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| POEME JEAN DE LA FONTAINE:le cierge+la vieille et les deux servantes+le jardinier et son seigneur+autres | |
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marileine moderateur
Messages : 27475 Date d'inscription : 08/03/2012 Localisation : belgique
| Sujet: POEME JEAN DE LA FONTAINE:le cierge+la vieille et les deux servantes+le jardinier et son seigneur+autres Mer 26 Aoû - 13:50 | |
| le ciergeC’est du séjour des Dieux que les Abeilles viennent. Les premières, dit-on, s’en allèrent loger Au mont Hymette, et se gorger Des trésors qu’en ce lieu les zéphirs entretiennent. Quand on eut des palais de ces filles du Ciel Enlevé l’ambroisie en leurs chambres enclose, Ou, pour dire en Français la chose, Après que les ruches sans miel N’eurent plus que la Cire, on fit mainte bougie ; Maint Cierge aussi fut façonné. Un d’eux voyant la terre en brique au feu durcie Vaincre l’effort des ans, il eut la même envie ; Et, nouvel Empédocle aux flammes condamné, Par sa propre et pure folie, Il se lança dedans. Ce fut mal raisonné ; Ce Cierge ne savait grain de Philosophie. Tout en tout est [size=18]divers : ôtez-vous de l’esprit Qu’aucun être ait été composé sur le vôtre. L’Empédocle de Cire au brasier se fondit :[/size] Il n’était pas plus fou que l’autre. la vieille et les deux servantesIl était une vieille ayant deux Chambrières. Elles filaient si bien que les soeurs filandières Ne faisaient que brouiller au prix de celles-ci. La Vieille n’avait point de plus pressant souci Que de distribuer aux Servantes leur tâche. Dès que Téthis chassait Phébus aux crins dorés, Tourets entraient en jeu, fuseaux étaient tirés ; Deçà, delà, vous en aurez ; Point de cesse, point de relâche. Dès que l’Aurore, dis-je, en son char remontait, Un misérable Coq à point nommé chantait. Aussitôt notre Vieille encor plus misérable S’affublait d’un jupon crasseux et détestable, Allumait une lampe, et courait droit au lit Où de tout leur pouvoir, de tout leur appétit, Dormaient les deux pauvres Servantes. L’une entr’ouvrait un oeil, l’autre étendait un bras ; Et toutes deux, très malcontentes, Disaient entre leurs dents : Maudit Coq, tu mourras. Comme elles l’avaient dit, la bête fut grippée. Le réveille-matin eut la gorge coupée. Ce meurtre n’amenda nullement leur marché. Notre couple au contraire à peine était couché Que la Vieille, craignant de laisser passer l’heure, Courait comme un Lutin par toute sa demeure. C’est ainsi que le plus souvent, Quand on pense sortir d’une mauvaise affaire, On s’enfonce encor plus avant : Témoin ce Couple et son salaire. La Vieille, au lieu du Coq, les fit tomber par là De Charybde en Scylla. [size=24]le jardinier et son seigneur[/size] Un amateur du jardinage, Demi-bourgeois, demi-manant, Possédait en certain Village Un jardin assez propre, et le clos attenant. Il avait de plant vif fermé cette étendue. Là croissait à plaisir l’oseille et la laitue, De quoi faire à Margot pour sa fête un bouquet, Peu de jasmin d’Espagne, et force serpolet. Cette félicité par un Lièvre troublée Fit qu’au Seigneur du Bourg notre homme se plaignit. « Ce maudit [size=18]animal vient prendre sa goulée Soir et matin, dit-il, et des pièges se rit ; Les pierres, les bâtons y perdent leur crédit : Il est Sorcier, je crois. -Sorcier ? je l’en défie, Repartit le Seigneur . Fût-il diable, Miraut, En dépit de ses tours, l’attrapera bientôt. Je vous en déferai, bon homme, sur ma vie. - Et quand ? – Et dès demain, sans tarder plus longtemps. » La partie ainsi faite, il vient avec ses gens. « Cà, déjeunons, dit-il : vos poulets sont-ils tendres ? La fille du logis, qu’on vous voie, approchez : Quand la marierons-nous ? quand aurons-nous des gendres ? Bon homme, c’est ce coup qu’il faut, vous m’entendez Qu’il faut fouiller à l’escarcelle. » Disant ces mots, il fait connaissance avec elle, Auprès de lui la fait asseoir, Prend une main, un bras, lève un coin du mouchoir, Toutes sottises dont la Belle Se défend avec grand