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marileine
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Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres 34987bd6
 
(Région Pays de la Loire)
 
Pendant la Période gauloise, le pays qui forme aujourd'hui le département de la Vendée était habité par les Pictones, puissante confédération à laquelle appartenaient trois tribus alliées dont les noms sont parvenus jusqu'à nous : les Ambiliates, dont les possessions réunies plus tard à l'Anjou, notamment le pays de Mauge, se prolongeaient jusque vers les rives de la Sèvre Nantaise ; les Anagnutes ou Agnotes, qui occupaient la partie de la province désignée dans la suite sous le nom de pays de Rais, près du duché de Retz, et la contrée de Pareds, jusqu'aux Alpes vendéennes ; enfin, les Cambolectri Agesinates, qui tenaient les bords de la mer et s'avançaient jusqu'à une certaine distance dans l'intérieur des terres.
 
Ces derniers fournirent leurs marins à César pour l'aider a réduire les Vénètes, et valurent à la province entière, l'amitié des vainqueurs et l'exemption de certains impôts dont furent grevés les autres peuples ; ce qui a fait dire à Lucain Pictones immunes. La conquête compliqua ces divers éléments de population. Des Sarmates et des Teiffaliensfurent envoyés en garnison dans le Poitou ; c'est une colonie de ces derniers qui a laissé dans Tiffauges un souvenir de son séjour et de son nom. La maison de Lusignan passe pour être issue de cette race.
 
L'invasion des barbares, l'établissement du christianisme, l'envahissement et la défaite des Wisigoths ne se signalent dans la Vendée par aucune particularité notable ; il en est de même pour toute l'époque mérovingienne. Cette contrée,. comme le reste du Poitou, reste attachée au sort du duché d'Aquitaine, et, comme elle en formait l'extrême frontière au nord-ouest, une marche fut créée, commune au Poitou et à la Bretagne, territoire neutre de 2 à 4 kilomètres de largeur sur 60 de longueur. Ce canton, exempt de tailles, gabelles et tous droits fiscaux, était arrivé à un haut degré de prospérité ; nulle autre part l'agriculture n'avait fait plus de progrès.
 
Une autre marche séparait le Poitou de l'Anjou et était commune à ces deux provinces. C'est la région qui, parallèle au cours de la Loire, répond dans la division populaire de la Vendée au mot de Plaine, en opposition au Bocage et an Marais. Nous aurons à revenir, dans l'appréciation des événement contemporains, sur cette division et sur l'influence que la diversité du sol a exercée sur les mœurs et le caractère des populations. Nous traversons encore toute la période carlovingienne, l'époque des Maures et des Normands, sans rencontrer un seul fait important qui ne se rattache ou à l'histoire générale de la province, ou aux annales particulières des villes ou des bourgs ; nous voyons seulement, en 1317, le pape Jean XXII diviser en trois évêchés le Poitou, qui n'avait eu jusqu'alors que celui de Poitiers, et les deux nouveaux sièges sont placés dans la Vendée, à Maillezais et à Luçon.
 
Les empiétements de la féodalité, les péripéties de la lutte contre l'Angleterre, la reconstitution du pouvoir central, les guerres de religion, les agitations de la Ligue et de la Fronde passèrent sur le bas Poitou sans que les calamités que ces événements y attirèrent se recommandent à l'attention de l'historien par aucun retentissement exceptionnel ; le pays, dans ces diverses phases, n'affecte pas encore de physionomie particulière ; il n'y joue qu'un rôle passif et ne figure que comme partie intégrante de la province.
 
D'où lui vient donc, à la fin du dernier siècle, cette notoriété subite, qui lui fait désormais une place à part dans les annales contemporaines ? Nous croyons que l'histoire de la Vendée moderne est encore à faire ; nous croyons qu'il est bien difficile à tout homme de notre temps de se dépouiller assez complètement des passions présentés, pour porter un jugement vrai sur ce drame formidable que chacun envisage encore aujourd'hui au point de vue de ses espérances ou de ses regrets. Le caractère de loyale impartialité que noirs cherchons à donner à nos notices nous interdit donc toute appréciation, et nous nous bornerons à exposer les faits en recherchant les causes les plus probables.
 
C'est ici l'occasion de revenir sur celle division topographique de la Vendée dont nous avons déjà dit quelques mots. En descendant la Loire, sur la rive gauche du fleuve, après l'étroite et longue plaine qui formait autrefois les marches d'Anjou et de Bretagne, on rencontre un pays accidenté, couvert de bois, adossé, à l'est, à une chaîne de montagnes, d'une médiocre élévation, mais d'un accès peu pratiqué, et s'abaissant à l'ouest jusqu'à la région appelée le Marais ; cet espace intermédiaire est le Bocage.
 
Plus isolé, plus impénétrable encore, le Marais est une espèce de triangle resserré entre la mer, la Loire et le Bocage ; le sol humide et bas se compose de prairies coupées par une infinité de petites rivières, par leurs affluents et par des canaux de jonction que leurs eaux se sont creusés ; chaque champ est entouré de haies formées d'arbres touffus et élevés qui donnent au pays l'aspect d'une forêt immense ; les rares chemins étroits, fangeux, profondément encaissés, serpentent sous ces voûtes épaisses où arrive à peine la clarté du jour.
 
Qu'on ajoute à ces obstacles naturels les barrières que l'ancienne organisation administrative et politique élevait entre les provinces du même État, entre les seigneuries de la même province ; qu'on se rappelle la longue indépendance de la Bretagne, l'isolement d'une côte saris commerce, entre les deux grands ports de Nantes. et de La Rochelle, et on comprendra dans quel oubli de tous, dans quelle ignorance des faits nouveaux et des idées qui en surgissent, devait vivre, avant la Révolution, ce pays perdu, ce bout du inonde français, ce bas Poitou, la Vendée.
 
En 1789, on en était encore aux vieux souvenirs des guerres contre les Anglais : les exploits du roi et des seigneurs qui avaient défendu la France, la tradition des miracles qui l'avaient sauvée alimentaient encore les récits de la veillée ; les agitations du XVIe et du XVIIe siècle y avaient à peine troublé quelques villes ; mais les ardeurs réformistes, les intrigues de la Fronde, la propagande philosophique, l'indiscipline des parlements n'avaient trouvé aucun écho dans ces naïves populations.
 
La difficulté des communications enchaînant le clergé et le noble près du paysan avait établi entre les trois classes des rapports d'intimité, presque de famille, inconnus dans le reste de la France, et qui plaçaient Ie vassal reconnaissant et soumis sous l'influence exclusive de son curé et de son seigneur. D'ailleurs n'avaient-elles pas aussi leur poésie, ces traditions intimes de village ! Dieu et le Roi, cette double manifestation de la puissance divine et humaine, cette protection sur la terre, cette récompense dans le ciel, ce symbole de justice et de bonté autour duquel on ne laissait planer aucune ombre, aucun soupçon, ne devait-il pas suffire à remplir ces coeurs simples, confiants et fidèles ?
 
Les premiers actes de la Révolution passèrent inaperçus ; la portée n'en fut pas comprise. Comment préjuger les conséquences de principes qui n'avaient pénétré dans aucune intelligence ? La captivité du roi, la persécution des nobles, le schisme dans l'Élise à l'occasion du serment constitutionnel, voilà les faits par lesquels se révéla le grand drame et pour seuls interprètes à ces faits, le prêtre qui se cache et le seigneur dépossédé !
 
Ce n'est pas tout : à ces motifs de mécontentement et d'aversion vient s'ajouter pour chacun une atteinte plus personnelle, qui comble la mesure et détermine l'explosion, c'était la conscription et les levées extraordinaires. Le Vendéen est brave, il devait bientôt le prouver : ce n'est pas la mort qu'il redoute, mais l'absence des siens, l'éloignement du foyer. Et dans quels rangs fallait-il aller combattre ? Parmi ceux qui avaient chassé le roi de son château et Dieu de ses églises !
 
Au milieu des luttes civiles et étrangères que la Révolution soutenait pour le triomphe des principes qu'elle avait proclamés, ils relevèrent le drapeau de la royauté en face de la république incomprise ; les deux forces se heurtèrent et une guerre de géants commença.
 
Quelques émeutes partielles et une fermentation sourde annonçaient que la levée de 1793 éprouverait de grandes difficultés ; cependant il y avait encore hésitation, lorsque, le 10 mars, un coup de canon tiré imprudemment, dans la ville de Saint-Florent-le-Vieil, sur des conscrits réfractaires, porta la rage dans tous les coeurs et hâta la crise.
 
Le soir même, six jeunes gens, qui rentraient dans leur famille, traversant le bourg de Pin-en-Mauge, y furent accostés par un homme qui, les bras nus, pétrissait le pain du ménage et, venant d'apprendre l'épisode de Saint-Florent, leur en demanda les détails ; c'était un colporteur marchand de laine, père de cinq enfants ; il se nommait Cathelineau et avait dans tous les environs la réputation d'un homme d'intelligence et d'énergie. Il était rempli d'une indignation qu'il sut communiquer à ses auditeurs ; ils sont vingt-sept et n'ont à la main que des bâtons ; dans trois mois, ils seront vingt mille et assiégeront Nantes sous les ordres du généralissime Cathelineau.
 
La petite troupe, en effet, recrute des forces de métairie en métairie ; elle arrive, le 14, à La Poitevinière. Le tocsin sonne de clocher en clocher. A ce signal, tout paysan valide fait sa prière, prend son chapelet et son fusil, ou, s'il n'a pas de fusil, sa faux retournée, embrasse sa mère ou sa femme, et court rejoindre ses frères à travers les haies.
 
Le château de Jallais, défendu par un détachement du 84e régiment de ligne et par la garde nationale de Chalonnes, est attaqué. Le médecin Rousseau, qui la commande, fait braquer sur les assiégeants une pièce de six ; mais les jeunes gars improvisent la tactique qui leur vaudra tant de victoires : ils se jettent tous à la fois ventre à terre, laissent passer la mitraille sur leurs têtes, se relèvent, s'élancent et enlèvent. la pièce avec ses artilleurs.
 
Ces premiers progrès donnent à la révolte d'énormes et rapides développements ; mais elle eut à lutter contre le plus énergique pouvoir qui ait jamais gouverné la France. Le 13 mars, la Convention rend un décret dont l'article 6 condamne à mort les prêtres, les ci-devant nobles, les ci-devant seigneurs, leurs agents ou domestiques, ceux qui ont en des emplois ou exercé des fonctions publiques sous l'ancien gouvernement ou depuis la Révolution, pour le fait seul de leur présence en pays insurgé.
 
Cette sommation, si elle ne parvenait pas à étouffer la guerre, devait lui donner un caractère ouvertement politique. C'est ce qui arriva. Les paysans, trop enivrés de leurs premiers triomphes pour renoncer à la lutte, trop clairvoyants cependant pour ne pas sentir l'insuffisance de leurs ressources dans la direction d'une guerre sérieuse, s'adressèrent à ceux dont le décret faisait les principaux intéressés ; c'est ainsi que M. de Charette, de La Rochejaquelein, de Lescure, d'Elbée, de Bonchamp, Dommaigné, prirent les commandements.
 
Les ordres de rassemblement portaient : « Au saint nom de Dieu, de par le Roi, la paroisse de... se rendra tel jour à tel endroit, avec ses armes et du pain. » Là, on s'organisait par compagnie et par clocher ; chaque compagnie choisissait son capitaine par acclamation ; c'était, d'ordinaire, le plus fort et le plus brave. Tous lui juraient obéissance à la vie et à la mort. Ceux qui avaient des chevaux formaient la cavalerie.
 
L'aspect de ces troupes était des plus étranges c'étaient des hommes et des chevaux de toutes tailles et de toutes couleurs ; des selles entremêlées de bâts ; des chapeaux, des bonnets et des mouchoirs de tête ; des reliques attachées à des cocardes blanches ; des cordes et des ficelles pour baudriers et pour étriers ; une précaution que personne n'oubliait, c'était d'attacher à sa boutonnière, à côté du chapelet et du sacré-cœur, sa cuiller de bois ou d'étain. Les chefs n'avaient guère plus de coquetterie. Les capitaines de paroisse n'ajoutaient à leur costume villageois qu'une longue plume blanche, fixée à la Henri IV, sur le bord relevé de leur chapeau.
 
La masse des combattants vendéens se divisait en trois classes : la première se composait de gardes-chasse, de braconniers, de contrebandiers, excellents tireurs, la plupart armés de fusils à deux coups et de pistolets. Ils formaient le corps des éclaireurs ; ils n'avaient pas besoin des officiers pour les commander ; ils se portaient rapidement le long des haies et des ravins, sur les ailes de l'ennemi qu'ils cherchaient toujours à dépasser. Ils ne tiraient qu'à portée, et il était rare qu'ils manquassent leur coup.
 
La seconde classe était celle des paysans les plus déterminés et les plus exercés au maniement du fusil. C'était la troupe des braves ; ils avaient appris à se connaître dans les combats. Les plus entreprenants soutenaient les tirailleurs que l'on regardait comme les premiers soldats de l'armée ; les autres attaquaient sur la ligne de l'ennemi, mais ils ne marchaient sur lui que lorsque les ailes commençaient à plier.
 
La troisième classe, composée du reste des paysans, la plupart mal armés, formait une masse confuse autour des canons et des caissons, que l'on tenait toujours à une grande distance ; la cavalerie, composée des hommes les plus intelligents, servait à la découverte de l'ennemi, à l'ouverture de la bataille, à la poursuite des fuyards, et surtout à la garde du pays après la dispersion des soldats.
 
Quand les combattants se trouvaient réunis, pour une expédition, au lieu qui leur avait été désigné, avant d'attaquer les bleus ou d'essuyer leur charge, la troupe entière tombait à genoux, chantait un cantique et recevait l'absolution du prêtre, qui, après avoir béni les armes, se mêlait souvent dans les rangs pour assister les blessés ou ramener les fuyards en leur montrant le crucifix.
 
