L'HOMME TOUFFU
L'homme touffu
Un père de famille, à sa mort, laissa deux orphelins : un fils, Daouda, et une fille, Aïssata. Cette dernière était si jolie que son frère craignit que le roi ne la lui enlevât de force. Aussi construisit-il, dans son champ même, une case où il la logea pour la soustraire à sa vue. Il cessa lui-même d'habiter le village, et vécut près d'Aïssata pour la protéger, si besoin était.
Un jour que Douada chassait l'éléphant, un bouvier se présenta à la porte de la case et demanda à boire. L'orpheline lui apporta de l'eau. Après avoir bu, le bouvier dit à la jeune fille : « Tu es vraiment jolie ! Si tu y consens, je te prendrai comme femme et je te donnerai cent taureaux en dot.
— Éloigne-toi bien vite, répondit Aïssata, mon frère ne saurait tarder. S'il te rencontrait ici, tu serais un homme mort. »
Le bouvier prit au sérieux l'avertissement et s'enfuit sans même s'occuper de son troupeau qui paissait près du champ de mil des orphelins. Une fois rentré au village, il courut trouver le roi et lui dit : « Seigneur, je sais où vit une jeune fille d'une beauté sans égale et je puis te l'amener, à condition que tu me donnes des hommes pour l'enlever, car elle est gardée par son frère, qui est d'une extrême cruauté. »
Le roi fit escorter le bouvier par trente cavaliers, qu'il guida vers la case de Daouda. Quand la petite troupe fut à peu de distance, le bouvier se rappela la menace de vengeance que lui avait faite Aïssata. La peur le reprit. Il s'arrêta net et s'adressa à son escorte : « Encerclez cette case. C'est là que se trouve la jolie fille que nous devons ramener au roi. Quant à moi, je m'en vais à la recherche de mon troupeau, qui s'est égaré ce matin. »
Les cavaliers chevauchèrent vers la case. Aïssata, qui les voyait venir de loin, appela son frère en lui criant : « Voici des cavaliers qui viennent m'enlever ! » Daouda cessa aussitôt son travail, rentra dans la case prendre ses armes et, revenant, l'arc tendu et le carquois à l'épaule, dit à sa sœur : « Je vais les tuer tous, à l'exception d'un seul, qui ira annoncer la mort de ses compagnons à celui qui les a envoyés ici. »
Les cavaliers étaient maintenant proches de la case. Ils poussaient des cris aigus pour épouvanter le défenseur d'Aïssata, mais Daouda avait commencé à décocher ses flèches, dont chacune traversait de trois à quatre cavaliers. Il abattit ainsi vingt-neuf hommes et n'épargna que le dernier, qui s'enfuit et alla prévenir son maître du désastre.
Le roi, exaspéré, ordonna à cent cavaliers et à cent guerriers à pied d'aller s'emparer de la jeune fille. De tous ces hommes, il n'en revint qu'un au village. Les autres avaient été tués par Daouda. Successivement, le seigneur envoya plusieurs colonnes qui furent, les unes après les autres, anéanties par l'orphelin.
Un jour, une vieille vint trouver le seigneur. « Tu gaspilles tes guerriers sans résultat, dit-elle. Si tu me promets un présent de valeur, dès demain tu auras en ton pouvoir la jolie fille, sœur de celui qui a tué plus de la moitié de tes guerriers.
— Trouve le moyen de me ramener cette jeune fille, déclara le seigneur, et ton fils aura pour femme une de mes filles. »
La vieille salua le roi et s'en revint chez elle, où elle fit bouillir une plante soporifique, puis, après avoir retiré les feuilles de cette décoction, elle y délaya de la farine de mil. Avec cette pâte légère, elle prépara des galettes. La vieille prit alors le sentier qui menait au champ des orphelins et, tout en marchant, elle criait : « Galettes ! Qui veut acheter de bonnes galettes ? » Daouda, qui n'avait pas goûté de ces galettes depuis son départ du village, héla la vieille, lui en acheta deux et les dévora à belles dents. Il n'avait pas sitôt fini de mâcher la dernière bouchée qu'il tomba à terre, profondément endormi. La vieille ne perdit pas de temps. Elle courut prévenir le seigneur qu'il pouvait sans crainte envoyer prendre Aïssata par deux hommes seulement, car son défenseur ne se réveillerait pas avant le lendemain.
