FRANCE : LES PASSAGES SECRETS DE LYON
Lyonnais d’adoption, Sébastien Berrut se passionne depuis plusieurs années pour les quartiers historiques de Lyon,mêlant bâtiments Renaissance et XIXe siècle, typiques de l’architecture canut. Le photographe ne s’est pas contenté de photographier les édifices publics ou les façades. Poussant au hasard les portes d’immeubles, il a découvert les traboules* (*du latin "trans ambulare" : passer à travers), ces passages couverts typiquement lyonnais qui permettent de passer d’une rue à l’autre, à travers cours et escaliers. Découverte d’un patrimoine caché…
« Dans le secteur classé au Patrimoine mondial de l’Unesco(Vieux Lyon, Presqu’île et pentes de la Croix-Rousse), les traboules sont nombreuses mais difficiles à découvrir. Elles sont en effet rarement inscrites sur les plans de la ville. Les trouver peut donc s’avérer compliqué. Les photographier n’est pas une mince affaire non plus : entre les portes closes, le manque de lumière et de recul, il m’a fallu patience et persévérance pour prendre ces quelques images. »
Propos recueillis par Tâm Tran Huy. Photos : Sébastien Berrut (Reportage : Géo)
Les toits du vieux Lyon.
Premier secteur sauvegardé de France en 1964, classé auPatrimoine mondial en 1998, le Vieux Lyon n’est pourtantpas passé loin de la destruction. Au début des années 1960, un projet d’urbanisme prévoyait un boulevard urbain traversant le quartier historique et ne sauvegardant que la cathédrale Saint-Jean. Le maire de l’époque, Louis Pradel, surnommé «l’amoureux du béton», préférait raser ce quartier insalubre plutôt que de le réhabiliter. Heureusement, la mobilisation des habitants et l’appui d’André Malraux ont permis de mettre fin au projet.
Place du Gouvernement.
Depuis que je vis dans le quartier des Pentes de la Croix-Rousse, je me passionne pour les trésors cachés de l’architecture lyonnaise. Notamment pour les traboules, ces passages couverts qui permettent aux piétons depasser d'une rue à l'autre sous les habitations, à travers des cours et des escaliers. Pour les découvrir, il faut se montrer attentif ou être très chanceux…
Cachées dans des immeubles particuliers, elles ne sont souvent accessibles que tôt le matin, à l’heure où les digicodes sont débloqués afin de laisser passer le personnel d’entretien.
Ici, la très belle cour au n°2 place du Gouvernement. La lumière d’aujourd’hui souligne la délicatesse de ses fenêtres à meneaux et de ses arcs surbaissés.
La basilique de Fourvière.
Tandis que je déambule dans les ruelles du Vieux Lyon, à la recherche de ses passages secrets, je ne me lasse pas de contempler un emblème plus célèbre et accessible de la ville, la basilique de Fourvière.
Du haut de cet édifice, on a une vue imprenable sur Lyon. J’aime également ce panorama : d’ici, elle semble surgir des toits du 5e arrondissement. Edifiée sur la colline du même nom, la basilique de Fourvière comporte quatre tours etdes murailles crénelées qui lui donnent l’allure d’une forteresse. Un aspect qui symbolise la foi sans faille de la Vierge Marie.
Longue Traboule.
Depuis quelques années, la ville de Lyon a mis de nombreuses actions en place pour donner davantage de visibilité aux traboules : parcours pédestres, conventions signées avec les habitants pour qu’ils donnent accès à leurs cours d’immeubles classés…
Aujourd’hui, j’emprunte la Longue Traboule entre la rue Saint-Jean et la rue du Bœuf : dans une des cours intérieures, des balcons en fer forgé attirent mon attention. La photo n’est pas évidente : je dispose de très peu de recul. Heureusement, la lumière est au rendez-vous.
La maison des avocats.
Rue Saint-Jean, me voici dans la Maison des Avocats. Cette très belle maison d’époque Renaissance a étérestaurée en 1979 par l’Ordre des Avocats. De l’ancienne auberge de la Croix d’or, bâtie au XIVe siècle, resteseulement la porte cochère. En revanche, on peut encore admirer les galeries à arcades toscanes datant du début du XVIe siècle.
Escalier Renaissance.
Au n°52, une merveille bien cachée. Derrière une façade simple, des fenêtres sans meneaux et un portail en fer forgé datant du XVIIe siècle, se cache ce superbe escalier à vis ainsi qu’une galerie à arcades de style Renaissance.
Cour des voraces.
