La route secrète Khalil Gibran
"Entre les rivages des océans
et le sommet de la plus haute montagne
est tracée une route secrète
que vous devez absolument parcourir
avant de ne faire qu'un avec les fils de la
Terre."
Hhalil Gibran
La création du monde Le livre de Job
Où est-ce que tu étais quand je fondai la terre?
Dis-le-moi puisque tu es si savant!
Qui en fixa les mesures, le saurais-tu?
Ou qui tendit sur elle le cordeau?
En quoi s'immergent ses piliers,
et qui donc posa sa pierre d'angle
tandis-que les étoiles du matin chantaient en choeur
et que tous les Fils de [size=13]Dieu criaient hourra?[/size]
Quelqu'un ferma deux battants sur l'Océan
quand il jaillissait du sein maternel,
quand je lui donnais les brumes pour se vêtir,
et le langeais de nuées sombres.
J'ai brisé son élan par mon décret,
j'ai vérrouillé les deux battants
et j'ai dit : " Tu viendras jusqu'ici, pas plus loin;
là s'arrêtera l'insolence de tes flots!".
As-tu, un seul de tes jours, commandé au matin,
et assigné à l'aurore son poste,
pour qu'elle saisisse la Terre par ses bords?
La Terre alors prend forme
comme l'argile sous le sceau,
et tout surgit,
chamarré.
Le [size=13]livre de Job 38, 4 - 18[/size]
Ces plantes... Khalil Gibran
En [size=16]image , lichen sur un tronc.[/size]
Ces plantes qui vivent sur un arbre
sucent le lait de la terre
dans la douce quiétude de la nuit
et la terre dans son rêve paisible
suce le lait du soleil.
Khalil Gibran
De mémoire indienne Tahca Ushte
J'ai étudié bien des plantes. Prenez les feuilles d'une même plante, mieux encore, celles d'une même tige : pas deux d'identiques. Sur toute la terre, il n'y a pas deux feuilles strictement semblables. Le Grand Esprit aime qu'il en soit ainsi. Il s'en tient, pour toutes les créatures de la terre, à un schème grossier, grâce auquel on peut reconnaître le sentier de la [size=16]vie. Il leur montre où aller, vers quel but, mais les laisse choisir leur chemin pour y parvenir. Il veut qu'elles agissent indépendamment, suivant leur nature, et leurs propres impulsions.[/size]
Si Wakan Tanka aime qu'il en soit ainsi pour les plantes et les [size=16]animaux, et jusqu'aux plus modestes souris ou punaises, à plus forte raison combien doit-il exécrer les humains semblables, accomplissant la même tâche, se levant à la même heure, portant un même type de vêtements de confection, voyageant dans le même métro, les yeux sur la même horloge, et, pis que tout, pensant semblablement à toute heure du jour.[/size]
Chaque créateur a sa raison d'être. Même une fourmi a la sienne qu'elle connaît à sa manière, si ce n'est au moyen de son cerveau.
Seuls les êtres humains sont parvenus au point où ils ne savent même plus pourquoi ils existent. Ils ne se servent plus de leur cerveau et ils ont oublié le savoir secret de leur corps, de leur sens ou de leurs rêves. Ils n'usent pas de la connaissance que l'esprit a déposée en chacun d'eux; ils n'en ont même pas conscience. Aussi avancent-ils en aveugles sur une route qui ne mène nulle part - une grande route de macadam qu'ils écrasent de leurs mécaniques, pour la faire plus lisse, pour gagner plus vite le trou vide qui les attend à la fin du trajet, prêt à les engloutir.
Tahca Ushte
De mémoire indienne
Fleurir...Emily Dickinson
Transformation du bouton en fleur.
Fleurir est aboutir. Qui rencontre une fleur
Et l'observe en passant
Soupçonne à peine
Le rôle d'un détail mineur
Dans l'entreprise
Brillante et compliquée
Qui se présente sous la forme
D'un [size=16]papillon offert au mérindien.[/size]
Remplir le bourgeon, combattre le ver,
Obtenir son droit de rosée,
Régler la chaleur, échapper au vent,
Eviter l'abeille qui rôde,
Ne pas décevoir la grande nature,
L'attendre ce jour-là :
Etre fleur est une profonde
Responsabilité!