La tactique des Vendéens était presque toujours la même. Pendant que leur avant-garde attaquait l'ennemi de front, tout le corps d'armée l'enveloppait, en se dispersant à droite et à gauche au commandement : Égaillez-vous allez-vous, les gars ! Ce cercle invisible se resserrait en tiraillant à travers les haies, et si les bleus ne parvenaient point à se dégager, ils périssaient tous dans quelque carrefour ou dans quelque chemin creux. Arrivés en face des canons dirigés contre eux, les plus intrépides Vendéens s'élançaient en faisant le plongeon à chaque décharge (Ventre à terre, les gars !) et s'emparaient des pièces en exterminant les canonniers.
 
Au premier pas des républicains en arrière, un cri sauvage des paysans annonçait leur déroute ; ce cri trouvait à l'instant et de proche en proche mille échos effroyables, et tous, sortant comme une fourmilière des broussailles, des genêts, des coteaux et des ravins, se ruaient corps à corps à la poursuite et au carnage. Chacun démontait un bleu, l'égorgeait ou lui brûlait la cervelle, et lui prenait son cheval, son argent et ses armes.
 
On conçoit quel était l'avantage des indigènes dans ce labyrinthe fourré du Bocage, dont eux seuls connaissaient les détours. S'ils étaient vaincus, ils trouvaient le même avantage pour fuir ; aussi leurs chefs avaient-ils toutes les peines du monde à les rallier. Au reste, il ne fallait pas que la durée des expéditions dépassât plus d'une semaine.
 
Ce terme arrivé, quel que fût le dénouement, le paysan retournait faire sa moisson, embrasser sa femme et prendre une chemise blanche ; quitte à revenir avec une religieuse exactitude au premier appel de ses chefs. Le respect de ces habitudes était une des conditions du succès ; on en eut la preuve lorsque, le cercle des opérations s'élargissant, on voulut assujettir ces vainqueurs indisciplinés à des excursions plus éloignées et à une plus longue présence sous les armes.
 
Tout Vendéen fit d'abord la guerre à ses frais, payant ses dépenses de sa bourse et vivant de l'humble pain de son ménage. Plus tard, quand les châteaux et les chaumières furent brûlés, on émit des bons au nom du roi ; les paroisses se cotisèrent pour les fournitures de grains, de boeufs et de moutons. Les femmes apprêtaient le pain, et, à genoux sur les routes où les paysans devaient passer, elles récitaient le chapelet en attendant les soldats auxquels elles offraient l'aumône de la foi.
 
Les paroisses armées communiquaient entre elles au moyen de courriers établis dans toutes les communes et toujours prêts à partir. Ces courriers, connaissant les moindres détours du pays, se glissaient invisibles à travers les ligues des bleus. C'étaient souvent des enfants et des femmes qui portaient dans leurs sabots les dépêches de la plus terrible gravité.
 
Les Vendéens avaient organisé une correspondance télégraphique au sommet de toutes les hauteurs, de tous les moulins et de tous les grands arbres de leur pays. Ils appliquaient à ces arbres des échelles portatives, observaient des plus hautes branches la marche des bleus, et tiraient un son convenu de leurs cornes de pasteur. Ce son, répété de distance en distance, portait la bonne ou la mauvaise nouvelle à tous ceux qu'elle intéressait. La disposition des ailes de moulin avait aussi son langage. Ceux de la montagne des Alouettes, près des Herbiers, étaient consultés à toute heure par les divisions du centre. Voilà ce qu'avait fait de cette pacifique contrée la loi politique et religieuse.

Les départements-(histoire)- Vaucluse - 84 -

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres Bc419df5
 
(Région Provence-Alpes-Côte d'Azur)
 
Le territoire qui forme aujourd'hui le département de Vaucluse était occupé, avant la conquête romaine, par trois peuplades celtiques, les Cavares, les Voconces et lesMéminiens. Les Cavares, répandus sur les bords du Rhône et de la Durance, occupaient les pays d'orange (Arausio), d'Avignon (Aouenion) et de Cavaillon. Les Voconces avaient pour capitale Vaison, au nord-est, et les Méminiens étaient fixés aux alentours de Carpentras, sur le versant méridional du mont Ventoux.
 
Les Phéniciens pénétrèrent chez ces peuples et lièrent avec eux des relations de commerce. Plus tard, les Phocéens s'étant établis à Marseille, les Cavares devinrent les alliés de cette florissante république, dont le contact adoucit leurs moeurs et les enrichit. Cette alliance avec Marseille les entraîna dans l'alliance de Rome. Ils tentèrent, mais en vain, d'arrêter Annibal au passage du Rhône, et ils s'armèrent encore, mais inutilement, quand ils virent les vainqueurs de Carthage s'introduire au coeur de la Gaule et, dans leur pays même, porter les premiers coups à l'indépendance de la grande nation des Celtes ; car c'est tout près d'Avignon, au confluent de la Sorgues et du Rhône, que le consul Cn. Domitius Ahenobarbus, l'an 121 avant J.-C., défit complètement les Arvernes et dressa des tours chargées de trophées, contrairement, dit Florus, à l'usage des Romains, qui n'avaient point l'habitude de reprocher aux vaincus leur défaite. La protection de Rome se changea bientôt en domination. Les Cavares, les Voconces, les Méminiens furent enveloppés dans la Narbonnaise. Après la division de la Gaule en dix-sept provinces, ils furent compris dans la Viennoise.
 
Avec les moeurs celtiques, déjà fort modifiées, disparurent les monuments mégalithiques, et l'on aurait grande peine, avec le petit nombre de médailles gauloises trouvées jusqu'ici dans la contrée, à reconstruire l'histoire de la période celtique. Rome recouvrit tout de sa civilisation et de ses monuments, et le département de Vaucluse nous en offre encore aujourd'hui de magnifiques restes. La population elle-même fut à peu près renouvelée, et par les colonies militaires que César y établit, et par le grand nombre de Romains que l'administration, le commerce les intérêts de toute sorte y attirèrent pendant la longue durée de l'empire.
 
Dans le partage que les barbares du Ve siècle se firent de la Gaule, les bords du Rhône et de la Durance, ravagés par les Alains, les Suèves, les Vandales et les Goths, échurent aux Burgondes et furent compris dans leur royaume. Mais les Francs les leur disputèrent plus d'une fois ; Clovis y parut. Les rois d'Austrasie tinrent longtemps Avignon en leur puissance. Les Lombards se montrèrent ensuite, et furent repoussés par le patrice Mummol ; vinrent ensuite les Sarrasins, à qui Mauronte, maître de Marseille, ouvrit le pays. Charles Martel les chassa (737).
 
Après le démembrement de l'empire carlovingien et du royaume d'Arles, fondé par Boson, l'Avignonnais et le Venaissin échurent aux comtes de Provence. C'est à tort que l'on a quelquefois regardé comme une même chose le comtat d'Avignon et le comtat Venaissin. Le Venaissin, qui ne fut érigé en comté qu'au XIVe siècle par Clément V, était un pays distinct de l'Avignonnais. Il paraît tirer son nom de Vénasque, jadis ville importante, évêché et capitale du pays avant que Carpentras lui eût ravi ce titre.
 
Après les comtes de Provence, ce furent les comtes de Toulouse qui devinrent maîtres de ces deux pays, et ils le demeurèrent pendant plus de deux siècles. Par le traité de Meaux (1229), Raymond VII abandonna au pape tout ce qu'il possédait sur la rive gauche du Rhône. Cette cession, confirmée en 1274 par Philippe le Hardi, mit les papes en possession du comtat Venaissin.
 
Le comtat d'Avignon ne leur appartint qu'en 1348, après que Jeanne, reine de Naples, l'eût vendu à Clément VI. Bien qu'ils eussent cessé de résider dans le pays en 1376, ils le gardèrent néanmoins jusqu'à la Révolution française, en se faisant représenter à Avignon par un vice-légat, et dans le comtat Venaissin par un ecclésiastique d'un rang moins élevé qu'on appelait recteur.
 
Seulement, dans cet intervalle, les deux comtats furent trois fois saisis par les rois de France : la première fois par Louis XIV, de juillet,1663 à juillet 1664, à l'occasion de l'insulte faite par la garde corse du pape à l'ambassadeur de France, le duc de Créqui ; la seconde fois encore par Louis XIV, lors de ses démêlés avec Innocent XI, d'octobre 1689 à octobre 1689, en vertu d'un arrêt rendu en 1683 par le Parlement, et portant réunion de ces pays au royaume ; la troisième fois enfin, de 1768 à 1774, par Louis XV, qui voulait punir l'affront fait par Clément XIII au duc de Parme. Toujours restituées par les rois aux pontifes, ces enclaves, qui rompaient l'unité du royaume dans le Midi, ne furent définitivement ramenées dans le sein de la France que par la Révolution ; mais ce ne fut pas sans quelques difficultés.
 
Les obstacles ne vinrent pas, comme on pourrait le croire, d'une opposition d'idées. Il semble que les Avignonnais et les Venaissinois, si longtemps soumis à la tiare, eussent dû haïr les doctrines révolutionnaires ; ce fut le contraire, ils leur ouvrirent les bras. Dès 1790, Avignon substituait les armes de France à celles de Rome et chassait le vice-légat.
 
Quant aux Venaissinois, ils tinrent une conduite plus singulière ; ils eurent la prétention de former un petit État indépendant, qui réaliserait chez lui les réformes de la Constituante, mais sans souffrir qu'on parlât de le réunir à la France. Dès 1785, l'assemblée ordinaire du Venaissin avait songé à opérer des réformes.
 
Mais, en 1789, l'effervescence croissant et faisant éclater des insurrections en plusieurs lieux, elle supplia le pape Pie VI de permettre la convocation des états généraux de la province, qui n'avaient pas été réunis depuis 1596. Le pape éluda, nomma une commission de réformes ; mais les Venaissinois ne se laissèrent point payer de celle monnaie, et il fallut que le légat autorisât enfin les élections ; elles se firent en avril 1790 ; l'assemblée fut formée de cent sept députés, quatorze pour le clergé, neuf pour la noblesse, quatre-vingt-quatre pour le tiers. La division des ordres était maintenue. Le 30 mai, les états généraux ouvrirent leurs séances et prirent le titre d'Assemblée représentative.
 
L'égalité de l'impôt, l'abolition des immunités ecclésiastiques et des titres de noblesse furent adoptées ; Pie VI fut déclaré prince constitutionnel des Venaissinois. Comme Avignon voulait contrarier la révolution venaissinoise et la forcer de se confondre dans la Révolution française en l'associant à la fédération, l'Assemblée représentative forma un camp de douze mille hommes à la tour de Sabran, renouvela le serment de fidélité à Pie VI et accueillit le vice-légat fugitif.
 
Mais toujours révolutionnaire, alors même qu'elle demeurait fidèle au pape, elle vota, malgré le veto du vice-légat, l'abolition des justices seigneuriales et une nouvelle organisation judiciaire, puis divisa le pays en quatre départements : d'Aigues, de l'Auzon, de l'Ouvèze et de Vaucluse.
 
Cette innocente parodie de la grande Révolution française ne pouvait durer bien longtemps. Les Avignonnais envahirent le Venaissin et enlevèrent Cavaillon ; la lutte devint sanglante ; Carpentras, deux fois assiégée, opposa une héroïque résistance à Jourdan Coupe-tête, qui lui lança en vain plus de deux cent boulets rouges. Mais, malgré tout, le parti français gagnait chaque jour du terrain, même dans le pays. L'Assemblée nationale de France chargea enfin trois commissaires, Verninac Saint Maur, Lescène-des-Maisons et l'abbé Mulot, d'aller mettre fin à une lutte aussi funeste que ridicule, et, le 14 septembre 1791, un décret, rendu sur la proposition du député Camus, réunit à la France Avignon et le comtat Venaissin.
 
Nous avons laissé de côté jusqu'ici cette partie du pays des Cavares où est située Orange. Elle fut érigée par Charlemagne en comté et donnée à Guillaume au Cornet, qui s'était distingué par sa valeur dans la guerre contre les infidèles. Ce Guillaume fut le chef de la première maison d'Orange, éteinte dans les mâles en 1185. L'héritière, Tiburge, avait épousé Bertrand, de l'illustre famille des Baux, lequel fonda la seconde maison d'Orange. C'est son fils, Guillaume V, qui échangea le titre de comte contre celui de prince d'Orange par la grâce de Dieu, auquel il joignit celui de roi d'Arles, par autorisation de l'empereur Frédéric Il (1214).
 
La troisième maison d'Orange commença, à la fin du XIVe siècle, dans la personne de Jean de Châlons, époux de l'héritière, Marie de Baux. Cette maison est illustre, mais elle se montra généralement hostile aux rois de France. Louis Ier, fils de Jean, nommé gouverneur du Languedoc par lsabeau de Bavière, repoussa des murs d'Orange le dauphin Charles ; en 1430, il envahit le Dauphiné en compagnie du duc de Savoie ; mais il fut repoussé par le gouverneur Gaucourt, et se laissa même enlever un instant sa capitale.
 
Guillaume VIII ne fut pas plus heureux, et, après avoir accompagné Charles le Téméraire au siège de Liège, se fit faire prisonnier par Louis XI, qui l'obligea de lui prêter l'hommage féodal (1473). Son successeur prit part aux complots du duc d'Orléans pendant la minorité de Charles VIII, et fut avec lui fait prisonnier à Saint-Aubin-du-Cormier. Enfin Philibert ler, le plus considérable par ses talents, passa dans le camp de Charles-Quint pour se venger de l'affront que lui avait fait François Ier. Celui-ci confisqua sa principauté, s'empara de sa personne et le tint captif à Bourges, jusque après le traité de Madrid.
 