respect ; Tant qu’au père à la fin cela devient suspect. Cependant on fricasse, on se rue en cuisine. « De quand sont vos jambons ? ils ont fort bonne mine. - Monsieur, ils sont à vous. – Vraiment ! dit le Seigneur, Je les reçois, et de bon coeur. » Il déjeune très bien ; aussi fait sa famille, Chiens, chevaux, et valets, tous gens bien endentés : Il commande chez l’hôte, y prend des libertés, Boit son vin, caresse sa fille. L’embarras des chasseurs succède au déjeuné. Chacun s’anime et se prépare : Les trompes et les cors font un tel tintamarre Que le bon homme est étonné. Le pis fut que l’on mit en piteux équipage Le pauvre potager ; adieu planches, carreaux ; Adieu chicorée et porreaux ; Adieu de quoi mettre au potage. Le Lièvre était gîté dessous un maître chou. On le quête ; on le lance, il s’enfuit par un trou, Non pas trou, mais trouée, horrible et large plaie Que l’on fit à la pauvre haie Par ordre du Seigneur ; car il eût été mal Qu’on n’eût pu du jardin sortir tout à cheval. Le bon homme disait : « Ce sont là jeux de Prince. » Mais on le laissait dire ; et les chiens et les gens Firent plus de dégât en une heure de temps Que n’en auraient fait en cent ans Tous les lièvres de la Province.[/size] Petits Princes, videz vos débats entre vous : De recourir aux rois vous seriez de grands fous. Il ne les faut jamais engager dans vos guerres, Ni les faire entrer sur vos terres. [size] la tortue et les deux canards[/size] Une Tortue était, à la tête légère, Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays, Volontiers on fait cas d’une terre étrangère : Volontiers gens boiteux haïssent le logis. Deux Canards à qui la commère Communiqua ce beau dessein, Lui dirent qu’ils avaient de quoi la satisfaire : Voyez-vous ce large chemin ? Nous vous voiturerons, par l’air, en Amérique, Vous verrez mainte République, Maint Royaume, maint peuple, et vous profiterez Des différentes moeurs que vous remarquerez. Ulysse en fit autant. On ne s’attendait guère De voir Ulysse en cette affaire. La Tortue écouta la proposition. Marché fait, les [size=18]oiseaux forgent une machine Pour transporter la pèlerine. Dans la gueule en travers on lui passe un bâton. Serrez bien, dirent-ils ; gardez de lâcher prise. Puis chaque Canard prend ce bâton par un bout. La Tortue enlevée on s’étonne partout De voir aller en cette guise L’animal lent et sa maison, Justement au milieu de l’un et l’autre Oison. Miracle, criait-on. Venez voir dans les nues Passer la Reine des Tortues. - La Reine. Vraiment oui. Je la suis en effet ; Ne vous en moquez point. Elle eût beaucoup mieux fait De passer son chemin sans dire aucune chose ; Car lâchant le bâton en desserrant les dents, Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants. Son indiscrétion de sa perte fut cause. Imprudence, babil, et sotte vanité, Et vaine curiosité, Ont ensemble étroit parentage.[/size] Ce sont enfants tous d’un lignage. [size] le loup et le renard[/size] D’où vient que personne en la vie N’est satisfait de son état ? Tel voudrait bien être Soldat A qui le Soldat porte envie. Certain Renard voulut, dit-on, Se faire Loup. Hé ! qui peut dire Que pour le métier de Mouton Jamais aucun Loup ne soupire ? Ce qui m’étonne est qu’à huit ans Un Prince en Fable ait mis la chose, Pendant que sous mes cheveux blancs Je fabrique à force de temps Des Vers moins sensés que sa Prose. Les traits dans sa Fable semés Ne sont en l’ouvrage du poète Ni tous, ni si bien exprimés. Sa louange en est plus complète. De la chanter sur la Musette, C’est mon talent ; mais je m’attends Que mon Héros, dans peu de temps, Me fera prendre la trompette. Je ne suis pas un grand Prophète ; Cependant je lis dans les Cieux Que bientôt ses faits glorieux Demanderont plusieurs Homères ; Et ce temps-ci n’en produit guères. Laissant à part tous ces mystères, Essayons de conter la Fable avec succès. Le Renard dit au Loup : Notre cher, pour tous mets J’ai souvent un vieux Coq, ou de maigres Poulets ; C’est une viande qui me lasse. Tu fais meilleure