J’ai appris. par Jacques Salomé
J’ai appris que l’existence de chacun d’entre nous n’est faite que de rencontres et de séparations
et qu’il nous appartient de les vivre en acceptant de nous positionner avec courage, de nous
respecter avec ténacité et de nous responsabiliser avec cohérence face au surgissement de
l’imprévisible.
J’ai appris encore qu’il y a toujours une part d’étonnement dans le déroulement des jours et donc
qu’il m’appartenait de savoir accueillir les cadeaux inouïs de faire face aux difficultés qui peuvent
surgir dans l’immensité d’un jour.
J’ai appris bien sûr à vivre au présent, à entrer de plain pied dans l’instant, à ne pas rester
prisonnier de mon passé et à ne pas me laisser envahir par des pensées persécutrices ou par des
projections trop chimériques sur mon futur.
J’ai appris tardivement à remercier, chaque matin, la VIE d’être présente en moi et autour de
moi, à l’honorer avec mes possibles, à la respecter en tenant compte de mes limites, à la dynamiser
avec les ressources de ma créativité.
J’ai appris difficilement à m’aimer, non d’un amour narcissique ou égocentrique (même si la
tentation est parfois grande) mais d’un amour de bienveillance, de gratitude et de tolérance envers
la personne que je suis.
J’ai appris avec beaucoup de tâtonnements à me respecter en osant dire non quand je suis
confronté à des demandes ou des désirs qui ne correspondent pas à mes possibles ou à ma
sensibilité.
J’ai appris avec enthousiasme que la beauté est partout, dans le vol d’un oiseau, dans les
murmures du vent, comme dans le geste d’un enfant pour tenter de capter le vol d’un papillon ou
encore dans le sourire d’un vieillard qui croise mon regard et surtout dans la présence d’une qui
pour l’instant ne m’a pas encore quitté !
J’ai appris patiemment que ne nul ne sait à l’avance la durée de vie d’un amour et que toute
relation amoureuse, aussi merveilleuse soit elle, est une relation à risques. Des risques que
j’assume en acceptant de prendre soin de mon amour et d’amplifier en moi l’amour de celle qui m’a
offert le sien.
J’ai appris douloureusement que je n’ai pas assez pris de temps pour regarder mes enfants
quand ils étaient enfants, que j’aurais dû savoir rire, jouer, parler plus souvent avec eux, chaque
fois qu’ils me sollicitaient. J’ai découvert que je n’ai pas toujours su les entendre et les accueillir
dans leurs attentes, leurs projets ou leurs rêves. Que j’avais trop souvent déposé sur eux mes
peurs et mes désirs, tant je voulais, avec beaucoup d’aveuglement, le meilleur pour eux.
J’ai appris avec beaucoup de surprise que le temps s’accélérait avec l’âge et qu’il devenait
chaque jour plus urgent d’ajouter de la vie aux années que des années à la vie.
J’ai appris que je pouvais oser demander, si je prenais le risque de la réponse de l’autre aussi
frustrante ou décevante qu’elle puisse être. Que je pouvais recevoir sans me sentir obligé de rendre
ou d’être en dette, que je pouvais donner sans envahir l’autre par mon besoin de me sentir
généreux, que je pouvais refuser sans confondre la personne et sa demande.
J’ai appris, dans le désordre, que j’avais des besoins relationnels et qu’il était vital de ne pas les
confondre avec mes désirs.
J’ai appris avec soulagement que je pouvais désapprendre les pseudos connaissances vaines
dont j’avais encombré mon esprit, que je pouvais me défaire de tant d’objets inutiles accumulés
durant des années, que je pouvais élaguer dans les urgences que je m’imposais.
J’ai appris joyeusement à planter des arbres, c’est le cadeau le plus vivant que je pouvais faire à
cette planète merveilleuse qui nous a accueilli, nous les humains, avec une incroyable générosité et
peut être aussi une grande naïveté.
J’ai appris doucement à recevoir le silence, à prendre le temps de méditer quelques minutes
chaque jour pour me reconnecter aux vibrations subtiles de l’univers et me réconcilier avec cette
parcelle de divin reçu lors de ma conception.
Oui j’ai appris beaucoup dans mon existence et pourtant j’ai toujours en moi, ce désir, cette
recherche de quelque chose de plus essentiel qui pourrait s’appeler un brin de sagesse !
Jacques Salomé est l’auteur de
“La ferveur de vivre”. (Ed Albin Michel).
[size=13]http://www.j-salome.com/01-info/editorial.php[/size]
Ninnenne