Emily Dickinson
Mais ce que les hommes...Gide
"Mais ce que les hommes ont fait de la terre promise - de la terre accordée...il y a de quoi faire rougir les dieux.
L'enfant qui brise un jouet n'est pas plus bête, ni l'animal qui saccage le pâtis où il doit trouver nourriture, trouble la source où il va boire, ou l'oiseau qui souille son nid.
Ô triste abord des villes! Laideur, desharmonie, puanteur...
Avec un peu d'entente et d'amour, je songe aux jardins que vous pouviez être, ceintures des cités, protection de tout ce que la végétation proposait de plus luxuriant et de plus tendre - réprimé le moindre attentat de quelqu'un à la joie de tous.
Je songe à ce que vous pourriez être, [size=16]loisirs!
Ô jeux spirituels dans la bénédiction de la joie!
Et le travail, le travail même, recheté, réchappé d'une malédiction impie.[/size]
Gide
Je crois...Walt Whitman
"Je crois qu'une feuille d'herbe n'est en rien inférieure
au labeur des étoiles,
Et que la fourmi est également parfaite, et un grain de sable,
et l'oeuf du roitelet,
Et que la rainette est un chef d'oeuvre
digne du plus haut des cieux,
Et que la ronce grimpante pourrait orner les salons du ciel,
Et que la plus infime jointure de ma main
l'emporte sur toute la mécanique,
Et que la vache qui broute, tête baissée,
surpasse n'importe quelle statue,
Et qu'une souris est un miracle capable de confondre
des milliards d'incroyants."
Walt Whitman
Le premier qui...Jean-Jacques Rousseau
Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de
dire "Ceci est à moi" et trouvades gens assez
simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la
société civile.
Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de
misères et d'horreurs n'eût point épargné au genre
humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le
fossé, eût crié à ses semblables :
"Gardez-vous d'écouter cet imposteur;
vous êtes perdus si vous oubliez
que les fruits sont à tous,
et que la terre n'est à personne."
Jean-Jacques Rousseau
Homme! libre penseur. Gérard de Nerval
Homme! Libre penseur - te crois-tu seul pensant
Dans ce [size=16]monde, où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'univers est absent.[/size]
Respecte dans la bête un esprit agissant :
Chaque fleur est une âme à la [size=16]Nature éclose;
Un mystère d'amour dans le métal repose :
Tout est sensible! Et tout sur ton être est puissant ![/size]
Crains dans le mur aveugle un regard qui t'épie :
A la matière même un verbe est attaché...
Ne le fais point servir à quelque usage impie !
Souvent dans l'être obscur habite un dieu caché;
Et, comme un oeil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres !
Gérard de Nerval
Une famille d'arbres Jules Renard
En illustration une peinture de Biagio Magliani
Une famille d'arbres
"C'est après avoir traversé une plaine brûlée par le soleil que je les rencontre.
Ils ne demeurent pas au bord des routes, à cause du bruit. Ils habitent les champs incultes, sur une source connue des [size=16]oiseaux seuls.[/size]
De loin, ils semblent impénétrables. Dès que j'approche, leurs troncs se desserrent. Ils m'accueillent avec prudence. Je peux me reposer, me rafraîchir, mais je devine qu'ils m'observent et se défient.
Ils vivent en famille, les plus âgés au milieu et les petits, ceux dont les premières feuilles viennent de naître, un peu partout, sans jamais s'écarter.
Ils mettent longtemps à mourir, et ils gardent les morts debout jusqu'à la chute en poussière. Ils se flattent de leurs longues branches, pour s'assurer qu'ils sont tous là, comme les aveugles.
Ils gesticulent de colère si le vent s'essouffle à les déraciner. Mais entre eux aucune dispute. Ils ne murmurent que d'accord.
Jules Renard
Ninnenne