chère avec moins de hasard. J’approche des maisons, tu te tiens à l’écart. Apprends-moi ton métier, Camarade, de grâce ; Rends-moi le premier de ma race Qui fournisse son croc de quelque Mouton gras : Tu ne me mettras point au nombre des ingrats. - Je le veux, dit le Loup ; il m’est [size=18]mort un mien frère : Allons prendre sa peau, tu t’en revêtiras. Il vint, et le Loup dit : Voici comme il faut faire Si tu veux écarter les Mâtins du troupeau. Le Renard, ayant mis la peau, Répétait les leçons que lui donnait son maître. D’abord il s’y prit mal, puis un peu mieux, puis bien ; Puis enfin il n’y manqua rien. A peine il fut instruit autant qu’il pouvait l’être, Qu’un Troupeau s’approcha. Le nouveau Loup y court Et répand la terreur dans les lieux d’alentour. Tel, vêtu des armes d’Achille, Patrocle mit l’alarme au Camp et dans la Ville : Mères, Brus et Vieillards au Temple couraient tous. L’ost au Peuple bêlant crut voir cinquante Loups. Chien, Berger, et Troupeau, tout fuit vers le Village, Et laisse seulement une Brebis pour gage. Le larron s’en saisit. A quelque pas de là Il entendit chanter un Coq du voisinage. Le Disciple aussitôt droit au Coq s’en alla, Jetant bas sa robe de classe, Oubliant les Brebis, les leçons, le Régent, Et courant d’un pas diligent. Que sert-il qu’on se contrefasse ? Prétendre ainsi changer est une illusion : L’on reprend sa première trace A la première occasion. De votre esprit, que nul autre n’égale, Prince, ma Muse tient tout entier ce projet : Vous m’avez donné le sujet,[/size] Le dialogue, et la morale. [size] le heron[/size] Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où, Le Héron au long bec emmanché d’un long cou. Il côtoyait une rivière. L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours ; Ma commère la carpe y faisait mille tours Avec le brochet son compère. Le Héron en eût fait aisément son profit : Tous approchaient du bord, l’oiseau n’avait qu’à prendre ; Mais il crut mieux faire d’attendre Qu’il eût un peu plus d’appétit. Il vivait de régime, et mangeait à ses heures. Après quelques moments l’appétit vint : l’oiseau S’approchant du bord vit sur l’eau Des Tanches qui sortaient du [size=18]fond de ces demeures. Le mets ne lui plut pas ; il s’attendait à mieux Et montrait un goût dédaigneux Comme le rat du bon Horace. Moi des Tanches ? dit-il, moi Héron que je fasse Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ? La Tanche rebutée il trouva du goujon. Du goujon ! c’est bien là le dîner d’un Héron ! J’ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise ! Il l’ouvrit pour bien moins : tout alla de façon Qu’il ne vit plus aucun poisson. La faim le prit, il fut tout heureux et tout aise De rencontrer un limaçon.[/size] Ne soyons pas si difficiles : Les plus accommodants ce sont les plus habiles : On hasarde de perdre en voulant trop gagner. Gardez-vous de rien dédaigner ; Surtout quand vous avez à peu près votre compte. Bien des gens y sont pris ; ce n’est pas aux Hérons Que je parle ; écoutez, humains, un autre conte ; Vous verrez que chez vous j’ai puisé ces leçons. [size] le gland et la citrouille[/size] Dieu fait bien ce qu’il fait. Sans en chercher la preuve En tout cet Univers, et l’aller parcourant, Dans les Citrouilles je la treuve. Un villageois considérant, Combien ce fruit est gros et sa tige menue : A quoi songeait, dit-il, l’Auteur de tout cela ? Il a bien mal placé cette Citrouille-là ! Hé parbleu ! Je l’aurais pendue A l’un des chênes que voilà. C’eût été justement l’affaire ; Tel fruit, tel arbre, pour bien faire. C’est dommage, Garo, que tu n’es point entré Au conseil de celui que prêche ton Curé : Tout en eût été mieux ; car pourquoi, par exemple, Le Gland, qui n’est pas gros comme mon petit doigt, Ne pend-il pas en cet endroit ? Dieu s’est mépris : plus je contemple Ces fruits ainsi placés, plus il semble à Garo Que l’on a fait un quiproquo. Cette réflexion embarrassant notre [size=18]homme : On ne dort point, dit-il, quand on a tant d’esprit. Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme. Un gland tombe : le nez du dormeur en pâtit. Il s’éveille ; et portant la main sur son visage, Il trouve encor le Gland pris au poil du menton. Son nez meurtri le force à changer de langage ; Oh, oh, dit-il, je saigne ! et que serait-ce donc S’il fût tombé de l’arbre une masse plus lourde, Et que ce Gland eût été gourde ? Dieu ne l’a pas voulu : sans doute il eut raison ; J’en vois bien à présent la cause. En louant Dieu de toute chose,[/size] Garo retourne à la maison. [size] la souris matamorphosee en fille[/size] Une Souris tomba du bec d’un Chat-Huant : Je ne l’eusse pas ramassée ; Mais un Bramin le fit ; je le crois aisément : Chaque pays a sa [size=18]pensée. La Souris était fort froissée : De cette sorte de prochain Nous nous soucions peu : mais le peuple bramin Le traite en frère ; ils ont en tête Que notre âme au sortir d’un Roi, Entre dans un ciron, ou dans telle autre bête Qu’il plaît au Sort. C’est là l’un des points de leur loi. Pythagore chez eux a puisé ce mystère. Sur un tel fondement le Bramin crut bien faire De prier un Sorcier qu’il logeât la Souris Dans un corps qu’elle eût eu pour hôte au temps jadis. Le sorcier en fit une fille De l’âge de quinze ans, et telle, et si gentille, Que le fils de Priam pour elle aurait tenté Plus encor qu’il ne fit pour la grecque beauté. Le Bramin fut surpris de chose si nouvelle. Il dit à cet objet si doux : Vous n’avez qu’à choisir ; car chacun est jaloux De l’honneur d’être votre époux. - En ce cas je donne, dit-elle, Ma voix au plus puissant de tous. - Soleil, s’écria lors le Bramin à genoux, C’est toi qui seras notre gendre. - Non, dit-il, ce nuage épais Est plus puissant que moi, puisqu’il cache mes traits ; Je vous conseille de le prendre. - Et bien, dit le Bramin au nuage volant, Es-tu né pour ma fille ? – Hélas non ; car le vent Me chasse à son plaisir de contrée en contrée ; Je n’entreprendrai point sur les droits de Borée. Le Bramin fâché s’écria : O vent donc, puisque vent y a, Viens dans les bras de notre belle. Il accourait : un mont en chemin l’arrêta. L’éteuf passant à celui-là, Il le renvoie, et dit : J’aurais une querelle Avec le Rat ; et l’offenser Ce serait être fou, lui qui peut me percer. Au mot de Rat, la Damoiselle Ouvrit l’oreille ; il fut l’époux. Un Rat ! un Rat ; c’est de ces coups Qu’Amour fait, témoin telle et telle : Mais ceci soit dit entre nous. On tient toujours du lieu dont on vient. Cette Fable Prouve assez bien ce point : mais à la voir de près, Quelque peu de sophisme entre parmi ses traits : Car quel époux n’est point au Soleil préférable En s’y prenant ainsi ? Dirai-je qu’un géant Est moins fort qu’une puce ? elle le mord pourtant. Le Rat devait aussi renvoyer, pour bien faire, La belle au chat, le chat au chien, Le chien au loup. Par le moyen De cet argument circulaire, Pilpay jusqu’au Soleil eût enfin remonté ; Le Soleil eût joui de la jeune beauté. Revenons, s’il se peut, à la métempsycose : Le sorcier du Bramin fit sans doute une chose Qui, loin de la prouver, fait voir sa fausseté. Je prends droit là-dessus contre le Bramin même : Car il faut, selon son système, Que l’homme, la souris, le ver, enfin chacun Aille puiser son âme en un trésor commun : Toutes sont donc de même trempe ; Mais agissant diversement Selon l’organe seulement L’une s’élève, et l’autre rampe. D’où vient donc que ce corps si bien organisé Ne put obliger son hôtesse De s’unir au Soleil, un Rat eut sa tendresse ? Tout débattu, tout bien pesé, Les âmes des souris et les âmes des belles Sont très différentes entre elles. Il en faut revenir toujours à son destin, C’est-à-dire, à la loi par le Ciel établie. Parlez au diable, employez la magie,[/size] Vous ne détournerez nul être de sa fin. [size] la poule aux oeufs d or[/size] L’avarice perd tout en voulant tout gagner. Je ne veux, pour le témoigner, Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable, Pondait tous les jours un oeuf d’or. Il crut que dans son corps elle avait un trésor. Il la tua, l’ouvrit, et la trouva semblable A celles dont les oeufs ne lui rapportaient rien, S’étant lui-même ôté le plus beau de son bien. Belle leçon pour les gens chiches : Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus Qui du soir au matin sont pauvres devenus Pour vouloir trop tôt être riches ? [size] le loup et le chien[/size] Un Loup n’avait que les os et la peau, Tant les [size=18]chiens faisaient bonne garde. Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau, Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde. L’attaquer, le mettre en quartiers, Sire Loup l’eût fait volontiers ; Mais il fallait livrer bataille, Et le Mâtin était de taille A se défendre hardiment. Le Loup donc l’aborde humblement, Entre en propos, et lui fait compliment Sur son embonpoint, qu’il admire. « Il ne tiendra qu’à vous beau sire, D’être aussi gras que moi, lui repartit le Chien. Quittez les bois, vous ferez bien : Vos pareils y sont misérables, Cancres, hères, et pauvres diables, Dont la condition est de mourir de faim. Car quoi ? rien d’assuré : point de franche lippée : Tout à la pointe de l’épée. Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. » Le Loup reprit : « Que me faudra-t-il faire ? - Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens Portants bâtons, et mendiants ; Flatter ceux du logis, à son Maître complaire : Moyennant quoi votre salaire Sera force reliefs de toutes les façons : Os de poulets, os de pigeons, Sans parler de mainte caresse. » Le Loup déjà se forge une félicité Qui le fait pleurer de tendresse. Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé. « Qu’est-ce là ? lui dit-il. – Rien. – Quoi ? rien ? – Peu de chose. - Mais encor ? – Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause. - Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas Où vous voulez ? – Pas toujours ; mais qu’importe ? - Il importe si bien, que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte, Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. »[/size] Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor. La suite arrive dans quelques instants | |
| | | marileine moderateur
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| Sujet: Re: POEME JEAN DE LA FONTAINE:le cierge+la vieille et les deux servantes+le jardinier et son seigneur+autres Mer 26 Aoû - 14:01 | |
| la laitiere et le pot de laitPerrette sur sa tête ayant un Pot au lait Bien posé sur un coussinet, Prétendait arriver sans encombre à la ville. Légère et court vêtue elle allait à grands pas ; Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile, Cotillon simple, et souliers plats. Notre laitière ainsi troussée Comptait déjà dans sa pensée Tout le prix de son lait, en employait l’argent, Achetait un cent d’oeufs, faisait triple couvée ; La chose allait à bien par son soin diligent. Il m’est, disait-elle, facile, D’élever des poulets autour de ma maison : Le Renard sera bien habile, S’il ne m’en laisse assez pour avoir un cochon. Le porc à s’engraisser coûtera peu de son ; Il était quand je l’eus de grosseur raisonnable : J’aurai le revendant de l’argent bel et bon. Et qui m’empêchera de mettre en notre étable, Vu le prix dont il est, une vache et son veau, Que je verrai sauter au milieu du troupeau ? Perrette là-dessus saute aussi, transportée. Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ; La dame de ces biens, quittant d’un oeil marri Sa fortune ainsi répandue, Va s’excuser à son mari En grand danger d’être battue. Le récit en farce en fut fait ; On l’appela le Pot au lait. Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait châteaux en Espagne ? Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous, Autant les sages que les fous ? Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux : Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes : Tout le bien du [size=18]monde est à nous, Tous les honneurs, toutes les femmes. Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ; Je m’écarte, je vais détrôner le Sophi ; On m’élit roi, mon peuple m’aime ; Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant : Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;[/size] Je suis gros Jean comme devant. le laboureur et ses enfantsTravaillez, prenez de la peine : C’est le fonds qui manque le moins. Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine, Fit venir ses [size=18]enfants, leur parla sans témoins. Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage Que nous ont laissé nos parents. Un trésor est caché dedans. Je ne sais pas l’endroit ; mais un peu de courage Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout. Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’Oût. Creusez, fouiller, bêchez ; ne laissez nulle place Où la main ne passe et repasse. Le père mort, les fils vous retournent le champ Deçà, delà, partout ; si bien qu’au bout de l’an Il en rapporta davantage. D’argent, point de caché. Mais le père fut sage De leur montrer avant sa mort[/size] Que le [size=18]travail est un trésor.[/size] le cochon le chevre et le moutonUne Chèvre, un Mouton, avec un Cochon gras, Montés sur même char s’en allaient à la foire : Leur divertissement ne les y portait pas ; On s’en allait les vendre, à ce que dit l’histoire : Le Charton n’avait pas dessein De les mener voir Tabarin, Dom Pourceau criait en chemin Comme s’il avait eu cent Bouchers à ses trousses. C’était une clameur à rendre les gens sourds : Les autres animaux, créatures plus douces, Bonnes gens, s’étonnaient qu’il criât au secours ; Ils ne voyaient nul mal à craindre. Le Charton dit au Porc : Qu’as-tu tant à te plaindre ? Tu nous étourdis tous, que ne te tiens-tu coi ? Ces deux personnes-ci plus honnêtes que toi, Devraient t’apprendre à vivre, ou du moins à te taire. Regarde ce Mouton ; a-t-il dit un seul mot ? Il est sage. – Il est un sot, Repartit le Cochon : s’il savait son affaire, Il crierait comme moi, du haut de son gosier, Et cette autre personne honnête Crierait tout du haut de sa tête. Ils pensent qu’on les veut seulement décharger, La Chèvre de son lait, le Mouton de sa laine. Je ne sais pas s’ils ont raison ; Mais quant à moi, qui ne suis bon Qu’à manger, ma mort est certaine. Adieu mon toit et ma maison. Dom Pourceau raisonnait en subtil personnage : Mais que lui servait-il ? Quand le mal est certain, La plainte ni la peur ne changent le destin ; Et le moins prévoyant est toujours le plus sage.
[size=24]le cochet le chat et le souriceau[/size] Un Souriceau tout jeune, et qui n’avait rien vu, Fut presque pris au dépourvu. Voici comme il conta l’aventure à sa mère : J’avais franchi les Monts qui bornent cet Etat, Et trottais comme un jeune Rat Qui cherche à se donner carrière, Lorsque deux animaux m’ont arrêté les yeux : L’un doux, bénin et gracieux, Et l’autre turbulent, et plein d’inquiétude. Il a la voix perçante et rude, Sur la tête un morceau de chair, Une sorte de bras dont il s’élève en l’air Comme pour prendre sa volée, La queue en panache étalée. Or c’était un Cochet dont notre Souriceau Fit à sa mère le tableau, Comme d’un animal venu de l’Amérique. Il se battait, dit-il, les flancs avec ses bras, Faisant tel bruit et tel fracas, Que moi, qui grâce aux Dieux, de courage me pique, En ai pris la fuite de peur, Le maudissant de très bon coeur. Sans lui j’aurais fait connaissance Avec cet animal qui m’a semblé si doux. Il est velouté comme nous, Marqueté, longue queue, une humble contenance ; Un modeste regard, et pourtant l’oeil luisant : Je le crois fort sympathisant Avec Messieurs les Rats ; car il a des oreilles En figure aux nôtres pareilles. Je l’allais aborder, quand d’un son plein d’éclat L’autre m’a fait prendre la fuite. - Mon fils, dit la Souris, ce doucet est un Chat, Qui sous son minois hypocrite Contre toute ta parenté D’un malin vouloir est porté. L’autre animal tout au contraire Bien éloigné de nous mal faire, Servira quelque jour peut-être à nos repas. Quant au Chat, c’est sur nous qu’il fonde sa cuisine. Garde-toi, tant que tu vivras, De juger des gens sur la mine.
