marileine moderateur
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| Sujet: Lecture:Constance et la ville d'Hiver Alain Dubos (livre bien analysé) Sam 2 Mai - 13:58 | |
| Constance et la ville d'Hiver Alain DubosL'auteur Alain Dubos est un médecin-écrivain français . Né en Tunisie en 1943, il est pédiatre en région parisienne. Ancien vice-président de Médecins sans frontières, Alain Dubos fut à l'initiative de missions en Orient et en [size=13]Afrique. Acteur et témoin, il fut l'un des pionniers d'une œuvre humanitaire récompensée par le prix Nobel de la paix en décembre 1999. [/size] L'Afrique natale, le souvenir d'un père médecin-chirurgien-accoucheur dans le bled tunisien, la nostalgie d'un paradis perdu dans le fracas des armes, l'exil, suivi de la difficile nécessité de s'enraciner dans le sol mystérieux de la mère patrie, tout cela peuple la mémoire et forge la conscience. Le refus de la routine, la rencontre avec une toute jeune organisation humanitaire, Médecins sans frontières, font le reste et, en 1978, c'est le départ pour la Thaïlande et ses cohortes de réfugiés. De cette expérience vécue naît La Rizière des barbares (Julliard, 1980), préfiguration exacte de ce que la presse puis le cinéma, via le film La Déchirure, relateront de cette tragédie. Les années 1980 verront le French Doctor se partager assez équitablement entre la clientèle de son cabinet (désespérée par ses absences répétées !), la vice-présidence de Médecins sans frontières, qui lui permettra d'initier des missions parmi les plus périlleuses qu'ait connues l'organisation, et l'écriture. Entre ses séjours libanais passés à ouvrir des hôpitaux dans les sous-sols de Beyrouth, sous des obus de toutes provenances (syriens en 1981, israéliens en 1982, multinationaux en 1983), un long voyage dans le Moyen Age afghan, des explorations au Kurdistan, des visites sur le front Iran-Irak, des missions en [size=13]Afrique noire et en Amérique centrale, Dubos écrit La Fin des mandarins (Julliard, 1982), L'Embuscade (Presses de la Cité, 1983, roman sur l'Algérie), participe à des ouvrages de pédiatrie, avant de publier Tu franchiras la frontière (Julliard, 1986), ouvrage inspiré par ses expériences de médecine humanitaire. Tout en continuant d'exercer sa profession de pédiatre, Alain Dubos revient à l'écriture et à sa terre ancestrale, les Landes, et publie en 1996 Les Seigneurs de la haute lande, une histoire d'hommes libres dans le grand désert d'avant la forêt. Suivent La Palombe noire et La Sève et la Cendre, études romanesques de l'univers très particulier des propriétaires et métayers landais. Le Secret du docteur Lescat constitue un autre volet de cette traversée d'une région devenue touristique qui demeure pourtant mal connue du grand public et qu'Alain Dubos retrouve en 2007 avec Constance et la Ville d'Hiver. [/size] Alain Dubos a aussi écrit dans la [size=13]collection Sud Lointain une grande saga sur l'Acadie et la tragédie de son peuple avec Acadie Terre promise et Retour en Acadie, ainsi que deux romans sur la Louisane, La Plantation de Bois-Joli et La Baie des maudits. [/size] Alain Dubos est membre de plusieurs associations : Accueil de l'enfant réfugié, Amitiés Acadiennes, Défense de la Langue Française. Il est depuis avril 2010 chroniqueur sur le site internet Riposte laïque4. Connaisseur du monde musulman, il plaide pour une véritable laïcisation de l'Islam dans le monde occidental et pour une réforme intérieure qui le protège de ses extrêmes L'histoire : Printemps 1900, dans les Landes et en Gironde. Autour des retrouvailles tumultueuses entre un père et sa fille, Alain Dubos construit un roman sur l'absence, la culpabilité et les blessures de l'enfance, dans le cadre magique du Bassin d'Arcachon. Après avoir couru l'aventure dans les Colonies pendant treize ans, le médecin-capitaine Rémi Darrast est de retour au pays, dans la « forteresse familiale » d'Arcachon. Il retrouve sur place une famille vieillissante et hostile. Il va surtout à la rencontre de sa fille, Constance. A quinze ans, c'est une enfant imprévisible et solitaire, marquée par la douleur de l'abandon. Les décors sablonneux de la « petite mer » girondine, l'affection des pêcheurs et des ouvriers des parcs à huîtres sont les seuls réconforts de la « petite fée des baïnes ». Dans l'univers sauvage ou faussement pacifié du Bassin, Constance abrite son chagrin d'orpheline et ses lourds secrets d'enfant. Auprès d'elle et de Leopoldine, une pianiste dont il s'est épris, Rémi va vivre la plus périlleuse de ses aventures, celle d'un père essayant de renouer le fil d'existences trop longtemps mises entre parenthèses. Extraits : "Il aurait pu rester en Indochine, construire une existence coloniale à l'ombre du drapeau tricolore. Piégé par l'immensité, la torpeur, les violences de ces pays rêvés, il y aurait peut-être même disparu sans laisser la moindre trace. Comme un insecte surgi de l'obscurité, affolé par une lunière et se précipitant vers elle, le prénom de sa fille était soudain venu buter contre les murs épais protégeant sa mémoire, jusqu'à les fissurer.