Philibert fut tué en 1530 au siège de Florence, après avoir institué son héritier son neveu, René de Nassau ; sa sœur, Claude, ayant épousé Henri, comte de Nassau. Ce René commença donc, en,1530, la quatrième maison d'Orange, Nassau Orange, la plus fameuse de toutes ; c'est de celle là que sortiront Guillaume IX, fondateur de la république des Provinces-Unies, et Guillaume-Henri, l'ennemi acharné de Louis XIV, roi d'Angleterre après la révolution de 1688.
 
Ce dernier étant mort sans postérité la principauté d'Orange devint l'héritage de Frédéric-Guillaume, roi de Prusse, qui la céda à la France au traité d'Utrecht ; il fut alors stipulé que les héritiers du prince de Nassau auraient le droit d'imposer à une partie de la Gueldre le nom de principauté d'Orange et d'en retenir le titre et les armoiries. Depuis ce temps, l'héritier présomptif du royaume de Hollande porte le titre de prince d'Orange. Quant à la véritable principauté d'Orange, détachée un instant de la couronne en faveur du prince Armand de Bourbon-Conti, elle y fut de nouveau et définitivement réunie en 1731, et fit partie de la province de Dauphiné.
 
Lors de la division de la France en départements, en 1791, le comtat d'Avignon, le comtat Venaissin et la principauté d'Orange furent réunis pour former celui de Vaucluse.

Les départements-(histoire)- Var - 83 -

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres 736eebe7
 
 
(Région Provence-Alpes-Côte d'Azur)
 
L'histoire du département du Var se confond tellement avec celle des deux départements limitrophes, les Bouches-du-Rhône et les Alpes-de-Hautes-Provence, que nous nous contenterons d'en faire une esquisse rapide, en renvoyant pour plus de développements à l'histoire de ces deux départements.
 
Des peuplades celtiques, appartenant à la confédération puissante des Ligures Saliens, en occupaient le territoire avant la conquête romaine c'étaient les Décéates, dans le village d'Antibes ; les Suétriens, les Quariates, les Adunicates, les Oxybiens, les Ligaunienset les Sueltères, dans le bassin de l'Argens, la rivière aux eaux blanches comme l'argent.
 
Ces peuples ont laissé peu de monuments. On montre pourtant près de Draguignan un imposant dolmen : moins embarrassée que la science pour expliquer les mystères archéologiques, l'imagination populaire, en Provence comme en Bretagne, a évoqué la toute-puissance des fées.
 
Le pâtre provençal a oublié les sanglants sacrifices de ses pères : il vous raconte dans sa langue harmonieuse que, en des temps bien éloignés, une fée, qui se plaisait à se déguiser en bergère et à jouer de la mandoline sous les bosquets d'orangers et de grenadiers, inspira un violent amour à un jeune seigneur, qui lui-même était un génie. Il lui demanda sa main et elle promit de l'épouser, mais à une condition : il fallait que son mariage fût célébré sur une table formée de trois pierres, dont deux dressées sur le tranchant et à neuf pas de distance, et ayant pareille hauteur, serviraient de supports à une troisième presque carrée, de onze pas de long sur deux pas d'épaisseur. A cette description, le seigneur reconnut trois pierres énormes qui, depuis dix siècles, avaient roulé du haut de la montagne de Fréjus dans la gorge que parcourt la grande route.
 
Le génie se mit à l'oeuvre ; il dressa les deux pierres qui devaient servir de supports, mais sa puissance n'alla pas jusqu'à remuer la troisième, tant elle était lourde. La bergère fée eut pitié de sa peine : elle se rendit la nuit auprès de l'énorme pierre et traça alentour avec sa baguette un cercle magique ; aussitôt une grande flamme sortit de terre, et la pierre fut en un instant transportée sur les deux autres. Elle attendit le lendemain son amant avec plus d'impatience, espérant jouir de sa surprise : mais, à peine eut-il vu accomplie la condition d'où semblait dépendre son bonheur, qu'il tomba mourant aux pieds de celle qu'il aimait. Avant d'expirer, il lui révéla un fatal secret : on lui avait prédit qu'il mourrait quand il serait amoureux d'une personne plus puissante que lui, et il avait cru, en adressant ses vœux à une bergère, n'avoir rien à redouter. La légende ajoute que la pauvre fée, désespérée des funestes effets de son travestissement, suivit de près l'amant dont elle avait causé la mort.
 
L'esprit grec est-il pour quelque chose dans ces gracieuses légendes ? Avant les Romains, les Grecs de Marseille occupèrent ces rivages. Antipolis (Antibes), Athaenopolis (dans l'anse d'Agay), Olbia l'heureuse (près d'Hyères), Fréjus, sous un autre nom, d'autres encore, étaient des colonies de la colonie phocéenne devenue métropole à son tour.
 
Les légions de Rome parurent en 125 avant Jésus-Christ, et, bientôt après, le pays devenait province romaine. Lors de la division de la Gaule en dix-sept provinces, le territoire actuel du déparquement fut compris dans la Seconde Narbonnaise qui s'étendait du Var au Rhône. Ce pays, qui était pour les Romains l'entrée de la Gaule, reçut nécessairement la profonde empreinte de leur civilisation.
 
Les monuments n'y manquent point, sans y être pourtant aussi nombreux et aussi magnifiques que dans les départements voisins, Vaucluse, Bouches-du-Rhône, Gard, où se formèrent les principaux établissements. La grande voie Aurélienne traversait intérieurement le pays de l'est à l'ouest, en projetant sur la côte plusieurs embranchements. La plupart des villes et même des villages qui s'élèvent encore aujourd'hui sur cette voie sont d'origine antique : Antibes (Antipolis), Auribeau (ad Horrea). Fréjus (Forum Julii), Le Luc (Forum Voconii), Cabasse (Matavonium), Tourves (ad Turrim), la grande Pugère (Tegulatum), où l'on voit les ruines d'un pont romain.
 
Le tracé de la voie romaine est à peu près, comme on le voit, celui de la grande route actuelle. Sur l'embranchement maritime qui longeait la côte, à partir de Fréjus, on trouvait Heraclea Caccabaria (près de Saint-Tropez), Alconis (Aiguebonne);Pomponiana (?), Telo Martius (Toulon), Tauroentum (près de La Ciotat).
 
A la domination de Rome succéda celle des Burgondes, des Ostrogoths, des Francs. Quand l'empire de Charlemagne se démembra, le royaume d'Arles, érigé par Boson (879), enveloppa toute la Provence. Au siècle suivant, la Provence devint un comté. Cette période fut désastreuse pour le pays à cause des Sarrasins, qui ne cessèrent d'y exercer de cruels ravages. Leur première descente est de 736 ; ils saccagèrent le monastère de Lérins et détruisirent presque tous les bourgs et villages de la contrée.
 
Le XIVe siècle ne fut pas moins malheureux pour le pays qui nous occupe : mis à contribution à deux reprises (1362-1364) par les Espagnols de Henri de Transtamare, écrasé sous le poids des impôts, il fut un des théâtres de la révolte des tuchins oucoquins, malheureux que l'excès de la misère poussa à l'insurrection. Le peuple appelle encore aujourd'hui matouchins (mali tuchini) les brigands et les voleurs.
 
Les guerres de François ler et de Charles-Quint attirèrent deux fois les ennemis dans la Provence. La première expédition fut celle du connétable de Bourbon, qui, repoussé de Marseille, se retira sur le Var à travers la province qu'il avait traversée un mois auparavant avec une présomptueuse confiance (septembre 1524). La seconde fut celle de Charles-Quint, lui-même (1536).
 
Battu à Aix, le puissant empereur fit une retraite encore plus désastreuse que le connétable ; car il trouva sur sa route des populations irritées de la désolation de leur pays. Embusqués dans toutes les gorges, derrière les buissons et les masures de leur difficile contrée, les paysans du Var firent un mal terrible aux impériaux. Ils déchargeaient leurs armes et se retiraient aussitôt dans des lieux sûrs. Pourtant les espions de l'empereur découvrirent un bois qui servait de retraite à un certain nombre d'entre eux ; on y mit le feu et on l'entoura d'un cordon de troupes, qui rejetaient dans les flammes les malheureux qui tentaient de s'échapper. Hommes, femmes, enfants, bestiaux, tout fut consumé.
 
Mais le plus fameux épisode de cette retraite est celui dont fut témoin le village du Muy, à peu de distance de Draguignan, sur l'Argens. Près de ce village, et sur la route que devait suivre l'armée impériale, s'élevait une vieille tour isolée. Cinq gentilshommes provençaux, Albode, Châteauneuf, Balbe, Escragnole et Boniface, s'y embusquèrent avec quinze soldats et trente hommes armés, tous pleins de courage et résolus, au péril de leur vie, à venger leurs compatriotes en immolant l'empereur lui-même. Quand l'armée passa, leurs yeux, qui guettaient avidement leur proie, furent éblouis par la riche monture et le magnifique costume d'un seigneur espagnol qui marchait entouré d'une troupe d'élite. Ils firent feu, croyant tuer Charles-Quint : ce n'était pas lui, c'était le jeune et brillant poète Garcilaso.
 
Les Espagnols, surpris de cette décharge soudaine, s'élancent vers la tour ; ils sont repoussés avec perte. Enfin Charles-Quint arriva avec du canon et vint à bout du glorieux asile de ces braves défenseurs de la patrie. Quelques-uns survivaient ; on leur promit la vie sauve, mais ils furent pendus par une insigne perfidie.
 
Depuis le XVIe siècle, le département du Var vit encore les ennemis de la France le franchir ou débarquer sur ses côtes : le prince Eugène et le duc de Savoie en 1707 ; les Autrichiens en 1746 ; les Anglais en 1793 ; les alliés en 1814. Et toujours les invasions dirigées de ce côté ont échoué ou n'ont eu que des résultats peu durables.
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Les départements-(histoire)-Tarn et Garonne -82-

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres 6f764636
 
(Région Midi-Pyrénées)
 
Lorsque, en 1808, Napoléon Ier traversa le midi de la France, il passa à Montauban. Touché des plaintes des habitants, qui gémissaient de voir leur glorieuse ville si industrieuse et si peuplée réduite à l'humble rang de chef-lieu d'arrondissement, il traça sur-le-champ, aux dépens des cinq départements du Lot, de l'Aveyron, de la Haute-Garonne, de Lot-et-Garonne et du Gers, la circonscription d'un département nouveau dont Montauban fut le chef-lieu.
 
Un sénatus-consulte du 2 novembre 1808 consacra la volonté impériale. Si la nouvelle division rendait à Montauban un rang digne d'elle, celle que l'Assemblée constituante avait précédemment établie était cependant préférable au point de vue historique, puisqu'elle concordait jusqu'à un certain point avec l'ancienne division provinciale.
 
Le département de Tarn-et-Garonne, au contraire, fut formé sur un point limitrophe de cinq provinces anciennes dont chacune lui donna un lambeau ; il se compose, en effet, du bas Quercy et d'une partie du haut Languedoc, de l'Agénois, de la Lomagne et de la basse Marche du Rouergue. C'est assez dire que ce département n'a pas d'histoire qui lui soit propre et que nous sommes dans l'obligation de renvoyer le lecteur à celle des cinq départements énumérés plus haut. Nous rappellerons cependant eu peu de mots le sort des provinces qui ont contribué à le former.
 
Le Quercy était occupé, à l'époque de l'invasion romaine, par les Cadurci. II fut compris, après la conquête, dans l'Aquitaine, plus tard dans l'Aquitaine Ire. Les Wisigoths l'occupèrent au Vesiècle et en furent dépossédés au VIe par les Francs. Les rois francs successeurs de Clovis se partagèrent l'Aquitaine, et le Quercy échut a ceux d'Austrasie.
 
Au commencement du VIIIe siècle, Eudes, duc d'Aquitaine, s'en rendit maître et sa famille continua d'y régner jusqu'a la conquête qu'en fit Pépin le Bref (768). Il resta soumis a l'autorité plus ou moins effective des Carlovingiens jusqu'à la naissance du régime féodal. Les comtes de Toulouse le possédèrent alors aussi longtemps que dura leur puissance, anéantie en 1229 par le traité de Meaux. Réuni ensuite à la couronne de France, il fut abandonné aux Anglais par le traité de Brétigny (1360) ; mais Charles V le leur enleva, et depuis lors il n'a plus été détaché de la monarchie. Montauban était la capitale du bas Quercy, tandis que le haut Quercy avait pour capitale Cahors.
 
Le Rouergue était occupé par les Rutheni. Son histoire est à peu près la même que celle du Quercy. Il fut aussi compris dans l'Aquitaine Ire, conquis successivement par les Wisigoths, les Francs, Eudes d'Aquitaine et Pépin le Bref : Il eut, à l'époque féodale, des comtes particuliers ; passa à la maison d'Armagnac, qui le transmit elle-même a celle de Navarre, et fut enfin réuni par Henri IV a la couronne de France. Le Rouergue, dont la capitale était Rodez, se divisait en haute et basse Marche. La partie orientale du département de Tarn-et-Garonne (Caylus, Saint-Antonin) appartenait à la basse Marche de Rouergue.
 
On peut juger que le département de Tarn-et-Garonne a eu sa part a peu près de tous les événements considérables du midi de la France. Guerre des Francs et des Aquitains, guerre des Albigeois, guerre des Anglais, guerres de religion. Nous ne reviendrons sur ces événements, racontés ailleurs dans leur ensemble, que pour les détails particuliers aux localités de notre département.
 
Quoique le département de Tarn-et-Garonne ne soit pas des plus remarquables en fait d'antiquités, nous n'omettrons point de dire cependant qu'il possède plusieurs dolmens druidiques à Sept-fonds, Bruniquel, Saint-Antonin, Loze, Saint-Projet, etc. ; des tumulus, dont le plus remarquable est celui du Bretou ; des buttes, des camps retranchés, des .restes de camps romains a Gandalon, à Asques et à Bouloc, et quantité de ruines romaines et du Moyen Age.
 