[size=24]le chameau et les batons flottant[/size] Le premier qui vit un Chameau S’enfuit à cet objet nouveau ; Le second approcha ; le troisième osa faire Un licou pour le Dromadaire. L’accoutumance ainsi nous rend tout familier. Ce qui nous paraissait terrible et singulier S’apprivoise avec notre vue, Quand ce vient à la continue. Et puisque nous voici tombés sur ce sujet, On avait mis des gens au guet, Qui voyant sur les eaux de loin certain objet, Ne purent s’empêcher de dire Que c’était un puissant navire. Quelques moments après, l’objet devient brûlot, Et puis nacelle, et puis ballot, Enfin bâtons flottants sur l’onde. J’en sais beaucoup de par le monde A qui ceci conviendrait bien : De loin c’est quelque chose, et de près ce n’est rien.
[size=24]le berger et son troupeau[/size] Quoi ? toujours il me manquera Quelqu’un de ce peuple imbécile ! Toujours le Loup m’en gobera ! J’aurai beau les compter : ils étaient plus de mille, Et m’ont laissé ravir notre pauvre Robin ; Robin mouton qui par la ville Me suivait pour un peu de pain, Et qui m’aurait suivi jusques au bout du monde. Hélas ! de ma musette il entendait le son ! Il me sentait venir de cent pas à la ronde. Ah le pauvre Robin mouton ! Quand Guillot eut fini cette oraison funèbre Et rendu de Robin la mémoire célèbre. Il harangua tout le troupeau, Les chefs, la multitude, et jusqu’au moindre agneau, Les conjurant de tenir ferme : Cela seul suffirait pour écarter les Loups. Foi de peuple d’honneur, ils lui promirent tous De ne bouger non plus qu’un terme. Nous voulons, dirent-ils, étouffer le glouton Qui nous a pris Robin mouton. Chacun en répond sur sa tête. Guillot les crut, et leur fit fête. Cependant, devant qu’il fût nuit, Il arriva nouvel encombre, Un Loup parut ; tout le troupeau s’enfuit : Ce n’était pas un Loup, ce n’en était que l’ombre. Haranguez de méchants soldats, Ils promettront de faire rage ; Mais au moindre danger adieu tout leur courage : Votre exemple et vos cris ne les retiendront pas.