— Contance. Un visage fermé. Des yeux de charbon ardent. Une silhouette osseuse, presque étique, perdue au milieu des adultes, sur les quelques photographies reçues de Bordeaux." "Elle marcha à ses côtés dans Bordeaux, docile et peu bavarde. L'homme au visage émacié, aux mains puissantes, en compagnie de qui elle arpentait les rues de la ville, l'attirait et l'inquiétait en même temps. Cet inconnu au regard limpide couleur d'océan était son père. Un lien ténu l'attachait à lui, tissé de curiosité bien plus que d'une quelconque affection. Qu'adviendrait-il d'elle de toute façon?" "La raison de cette désertion demeurait enfouie quelque part au tréfonds de son coeur. Là, gitaîent une telle honte, un si vaste champ d'échec, d efuite, d'oubli, que l'abandon de sa fille aus bonnes grâces des siens avait trouvé bien vite sa raison d'être. Végéter à l'ombre d'une famille dont chaque mot, chaque geste, chaque pensée non dite était prétexte à le culpabiliser; ou partir, son diplôme en poche, histoire de montrer aux uns et aux autres qu'il valait mieux qu'un veuf même pas marié, père clandestin d'une enfant de pauvre et assez démoli mentalement pour se savoir incapable de l'éduquer. Le choix lui avait semblé presque facile."" Constance glissa sa main sous l'oreiller dont ele pressa contre elle la plume. C'était là le seul confort de sa couche. Elle ne se souvenait pas qu'une seule fois, quelqu'un l'eût câlinée, disant des mots tendres, rien que pour elle. Ces gestes n'appartenaient pas aux moeurs des siens. Ses cousines, qui voisinaient avec elle dans le dortoir, n'étaient guère mieux loties, encore que leur mère eût coutume de les caresser furtivement, lorsqu'elle était contente d'elles. Enfin Constance pouvait-elle se donner l'illusion d'avoir une part de ces douceurs. Une fille ronronnait en dormant, près de la porte d'entrée du dortoir. Peut-être le temps allait-il s'arrêter sur ces instants d'obscurité. Constance le désirait. Elle se loverait autour de la photographie, dormirait puis s'éveillerait, dormirait encore. Personne ne viendrait la déranger, dans cette nuit qui durerait toute la vie. Une quiétude absolue bannirait pour toujours les cris et les hontes, les chagrins et toutes ces sales blessures de l'âme. Une ombre veillait sur ce miracle. Si l'on fermait les yeux très fort, si l'on laissait son coeur battre la chamade, elle prendrait sa forme réelle et, s'étant penchée sur Constance, elle poserait sur l'enfant meurtrie la main qui guérit." "...Une famille, c'est comme un livre trouvé dans quelque recoin poussiéreux d'une maison. Il sommeillait au milieu de photographies, de lettres oubliées, d'objets sans grande utilité. On l'ouvre. L'intérieur est surprenant. Il y a là, tout d'abord des pages enluminées, comme travaillées pour la postérité par des scribes besogneux. La gloire, figurez-vous. Austerlitz! Solferino! Sonnez trompettes, flottez bannières, nous sommes au sommet de l'Histoire, sous le grand soleil des triomphes. On s'assied pour mieux jouir de ce miel, mais voilà que se tournent des feuillets soudain moins colorés. L'écriture en est uniforme et plutôt terne. Et il y en a, de ces pages là. Des centaines. C'est le gros de l'ouvrage. La banale aventure du quotidien, la petitesse et le gris d'existences sans relief, l'amour des mères et l'ingratitude des fils. Des chapitres entiers sont consacrés à tous ces gens dont le temps a effacé jusqu'aux traits. Les riches en garderont des portraits, les autres, ma foi, de la nostalgie, c'est mieux que rien. .......Et puis, chose surprenante, voici les restes de pages arrachées, une ici et là ou par paquets entiers. Des doigts encolérés ou froidement méthodiques ont supprimé ce qui ne valait sans doute pas la peine d'être lu. Qu'était-il écrit dans ce vide? quels secrets ainsi effacés? Combien, là-dedans, de ces silences qui couvrent des vérités gênantes, les trahisons et les coups bas, étouffent les cris de détresse, trucident les innocences et purgent à bon compte les consciences tourmentées? une oeuvre étrange, oui, vraiment, écrite à plusieurs mains, offrant au lecteur tout à la fois la verve mousquetaire de Dumas, le constat sans joie de Balzac, la colère hugolienne mâtinée d'adultère à la Flaubert, entre autres signatures de génie. Quant au sordide, à l'inavouable, on se réjouira de ne pas avoir à les découvrir, en se disant que de toute manière, ils sont l'un comme l'autre impensables dans des familles comme les nôtres. Zola!... ..........tout cela pour vous dire, mon cher Alphonse, que vous allez entrer dans une famille d'une très formelle normalité. Surtout, ne vous en faites pas une montagne et vivez votre belle jeunesse aussi loin que vous le pourrez. Si l'envie vous prend de chercher un jour ce bouquin, vous le trouverez peut-être bien entier, sans rature ni chapitre sectionné à la racine, exactement comme il se présente, si j'ai bien compris, celui des vôtres. Bonne chasse, mon ami". Mon humble avis : Ce livre nous plonge en 1900 et nous peint la vie des grandes familles des Landes et en Gironde, les mariages "arrangés", les non-dits, l'orgueil par rapport aux familles humbles des travailleurs...L'auteur traite de l'hypocrisie liée à l'abus sexuel familial...On aime cette petite Constance et on voudrait la bercer pour effacer la tristesse d'une enfance sans affection et brisée par son lourd secret...J'aurais voulu Rémi plus réactif mais cela n'aurait pas correspondu au personnage qu'il avait toujours été... d'une certaine manière soumis et marqué par le poids de sa famille...J'ai aimé ce dépaysement dans des décors sablonneux, l'ambiance simple des pêcheurs et des ouvriers des parcs à huîtres... J'ai senti les embruns de l'Atlantique et entendu bruisser le vent dans les forêts landaises...grâce à une merveilleuse écriture.
Ninnenne
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