[size=24]loreley
[/size]
A Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d’amour tous les hommes à la ronde
Devant son tribunal l’évêque la fit citer
D’avance il l’absolvit à cause de sa beauté
O belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m’ont regardée évêque en ont péri
Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie
Je flambe dans ces flammes Ô belle Loreley
Qu’un autre te condamne tu m’as ensorcelé
Evêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que [size=18]Dieu vous protège[/size]
Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n’aime rien
Mon [size=18]coeur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j’en meure[/size]
Mon [size=18]coeur me fait si mal depuis qu’il n’est plus là
Mon coeur me fit si mal du jour où il s’en alla[/size]
L’évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu’au couvent cette femme en démence
Va t’en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc
Puis ils s’en allèrent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres
Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau château
Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j’irai au couvent des vierges et des veuves
Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés
Les chevaliers criaient Loreley Loreley
Tout là-bas sur le Rhin s’en vient une nacelle
Et mon amant s’y tient il m’a vue il m’appelle
Mon [size=18]coeur devient si doux c’est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin[/size]
Pour avoir vu dans l’eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil
[size]
derniere amoureuse
[/size]
A l’heure d’amour, l’autre soir,
La [size=18]Mort près de moi vint s’asseoir ;
S’asseoir, près de moi, sur ma couche.[/size]
En silence, elle s’accouda.
Sur mes yeux clos elle darda
Son grand œil noir, lascif et louche ;
Puis, comme l’amante à l’amant,
Elle mit amoureusement
Sa bouche sur ma bouche !
« Viens, dit le spectre en m’enlaçant,
« Viens sur mon cœur, viens dans mon sang
« Savourer de longues délices.
« Viens ; la couche, ô mon bien-aimé !
« A son oreiller parfumé,
« Ses draps chauds comme des pelisses.
« Nous nous chérirons [size=18]nuit et jour :
« Nos âmes sont deux fleurs d’amour,
« Nos lèvres deux calices. »[/size]
Je crus, sur mon front endormi,
Sentir passer un souffle ami
D’une saveur déjà connue.
J’eus un rêve délicieux.
Je lui dis, sans ouvrir les yeux :
« Chère, vous voilà revenue !
« Vous voilà ! mon cœur rajeunit.
« Fauvette, qui revient au nid,
« Sois-y la [size=18]bienvenue.[/size]
« Sans remords comme sans pitié,
« Méchante, on m’avait oublié ;
« Allons, venez, Mademoiselle.
« Je consens à vous pardonner,
« Mais avant, je veux enchaîner
« Ma folle petite gazelle. »
Et, comme je lui tends les bras,
Le spectre me répond tout bas :
« C’est moi…ce n’est pas elle… »
« – C’est toi, la [size=18]Mort ! eh bien ! tant mieux.
« Mon âme est veuve ; mon cœur vieux,
« J’avais besoin d’une maîtresse.[/size]
« Une tombe est un rendez-vous
« Comme un autre ; prélassons-nous
« Dans une éternelle caresse ! »
Je l’embrasse ; elle se défend,
Recule et me dit : « Cher enfant,
« Attends, rien ne nous presse !…
« Gardons-nous pour des temps meilleurs ;
« Mais aujourd’hui, je cherche ailleurs
« Des amoureux en hécatombe.
« Ailleurs, je vais me reposer
« Et couper en deux le baiser
« D’un ramier et de sa colombe !
« Sois heureux, tu me reverras ;
« Sois amoureux, et tu seras
« Mûr pour la tombe ! »
[size]
a clairette
[/size]
Croyez-moi, mignonne, avec l’amourette
Que nous gaspillons à deux, chaque jour
(Ne vous moquez pas trop de moi, Clairette),
On pourrait encore faire un peu d’amour.
On fait de l’amour avec l’amourette.
Qui sait ? connaissons un peu mieux nos cœurs.
Qui sait ? cherchons bien…pardon, je m’arrête ;
Vous avez la bouche et l’œil trop moqueurs
(Ne vous moquez pas trop de moi, Clairette) :
Qui sait ? connaissons un peu mieux nos cœurs.