Le roi dépêcha deux hommes avec ordre de se saisir de l'orpheline. Quand Aïssata les aperçut, elle secoua son frère. « Réveille-toi ! Deux hommes viennent pour s'emparer de moi !
— Passe-moi mon carquois et mon arc ! » balbutia Daouda, sans faire le moindre mouvement, tant il était engourdi par le sommeil.
Les cavaliers s'emparèrent d'Aïssata et l'amenèrent chez le roi, qui l'épousa. Quand Daouda reprit ses esprits et qu'il s'aperçut de la disparition de sa sœur, il devint à moitié fou de rage. Il s'enfonça dans la forêt, ne voulant plus voir d'êtres humains. Il y vécut, chassant avec les génies des bois ; il mangeait et dormait en leur compagnie. Il était devenu tout à fait sauvage ; des arbustes, des herbes, lui poussaient sur la tête.
Un jour que, fatigué de marcher, il s'était étendu sous un arbre, des bûcherons l'aperçurent. Ils se jetèrent sur lui, le ligotèrent et l'entraînèrent au village, où ils le livrèrent au roi. Le seigneur fit couper les herbes et les arbustes qui lui poussaient sur la tête ; on le rasa complètement. Ensuite, on le donna à Aïssata pour qu'il garde l'enfant qu'elle avait eu du roi.
Aïssata ne reconnut pas son frère en ce captif, alors que Daouda avait su tout de suite que la femme qui se tenait devant lui était sa sœur. Il prit l'enfant dans ses bras et chanta : « Ô, mon neveu, amuse-toi ! Fils de celle que j'ai nourrie avec le lait des vaches de notre père, amuse-toi ! »
Aïssata, en l'entendant, se mit à pousser des cris. Le seigneur, inquiet, accourut aussitôt. « Seigneur ! dit-elle, tu as fait de mon frère ton captif et tu me l'as donné pour garder mon fils ! »
Le roi demanda à Daouda si Aïssata disait la vérité. Celui-ci alors raconta toute son histoire. Quand son récit toucha à sa fin, son beau-frère lui donna de l'or et de l'argent en quantité, des bijoux, des chevaux, des vaches, et lui abandonna tout pouvoir sur la moitié du village. Par la suite, il lui confia une armée à commander, car Daouda avait prouvé, aux dépens même du roi, qu'il était brave et qu'il tirait adroitement à l'arc.
[size=13]http://www.iletaitunehistoire.com/genres/contes-legendes/lire/l-homme-touffu-biblidcon_047[/size]
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COMMENT LA MER EST DEVENUE SALEE LEGENDE
Comment la mer est devenue salée
Il y a fort longtemps vivaient en Chine deux frères. Wang, l'aîné, était le plus fort et brimait sans cesse son cadet. À la mort de leur père, les choses ne s'arrangèrent pas et la vie devint intenable pour Wang-cadet. Wang-l'aîné accapara tout l'héritage du père : la belle maison, le buffle et tout le bien. Wang-cadet n'eut rien du tout et la misère s'installa bientôt dans sa maison.
Un jour, il ne lui resta même plus un seul grain de riz. Il fut donc obligé de se rendre chez son[size=16]frère pour ne pas mourir de faim. Arrivé sur place, il le salua et lui parla en ces termes : «Frère aîné, prête-moi un peu de riz. » Mais son frère, qui était très avare, refusa tout net de l'aider et le cadet repartit bredouille.[/size]
Ne sachant que faire, Wang-cadet s'en alla pêcher au bord de la mer jaune. La chance n'était pas de son côté, car il ne parvint pas à attraper le plus petit poisson. Il rentrait chez lui les mains vides, la tête basse, le cœur lourd quand soudain, il aperçut une meule au milieu de la route. « Ça pourra toujours servir ! » pensa-t-il en ramassant la meule, et il la rapporta à la maison.