[size=24]le loup la mere et l enfant[/size] La Bique allant remplir sa traînante mamelle Et paître l’herbe nouvelle, Ferma sa porte au loquet, Non sans dire à son Biquet : Gardez-vous sur votre vie D’ouvrir que l’on ne vous die, Pour enseigne et mot du guet : Foin du Loup et de sa race ! Comme elle disait ces mots, Le Loup de fortune passe ; Il les recueille à propos, Et les garde en sa mémoire. La Bique, comme on peut croire, N’avait pas vu le glouton. Dès qu’il la voit partie, il contrefait son ton, Et d’une voix papelarde Il demande qu’on ouvre, en disant Foin du Loup, Et croyant entrer tout d’un coup. Le Biquet soupçonneux par la fente regarde. Montrez-moi patte blanche, ou je n’ouvrirai point, S’écria-t-il d’abord. (Patte blanche est un point Chez les Loups, comme on sait, rarement en usage.) Celui-ci, fort surpris d’entendre ce langage, Comme il était venu s’en retourna chez soi. Où serait le Biquet s’il eût ajouté foi Au mot du guet, que de fortune Notre Loup avait entendu ? Deux sûretés valent mieux qu’une, Et le trop en cela ne fut jamais perdu. le berger et la merDu rapport d’un troupeau, dont il vivait sans soins, Se contenta longtemps un voisin d’Amphitrite : Si sa fortune était petite, Elle était sûre tout au moins. A la fin, les trésors déchargés sur la plage Le tentèrent si bien qu’il vendit son troupeau, Trafiqua de l’argent, le mit entier sur l’eau. Cet argent périt par naufrage. Son maître fut réduit à garder les Brebis, Non plus Berger en chef comme il était jadis, Quand ses propres Moutons paissaient sur le rivage : Celui qui s’était vu Coridon ou Tircis Fut Pierrot, et rien davantage. Au bout de quelque temps il fit quelques profits, Racheta des bêtes à laine ; Et comme un jour les vents, retenant leur haleine, Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux : « Vous voulez de l’argent, ô Mesdames les Eaux, Dit-il ; adressez-vous, je vous prie, à quelque autre : Ma foi! vous n’aurez pas le nôtre. » Ceci n’est pas un conte à plaisir inventé. Je me sers de la vérité Pour montrer, par expérience, Qu’un sou, quand il est assuré, Vaut mieux que cinq en espérance ; Qu’il se faut contenter de sa condition ; Qu’aux conseils de la Mer et de l’Ambition Nous devons fermer les oreilles. Pour un qui s’en louera, dix mille s’en plaindront. La Mer promet monts et merveilles ; Fiez-vous-y, les vents et les voleurs viendront.
[size=24]le loup plaidant[/size] Un Loup disait que l’on l’avait volé : Un Renard, son voisin, d’assez mauvaise vie, Pour ce prétendu vol par lui fut appelé. Devant le Singe il fut plaidé, Non point par Avocats, mais par chaque Partie. Thémis n’avait point travaillé, De mémoire de Singe, à fait plus embrouillé. Le Magistrat suait en son lit de Justice. Après qu’on eut bien contesté, Répliqué, crié, tempêté, Le Juge, instruit de leur malice, Leur dit : « Je vous connais de longtemps, mes amis, Et tous deux vous paierez l’amende ; Car toi, Loup, tu te plains, quoiqu’on ne t’ait rien pris ; Et toi, Renard, as pris ce que l’on te demande. » Le juge prétendait qu’à tort et à travers On ne saurait manquer, condamnant un pervers.
[size=24]le coche et la mouche[/size] Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au Soleil exposé, Six forts [size=18]chevaux tiraient un Coche. Femmes, Moine, vieillards, tout était descendu. L’attelage suait, soufflait, était rendu. Une Mouche survient, et des chevaux s’approche ; Prétend les animer par son bourdonnement ; Pique l’un, pique l’autre, et pense à tout moment Qu’elle fait aller la machine, S’assied sur le timon, sur le nez du Cocher ; Aussitôt que le char chemine, Et qu’elle voit les gens marcher, Elle s’en attribue uniquement la gloire ; Va, vient, fait l’empressée ; il semble que ce soit Un Sergent de bataille allant en chaque endroit Faire avancer ses gens, et hâter la victoire. La Mouche en ce commun besoin Se plaint qu’elle agit seule, et qu’elle a tout le soin ; Qu’aucun n’aide aux chevaux à se tirer d’affaire. Le Moine disait son Bréviaire ; Il prenait bien son temps ! une femme chantait ; C’était bien de chansons qu’alors il s’agissait ! Dame Mouche s’en va chanter à leurs oreilles, Et fait cent sottises pareilles. Après bien du travail le Coche arrive au haut. Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt : J’ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine. Ca, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine. Ainsi certaines gens, faisant les empressés, S’introduisent dans les affaires : Ils font partout les nécessaires,[/size] Et, partout importuns, devraient être chassés. Ninnenne blog chouky39 | |
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