Gérard Manset Tristes tropiques
On nous parle d’Indiens qui souffrent et se font rares
Ne sommes-nous pas nous-mêmes peuples opprimés
Pas d’étui pénien, pas de curare
Mais la même terreur qui force à reculer.
Qui partait le matin, revenait le soir
En vivant de cueillette et de faux espoirs
Sur des terrains de chasse dérisoires
Il vous reste quand même le droit d’être cyniques
Ne pas suivre les autres comme une bique
Ne pas aller dansant de façon mécanique
Sur les fumées d’encens des tristes tropiques
Sur les fumées d’encens des tristes tropiques
Parmi les sons de flûte apocalyptiques
Qui partait le matin, revenait le soir
Chasseurs collecteurs vêtus de noir
Si la forêt se meurt, putrifie
Ce n’est pas pour autant comme un défi
Des Atlantides encore
Des Atlantides encore s’engloutissent
Mais ce qui meurt un jour, un jour revit
Dans le bruit des grands arbres et celui des scies
Il nous reste quand même le droit d’être assis
Ne pas singer les autres, faire comme si
Ne pas aller dansant de façon mécanique
Sur les fumées bleues des tristes tropiques
Sur les fumées bleues des tristes tropiques
Parmi les sons de flûte apocalyptiques.
Indiennes nues, [size=13]femmes sans âge[/size]
Qui serez devenues tourbe ou feuillage
Vous vous réveillerez, le marécage
Sera couvert d’acier jusqu’aux nuages
Et devant les piscines en marbre de Carrare
Les Indiens viennent mourir et se font rares
Ne sommes-nous pas nous-mêmes Indiens des plus rares
Pour nous sauver peut-être il n’est pas trop tard
Comme il faut bien finir un jour, quelque part
Nous irons nous tapir dans une mare
Dans un de ces lagons épargnés de l’histoire
Où le sable est maison, le vent musique
Dans un de ces lagons des tristes tropiques
Où le sable est maison, le vent musique
Dans un de ces lagons des tristes tropiques.
Dans un de ces lagons
Où le sable est maison
Dans un de ces lagons des tristes tropiques
Dans un de ces lagons
Dans un de ces lagons
Gérard Manset
Gérard Manset Que deviens-tu?
Oeuvre de Caillebotte
Millions de vies cachées dans des maisons de tôle,
Fourmi portant le [size=13]monde sur tes épaules[/size]
Qui plie mais ne rompt pas comme le saule,
Fourmi portant le [size=13]monde sur tes épaules.[/size]
Maisons châteaux,
Murs de sable, murs de vent,
Souffle de l'avenir nous soulevant
Comme une feuille d'arbre pourrissant,
Jaune et dorée sous le soleil couchant
Comme un [size=13]chien qui s'est tû[/size]
Et toi que deviens-tu?
Je te demande:
Et toi que deviens-tu?
Maisons châteaux,
Murs de sable, murs de vent,
Cristal taillé plus pur que le diamant
Qui devient sous nos doigts
Sable tout simplement,
Sable dans nos paupières
Nous endormant,
Comme un film s'arrête.
Et toi que deviens-tu?
Je te demande:
Et toi que deviens-tu?
Gérard Manset
Gérard Manset Quand une femme
Quand une [size=13]femme...[/size]
Quand une femme
Se lève le matin
Fait chauffer de l’eau
Regarde ses mains
Sort sur le devant
De son bungalow.
Peut-être alors elle se souvient
Des choses inconnues
Qu’elles avaient oubliées
Comme un [size=13]papier plié [/size]
Sous un petit coussin
Doux comme un mocassin.
Se lève le matin
Fait chauffer de l’eau
En regardant au loin
Si le temps sera beau
S’il pleuvra demain.
Ce sont des choses inconnues
Qu’elle avait oubliées
Comme un [size=13]papier plié [/size]
Doux comme un oreiller.
Celui-là, celui-là même
Où si longtemps avant
Quelqu’un avait écrit
La fin de ce poème
De ce récit.
Fait couler de l’eau
Le long de ses reins
Le long de son dos
Et puis se souvient.
Comme un [size=13]papier plié [/size]
Sous un petit coussin
Doux comme un mocassin
Ce sont des choses inconnues
Qu’elle avait oubliées
Comme un [size=13]papier plié [/size]
Sous un petit coussin.
Ce sont des choses inconnues
Qu’elle avait oubliées
Une soucoupe toute émaillée
Qu’un rayon fait briller...
Gérard Manset
Gérard Manset Prisonnier de l'inutile
Prisonnier de l'inutile
Nous avons marché le long des sentiers.
Parmi nous, certains sont tombés
Et tous les autres que deviennent-ils ?
Nous sommes prisonniers de l'inutile.
Derrière nous, campagnes et villages
Ensevelis sous le lierre sauvage
Où seul un [size=13]chien peut-être vit tranquille.[/size]
Nous sommes prisonniers de l'inutile.
Nous sommes prisonniers des liens qui nous attachent
Et nous souffrons. Dans notre c?oeur, comme une tache,
Quelque chose qui grandit et qui se cache.
Nous sommes prisonniers des liens qui nous attachent.
Quelques croix sont plantées sur le chemin
Que les bourreaux nous montrent de la main,
Disant : "De l'autre monde, que reste-il ?"
Nous sommes prisonniers de l'inutile.
Au-delà de nous, dans le ciel de plomb,
Y a-t-il un [size=13]Dieu, quelqu'un ? nous l'appelons .[/size]
Nous oublier, comment le peut-il ?
Nous sommes prisonniers de l'inutile
Nous sommes prisonnier des liens qui nous attache
Et nous souffrons dans notre coeur
Quelque chose qui grandit et qui se cache
Sommes prisonniers des liens qui nous attachent...
Gérard Manset
Un de ses plus beaux textes...Gérard Manset Quand on perd un ami
Quand on perd un ami
Quand on perd un ami,
C'est peut-être qu'il dort
Dans un autre univers
De gel et de bois [size=13]mort,[/size]
Dans un autre dé[size=13]cor,[/size]
Simplement affaibli,
Quand on perd un ami,
Son âme se décolle
Comme un [size=13]papier jauni,[/size]
Papyrus d'école,
C'est que l'on a grandi,
Quand on perd un ami,
Comme dans un tamis,
Après que le cambiste
Ait déserté la salle,
Ait déserté la salle.
Dans le jour indolore
Et dans l'air inodore,
Repose sur le pourpre,
Entouré des siens,
Et pas même un chien
Pour lécher sa paume,
Son bras recourbé
Quand un ami s'en va,
Disparaît de son lit,
Par de nouveaux sherpas,
Pour de nouveaux pays
Quand on perd un ami,
De la lumière subsiste,
Comme dans un tamis,
Après que le cambiste
Ait déserté la salle
Peut-être, ce n'est pas
Ce qu'on nous en a dit
Si, là-bas, il fait froid
Comme il le fait ici,
Quand on perd un ami,
Qui le découvrira ?
Fakir embaumé
Transpercé de pointes,
Et lorsque le jour pointe,
Pas même un drap
Pour cacher ses yeux,
Quand un ami s'en va...
Quand on perd un ami,
De la lumière subsiste,
Comme dans un tamis...
Gérard Manset
Ninnenne