Le Quercy et le Rouergue formaient, avant la Révolution, une généralité dont Montauban était la capitale ; c'est ce que l'on appelait la haute Guyenne, avec une assemblée provinciale particulière. L'Agénois, ancien pays des Nitiobriges, offre à peu près les mêmes vicissitudes dans son histoire que les provinces dont nous venons de parler et suivit le sort de la Guyenne ; il a fourni la partie occidentale de notre département (Moissac).
 
A la vicomté de Lomagne le déportement de Tarn-et-Garonne doit la partie sud-ouest de son territoire, sur la rive gauche de la Garonne (Beaumont-de-Lomagne, etc.). Cette vicomté, située jadis dans le bas Armagnac, suivit le sort de la province dont elle dépendait et appartient aujourd'hui presque entièrement au département du Gers.
 
Enfin le haut Languedoc formait le long de la Garonne, entre les diverses provinces dont nous venons de parler, une pointe où se trouvaient situés Castelsarrasin, Montech, etc. C'est cette pointe qui a été incorporée, assez naturellement du reste, au département de Tarn-et-Garonne.

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Castres

2ème partie

 
(Région Midi-Pyrénées)

 
 
Le plan tracé par le pape était de ménager le comte, s'il ne paraissait pas empressé à secourir les hérétiques. Milon n'avait été nommé légat que pour donner le change a Raymond, qui s'était plaint de la raideur de l'abbé de Cîteaux.

 
La conduite indécise du comte de Toulouse favorisa les vues d'Innocent. Dans une assemblée réunie par lui à Aubenas (Vivarais), son neveu, Raymond-Roger Trencavel, vicomte de Béziers, Albi, Rasez, Carcassonne, lui conseillait valeureusement de convoquer tous ses amis, de mettre en défense toutes ses places fortes et de tenir tête à l'orage.

 
Effrayé d'un si grand danger, le comte répondit qu'il ne voulait pas se brouiller avec l'Église. II se rendit a Valence, où l'appelait le légat, et lui remit les clefs de sept de ses plus forts châteaux ; il se laissa ensuite conduire a Saint-Gilles. Là, en présence de vingt archevêques ou évêques, il fit amende honorable ; on lui mit au cou une étole, et le légat, le tirant par cette étole, l'introduisit dans l'église en le flagellant ; enfin la croix parut sur sa poitrine en signe qu'il allait prendre les armes contre ses propres sujets.

 
L'armée s'ébranla, passa par Montpellier, fondit sur Béziers, dont nous raconterons ailleurs la catastrophe. L'esprit de cette guerre se résume dans ce mot, qui, malheureusement, appartient bien à l'histoire d'Arnaud-Amaury : « Tuez-les tous, Dieu saura bien distinguer les siens. » - « Brûlez-les tous deux, disait de même Simon de Montfort ; si celui-ci parle de bonne foi, le feu lui servira pour l'expiation de ses péchés ; s'il ment, il portera la peine de son imposture. »

 
Après Béziers, ce fut le tour de Carcassonne, où fut pris traîtreusement le vicomte Raymond-Roger, qui mourut en prison peu de temps après, de dysenterie, dit-on. Il laissait un fils en bas âge, Raymond Trencavel II, né en 1207.

 
Le bel héritage des quatre vicomtés que cet enfant semblait destiné a recueillir lui fut enlevé, et le légat l'offrit successivement au duc de Bourgogne, aux comtes de Nevers et de Saint-Pol, qui tous le refusèrent. « Le légat, fort malcontent et embarrassé, offrit en dernier lieu la seigneurie à Simon, comte de Montfort, lequel la désirait et la prit. » Pour intéresser l'Église à lui conserver ces nouveaux domaines, Simon ordonna qu'un cens de trois deniers, par feu ou par maison, serait levé au profit de la cour de Rome, sans compter une redevance annuelle dont il fixa la somme.

 
Le chef des croisés n'occupait encore que Castres dans l'Albigeois ; il s'y rendit en personne, s'empara de Lombers, où cinquante chevaliers avaient formé un complot pour s'emparer de sa personne ; il entra dans Albi, dont l'évêque lui ouvrit les portes. Une révolte, excitée par le roi d'Aragon, ne tarda pas à le chasser de presque toutes ces places ; mais il y rentra bientôt l'épée à la main ; une bulle du pape le confirma dans la possession d'Albi (1210).

 
L'Albigeois était le chemin de Toulouse. Le comte voyait avec terreur approcher les croisés. Il courut à Paris et de Paris à Rome. Philippe-Auguste, qui approuvait peu la croisade et qui en avait refusé le commandement sous prétexte « qu'il avait à ses côtés deux grands lions menaçants, le roi d'Angleterre et l'empereur d'Allemagne, » lui donna une lettre pour le pape. Innocent se montra bien disposé en sa faveur.

 
Mais les légats, plus zélés que le pape, l'évêque de Toulouse, Fouquet, troubadour transfuge, l'abbé de Cîteaux, Simon de Montfort, ne voulaient point se laisser arracher leur proie. Le concile d'Arles (1211) dicta au comte. des lois de fer. Raymond et le roi d'Aragon, Pierre II, qui intercédait en sa faveur, attendirent longtemps à la porte du concile, en plein air, « au froid et au vent. » Enfin on leur remit la charte qui contenait des conditions inacceptables.

 
Cette charte fut utile à Raymond ; il la montra partout, et ses sujets, chevaliers ou bourgeois, jurèrent de périr plutôt que d'accepter un tel esclavage. L'évêque Fouquet fut chassé de Toulouse ; défense faite aux habitants de donner des vivres aux croisés. Montfort, qui venait de prendre Lavaur, échoua devant la capitale du Languedoc.

 
La campagne fut tenue habilement et avec succès pendant l'hiver par les capitaines albigeois, particulièrement le comte de Foix. Montfort n'avait que peu de troupes dans cette saison ; la plupart des croisés ne donnant que le service de quarante jours, « le flot de la croisade tarissait vers L'automne pour ne revenir qu'au printemps. » (H. Martin.) II s'occupait de régler la conquête, de distribuer des fiefs aux hommes de la langue d'oil. Les moines se pourvoyaient de leur côté ; l'abbé de Cîteaux était élu évêque de Narbonne, et accolait à ce titre celui de duc ; l'abbé de Vaux-de-Cernai devenait évêque de Carcassonne.

 
Pierre II d'Aragon, libre du côté de l'Espagne par la bataille de Las Navas de Tolosa, intervint plus énergiquement. Raymond, qui était son beau-frère, remit entre ses mains« ses terres, son fils et sa femme. » Les représentations de Pierre émurent un instant le pape, qui suspendit la prédication de la croisade Hais, à l'instigation des chefs croisés, Innocent III revint sur ses dispositions indulgentes et exhorta Pierre à abandonner « le toulousain. »

 
Pierre n'en fit rien, et, le 10 septembre 1213, il assiégeait Muret. La grande bataille qu'il livra devant cette place, et qui lui coûta la vie, fut le coup fatal des Albigeois. Toulouse prise fut démantelée. Simon de Montfort fut institué « prince et monarque du pays » par les canons du concile de Montpellier, confirmés par le pape. Le quatrième concile de Latran, solennelle assemblée de 71 archevêques, 412 évêques et plus de 800 abbés et prieurs (1215), renouvela sa réfutation des doctrines hétérodoxes, le symbole de Nicée, et prescrivit des mesures qui, dans le Languedoc, devaient prévenir le retour de l'hérésie.

 
Le concile ratifia la fondation de deux ordres religieux nouveaux, spécialement établis en vue de l'hérésie albigeoise. « L'Église avait été ébranlée par la prédication hétérodoxe ; Dominique entreprit de la soutenir par la création d'un ordre exclusivement destiné à prêcher la foi catholique, et, sous les auspices de l'évêque Fouquet, il jeta les fondements de l'ordre des Prêcheurs dans Toulouse même, la métropole de l'hérésie. L'Église avait été attaquée au nom de l'inspiration mystique et du renoncement évangélique, François d'Assise transporta le mysticisme et la réalisation littérale de la pauvreté et de l'humilité chrétienne dans le sein de l'Église ; il fonda un ordre de moines qui renonçaient absolument, non plus seulement à la propriété individuelle, ainsi que les autres moines, mais a la propriété collective, et faisaient vœu de ne vivre que d'aumônes. »

 
C'est en vain que, du sein même de l'assemblée catholique, quelques voix courageuses protestèrent contre les effets désastreux de la croisade, qu'un chevalier ajourna le pape au jour du jugement s'il ne rendait pas au fils du vicomte de Béziers et d'Albi son héritage, que l'archidiacre de Lyon lui-même s'écria, montrant Fouquet : « Cet évêque fait vivre dans le deuil plus de cinq cent mille hommes, dont l'âme pleure et dont le corps saigne ! »

 
Innocent III, disposé à s'attendrir, ne put réserver au fils de Raymond VI que le marquisat de Provence, « s'il s'en rendait digne. » Tout le reste fut donné à Simon de Montfort, qui alla demander au roi Philippe-Auguste l'investiture du comté de Toulouse et du duché de Narbonne (1216), et qui se vit accueilli partout dans les campagnes de la langue d'oil à ce cri : « Béni soit celui qui. vient au nom du Seigneur ! ».

 
Les peuples de la langue d'oc pleuraient leur brillante et gracieuse civilisation broyée sous le fer des masses d'armes et jetée au feu des bûchers. « Ah ! s'écrie un troubadour, Toulouse et Provence, terre d'Agen, Béziers et Carcassonne, quelles je vous vis, et quelles je vous vois ! »

 
La mort d'Innocent IIII (1216) et celle de Simon de Montfort (1218) mirent fin à la première période de la guerre des Albigeois. Amaury, fils de Simon, confirmé dans la possession des conquêtes paternelles par le pape Honorius III, entra dans Albi. De son côté, Raymond VI entra dans l'Albigeois, qui devint le théâtre de la lutte. Raymond VII, lui ayant succédé (1222), enleva Albi à son rival, qui était dans le même temps attaqué d'un autre côté par Raymond Trencavel II, héritier des quatre vicomtés (1224). Amaury s'enfuit en France. L'hérésie releva la tête.

 
En 1222, Amaury avait offert à Philippe-Auguste ta cession de tous ses droits sur le comté de Toulouse. Ce monarque les avait refusés, et avait seulement autorisé son fils Louis à prendre part à la croisade. Devenu roi, Louis VIII reprit la croix et accepta l'offre d'Amaury ; puis avec 100 000 hommes il assiégea Avignon.

 
Le Languedoc, pendant ce temps, se soumettait à lui ; il parut à Albi et y séjourna quelque temps ; il reçut le serment de fidélité des habitants par l'intermédiaire de l'évêque, et c'est dans cette ville qu'il régla le sort des pays acquis par lui à la couronne ; il en confia le gouvernement a Humbert de Beaujeu, qui, bientôt abandonné à lui-même, déploya beaucoup d'énergie et d'habileté à poursuivre la guerre contre les hérétiques et contre Raymond VII.

 
Enfin le comte de Toulouse céda. En 1229, il reçut l'absolution de la main du cardinal légat dans l'église de Notre-Dame de Paris. Il s'engageait a démanteler trente une places fortes de ses États, entre autres, dans l'Albigeois, Lavaur, Gaillac, Rabastens, Montaigu, Puicelci ; les châteaux de Cordes et de Penne étaient remis à Louis IX pendant dix ans. La partie de l'Albigeois située sur la rive gauche du Tarn était réunie, avec Albi, au domaine royal ; la rive droite demeurait au comte. Castres fut inféodé a Philippe, neveu de Simon de Montfort.

 
Les deux parties de l'Albigeois eurent chacune un sénéchal, l'une pour le roi, l'autre pour le comte. Celle-ci était divisée en sept bailliages. La vaine tentative faite plus tard par Raymond VII, avec le secours de Henri III, roi d'Angleterre, et du comte de la Marche ayant échoué, Raymond Trencavel II, l'héritier dépouillé des quatre vicomtés, vendit tous ses droits a Louis IX, moyennant une pension de 600 livres sur la sénéchaussée de Beaucaire (1247).

 
Le siècle ne s'écoula pas sans que l'Albigeois de la rive droite du Tarn fût réuni à la couronne. Jeanne, fille de Raymond VII, et son mari, Alphonse, comte de Poitiers et de Toulouse, en héritèrent à la mort de Raymond, et quand ils moururent à leur tour, ce pays fut réuni par les commissaires de Philippe le Hardi au domaine royal (1271).

 
La soumission du comte de Toulouse consomma la défaite de l'hérésie. Lui-même était obligé de se tourner contre elle, et s'engageait, par le traité de 1229, à payer pendant deux ans deux marcs d'argent, et, dans la suite, un marc à quiconque livrerait un hérétique, à confisquer les biens des sectaires, à les exclure des charges publiques, comme les juifs. II ordonna même de raser les maisons des protecteurs et fauteurs des hérétiques.

 
Saint Louis envoya a ses baillis une ordonnance dans le même sens, et le concile de Toulouse organisa l'inquisition permanente en établissant que les évêques « députeraient dans chaque paroisse un prêtre et deux ou trois laïques de bonne réputation, » qui visiteraient « toutes les maisons depuis le grenier jusqu'à la cave. » L'obligation de dénoncer commençait à quatorze ans pour les hommes, à douze ans pour les femmes ; on devait alors prêter un serment.

 
Les hérétiques convertis devaient porter sur la poitrine deux croix de couleurs tranchantes. Le concile de Narbonne (1244) obligea les hérétiques en voie de conversion a se présenter tous les dimanches a l'église, le corps en partie nu, avec une poignée de verges pour recevoir la discipline. Le comte de Béziers (1246) établit la peine du feu pour tous les partisans qui refuseraient d'abjurer. Le concile d'Albi (1254) ordonna la construction de prisons dans chaque diocèse pour recevoir les hérétiques.