Voyons, si j’avais dans quelque retraite
Le nid que je rêve et que j’ai cherché,
(Ne vous moquez pas trop de moi, Clairette),
On aime bien mieux quand on est caché.
Si j’avais un nid dans quelque retraite !
Un nid ! des vallons bien creux, bien perdus.
Plus de falbalas, plus de cigarette ;
Champagne et mâcon seraient défendus,
(Ne vous moquez pas trop de moi, Clairette)…
Un nid, des vallons bien creux, bien perdus.
Quel bonheur de vivre en anachorète,
Des [size=18]fleurs et vos yeux pour tout horizon,
(Ne vous moquez pas trop de moi, Clairette) !
Par le dieu Plutus, j’ai quelque raison
Pour désirer vivre en anachorète.[/size]
Eh bien ! cher amour, la [size=18]nature est prête,
Le nid vous attend… Comment ! vous riez ?
(Ne vous moquez pas trop de moi, Clairette),[/size]
C’était pour savoir ce que vous diriez.
[size]
les bottines
[/size]
Moitié chevreau, moitié satin,
Quand elles courent par la chambre,
Clic ! clac !
Il faut voir de quel air mutin
Leur fine semelle se cambre.
Clic ! Clac !
Sous de minces boucles d’argent,
Toujours trottant, jamais oisives,
Clic ! clac !
Elles ont l’air intelligent
De deux petites souris vives.
Clic ! clac !
Elles ont le marcher d’un roi,
Les élégances d’un Clitandre,
Clic ! clac !
Par là-dessus, je ne sais quoi
De fou, de railleur et de tendre.
Clic ! clac !
II
En [size=18]hiver au coin d’un bon feu,
Quand le sarment pétille et flambe,
Clic ! clac !
Elles aiment à rire un peu,
En laissant voir un bout de jambe.
Clic ! clac ![/size]
Mais quoique assez lestes, – au fond,
Elles ne sont pas libertines,
Clic ! clac !
Et ne feraient pas ce que font
La plupart des autres bottines.
Clic ! clac !
Jamais on ne nous trouvera,
Dansant des polkas buissonnières,
Clic ! clac !
Au bal masqué de l’Opéra,
Ou dans le casion d’Asnières.
Clic ! clac !
C’est tout au plus si nous allons,
Deux fois par mois, avec décence,
Clic ! clac !
Nous trémousser dans les salons
Des bottines de connaissance.
Clic ! clac !
Puis quand nous avons bien trotté,
Le soir nous faisons nos prières,
Clic ! clac !
Avec toute la gravité
De deux petites sœurs tourières.
Clic ! clac !
III
Maintenant, dire où j’ai connu
Ces merveilles de miniature,
Clic ! clac !
Le premier chroniqueur venu
Vous en contera l’aventure.
Clic ! clac !
Je vous avouerai cependant
Que souventes fois il m’arrive,
Clic ! clac !
De verser, en les regardant,
Une grosse larme furtive.
Clic ! clac !
Je songe que tout doit finir,
Même un [size=18]poème d’humoriste,
Clic ! clac !
Et qu’un jour prochain peut venir
Où je serai bien seul, bien triste,
Clic ! clac ![/size]
Lorsque, – pour une fois,
Mes [size=18]oiseaux prenant leur volée,
Clic ! clac !
De loin, sur l’escalier de bois,
J’entendrai, l’âme désolée :[/size]
Clic ! clac !
[size]
le rouge gorge
[/size]
Un soir que je rêvais dans ma chambre, déserte
Depuis sa [size=18]mort,
Un oisillon s’en vint de la fenêtre ouverte
Raser le bord.[/size]
Il s’en vint, secouant du bec sa robe grise ;
Et sans effroi,
Sans façon, je le vis, à ma grande surprise,
Entrer chez moi.
C’était un rouge-gorge, un charmant rouge-gorge !
Comme à foison,
Le froid, ce vieux brigand des forêts, en égorge
Chaque saison.
