mains.
J'ai porté vos soleils ainsi qu'une couronne Sur mon front plein d'orgueil et de simplicité. Mes jeux ont égalé les travaux de l'automne Et j'ai pleuré d'amour aux bras de vos étés.
Je suis venue à vous sans peur et sans prudence, Vous donnant ma raison pour le bien et le mal, Ayant pour toute joie et toute connaissance Votre âme impétueuse aux ruses d'animal.
Comme une fleur ouverte où logent des abeilles Ma vie a répandu des parfums et des chants, Et mon coeur matineux est comme une corbeille Qui vous offre du lierre et des rameaux penchants.
Soumise ainsi que l'onde où l'arbre se reflète J'ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs Et qui font naître au coeur des hommes et des bêtes La belle impatience et le divin vouloir.
Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature, Ah ! faut-il que mes yeux s'emplissent d'ombre un jour Et que j'aille au pays sans vent et sans verdure Que ne visitent pas la lumière et l'amour. Anna de Noailles. [size=18][/size] ------------------------------------------------------------------------------------------------ L'étang Que c’est une chose charmante De voir cet étang gracieux Où, comme en un lit précieux, L’onde est toujours calme et dormante ! Mes yeux, contemplons de plus près Les inimitables portraits De ce miroir humide ; Voyons bien les charmes puissants Dont sa glace liquide Enchante et trompe tous les sens. Déjà je vois sous ce rivage La terre jointe avec les cieux, Faire un chaos délicieux Et de l’onde et de leur image. Je vois le grand astre du jour Rouler, dans ce flottant séjour, Le char de la lumière ; Et, sans offenser de ses feux La fraîcheur coutumière, Dorer son cristal lumineux. Je vois les tilleuls et les chênes, Ces géants de cent bras armés, Ainsi que d’eux-mêmes charmés, Y mirer leurs têtes hautaines ; Je vois aussi leurs grands rameaux Si bien tracer dedans les eaux Leur mobile peinture, Qu’on ne sait si l’onde, en tremblant, Fait trembler leur verdure, Ou plutôt l’air même et le vent. Là, l’hirondelle voltigeante, Rasant les flots clairs et polis, Y vient, avec cent petits cris, Baiser son image naissante. Là, mille autres petits oiseaux Peignent encore dans les eaux Leur éclatant plumage : L’œil ne peut juger au dehors Qui vole ou bien qui nage De leurs ombres et de leurs corps. Quelles richesses admirables N’ont point ces nageurs marquetés, Ces poissons aux dos argentés, Sur leurs écailles agréables ! Ici je les vois s’assembler, Se mêler et se démêler Dans leur couche profonde ; Là, je les vois Dieu ! quels attraits ! Se promenant dans l’onde, Se promener dans les forêts. Je les vois, en troupes légères, S’élancer de leur lit natal ; Puis tombant, peindre en ce cristal Mille couronnes passagères. L’on dirait que, comme envieux De voir nager dedans ces lieux Tant de bandes volantes, Perçant les remparts entrouverts De leurs prisons brillantes, Ils veulent s’enfuir dans les airs. Enfin, ce beau tapis liquide Semble enfermer entre ses bords Tout ce que vomit de trésors L’Océan sur un sable aride : Ici l’or et l’azur des cieux Font de leur éclat précieux, Comme un riche mélange ; Là l’émeraude des rameaux, D’une agréable frange, Entoure le cristal des eaux. Mais quelle soudaine tourmente, Comme de beaux songes trompeurs, Dissipant toutes les couleurs, Vient réveiller l’onde dormante ? Déjà ses flots entrepoussés Roulent cent monceaux empressés De perles ondoyantes, Et n’étalent pas moins d’attraits Sur leurs vagues bruyantes Que dans leurs tranquilles portraits. Jean Racine. [size=18][/size] ------------------------------------------------------------------------------------------------ Jardin du mois de mai.