 
Le pape Grégoire IX, en 1233, prétendit donner plus de rigueur encore à l'Inquisition en attribuant aux frères prêcheurs des pouvoirs absolus, supérieurs même à ceux des évêques. Les protestations de Raymond VII, de Louis IX, du haut clergé de France ne l'arrêtèrent pas. Raymond fut de nouveau excommunié ; mais toutes les populations étaient pour lui, et en plusieurs lieux maltraitèrent les inquisiteurs dominicains.

 
Ceux-ci n'en continuèrent pas moins leur sanglante mission jusqu'au règne de Philippe le Bel, qui d'abord envoya des commissaires (1302), puis vint lui-même (1304) dans le Languedoc pour faire cesser la tyrannie des dominicains. Un édit rendu par lui à Toulouse ordonna que les commissaires royaux visiteraient avec les inquisiteurs les prisons de l'Inquisition et veilleraient à ce qu'elles servissent « pour la garde et non pour la peine des prisonniers ; » que les évêques ou leurs vicaires instruiraient le procès des accusés sur le sort desquels il n'aurait pas été statué. Un peu plus tard, un décret du concile de Vienne, confirmé par Clément V, défendait aux inquisiteurs de procéder contre les hérétiques « sans le concert des évêques diocésains. »

 
Alors seulement, après un siècle de souffrances terribles, le Languedoc respira et le châtiment de l'hérésie albigeoise fut arrêté. Chose singulière, ruinée en Languedoc, elle s'était réfugiée et se relevait dans les pays étrangers, principalement en Lombardie . c'est de là qu'on vit dès lors partir souvent deux à deux, suivant la règle, des ministres parfaits, qui allaient à leur tour, à travers mille dangers, vêtus de bure, vivant d'aumônes, exhorter les habitants du Languedoc à leur rester fidèles.

 
L'histoire de l'Albigeois sera courte à achever après que nous avons terminé celle de l'hérésie albigeoise. Ce pays souffrit des guerres des Anglais et plus encore des ravages des routiers, quoiqu'il n'ait jamais été un des principaux théâtres de ces grandes luttes nationales.

 
Il fut agité au temps des guerres de religion comme toutes les contrées de la France. Les hérétiques y furent durement traités, et pourtant, en 1569, ils y possédaient trente-huit villes, bourgs ou villages, dont Gaillac, Lombers et Réalmont. L'année suivante, le fléau de la guerre cessant, celui de la famine commença avec accompagnement de fièvres pestilentielles, qui sévirent cruellement dans les pays d'Albi et de Castres.

 
Après la mort de Henri III, la Ligue établit son influence dans l'Albigeois. L'évêque d'Albi, d'Elbène, dont elle se méfiait, fut dépouillé de ses biens, et, en 1592, Antoine-Scipion de Joyeuse, maréchal de France de la création de Mayenne, battit les royalistes près de Montets ; ceux-ci eurent leur revanche à Vilennet, où ils enlevèrent le camp de Joyeuse, et ce malheureux maréchal alla en fuyant se noyer dans le Tarn. Son frère, Henri de Joyeuse, prit sa place dans le commandement et convoqua des états à Albi pour obtenir des subsides. Albi et Gaillac étaient les seules villes qui restaient à la Ligue. La paix de Folembray (1596) replaça tout le pays sous l'autorité royale.

 
Sous Louis XIII, la révolte du duc de Rohan et des protestants donna lieu à des événements militaires dans l'Albigeois. Lombers, Réalmont furent assiégées. Mais les protestants furent battus par le duc d'Angoulême, qu'accompagnait Alphonse d'Elbène, évêque d'Albi. Ce même évêque changea de rôle plus tard, et, moins fidèle à la cause royale, fut un des instigateurs de la révolte du duc d'Orléans, et jeta Albi et son diocèse dans le parti des rebelles. Les capucins et les jésuites d'Albi tournèrent contre lui les populations, et, quand la révolte fut apaisée, une commission ecclésiastique, nommée en vertu d'un bref d'Urbain VIII, le déposa (1634).

 
Depuis ce temps, on peut dire que les événements politiques n'ont que peu troublé le repos de l'Albigeois. La Révolution n'y commit que peu de violences. L'affaire de Fualdès, après la chute du premier Empire, fut la seule qui y réveilla les émotions endormies.

 
En 1790, l'Assemblée constituante avait réuni en un département les diocèses de Lavaur et de Castres ; cette dernière ville avait été choisie pour chef-lieu ; elle fut privée de ce titre par le Directoire, qui, pour la punir de quelques mouvements séditieux, le transféra à Albi. Le Concordat (1802) supprima le siège archiépiscopal d'Albi, érigé sous Louis XIV (1676) aux dépens de l'archevêché de Bourges, et comprit tout l'Albigeois dans le diocèse de Montpellier ; mais, sous la Restauration, ce siège fut rétabli, avec les évêchés de Cahors, Rodez, Perpignan et Mende pour suffragants.
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Les départements-(histoire)- Tarn - 81 -

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Partie 1

 
(Région Midi-Pyrénées)

 
Le pays d'Albi était habité avant l'invasion romaine par un des peuples gaulois les plus belliqueux, celui des Volces Tectosages. Les Tectosages, dit-on, composaient en grande partie l'armée de Brennus. Au passage d'Annibal, ils tentèrent de lui fermer la route. On les voit ensuite s'enrôler dans les armées étrangères pour aller chercher des aventures dans les pays lointains, et étonner la Grèce et la Thrace de leur valeur indomptable.

 
Les Tectosages, selon quelques auteurs, faisaient partie de la confédération des Cadurques et ce serait eux que César désignerait sous le nom de Cadurci Eleutheri. Selon d'Anville, ils dépendaient desRutheni provinciales. Le nom d'Albigeois, qui est resté à cette province, n'apparaît, pour la première fois, que dans la Notice de l'empire, qui est du commencement du Ve siècle ; on y rencontre la Civitas Albientium, et, dans la liste des dignités de l'empire, on trouve des cataphractarii Albigenses, que quelques-uns ont traduit par des cuirassiers albigeois.

 
Cette traduction n'est-elle pas téméraire, et ces cuirassiers, que la Notice nous montre cantonnés en Thrace, venaient-ils des rives du Tarn ? Voilà ce qu'on peut difficilement décider. On donne à ce nom d'Albigenses ou Albienses deux étymologies différentes : l'une, latine (albus, blanc), rappellerait les terres blanches des coteaux qui environnent Albi ; l'autre, celtique (alp ou alb, hauteur, sommet), l'éminence sur laquelle s'élevait l'ancien château de cette ville, Castelviel.

 
Toutefois, ce n'est que fort tard que le nom d'Albigeois fut appliqué au pays même dont a été formé le département du Tarn. Compris, après la conquête de César, dans la province Romaine, et sous Auguste dans l'Aquitaine, ce pays n'eut point de dénomination propre jusqu'au temps où Charlemagne forma un comté ayant pour chef-lieu Albi ; en devenant une circonscription administrative particulière, il reçut le nom particulier d'Albigeois.

 
Ni l'époque celtique ni l'époque romaine n'ont laissé beaucoup de monuments dans le département du Tarn. On n'y trouve que quelques dolmens, des pierres levées, des médailles et certains ornements. A peu de distance de la route qui conduit de Cordes à Saint-Antonin, dans la commune de Saint-Michel-de-Vax, on voit un dolmen composé d'une large pierre de 3m 60 de longueur sur 2m 56 de largeur, posée horizontalement sur deux blocs de rocher.

 
A Tonnac, on en voit un plus considérable encore, et sous lequel on a trouvé des ossements humains fluant aux monuments romains, ce sont, avec des tombeaux, bien conservés et des fragments de voies et d'aqueducs, des pavés en mosaïques, des médailles, des urnes, des fragments de poterie, que des fouilles ont mis au jour.

 
Dévasté par les Vandales, le pays fut occupé en 478 par les Wisigoths, et conquis par les Francs a la suite de la bataille de Vouillé (507). Ces nouveaux dominateurs n'y régnèrent point tranquilles. En 512, Théodoric les en chassa momentanément, et bientôt, sous les descendants de Clovis, l'Albigeois devient, comme tout le Midi, le théâtre, l'objet et la victime des querelles sanglantes de ces princes rivaux. Caribert en est maître en 564 ; en 574, Théodebert s'y précipite avec ses bandes austrasiennes, ne respectant rien, pillant, brûlant et ravageant églises et monastères.

 
En 575, le duc de Toulouse, Didier, chasse les soldats de Sigebert et s'empare du pays pour le compte de Chilpéric. En 576, c'est Mummol, le général du roi de Bourgogne, Gontran, qui vient à son tour désoler cette malheureuse contrée, d'où il emmène une foule de prisonniers. Quatre ans après (580), Chilpéric en redevient possesseur. Nous ne suivrons point ces vicissitudes presque annuelles, toujours accompagnées des plus barbares violences. En 615, apparaît le premier comte d'Albi, Syagrius, issu d'une très riche famille d'origine gauloise et frère des deux évêques de Cahors Rustique et Didier (saint Géry).

 
Dans leur décadence, les Mérovingiens perdirent la domination des pays méridionaux soumis à leur autorité. Eudes, duc d'Aquitaine, s'empara de l'Albigeois en 688. Ses successeurs ne jouirent pas paisiblement de cette conquête ; un demi-siècle n'était pas écoulé que l'Albigeois était en proie aux incursions dévastatrices des Sarrasins (720-732).

 
Cette invasion eut pour résultat indirect de ramener les rois francs, rudes libérateurs des chrétiens de la Gaule méridionale. En 766, Pépin le Bref s'empara de l'Albigeois en même temps que de tout le Languedoc, et c'est douze ans après que Charlemagne, définitivement maître de ces contrées, établit Aimon comte de l'Albigeois.

 
Le gouvernement de ce grand monarque profita au Languedoc, et surtout à l'Albigeois, par l'abolition de l'impôt militaire appelé foderum, que ce pays payait en proportion de la richesse de ses récoltes (795). Ermengaud, qui vivait au temps de Charles le Chauve, fut le dernier comte de l'Albigeois qui relevât des rois de France. Il se distingua par la prudence avec laquelle il mit la contrée en état de défense contre les Normands qui y portaient le ravage en 864. Garsinde, sa fille et son héritière, en épousant Eudes, comte de Toulouse, lui porta en dot cette province, qui fut depuis lors gouvernée par des vicomtes sous la suzeraineté des comtes de Toulouse.

 
Au commencement du Xe siècle, la contrée désignée sous le nom d'Albigeois comprenait, outre la vicomté d'Albi et d'Ambialet, celle de Lautrec et Paulin. Elle ne remonta au rang de comté qu'en 987. Guillaume Taillefer, comte de Toulouse, l'ayant cédée à son frère Pons, celui-ci prit le titre de comte d'Albi. C'était l'année même où Hugues Capet commençait humblement la nouvelle dynastie française. On a remarqué avec quelle liberté, depuis plus d'un siècle, les pays du Midi disposaient d'eux-mêmes, se rapprochaient, s'unissaient, se séparaient à leur gré, non seulement ne voyant plus les rois, mais ne sentant plus même leur autorité. Aussi le nouveau monarque ne fut-il point reconnu dans l'Albigeois pendant d'assez longues années.

 
Le voyage que le roi Robert fit en 1031 dans l'Albigeois fut de peu d'effet pour l'autorité royale. Les seigneurs du Midi ne furent pas moins indépendants de fait que par le passé pendant le XIe siècle.

 
Ce siècle vit s'accroître considérablement la puissance des vicomtes d'Albi. Aton II, qui mourut en 1032, était vicomte d'Albi et de Nîmes. Bernard III, son successeur, s'intitule, dans l'acte de fondation du pont d'Albi, proconsul de Nîmes et prince d'Albi. Raymond-Bernard, qui vint après lui, y ajouta par un mariage le comté de Carcassonne et les vicomtés de Béziers et d'Agde (1061). C'est lui qui porta le premier le surnom de Trencavel, qui servit depuis à désigner cette puissante famille.

 
Bernard-Aton IV, homme tout à fait remarquable, porta enfin à son plus haut période cette agglomération de fiefs, qui était au moyen âge le secret des grandes puissances, en joignant la vicomté de Rasez à toutes les autres. A sa mort, malheureusement, cette couvre de la patiente ambition des Trencavel se brisa par un partage entre ses trois fils.

 
Mais les débris en furent encore imposants : les vicomtés d'Albi et d'Ambialet échurent d'abord à l'aîné, Roger, puis à sa mort a Raymond Trencavel, le second, lequel posséda en même temps Béziers, Carcassonne et Rasez (1150). Vicomte de Béziers avant de l'être d'Albi, Raymond Trencavel donna la priorité de rang a la première de ces deux villes. L'Albigeois, dont les seigneurs étaient naguère les dominateurs du Midi, déchut du rang où il avait été élevé et ne fut plus qu'une dépendance de la vicomté de Béziers. Mais ce qui devait faire à jamais sa célébrité, ce qui devait graver le nom d'Albigeois dans l'histoire en lettres ineffaçables, c'est l'hérésie et la croisade fameuses dont nous allons rappeler les principaux traits.

 
Depuis plus d'un siècle, des doctrines malsonnantes inquiétaient l'Église catholique. En 1022, sous le roi Robert, on brûlait à Orléans des manichéens ; c'est du moins sous ce nom que le concile désigna les malheureux qui périrent alors sur le bûcher. Soissons fut témoin d'un supplice semblable en 1115.

 
Les hérétiques se multipliaient partout, mais principalement dans le Midi. Ils avaient reçu, disait-on, les doctrines manichéennes des Bulgares, qui les tenaient eux-mêmes des Arméniens, et l'on ajoutait que leur pape résidait en Bulgarie. Aussi les appelait-on quelquefois bulgares ou boulgres par abréviation. Ces hérésiarques s'élevaient ; et leur voix était écoutée des peuples. Il y en eut à cette époque deux célèbres, Pierre de Bruys et Henri, qui prêchèrent avec un grand succès dans le Dauphiné, la Provence et la province de Narbonne.