« Tu viens mal à propos, lui dis-je, mais n’importe,
Cher étranger,
Je souffre trop pour voir souffrir. Tiens, je t’apporte
De quoi manger.
« Aimes-tu le maïs ?…Non. Préfères-tu l’orge
Ou bien le mil ?
Que peut-on vous servir, monsieur le rouge-gorge,
Que vous faut-il ? »
Mais lui, de tous côtés promenant son bec rose
D’un air coquet,
Souriait sans répondre et cherchait quelque chose
Qui lui manquait :
Puis, comme il me trouvait par trop mélancolique,
Le polisson
Se mit à fredonner un morceau de musique
De sa façon.
II
Je me levais pour mettre un terme à ce scandale
En le chassant,
Quand le frisson de [size=18]mort qui régnait dans la salle
L’envahissant,[/size]
L’oiseau tourna vers moi sa mine effarouchée,
Et l’animal
Me regarda d’un air de tristesse fâchée,
Qui me fit mal.
« Oh ! ne te moque pas de moi ! semblaient me dire
Ses yeux en pleurs ;
N’est-ce pas que tu mens, et que tu voulais rire
De mes douleurs ?
« Non elle n’est pas morte ! ou, toi, tu n’es qu’un lâche
De la savoir
Et d’y survivre !…Non ! elle est là…qui se cache,
Je veux la voir. »
Et pour mieux s’assurer qu’elle n’était pas morte,
Il s’en alla
Fouiller sous la toilette et derrière la porte,
Deçà, delà,
Derrière les rideaux du lit, dans la ruelle,
Sous l’édredon…
Il criait, il pleurait : « Ah ! méchante, ah ! cruelle,
Réponds-moi donc !… »
Il grimpait sur le lit, fripant la couverture
Et l’oreiller.
Enfin, pris d’un vertige étrange, de nature
A m’effrayer,
Il se mit à voler les ailes étendues,
L’œil effaré,
Cognant son front, poussant des plaintes éperdues,
Désespéré.
III
Quand il eut fait deux fois le tour de notre chambre,
L’étrange oiseau
S’arrêta : je le vis trembler de chaque membre,
Comme un roseau,
Chercher de tous côtés un lieu de préférence
Pour s’y coucher ;
Se laisser choir, avec un grand air de souffrance,
Sur le plancher ;
Et là, dardant sur moi le feu de ses prunelles
D’un jaune d’or,
Pousser des petits cris plaintifs, battre des ailes,
Et rester [size=18]mort ![/size]
[size]
les prunes
[/size]
Si vous voulez savoir comment
Nous nous aimâmes pour des prunes,
Je vous le dirai doucement,
Si vous voulez savoir comment.
L’amour vient toujours en dormant,
Chez les bruns comme [size=18]chez les brunes ;
En quelques mots voici comment
Nous nous aimâmes pour des prunes.[/size]
II.
Mon oncle avait un grand verger
Et moi j’avais une cousine ;
Nous nous aimions sans y songer,
Mon oncle avait un grand verger.
Les [size=18]oiseaux venaient y manger,
Le printemps faisait leur cuisine ;
Mon oncle avait un grand verger
Et moi j’avais une cousine.[/size]
III
Un matin nous nous promenions
Dans le verger, avec Mariette :
Tout gentils, tout frais, tout mignons,
Un matin nous nous promenions.
Les cigales et les grillons
Nous fredonnaient une ariette :
Un matin nous nous promenions
Dans le verger avec Mariette.
IV
De tous côtés, d’ici, de là,
Les [size=18]oiseaux chantaient dans les branches,
En si bémol, en ut, en la,
De tous côtés, d’ici, de là.
Les prés en habit de gala
Étaient pleins de fleurettes blanches.
De tous côtés, d’ici, de là,
Les oiseaux chantaient dans les branches.[/size]
V
Fraîche sous son petit bonnet,
Belle à ravir, et point coquette,
Ma cousine se démenait,
Fraîche sous son petit bonnet.