Chérie, comme il fait doux. Le vent s'est endormi. Déjà, la brume vient danser après la pluie. Une hirondelle bleue écrit des mots d'amour dans le ciel Et je pense aux beaux jours. Jardin du mois de mai, où êtes-vous ce soir? Jardin fleuri, nos coeurs se sont aimés Par une nuit de tendre espoir. Jardin du souvenir, mon premier rendez-vous Désir charmant et soudain désir fou. Tout tourne autour de nous. Depuis, j'ai voyagé là-haut souvent dans de beaux nuages, Changeant d'amour comme l'oiseau change de paysage... Mais rien n'a pu changer au jardin de mon coeur. Mon seul amour y dort vivant et nu comme une belle fleur... Je vous écris de loin, d'un pays merveilleux Où les choses vous parlent quand on ferme les yeux. La chambre que j'habite est chambre de voleur Car j'abrite la vie, le temps, les heures... Jardin du mois de mai, vous êtes là ce soir, Jardin fleuri où nos coeurs vont s'aimer Dans l'ombre ardente du ciel noir. Tes bras qui vont s'ouvrir, je les caresse encor. Comme autrefois ta bouche est près de moi. Je sens vibrer ton corps. Depuis j'ai voyagé là-haut souvent dans de beaux nuages, Changeant d'amour comme l'oiseau change de paysage... Mais rien n'a pu changer au jardin de mon coeur. Mon seul amour y dort vivant et nu comme une belle fleur Charles Trenet.
------------------------------------------------------------------------------------------------ [size=16]La Source[/size] [size=16]L'autel gît sous la ronce et l'herbe enseveli ; Et la source sans nom qui goutte à goutte tombe D'un son plaintif emplit la solitaire combe. C'est la Nymphe qui pleure un éternel oubli.
L'inutile miroir que ne ride aucun pli A peine est effleuré par un vol de colombe Et la lune, parfois, qui du ciel noir surplombe, Seule, y reflète encore un visage pâli.
De loin en loin, un pâtre errant s'y désaltère. Il boit, et sur la dalle antique du chemin Verse un peu d'eau resté dans le creux de sa main.
Il a fait, malgré lui, le geste héréditaire, Et ses yeux n'ont pas vu sur le cippe romain Le vase libatoire auprès de la patère.[/size] [size=16]José-Maria de Hérédia.[/size] [size=16] -----------------------------------------------------------------------------------------------------------[/size] Comme le champ semé en verdure foisonne Comme le champ semé en verdure foisonne, De verdure se hausse en tuyau verdissant, Du tuyau se hérisse en épi florissant, D'épi jaunit en grain, que le chaud assaisonne :
Et comme en la saison le rustique moissonne Les ondoyants cheveux du sillon blondissant, Les met d'ordre en javelle, et du blé jaunissant Sur le champ dépouillé mille gerbes façonne :
Ainsi de peu à peu crût l'empire romain, Tant qu'il fut dépouillé par la barbare main, Qui ne laissa de lui que ces marques antiques
Que chacun va pillant : connue on voit le glaneur Cheminant pas à pas recueillir les reliques De ce qui va tombant après le moissonneur.
Joachim du Bellay. [size=18][/size] ------------------------------------------------------------------------------------------------ Aux arbres Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme! Au gré des envieux, la foule loue et blâme ; Vous me connaissez, vous! - vous m’avez vu souvent, Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant. Vous le savez, la pierre où court un scarabée, Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée, Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour. La contemplation m’emplit le coeur d’amour. Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure, Avec ces mots que dit l’esprit à la nature, Questionner tout bas vos rameaux palpitants, Et du même regard poursuivre en même temps, Pensif, le front baissé, l’oeil dans l’herbe profonde, L’étude d’un atome et l’étude du monde. Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu, Arbres, vous m’avez vu fuir l’homme et chercher Dieu! Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches, Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches, Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux, Vous savez que je suis calme et pur comme vous. Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s’élance, Et je suis plein d’oubli comme vous de silence! La haine sur mon nom répand en vain son fiel ; Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel! - J’ai chassé loin de moi toute pensée amère, Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère! Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours, Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds, Ravins où l’on entend filtrer les sources vives, Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives! Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois, Dans tout ce qui m’entoure et me cache à la fois, Dans votre solitude où je rentre en moi-même, Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute et qui m’aime! Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît, Arbres religieux, chênes, mousses, forêt, Forêt! c’est dans votre ombre et dans votre mystère, C’est sous votre branchage auguste et solitaire, Que je veux abriter mon sépulcre ignoré, Et que je veux dormir quand je m’endormirai. Victor Hugo. [size=18]----------------------------------------------------------------------------Le jardin mouillé A petit bruit et peu à peu,Sur le jardin frais et dormant,Feuille à feuille, la pluie éveilleL’arbre poudreux qu’elle verdit ,Au mur on dirait que la treilleS’étire d’un geste engourdi. L’herbe frémit, le gravier tièdeCrépite et l’on croirait, là-bas,Entendre sur le sable et l’herbeComme d’imperceptibles pas. Le jardin chuchote et tressaille,Furtif et confidentiel ,L’averse semble maille à mailleTisser la terre avec le ciel. Henri de Regnier. Ninnenne
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