 
Les auteurs catholiques les accusaient de piller les églises ; de brûler les croix et de s'abandonner à la débauche. Pierre de Bruys fut livré au bûcher dans la petite ville de Saint-Gilles « en punition des croix qu'il avait brûlées. » Henri, son disciple, ancien religieux qui avait quitté la vie monastique, ne fut point ébranlé par ce terrible avertissement, et, continuant de prêcher, se rendit à Toulouse, sans doute en traversant l'Albigeois. Ses sectateurs furent appelés henriciens.

 
Déjà, au milieu du XIIe siècle, les progrès de l'hérésie étaient assez considérables pour inspirer des alarmes au pape Eugène III, venu en France pour y prêcher la seconde croisade (1147). Ce pontife envoya à Toulouse le cardinal Albérie, évêque de Chartres et saint Bernard, accablé des infirmités de la vieillesse, mais toujours plein d'ardeur. Saint Bernard, qui était le véritable chef de cette mission par son génie, fut frappé de l'aspect religieux du pays. « Les églises, écrivait-il, sont sans peuple, les peuples sans prêtres, les prêtres sans ministère. »

 
Ce n'était point merveille : les hommes du Midi n'avaient sous les yeux qu'un clergé livré au luxe et aux mauvaises mœurs. Ils accueillirent avec dérision et outrage la pompe du légat, mais avec respect et enthousiasme l'austère simplicité du moine éloquent qui dominait son siècle, et dont l'ambition était toute religieuse. Verfeil, près de Toulouse, fut le seul lieu où saint Bernard n'obtint pas le silence du respect ; obligé de se taire devant les clameurs de la foule, il secoua contre ce lieu la poussière de ses sandales et se retira. La mission passa alors dans l'Albigeois.

 
Les doctrines hétérodoxes prospéraient dans cette province. Elles y étaient particulièrement favorisées par Raymond Trencavel, qui, sans cesse en guerre avec son suzerain, Raymond V, comte de Toulouse, protégeait par système les hérétiques pour s'en faire un appui, Presque tous les habitants d'Albi étaient henriciens. Ils rirent au légat une réception burlesque : montés sur des ânes et battant du tambour, ils allèrent au-devant de lui.

 
Quand il prêcha à Sainte-Cécile, il eut environ trente auditeurs. On ne traita pas de même saint Bernard : sa parole tomba sur mie foule pressée, avide de l'entendre, émue, que la cathédrale ne pouvait contenir. Elle écouta, non sans se troubler, la réfutation qu'il fit de point en point des doctrines henriciennes, et quand il s'écria : « Choisissez entre les deux doctrines ! » tous répondirent qu'ils détestaient leur erreur, qu'ils revenaient à la foi catholique. « Faites donc pénitence, ajouta-t-il, vous qui avez péché ! » Et il leur fait à tous lever le bras en signe qu'ils jurent d'être fidèles à l'Église. Mais leur retour aux saines doctrines ne devait pas être de longue durée : saint Bernard parti, ils oublièrent leur serment.

 
Il sembla à Guillaume, évêque d'Albi, qu'un concile spécialement convoqué pouvait seul porter remède à l'état de choses et venir à bout de l'hydre qu'il s'agissait d'étouffer. Ce concile fut indiqué pour la fin du mois de mai 1165, et dut se réunir dans une ville de l'Albigeois, alors forte et considérable, aujourd'hui très obscure, la ville de Lombers, à 30 kilomètres au sud d'Albi.

 
On y interrogea sur leur doctrine et leur profession de foi les hérétiques, qui s'appelaient les bons hommes, les parfaits ; ce dernier titre toutefois n'appartenait qu'à un petit nombre d'entre eux, puritains de la secte, qui se distinguaient par l'austérité de leur vie ; la foule ne portait que le nom de croyants. Affranchis par la révolte des obligations morales de la loi catholique, les croyants se passaient de toute morale et vivaient dans la licence, persuadés que les vertus des parfaits rachèteraient leurs vices.

 
Quant à cette dénomination d'Albigeois, qui est demeurée aux hérétiques de cette secte, répandue également dans tout le Languedoc, on peut admettre qu'elle prit naissance à cette époque, peut-être même à l'occasion de ce concile tenu dans l'Albigeois pour examiner et condamner la doctrine nouvelle.

 
Pour résumer l'exposé des croyances albigeoises, nous dirons que, aux yeux de ces hérétiques, Satan, principe du mal, était l'auteur du monde physique ; de là cette condamnation de la chair, de la vie d'ici-bas et du mariage, qui conduisit quelques femmes égarées à faire périr leurs enfants. Le Jéhovah de l'Ancien Testament n'est autre que Satan lui-même, et de plus tous les Pères de l'Ancien Testament sont damnés jusqu'à saint Jean-Baptiste, l'un des majeurs démons et pires diables. Le bon esprit, c'est Jésus-Christ ; mais il ne s'est point incarné, c'eût été s'asservir à la chair, au mauvais principe ; il n'a pris que les apparences de la chair, de la vie et de la mort, et est venu, pur esprit, régénérer les esprits des hommes.

 
Non seulement les Albigeois attaquaient ainsi le dogme, mais ils attaquaient aussi le clergé. L'habit noir des parfaits était un reproche aux somptueux vêtements des évêques. Ils avaient des cimetières particuliers où ils enterraient publiquement leurs adeptes. Enfin, ils recevaient, dit Pierre de Vaux-de-Cernai, des legs plus abondants que les gens d'église, tant les populations de ces contrées étaient séduites par eux !

 
« Moi, Gaucelin, évêque de Lodève, par ordre de l'évêques d'Albi et de ses assesseurs, je juge que ces prétendus bons hommes sont hérétiques, et je condamne la secte d'Olivier et de ses compagnons, qui est celle des hérétiques de Lombers, quelque part qu'ils soient. » Tel fut l'arrêt rendu par le concile de Lombers. Quatorze ans après, le concile de Latran (1179) énonçait, à propos des Albigeois, cette maxime : « Bien que l'Église rejette les exécutions sanglantes, elle ne laisse pas d'être aidée par les lois des princes chrétiens ; et la crainte du supplice fait quelquefois recourir au remède spirituel. » Nouveaux anathèmes au concile de Montpellier (1195).

 
Tant d'excommunications n'écrasaient pas les Albigeois. Ils n'en acquéraient que plus de célébrité, d'importance et d'audace. Au concile catholique de Lombers, ils opposèrent, deux ans après, un concile hérétique présidé par Niquinta, leur pape, à Saint-Félix-de-Caraman, où se réunirent des représentants des églises dissidentes de l'Albigeois, du pays de Toulouse, de Carcassonne et de la vallée d'Aran.

 
L'hérésie ne se contenait plus même dans le midi de la France, elle débordait sur le nord et sur les pays étrangers, l'Angleterre, la Catalogne, l'Aragon. Ce n'est pas qu'il y eût bien des divergences d'opinion dans cette diffusion de l'hérésie, et le nom d'Albigeois couvrait sans doute plus d'une secte. Néanmoins, c'était un formidable ensemble de rébellions contre l'unité catholique.

 
Le glaive temporel allait donc être tiré du fourreau. Quelle serait la main qui le ferait mouvoir ? Ce droit et ce devoir n'appartenaient-ils pas tout d'abord aux souverains temporels des pays qui étaient le siège de l'hérésie ? Mais, soit connivence, soit impuissance véritable, ces souverains cherchaient à s'affranchir de cette tâche. « Je ne puis trouver le moyen de mettre fin à de si grands maux, écrivait Raymond V au chapitre général de Citeaux, en 1177, et je reconnais que je ne suis pas assez fort pour réussir. »

 
Raymond V était sincèrement catholique. Son fils Raymond VI penchait vers l'hérésie : « Je sais, disait-il, que je perdrai ma ferre pour ces bons hommes, eh bien ! la perte de ma terre, et encore celle de ma tête, je suis prêt a tout endurer. »

 
II y eut, dès 1178, une petite guerre religieuse dirigée contre l'Albigeois proprement dit. Le fils de Raymond Trencavel, Roger II, suivait les errements paternels. Non seulement il était toujours en querelle avec son suzerain, le comte de Toulouse, dont il épousa pourtant la fille Adélaïde, mais il favorisait ouvertement les hérétiques ; il leur permettait de s'établir en maîtres à Lavaur et même à Lombers, qui naguère avait retenti des anathèmes lancés contre eux ; il leur laissait le champ libre pour provoquer les évêques à la discussion.

 
En démêlé lui-même avec l'évêque d'Albi, il finissait le débat un beau jour en le faisant mettre en prison, et en l'y faisant garder par des hérétiques Cette cruelle plaisanterie fut mal prise par la cour de home. Le légat, qui s'était rendu à Toulouse, envoya dans l'Albigeois Henri, abbé de Clairvaux, accompagné du vicomte de Turenne et de Raymond de Castelnau, qui devaient lui prêter main-forte. Roger se retira prudemment dans des lieux inaccessibles et se laissa sans autre souci excommunier dans la ville de Castres, dont son épouse Adélaïde avait ouvert les portes. Il fut déclaré traître, hérétique et parjure. Henri, qui avait prononcé l'anathème, devint lui-même légat du saint-siège peu de temps après, et résolut d'employer l'autorité étendue que lui donnait cette dignité à frapper l'hérésie avec quelque vigueur.

 
Il retourna dans l'Albigeois, entraînant sur ses pas les catholiques en armes, assiégea vivement Lavaur, qui ouvrit ses portes, et obligea Roger d'abjurer l'hérésie et de livrer les hérétiques pris dans cette place (1180). Mais à peine eut-il le dos tourné, que le vicomte et ses sujets revinrent aux doctrines qu'ils avaient feint de quitter, se riant des tentatives inutiles de l'Église. En 1194, Roger mourant laissait la tutelle de son fils à un seigneur hérétique.

 
Le saint-siège, qui ne pouvait être vaincu dans cette lutte, redoubla l'énergie de ses moyens. Dès 1198, les frères Gui et Raynier, de l'ordre de Cîteaux, parcouraient le Midi comme commissaires du pape, chargés de représenter sa puissance tout entière. Leurs successeurs, Pierre de Castelnau et Raoul, moines du même ordre, réunirent dans leurs mains tout le faisceau des foudres pontificales, en vertu d'une bulle qui les autorisait à « détruire, arracher et planter tout ce qui était nécessaire dans les pays infectés d'hérésie. »

Ces dictateurs commencèrent par suspendre tous les évêques modérés, dont la tiédeur eût pu ralentir leur marche impitoyable. L'opiniâtreté de l'hérésie résista encore a leurs efforts. Obligés de cacher leurs croyances et leurs réunions, les Albigeois en confiaient le mystère aux ténèbres de la nuit. Pierre de Castelnau se décourageait lui-même, lorsqu'il rencontra l'évêque d'Osma qui voyageait en France avec un de ses chanoines nommé Dominique. « Renoncez, lui dit l'évêque, à ces somptueux appareils, à ces chevaux caparaçonnés, à ces riches vêtements ; fermez la bouche aux méchants en faisant et enseignant comme le divin Maître, allant pieds nus et déchaux, sans or ni argent ; imitez la manière des apôtres. »

 
Mais le luxe était devenu tellement inséparable de la cour de Rome, que les légats n'osèrent point reprendre les simples habits de moine : ce serait, dirent-ils, une trop grande nouveauté ; ils ne pouvaient prendre cela sur eux. Ils se bornèrent à suivre l'évêque d'Osma et Dominique, qui se mirent à parcourir pieds nus les campagnes, soutenant des discussions solennelles contre les Albigeois. L'évêque mourut, Dominique resta seul.

 
C'est saint Dominique, le patron de l'Inquisition. Il avait la tendresse d'âme et les vertus d'un saint Vincent de Paul. Dans une famine, il vendit ses livres pour en donner l'argent aux pauvres ; une autre fois, il voulut se vendre lui-même pour racheter un captif. Mais il avait aussi la cruauté d'une logique inflexible qui lui faisait désirer, par amour des hommes, l'extermination des suppôts de l'enfer qui perdaient tant de milliers d'âmes.

 
Ce qu'il souhaitait avec la dernière ardeur, c'était le martyre, et le plus cruel de tous, afin de mériter une plus riche couronne. Qu'importaient à cet homme les outrages, la boue, les crachats, les bouchons de paille attachés par derrière à ses vêtements ? Il en remerciait le ciel. Ce n'était pourtant pas une preuve du succès de sa prédication ; aussi Castelnau retombait dans l'abattement, et répétait que l'affaire de Jésus-Christ ne réussirait pas dans ce pays jusqu'à ce que quelqu'un d'entre eux fût mort pour la défense, de la foi, et Dieu veuille, ajoutait-il, que je sois la première victime !

 
En 1207, il se rendit à la cour de Raymond VI, alors en guerre avec ses voisins, et le somma de faire la paix ; sur son refus, il lança une excommunication que le pape Innocent III confirma en termes accablants. Raymond céda sur un point, mais feignit de ne point entendre les injonctions du légat qui lui ordonnait de persécuter les hérétiques. La colère de Castelnau n'eut plus de bornes : il excommunia de nouveau Raymond, et l'accabla en face des injures les plus violentes. Le comte, à son tour, s'emporta, et répondit qu'il saurait bien le retrouver. Un de ses chevaliers recueillit cette parole, et Castelnau fut égorgé au moment où il s'embarquait sur le Rhône (1208).