Elle sautait, allait, venait,
Comme un volant sur la raquette :
Fraîche sous son petit bonnet,
Belle â ravir et point coquette.
VI
Arrivée au fond du verger,
Ma cousine lorgne les prunes ;
Et la gourmande en veut manger,
Arrivée au fond du verger.
L’arbre est bas ; sans se déranger
Elle en fait tomber quelques-unes :
Arrivée au fond du verger,
Ma cousine lorgne les prunes.
VII
Elle en prend une, elle la mord,
Et, me l’offrant : « Tiens !… » me dit-elle.
Mon pauvre cœur battait bien fort !
Elle en prend une, elle la mord.
Ses petites dents sur le bord
Avaient fait des points de dentelle…
Elle en prend une, elle la mord,
Et, me l’offrant : « Tiens !… » me dit-elle.
VIII
Ce fut tout, mais ce fut assez ;
Ce seul fruit disait bien des choses
(Si j’avais su ce que je sais !…)
Ce fut tout, mais ce fut assez.
Je mordis, comme vous pensez,
Sur la trace des lèvres roses :
Ce fut tout, mais ce fut assez ;
Ce seul fruit disait bien des choses.
IX
À MES LECTRICES.
Oui, mesdames, voilà comment
Nous nous aimâmes pour des prunes :
N’allez pas l’entendre autrement ;
Oui, mesdames, voilà comment.
Si parmi vous, pourtant, d’aucunes
Le comprenaient différemment,
Ma foi, tant pis ! voilà comment
Nous nous aimâmes pour des prunes.
[size]
les cerisiers
[/size]
Vous souvient-il un peu de ce que vous disiez,
Mignonne, au temps des cerisiers ?
Ce qui tombait du bout de votre lèvre [size=18]rose,
Ce que vous chantiez, ô mon doux bengali,
Vous l’avez oublié, c’était si peu de chose,
Et pourtant, c’était bien joli…
Mais moi je me souviens (et n’en soyez pas surprise),
Je me souviens pour vous de ce que vous disiez.
Vous disiez (à quoi bon rougir ?)…donc vous disiez…
Que vous aimiez fort la cerise,
La cerise et les cerisiers.[/size]
II
Vous souvient-il un peu de ce que vous faisiez,
Mignonne, au temps des cerisiers ?
Plus grands sont les amours, plus courte est la mémoire
Vous l’avez oublié, nous en sommes tous là ;
Le cœur le plus aimant n’est qu’une vaste armoire.
On fait deux tours, et puis voilà.
Mais moi je me souviens (et n’en soyez surprise),
Je me souviens pour vous de ce que vous faisiez…
Vous faisiez (à quoi bon rougir ?)…donc vous faisiez…
Des boucles d’oreille en cerise,
En cerise de cerisiers.
III
Vous souvient-il d’un soir où vous vous reposiez,
Mignonne, sous les cerisiers ?
Seule dans ton repos ! Seule, ô [size=18]femme, ô nature !
De l’ombre, du silence, et toi…quel souvenir !
Vous l’avez oublié, maudite créature,
Moi je ne puis y parvenir.
Voyez, je me souviens (et n’en soyez surprise),
Je me souviens du soir où vous vous reposiez…
Vous reposiez (pourquoi rougir ?)…vous reposiez…
Je vous pris pour une cerise ;[/size]
C’était la faute aux cerisiers.
[size]
la vierge a la creche
[/size]
Dans ses langes blancs, fraîchement cousus,
La vierge berçait son enfant-Jésus.
Lui, gazouillait comme un nid de mésanges.
Elle le berçait, et chantait tout bas
Ce que nous chantons à nos petits anges…
Mais l’enfant-Jésus ne s’endormait pas.
Étonné, ravi de ce qu’il entend,
Il rit dans sa crèche, et s’en va chantant
Comme un saint lévite et comme un choriste ;
Il bat la mesure avec ses deux bras,
Et la sainte vierge est triste, bien triste,
De voir son Jésus qui ne s’endort pas.