Dès qu'elle l'aperçut, sa femme lui demanda : « As-tu fait bonne pêche ? Rapportes-tu beaucoup de poissons ?
— Non, femme ! Il n'y a pas de poisson. Je t'ai apporté une meule.
— Wang-cadet, tu sais bien que nous n'avons rien à moudre : il ne reste pas un seul grain à la maison. »
Wang-cadet posa la meule par terre et, de dépit, lui donna un coup de pied. La meule se mit à tourner, à tourner et à moudre. Et il en sortait du sel, des quantités de sel. Elle tournait de plus en plus vite et il en sortait de plus en plus de sel.
Wang-cadet et sa femme étaient tout contents de cette aubaine tandis que la meule tournait, tournait et le tas de sel grandissait, grandissait. Wang-cadet commençait à avoir peur et se demandait comment il pourrait bien arrêter la meule. Il pensait, réfléchissait, calculait, il ne trouvait aucun moyen. Soudain, il eut enfin l'idée de la retourner, et elle s'arrêta.
À partir de ce jour, chaque fois qu'il manquait quelque chose dans la maison, Wang-cadet poussait la meule du pied et obtenait du sel qu'il échangeait avec ses voisins contre ce qui lui était nécessaire. Ils vécurent ainsi à l'abri du besoin, lui et sa femme.
Mais le [size=16]frère aîné apprit bien vite comment son cadet avait trouvé le bonheur et il fut assailli par l'envie. Il vint voir son frère et dit : « Frère-cadet, prête-moi donc ta meule. » Le frère cadet aurait préféré garder sa trouvaille pour lui, mais il avait un profond respect pour son frère aîné et il n'osa pas refuser.[/size]
Wang-l'aîné était tellement pressé d'emporter la meule que Wang-cadet n'eut pas le temps de lui expliquer comment il fallait faire pour l'arrêter. Lorsqu'il voulut lui parler, ce dernier était déjà loin, emportant l'objet de sa convoitise.
Très heureux, le [size=16]frère aîné rapporta la meule chez lui et la poussa du pied. La meule se mit à tourner et à moudre du sel. Elle moulut sans relâche, de plus en plus vite. Le tas de sel grandissait, grandissait sans cesse. Il atteignit bien vite le toit de la maison. Les murs craquèrent. La maison allait s'écrouler.[/size]
Wang-l'aîné prit peur. Il ne savait pas comment arrêter la meule. Il eut alors l'idée de la faire rouler hors de la maison, qui était sur une colline. La meule dévala la pente, roula jusque dans la mer et disparut dans les flots.
Depuis ce temps-là, la meule continue à tourner au fond de la mer et à moudre du sel. Personne n'est allé la retourner.
Et c'est pour cette raison que l'eau de la mer est salée.