« Dans la cour des Voraces, ruche du travail de la soie, les canuts luttaient pour leurs conditions de vie et leur dignité. » C’est ce que l’on peut lire sur une plaque commémorative dans cette cour, l’une des plus connues de Lyon. Célèbre pour son architecture typique du XIXe siècle, notamment son monumental escalier de façade, la cour des Voraces est un haut lieu de l’histoire lyonnaise.C’est ici que de nombreux ouvriers de la soie révoltés (les canuts) se réfugièrent pendant les insurrections républicaines de 1848-1849.
Entre la rue des Capucins et la rue Leynaud.
La Croix-Rousse, c’est la « colline qui travaille », lependant ouvrier de Fourvière, la « colline qui prie ». Ici, on peut voir des immeubles construits spécialement pour les canuts. Conçus pour contenir les métiers à bras et les nouvelles mécaniques inventés par Jacquard, ils comportent des fenêtres immenses et des poutressoutenant des plafonds à plus de 3,80 m du sol.
FRANCE : LES PASSAGES SECRETS DE LYON
Lever du jour.
Au petit matin, alors que le soleil commence à réchauffer le quartier de la Croix-Rousse, je m’installe au pied de la colline. Le dénivelé très important permet d’apprécier l’architecture de nombreux immeubles. De son passé canut, le quartier a longtemps gardé une culture associative importante. Avant sa réhabilitation, il attirait artistes et étudiants. Aujourd’hui plus côté, il s’est rendu plus attrayant aux yeux des bobos lyonnais.
Place du Forez.
En cet emplacement circulaire s’est longtemps trouvé le couvent des Capucins et son imposant jardin. A la fin du XVIIIe siècle, l’édifice a été détruit, laissant la place à des bâtiments néoclassiques. La place est jolie mais le ciel l’est encore plus aujourd’hui ! Je choisis de capturer le ballet des nuages entouré par les façades incurvées des immeubles.
Passage Thiaffait.
Edifié au début du XIXe siècle, ce passage porte le nom de son créateur, M. Thiaffait, qui a fait construire à la fois le bâtiment et la traboule.
Rénové au début des années 2000, ce passage accueille désormais le Village des Créateurs, une pépinière de jeunes entreprises de mode lyonnaises.
Fourvière dans la brume.
Fin de journée brumeuse sur la basilique de Fourvière. A côté d’elle, l’émetteur prend des allures de Tour Eiffel.
Galerie Philibert de l'Orme.
8 rue Juiverie, une vaste cour reliée à la rue par une allée voûtée. Au fond, la galerie Philibert de l’Orme.
Mêlant références françaises et italiennes, cette galerie a été construite au XVIe siècle par l’architecte Philibert de l’Orme pour le contrôleur général des finances.
Son originalité : le mélange de style français et italien, avec son arche asymétrique et ses références à l’Antique.
Galerie à Arcades.
La Maison Baronnat tire son nom de la famille Baronnat qui l’habita aux XVe et XVIe siècles. Du bâtiment, j’admire surtout les galeries et les arcades en anse de panier. Mais l’édifice comporte d’autres merveilles, parmi lesquellesdes culots sculptés de figurines ainsi qu’une tourelle qui occupe l’un de ses angles.
Entre Saint-Jean et la rue du Boeuf.
Un autre visage de la Longue Traboule. Traversant quatre immeubles et cours d’immeubles, ce passage est ouvert au public : les propriétaires ont signé un agrément avec la mairie. En échange de l’ouverture de la traboule, la mairie entretient l’allée, les façades et paye l’électricité.
Escaliers.
A gauche, un escalier canut de la rue des Pentes… celui de mon immeuble !
A droite, la traboule qui joint la montée de la Grande Côte à la rue Terme. A deux pas de ce passage, on trouve les jardins en terrasses de la Croix-Rousse. Une coulée verte qui fleurit le quartier.
Traboule des Capucins.
Cette traboule, qui relie la rue à la place des Capucins, traverse des immeubles du XIXe siècle. L’ensemble est ouvert, de jour comme de nuit.
Escalier à Limon.
Au 10 rue Lainerie, dans le Vieux Lyon, un escalier à limontrès audacieux. En optant pour une vue plongeante sur l’édifice, on découvre qu’il ne comporte pas de noyau. C’est la preuve du savoir-faire exceptionnel du tailleur de pierre-marches, contremarches et fixations ont ététaillées dans une même pierre.
Le quai Pierre Scize.
Après plusieurs heures passées dans les boyaux et joyaux de Lyon, je conclus ma journée par une promenade le long du quai Pierre Scize. Encore une fois, je m’attarde devant les façades colorées des immeubles. Restaurées pour la plupart, elles égayent joliment le parcours de la Saône.