« Doux Jésus, lui dit la mère en tremblant,
« Dormez, mon agneau, mon bel agneau blanc.
« Dormez ; il est tard, la lampe est éteinte.
« Votre front est rouge et vos membres las ;
« Dormez, mon [size=18]amour, et dormez sans crainte. »
Mais l’enfant-Jésus ne s’endormait pas.[/size]
« Il fait froid, le vent souffle, point de feu…
« Dormez ; c’est la nuit, la nuit du bon dieu.
« C’est la nuit d’amour des chastes épouses ;
« Vite, ami, cachons ces yeux sous nos draps,
« Les étoiles d’or en seraient jalouses. »
Mais l’enfant-Jésus ne s’endormait pas.
« Si quelques instants vous vous endormiez,
« Les songes viendraient, en vol de ramiers,
« Et feraient leurs nids sur vos deux paupières,
« Ils viendront ; dormez, doux Jésus. » Hélas !
Inutiles chants et vaines prières,
Le petit Jésus ne s’endormait pas.
Et marie alors, le regard voilé,
Pencha sur son fils un front désolé :
« Vous ne dormez pas, votre mère pleure,
« Votre mère pleure, ô mon bel ami… »
Des larmes coulaient de ses yeux ; sur l’heure,
Le petit Jésus s’était endormi.
[size]
la reveuse
[/size]
Elle rêve, la jeune [size=18]femme !
L’œil alangui, les bras pendants,
Elle rêve, elle entend son âme,
Son âme qui chante au dedans.[/size]
Tout l’orchestre de ses vingt ans,
Clavier d’or aux notes de flamme,
Lui dit une joyeuse gamme
Sur la clef d’amour du printemps…
La rêveuse leva la tête,
Puis la penchant sur son poète,
S’en fut, lui murmurant tout bas :
« Ami, je rêve ; ami, je pleure ;
« Ami, je songe que c’est l’heure…
« Et que mon coiffeur ne vient pas. »
[size]
1 mai 1857
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Nature de rêveur, tempérament d’artiste,
Il est resté toujours triste, horriblement triste.
Sans savoir ce qu’il veut, sans savoir ce qu’il a,
Il pleure ; pour un rien, pour ceci, pour cela.
Aujourd’hui c’est le temps, demain c’est une mouche,
Un rossignol qui fausse, un [size=18]papillon qui louche…
Son corps est un roseau, son âme est une fleur,
Mais un roseau sans moelle, une fleur sans calice ;
Il est triste sans cause, il souffre sans douleur,
Il faudra qu’il en meure, et qu’on l’ensevelisse
Avec sa nostalgie au flanc, comme un cilice.[/size]
Ne creusez pas son mal ; ne lui demandez rien,
Vous qui ne portez pas un cœur comme le sien.
Ne lui demandez rien, ô vous qu’il a choisies
Dans le ciel de son rêve et de ses fantaisies ;
C’est un petit enfant, prenez-le dans vos bras,
Dites-lui. « Mon amour, fais comme tu voudras,
« Ton mal est un secret, je ne veux pas l’apprendre. »
Souffrez de sa blessure, en essuyant ses yeux ;
Souffrez de sa douleur sans jamais la comprendre,
Car vous ne savez pas comme on guérit les dieux,
Car vous l’aimeriez moins en le connaissant mieux.
Parfois, rayon dans l’ombre et perle dans la brume,
Son visage s’étoile et son regard s’allume ;
On dirait qu’il attend quelqu’un qui ne vient pas.
Mais ce n’est jamais toi qu’il cherche entre tes bras,
Ninette ; – ce qu’il veut, il n’en sait rien lui-même.
Dans tout ce qu’il espère et dans tout ce qu’il aime,
Il voit un vide immense et s’use à le combler,
Jusqu’au jour où, sentant que son âme est atteinte,
Sentant son âme atteinte et son mal redoubler
Il soit las de souffler sur une flamme éteinte…
Et meure de dégoût, de tristesse… et d’absinthe !
Ninnenne