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L'OURS DE SYLVIE GUGGENHEIM
L'OURS
Depuis des heures Sophia marche. Ses petites jambes ont de plus en plus de peine à supporter son poids. La forêt si sombre commence à lui faire un peu peur, à la petite fille. Pourquoi donc n’a-t-elle pas écouté ses parents? Mais elle est têtue, trop têtue et elle voulait absolument partir à la recherche du père Noël. Son papa et sa maman lui avaient dit qu’il habitait au Pôle Nord. Alors, elle a pris une boussole, s’est habillée chaudement et elle est partie. Elle n’a laissé à ses parents qu’un petit bout de [size=16]papier sur lequel elle a écrit: « je vais au Pôle Nord voir le Père Noël .» Sophia voulait dire au Père Noël d’amener des cadeaux plus souvent. Elle avait tant de désirs qu’un seul Noël par an ne lui suffisait pas. Et puis, elle voulait aussi lui expliquer de vive voix ce qu’elle souhaitait exactement.[/size]
Elle est partie le matin de Noël, avec sa boussole autour du cou et, pour seul compagnon, son petit ours blanc. Elle croyait qu’en marchant toujours vers le Nord, elle arriverait rapidement au Pôle Nord. Elle ne savait pas que le Pôle Nord était si loin. Et elle a marché longtemps, très longtemps sans rencontrer personne. A tout moment, elle croyait être arrivée chez le Père Noël. Epuisée à présent, elle s’assied au pied d’un arbre. Elle grelotte un peu et serre bien fort son ours dans ses bras. Elle lui explique qu’elle s’est perdue et lui demande de prendre courage. Elle lui parle longuement, lui raconte des histoires, le berce. Tout en lui parlant, elle reprend un peu du courage qu’elle veut donner à son ours. Et puis elle se remet en marche. Il fait bientôt nuit. Le ciel est pur, les étoiles s’allument une à une. La nuit sera froide.
La petite fille a mal aux jambes. Et son ours, si léger qu’il soit, commence à devenir bien lourd. Les oiseaux se taisent, et d’autres bruits plus inquiétants font trembler de peur Sophia. N’est-ce pas un loup qui hurle non loin de là? Que faire? Elle aimerait bien rentrer chez elle, retrouver sa maman. Elle est si loin à présent de sa maison qu’elle ne saurait comment la retrouver. Oh! son petit lit douillet. Son duvet couvert de petits ours dorés. Elle ferme les yeux tout en continuant à marcher et sourit. Mais le loup hurle encore et brise net le rêve de l’enfant. Il s’est rapproché. Bientôt, il sera là, prêt à manger la fillette.
A présent, la nuit est tout à fait noire et les étoiles ont peine à percer à travers les sapins. Sophia songe au sapin de Noël qui doit être allumé à présent, chez elle. Elle n’imagine pas que ses parents inquiets n’auraient certes pas idée d’allumer l’arbre sans leur petite. Tant de sapins de Noël autour d’elle qui ne servent à rien. Tant de sapins sans lumière. Le loup hurle. Elle perçoit ses yeux qui brillent cruellement dans la nuit. Elle l’entend même haleter et imagine son haleine chaude contre son visage. Elle ne veut pas mourir, la petite. Elle ne le veut pas. Alors, elle prie le père Noël de toutes ses petites forces et lui demande de l’aide.
Le loup s’approche encore. Il est prêt à bondir lorsqu’une étoile s’allume soudain juste au-dessus de la tête de la petite fille. Le loup hésite. De l’étoile glisse une belle lumière qui vient frapper le petit ours blanc qui commence à étirer ses petites pattes. C’est alors qu’il se met à grandir, grandir... Il émet un sauvage grognement et se précipite sur le loup. La bagarre est longue, incertaine. Les deux bêtes sont enragées et se battent violemment tandis que la fillette serre ses deux petites mains l’une contre l’autre en signe de supplication. Et le père Noël qui exauce les vœux des petits enfants l’a entendue. Le loup finit par tomber sous les griffes de l’ours.
Un peu plus tard, les parents retrouvent leur petite fille endormie sous un arbre, son petit ours blotti dans ses bras. Ils réveillent la fillette doucement et l’emmènent dans leur maison douillette. Il n’est pas trop tard pour fêter Noël. L’arbre est allumé, les cadeaux sont ouverts. Tous les désirs de Sophia sont exaucés. Et, le nez posé contre la vitre, l’enfant remercie le Père Noël de tout son cœur. Au loin, sur un nuage, elle l’aperçoit qui lui fait un clin d’œil. Alors elle sourit. Elle n’aura plus besoin d’aller au Pôle Nord pour le rencontrer.
Conte imaginé et écrit par Sylvie Guggenheim
© Copyright Sylvie Guggenheim
http://www.fictions.ch/Textes/Noel/ours.htm
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Ninnenne