LE CHATEAU DE CARTES
[size=16]Le château de cartes[/size]
[size=16]Un bon mari, sa femme, et deux jolis enfants,[/size]
[size=16]Coulaient en paix leurs jours dans le simple ermitage[/size]
[size=16]Où, paisibles comme eux, vécurent leurs parents.[/size]
[size=16]Ces époux, partageant les doux soins du ménage,[/size]
[size=16]Cultivaient leur jardin, recueillaient leurs moissons,[/size]
[size=16]Et le soir, dans l'été soupant sous le feuillage,[/size]
[size=16]Dans l'hiver devant leurs tisons,[/size]
[size=16]Ils prêchaient à leurs fils la vertu, la sagesse,[/size]
[size=16]Leur parlaient du bonheur qu'ils procurent toujours :[/size]
[size=16]Le père par un conte égayait ses discours,[/size]
[size=16]La mère par une caresse.[/size]
[size=16]L'aîné de ces enfants, né grave, studieux,[/size]
[size=16]Lisait et méditait sans cesse ;[/size]
[size=16]Le cadet, vif, léger, mais plein de gentillesse,[/size]
[size=16]Sautait, riait toujours, ne se plaisait qu'aux jeux.[/size]
[size=16]Un soir, selon l'usage, à côté de leur père,[/size]
[size=16]Assis près d'une table où s'appuyait la mère,[/size]
[size=16]L'aîné lisait Rollin ; le cadet, peu soigneux[/size]
[size=16]D'apprendre les hauts faits des romains ou des parthes,[/size]
[size=16]Employait tout son art, toutes ses facultés,[/size]
[size=16]à joindre, à soutenir par les quatre côtés[/size]
[size=16]Un fragile château de cartes.[/size]
[size=16]Il n'en respirait pas d'attention, de peur.[/size]
[size=16]Tout-à-coup voici le lecteur[/size]
[size=16]Qui s'interrompt : papa, dit-il, daigne m'instruire[/size]
[size=16]Pourquoi certains guerriers sont nommés conquérants,[/size]
[size=16]Et d'autres fondateurs d'empire :[/size]
[size=16]Ces deux noms sont-ils différents ?[/size]
[size=16]Le père méditait une réponse sage,[/size]
[size=16]Lorsque son fils cadet, transporté de plaisir,[/size]
[size=16]Après tant de travail, d'avoir pu parvenir[/size]
[size=16]à placer son second étage,[/size]
[size=16]S'écrie : il est fini ! Son frère murmurant[/size]
[size=16]Se fâche, et d'un seul coup détruit son long ouvrage ;[/size]
[size=16]Et voilà le cadet pleurant.[/size]
[size=16]Mon fils, répond alors le père,[/size]
[size=16]Le fondateur, c'est votre frère,[/size]
[size=16]Et vous êtes le conquérant.[/size]
[size=16]Jean-Pierre Claris de Florian[/size]
[size=16]fabuliste 1755-1794[/size]
Ninnenne