 
L'épée du chevalier de Raymond VI déchira l'effroyable nuée des colères pontificales amoncelée depuis un demi-siècle sur le Languedoc. A la voix du pape Innocent III, à celle d'Arnaud, abbé de Liteaux, et des moines des nombreux couvents de cet ordre, tout le nord de la France se croisa ; ducs, comtes, évêques, chevaliers, brodèrent la croix sur leur poitrine (jusque-là elle se portait sur l'épaule ). Français, Normands, Champenois, Bourguignons, s'armaient avec joie pour aller combattre ces hommes du Midi, objet de leur aversion, cette gent empestée de Provence ; des Méridionaux catholiques les joignirent en grand nombre. Lyon était le rendez-vous de cette armée de 300 000 hommes. Arnaud-Amaury, abbé de Citeaux, homme de fer, et Milon, légat a latere, dirigeaient la croisade.

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MessageSujet: Re: Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres   Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres Icon_minitimeLun 5 Oct - 13:56

Les départements-(histoire)- Somme - 80 -

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres E15b68df
 
(Région Picardie)
 
La Somme constitue l'ancienne province de Picardie, province dont le nom a été, pour les étymologistes, le texte de si longues et si stériles dissertations. Les Romains trouvèrent ce territoire occupé par de nombreuses tribus dont ils nous ont transmis les noms ; c'étaient, au nord, les Morini ; à l'ouest, les Ambiani, qui avaient pour capitaleSomarobriva, et les Britanni ; les Veromandui, à l'est, et, au sud, les Bellovaci et lesSylvanectenses. Les Ambiani, les Morini et les Bellovaques prirent une large part à la guerre de l'Indépendance sous Vercingétorix ; mais, vaincus comme les autres peuples de la Gaule, ils se soumirent et firent partie de la seconde Belgique.
 
La résistance des habitants à la domination étrangère leur mérita l'estime des vainqueurs. D'importants privilèges, Marges franchises municipales, de nombreux embellissements dans les villes assurèrent la paix dans le pays jusqu'à l'arrivée des Francs. Clodion est le premier chef qui y pénétra, au commencement du IVe siècle ; c'est à peu près vers la même époque qu'apparaissent aussi les premiers propagateurs de la foi chrétienne, saint Firmin, saint Crépin et saint Crépinien, saint Valère, saint Ruffin, saint Quentin, saint Vaast, saint Valery, saint Ricquier, saint Lucien et les apôtres de l'Église irlandaise.
 
Leur lutte contre le druidisme et le paganisme romain fut laborieuse et rude ; les traits principaux du caractère picard se retrouvent aussi prononcés, à cette époque, qu'ils se sont maintenus depuis. La ténacité, l'obstination, la fidélité aux vieilles croyances furent de sérieux obstacles à l'établissement de la foi nouvelle. Mais hâtons-nous d'ajouter que la vérité, une fois connue et acceptée, ne trouva nulle part de plus zélés sectateurs ni de défenseurs plus intrépides.
 
Sous les princes de la première race, la Picardie demeura inféodée au domaine royal ; elle taisait partie de ce qu'on appelait alors la France. Ce fait s'explique quand on se rappelle que, jusqu'à Charlemagne, Soissons fut, à vrai dire, la capitale de la monarchie franque et la résidence la plus habituelle des rois. Sous les successeurs du grand empereur, l'immensité des possessions conquises nécessita la création de comtes ou lieutenants, chargés de gouverner les provinces au nom du souverain, qui en vivait éloigné.
 
C'est en 823 que nous voyons Louis le Débonnaire abandonner pour la première fois l'administration de la Picardie à un comte. On sait quels furent les rapides envahissements de ces nouveaux pouvoirs, et en combien de lieux et de circonstances ils parvinrent à se rendre indépendants. Grâce à l'inamovibilité des fiefs féodaux, les alliances de famille concentrèrent bientôt entre les mains de quelques seigneurs une puissance rivale de celle des rois. Le développement de ces usurpations remplit toute la seconde race et aboutit au triomphe définitif, au couronnement de la haute féodalité dans la personne des Capet, comtes de Paris.
 
La Picardie suivit la loi générale. Un Philippe d'Alsace, comte de Flandre, qui avait épousé une comtesse de Vermandois, voulut, après la mort de sa femme, retenir le comté d'Amiens, qui devait retourner à Aliénor, comtesse la Saint-Quentin, soeur cadette de la défunte. L'injustice de cette prétention était si flagrante, et l'ambition du comte Philippe prenait des proportions si menaçantes, que le roi de France crut devoir enfin intervenir ; il ne s'agissait ni de remontrances ni d'arbitrage, c'est une guerre sérieuse qu'il fallut entreprendre pour réduire l'ambitieux vassal ; et encore une dernière satisfaction lui fut-elle donnée par le traité de paix qui intervint . il fut convenu que le beau-frère et la belle-soeur jouiraient successivement de la province en litige, et qu'après leur mort elle appartiendrait à la, couronne.
 
C'est à Philippe-Auguste qu'on doit cet arrangement, qui fit rentrer la partie la plus importante de la Picardie dans le domaine national. Le Ponthieu, dont Abbeville est la capitale, passa successivement dans les maisons d'Alençon, de Dammartin, de Castille et d'Angleterre. Philippe de Valois le reprit sur Édouard III par confiscation ; ce comté, ainsi que celui de Santerre (territoire de Péronne), avait été rattaché à la couronne, lorsque Charles VII, en 1435, engagea au duc de Bourgogne, pour quatre cent mille écus, toutes les villes situées sur la Somme.
 
Le droit des rois de France étant enfin reconnu, cette aliénation ne devait être que momentanée. Le premier soin de Louis XI, deux ans après son avènement au trône, en 1463, fut d'acquitter la dette contractée par son père et de rentrer dans l'entière possession de la Picardie.
 
Depuis cette époque, la province n'a pas cessé d'être française. Elle comprenait alors l'Amiénois, le Boulonnais, le Ponthieu, le Santerre, le Vermandois, le Thiérache, le Pays reconquis, le Beauvoisis, le Noyonnais et le Laonnais ; on y réunit l'Artois. Dans la suite, les territoires de Beauvais, Noyon et Laon en furent détachés au profit de l'lle-de-France ; puis, en 1790, dans la dernière division du sol français en départements, Boulogne et Montreuil furent affectés au Pas-de-Calais ; l'Aisne eut les arrondissements de Saint-Quentin et de Vervins ; tout le reste forma le département de la Somme.
 
Depuis la réunion de la Picardie à la France, son histoire, comme province, se confond avec l'histoire générale du pays. L'intérêt et l'importance des événements qui s'y sont passés sont tout entiers dans les chroniques particulières des villes ; nous y renverrons donc le lecteur, nous contentant ici de quelques observations sur la physionomie générale de la province.
 
La grande lutte de Charles le Téméraire trouvera sa place dans la notice de Péronne, et les chroniques d'Amiens nous diront l'histoire de la rivalité des maisons de France et d'Espagne. Ce qu'il importe de constater ici, comme aperçu synthétique, c'est la profonde empreinte laissée sur le sol picard par chacune des grandes crises sociales qui ont tour à tour transformé notre pays. Le caractère des habitants, lent et paresseux dans ses évolutions spéculatives, défiant dans sa naïveté, après avoir opposé aux principes nouveaux une résistance obstinée, s'en est laissé pénétrer plus profondément qu'aucun autre.
 
Nous avons parlé de l'enracinement des croyances païennes en face de la Gaule presque entièrement convertie au christianisme ; dès que la vraie foi se fut emparée des intelligences et des coeurs, la Picardie devint le pays le plus religieux peut-être de la chrétienté. Est-il besoin de citer les fameuses écoles monastiques de Corbie et de Saint-Ricquier, les pèlerinages si célèbres et si fréquentés à Notre-Dame de Liesse, à Notre-Dame de Boulogne et à l'église du Saint-Esprit de Rue ?
 
L'époque des croisades surtout éclate en glorieux témoignages de la piété des Picards ; et, pour emprunter les paroles d'un historien moderne de la province, c'est un Picard, Pierre l'Hermite, qui prêche la première croisade et marche à l'avant-garde ; c'est un Picard, le baron Creton d'Estourmel, qui, le premier, plante sa bannière sur les murs de Jérusalem, et sa famille, en mémoire de ce fait d'armes, inscrit sur son blason cette noble devise : « Vaillant sur la crête » ; enfin, c'est un Picard, Godefroy de Bouillon, le plus glorieux peut-être, qui porta le premier la couronne de Jérusalem. Voilà pour le sentiment religieux.
 
Quant à l'esprit féodal, les preuves de son développement, en Picardie, sont bien plus nombreuses encore. Suivant le même auteur, on comptait dans la mouvance directe du comté de Ponthieu 250 fiefs et plus de 400 arrière-fiefs ; dans la mouvance du comté de Guines, 12 baronnies et 12 pairies.
 
La plupart des seigneurs avaient haute et basse justice, et sur aucun point du royaume peut-être le droit féodal ne présentait des usages plus bizarres, des symboles plus étranges. Les familles nobles, sous le règne de Louis XIV, étaient au nombre de 500, toutes d'origine ancienne ; et, parmi les plus illustres, nous citerons les maisons d'Ailly, de Boufflers, de Créqui, de, Rambures, d'Estrée, d'Humières, de Melun, de La Motte-Houdancourt, de Gamaches, de Mailly, de Rubempré, de Senarpont ; n'oublions pas qu'outre Godefroy de Bouillon, la noblesse picarde a donné huit rois au trône de, Jérusalem.
 
Non, cependant, que la sève du pays soit épuisée par cette exubérance de floraison aristocratique ; lorsqu'à bout de résignation et de patience, après un long et sérieux travail des esprits, l'indépendance municipale essayera ses premières manifestations, quels magnifiques exemples d'habile persévérance, de courageuse initiative et d'invincible fermeté, les villes de Picardie ne donneront-elles pas au reste de la France ?
 
Vers 1250, l'affranchissement des communes était à peu près complet dans la province entière. Cette vaillance proverbiale des Picards, mise au service des intérêts locaux, n'a jamais fait défaut non plus dans les grandes questions nationales ; depuis Bouvines jusqu'aux immortelles campagnes de la République et de l'Empire, les Picards ont toujours marché au premier rang parmi les défenseurs de la patrie ; le bataillon de la Somme fut toujours un de ceux qui se firent le plus remarquer par leur valeur et leur patriotisme.
 
Pendant la guerre de 1870-1871, le département de la Somme fut envahi par les Prussiens. Après les combats de Mézières, de Boves et de Villers-Bretonneux, ils occupèrent Amiens et sa citadelle, abandonnées par l'armée du Nord, qui, sous les ordres du général Faidherbe, ne tarda pas à reprendre l'offensive, en s'emparant de la forteresse de Ham, et en livrant, à Pont-Noyelles, aux Prussiens, un combat qui leur fit éprouver des pertes considérables.
 
Cependant, Péronne, assiégée et bombardée pendant plusieurs jours, dut capituler ; mais Abbeville ne fut occupée qu'après l'armistice, jusqu'au 22 juillet 1871, où les Prussiens évacuèrent le département. L'invasion lui avait coûté 22 850 443 fr. 27 cent. Puis le génie industriel s'est emparé, tout aussi puissamment qu'avant la guerre, du département de la Somme, le coton et la laine y étant travaillés sous mille formes diverses. Amiens était ainsi devenue au XIXe siècle une des villes manufacturières les plus importantes de France ; l'agriculture était très perfectionnée dans les localités où le sol avait pu répondre aux efforts des cultivateurs ; les vastes tourbières étaient soumises à une exploitation chaque jour plus savante.

Les départements-(histoire)-Deux Sèvres - 79 -

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres 2eb0ca71
(Région Poitou-Charentes)
 
Des trois départements qui ont été formés avec l'ancien Poitou, celui des Deux-Sèvres occupe la région centrale ; confinant à l'est à la Vienne, et à la Vendée à l'ouest, il fait vers le sud-ouest une pointe dans la Saintonge, à laquelle il a emprunté 25 921 hectares de son territoire. Cette position explique l'absence d'une histoire particulière pour cette contrée, après les notices que nous avons données sur le haut et le bas Poitou, dans les parties de cet ouvrage qui s'y rapportaient plus directement. De la conquête romaine à l'établissement de la féodalité, nous n'avons pas à citer un seul fait qui ne rentre ou dans l'histoire générale de la province, ou dans les annales particulières des localités.
 
Comme le reste du Poitou, ce pays était habité par les Pictones, quand les Romains l'envahirent. Après avoir pris part à la lutte nationale, qui se termina par la chute d'Alésia et la défaite de Vercingétorix, ils se soumirent à César, et firent partie de l'Aquitaine, dont ils suivirent la fortune, tour à tour conquis par les Wisigoths et par les Francs. Au commencement du VIe siècle, saint Agapit et saint Maixent prêchèrent dans le pays la foi nouvelle, et y fondèrent une abbaye. Vers 732, les Sarrasins y parurent, mais pour être bientôt dispersés par Charles-Martel.
 
Sous les Carlovingiens, quand le pouvoir des grands vassaux se substitua, dans la France entière, à l'autorité royale, quand les puissants comtes de Poitiers, créés par Charlemagne, eurent affermi leur domination sur les vastes territoires devenus leurs fiefs héréditaires, on vit se reproduire en petit, dans leur province, ce qui s'était passé dans le royaume. Les barons, qu'ils avaient préposés à l'administration des diverses parties de leurs domaines, affectèrent vis-à-vis d'eux la même indépendance que les comtes affectaient eux-mêmes envers le roi de France, et de même que l'État n'était plus que l'assemblage fictif de provinces à peu près indépendantes, le Poitou ne fut plus que la réunion de seigneuries obéissant à des maîtres différents, soumises chacune à des lois et à des usages particuliers et trop souvent en guerre les unes contre les autres.
 
C'est alors que prirent naissance ces désignations de Niortais, de Bressuirois, de Mellois, souvenir rajeuni des subdivisions gauloises, qui donnaient à chaque canton ou pagus ses frontières, son administration et sa petite capitale. Ce fractionnement était un obstacle à toute influence sérieuse des populations dans les grandes affaires du pays. Il fallait qu'un danger commun ou qu'un principe nouveau brisât les vieilles barrières, ralliât toutes ces forces disséminées et refit un corps de ces membres épars.
 
