Le brouillard
Le brouillard a tout mis
Dans son [size=16]sac de coton ;[/size]
Le brouillard a tout pris
Autour de ma maison
Plus de fleurs au jardin,
Plus d'arbres dans l'allée ;
La serre des voisins
Semble s'être envolée.
Et je ne sais vraiment
Où peut s'être posé
Le moineau que j'entends
Si tristement crier.
Maurice Carême
J'aime l'araignée
J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;
Parce qu'elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;
Parce qu'elles sont prises dans leur oeuvre ;
Ô sort ! fatals noeuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre,
L'araignée un gueux;
Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes,
Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes
De la sombre [size=16]nuit...[/size]
Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre [size=16]animal.[/size]
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !
Il n'est rien qui n'ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve [size=16]horreur, pour peu qu'on oublie[/size]
De les écraser,
Pour peu qu'on leur jette un oeil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : [size=16]Amour ![/size]
Victor Hugo
Le chat
Pour ne poser qu'un doigt dessus
Le chat est bien trop grosse bête.
Sa queue rejoint sa tête,
Et se répond à la caresse.
Mais, la nuit l'homme voit ses yeux
Dont la paleur est le seul don.
Ils sont trop gros pour qu'il les cache
Et trop lourds pour le vent perdu du rêve.
Quand le chat danse
C'est pour isoler sa prison
Et quand il pense
C' est jusqu'aux murs de ses yeux.
Paul Eluard,
N'attends pas d'être aimé ... Alexandra julien
N'attends pas d'être aimé pour prendre soin de Toi...
Ne regrette pas d'avoir aimé,
Ne reprends pas ce que tu as donné,
Si blessure il y a, prend le temps de soigner,
Et permet à ton [size=16]coeur de pouvoir se reposer,[/size]
Tu ne savoureras rien sous le goût de l'amertume,
Tu n'es pas un acteur, dépose le costume,
Tes histoires seront belles si tu choisis ta plume,
Et l'amour te guidera bien plus loin que la brume,
Sans même t'en rendre compte tu suivras le bonheur,
Lorsqu'une fois guéri rechantera ton [size=16]coeur,[/size]
Tu croiseras les yeux qui sèmeront la chaleur,
Qui te diront les mots recouverts de [size=16]douceur,[/size]
Et au petit matin la joie trouvera ta main,
Lorsque sans te blesser la paix chassera le chagrin,
Une voix rassurante chuchotera le refrain,
De belles paroles sincères qui colorent le destin,
Mais n'attends pas qu'on t'aime pour prendre soin de toi,
Ne t'abandonne pas même si survient le froid,
Prends toi donc par la main et chasse le désarroi,
N'oublie jamais que ton plus grand Ami, c'est Toi.
Alexandra Julien
Automne malade
Automne malade et adoré
Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n’ont jamais aimé
Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé
Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu’on foule
Un train
Qui roule
La vie
S’écoule
Guillaume Apollinaire
L'âme du vin
Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles :
" Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j'éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;
J'allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l'éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! "
Charles Baudelaire
Ninnenne