Ce résultat, que l'ancien ordre de choses ne permettait pas d'espérer de la paix, on l'obtint d'abord de la lutte contre les Anglais, et plus tard, quelque contradictoire que paraisse cette assertion, des guerres civiles et religieuses qui bouleversèrent la province. L'émotion répandue par ces alternatives de succès et de revers finit par pénétrer jusqu'au fond des contrées les plus insouciantes ou les plus étrangères aux grands intérêts qui étaient en jeu ; les sympathies des populations devenant un appoint important dans les opérations de la guerre, on se préoccupa de part et d'autre de se concilier leur intérêt, dont jusque-là on avait fait si bon marché.
 
C'est ainsi que nous voyons en quelque sorte mis aux enchères le concours de la bourgeoisie des villes, et cette précieuse alliance achetée au prix de chartes communales, de privilèges commerciaux, qui initiaient les habitants à la vie publique. Cette révélation de droits nouveaux, rayonnant des cités dans les campagnes, y éveilla des sentiments de solidarité dans lesquels était en germe le nationalisme français.
 
Après une si longue ignorance, et cet isolement séculaire de tous les intérêts généraux, il dut y avoir beaucoup d'hésitation et de grandes incertitudes. Les princes anglais, ducs héréditaires de Guyenne, comtes de Poitou, étaient-ils bien des étrangers ? Et le roi de Paris, qui était si loin et qu'on ne voyait jamais, était-il bien le monarque légitime ?
 
Il fallut de longues années et de rudes épreuves pour que la vérité se dégageât des événements. Les trois siècles qui séparent le règne de Louis le Jeune de celui de Charles VII y suffirent à peine ; mais, au XVe siècle, le résultat était cependant en grande partie obtenu : le Poitou était province française et avait le sentiment de sa nationalité. Un autre progrès s'était encore accompli, le pouvoir s'était centralisé, et le roi, vainqueur de l'étranger, rattachait plus directement à son autorité souveraine les provinces dont il était le libérateur. Les habitants du territoire des Deux-Sèvres commencent donc à sortir de la passivité où le régime féodal les avait tenus jusqu'alors, et entrent dans la sphère d'action au milieu de laquelle s'agitent les siècles suivants.
 
Pendant la période anglaise, quoique le pays fût souvent le théâtre de la lutte et se trouvât presque toujours atteint par ses résultats, les habitants n'eurent encore qu'un rôle relativement passif, et furent, pour ainsi dire, moins acteurs que spectateurs ; c'est seulement dans la période suivante que leur initiative commence à se dessiner. Il semble que la population tout entière prît à coeur de se venger de la longue insignifiance de son passé par l'ardeur avec laquelle elle se jeta dans le grand drame religieux du XVIe siècle. Il n'y eut pas une ville, pas une bourgade qui ne se mêlât alors aux révoltes des protestants, comme plus tard aux agitations de la Ligue.
 
Ce fut à Châtillon, en 1568, que les chefs du parti réformé se rassemblèrent pour la première fois après s'être assurés des places voisines, telles que Thouars, Parthenay, Oyron, etc. Dandelot, frère de l'amiral Coligny, fit capituler Niort et passa au fil de l'épée la garnison de la tour Magné. Saint-Maixent se rendit à lui dans le même temps. Les armées des ducs de Montpensier et d'Anjou se rencontrèrent près de Pamproux, où la campagne se termina par une escarmouche. Les chefs protestants et la reine de Navarre passèrent l'hiver à Niort, où ils s'occupèrent à réunir des forces, à pourvoir aux finances de leur parti par la vente des biens ecclésiastiques, et à se ménager les secours de l'Angleterre.
 
Après la journée de Moncontour, si fatale aux protestants, les villes de Châtillon, de Thouars et d'Oyron furent évacuées ; l'amiral Coligny recueillit les débris de l'armée à Niort, et, après y avoir laissé garnison, se retira à La Rochelle. Niort capitula à l'arrivée du duc d'Anjou, et tout le Poitou se soumit.
 
Une tranquillité, du moins apparente, régna jusqu'en 1588. A cette époque, les protestants, menacés dans La Rochelle, se remirent en campagne. D'Aubigné s'empara de Niort et de Saint-Maixent. Thouars et les places environnantes se rendirent aux protestants un an après. L'avènement de Henri IV au trône ramena la paix.
 
La guerre ne recommença qu'en 1621, sous Louis XIII, lorsque le projet d'établir une république protestante surgit dans le conseil des chefs protestants. La Bretagne et le Poitou devaient être un des huit cercles de cette république. L'énergie déployée en cette circonstance par le cardinal de Richelieu et la présence du roi en Poitou déterminèrent la soumission de Niort et de Saint-Maixent ; la prise de La Rochelle, en 1628, mit le sceau à la paix définitive.
 
Cent cinquante ans de paix succédèrent a ces longues agitations ; mais le souvenir des rivalités locales, le réveil des haines mal éteintes donnèrent, en 1792, à l'explosion contre-révolutionnaire un caractère particulier d'obstination. Quatre-vingt-sept communes du département se soulevèrent et prirent une part active à la lutte.
 
Les arrondissements de Bressuire et de Parthenay fournirent aux rebelles leurs principaux chefs, La Rochejacquelein entre autres. Pendant que Niort devenait le quartier général de l'armée républicaine, Châtillon était le siège du conseil supérieur de l'armée royale. Thouars fut la première ville importante dont les Vendéens s'emparèrent ; Parthenay, Bressuire et un grand nombre de villes de la Gâtine et du Bocage furent tour à tour prises ; reprises, incendiées, démantelées, détruites même pendant cette déplorable guerre civile.
 
Nulle part ne fut plus manifeste et plus tranchée la ligne qui séparait alors l'opinion des villes de celle des campagnes. Autant la naïve ignorance, le culte du passé, les pieuses traditions de famille firent des uns les aveugles instruments des agents royalistes, autant l'intelligence des autres fut prompte à comprendre le problème posé parla Révolution, autant cette conscience de l'avenir les rattacha étroitement à sa cause.
 
C'est cette foi également ardente et sincère des deux côtés qui donna à la lutte ses proportions gigantesques ; l'héroïsme des uns n'eut de comparable que le dévouement des autres, et aux fabuleux exploits des intrépides paysans il n'y a à opposer que les glorieuses et stoïques expéditions de ces gardes nationaux des villes, eux aussi soldats improvisés, quittant, eux aussi, leur foyer, leur famille, et sachant aussi mourir pour la cause qu'ils avaient embrassée. Depuis la pacification, nous ne trouvons dans l'histoire du département qu'un seul fait important à noter, c'est la fameuse conspiration de Berton, en 1822.
 
Si la guerre civile a trop longtemps désolé le département des Deux-Sèvres, il n'a pas eu, en compensation, à souffrir de la guerre étrangère. Situé loin de la frontière, il a dû à sa position de n'avoir subi ni les hontes ni les malheurs des invasions. Ce qui ne l'empêcha point de payer largement sa dette à la patrie, en envoyant ses enfants aux armées qui, en 1814 et 1815 d'abord, puis en 1870 et 1871, luttèrent si vaillamment, mais hélas ! si inutilement, pour repousser l'étranger.
 
Quoique, depuis cinquante ans, les moeurs se soient bien modifiées dans la contrée qui nous occupe ; quoique, là comme ailleurs, s'accomplisse chaque jour l'œuvre de progrès et d'assimilation, le département des Deux-Sèvres est encore un de ceux qui a gardé, dans certaines parties, le plus de son ancienne originalité ; nous en emprunterons quelques traits à un de ses plus habiles administrateurs, M. Dupin, qui y fut préfet dès les premières années de l'Empire :
 
« Le département des Deux-Sèvres, composé de trois parties bien distinctes, savoir : le Bocage, qui comprend tout le nord-ouest, c'est-à-dire la presque totalité des premier et deuxième arrondissements et une partie du troisième ; le Marais, qui occupe une portion sud-ouest du troisième arrondissement, et, enfin, la Plaine, offre les mêmes différences dans la constitution physique et morale de ses habitants.
 
« 'homme du Bocage a une taille médiocre, mais assez bien prise ; tête grosse et ronde, teint pâle, cheveux noirs, yeux petits, mais expressifs ; son tempérament est bilieux et mélancolique ; son esprit est lent, mais non sans profondeur ; son cœur est généreux, mais irascible ; sa conception peu facile, mais sure. Il a conservé toute la simplicité des mœurs anciennes, quoique la guerre en ait un peu altéré la pureté. Il est bon, hospitalier, juste et d'une fidélité inviolable à ses engagements ; mais taciturne a l'excès, méfiant pour tout ce qui vient de l'autorité, fortement attaché au sol qui l'a vu naître, plus attaché encore à la religion de ses pères, et capable des actions les plus héroïques pour la défense de sa foi.
 
« Dans tous les temps, on l'a vu prendre part aux guerres religieuses. Son humeur mélancolique et les préjugés superstitieux qui le gouvernent tiennent essentiellement au pays qu'il habite. II vit isolé dans sa chaumière, ne voyant autour de lui aucune autre. habitation. S'il sort pour cultiver son champ, il y est encore seul ; de larges fosses, des haies impénétrables lui interdisent la vue de son semblable. Il n'a d'autre société que celle de ses bœufs, à qui il parle sans cesse, et pour qui même il fait des chansons. S'il veut vendre quelques bestiaux à une foire, la foire est rarement à plus d'une lieue ; souvent même les marchands viennent le trouver dans son enclos. Il n'y a dans ces contrées aucune ville qui répande la civilisation, aucune routé qui y conduise les étrangers, qui favorise la circulation, qui permette aux habitants de se fréquenter, et aux passions humaines de s'adoucir et de s'user par un frottement journalier.
 
« La Plaine est traversée par plusieurs grandes routes, et ses habitants sont plus civilisés que ceux du Bocage ; ils ont un caractère moins prononcé et plus confiant ; ils aiment le repos, la danse, le vin, sans toutefois en faire excès ; leur taille est plus élevée, leur physionomie plus ouverte, leur carnation plus vive. Ils sont aussi braves, mais moins industrieux et plus processifs ; ce qui provient sans doute de ce que leurs propriétés n'ont pas des limites aussi immuables. Quoique leur esprit, plus flexible, se soit plus facilement détaché des prêtres, il n'est pas moins ouvert à tous les préjugés de l'ignorance. Il existe pourtant, dans la Plaine, une différence assez notable entre les catholiques et les protestants ; ceux-ci sont, en général, plus laborieux et plus instruits.
 
« L'habitant du Marais est encore plus grand que celui de la Plaine ; il a plus d'embonpoint, ses membres sont plus massifs, mais il manque de santé et d'agilité ; il est grossier, apathique et ne pousse pas loin sa carrière. Une cabane de roseaux, un petit pré, quelques vaches, un bateau qui sert a la pêche, et souvent à voler du fourrage le long de la rivière, un fusil pour tuer les oiseaux d'eau, voila toute sa fortune et tous ses moyens d'industrie. »
 
Au XIXe siècle, les usages, sauf les cérémonies des noces, qui offrent quelques traits particuliers, n'ont rien de remarquable. Les fêtes et divertissements tiennent aux travaux champêtres et à la croyance religieuse. C'est ainsi que la récolte des châtaignes, dans certaines contrées, et, dans d'autres, la tonte des brebis, le fanage, la moisson sont accompagnés de jeux et de danses ; que le jour de tel saint il faut se régaler de crêpes pour empêcher le blé de se carier, etc.
 
Pendant l'été, il y a beaucoup de ballades ou fêtes champêtres. C'est là que les hommes boivent et que les jeunes gens dansent au son de la musette, ou plus souvent à la voix d'une vieille femme qui chante gravement un air monotone et sans paroles ; c'est là que se forment les inclinations, que s'arrangent les mariages. Une jeune fille qui paraît à la ballade sans un garçon qui lui tire les doigts est méprisée de ses compagnes. C'est aussi aux ballades qu'on choisit les domestiques : ils y viennent parés d'épis, s'ils se destinent aux travaux de la moisson ; de fleurs, s'ils veulent servir aux travaux du ménage.
 
Les fêtes de l'été ont donné naissance aux inclinations, les mariages se concluent en automne. Le fiancé, accompagné d'un de ses parents et d'un parent de sa prétendue, va faire les invitations. Il a grand soin de régler l'ordre de ses visites sur les différents degrés de parenté ; c'est une étiquette a laquelle on tient strictement. Il attache dans chaque maison, au lit du maître, un petit bouquet de laurier, orné de rubans, et fait son invitation par un compliment très long, qui est le même pour tous et de temps immémorial. Ces visites sont accompagnées de fréquentes libations.
 
Le jour des noces est suivi d'un lendemain plus joyeux et plus bruyant encore ; l'épisode le plus caractéristique de la cérémonie est le bouquet symbolique offert a la mariée par les jeunes filles, ses compagnes, accompagnant leur offrande d'une chanson qui n'a pas varié depuis trois cents ans, et qui retrace toutes les peines réservées à la jeune femme dans son ménage.

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Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres 175a3f40

Partie 2

[size=16]Le canton de SAINT-ARNOULT-EN-YVELINES [/size]

(Région Ile-de-France)

 
Les règnes suivants devaient être agités par les guerres de la Réforme. Les idées nouvelles pénétrèrent de bonne heure dans l'Ile-de-France ; elles avaient de nombreux adhérents dans le Vexin, où Calvin avait été accueilli par le seigneur d'Hargeville, dans son château situé près de Wy ou Joli-Village ; il y résida quelque temps, y composa une partie de ses ouvrages et prêcha lui-même sa doctrine dans les villages environnants, à Limay, Avernes, Arthies, Jambville et Gadancourt.

 
Henri Ier, François Il et Charles IX, pendant les premières années de son règne, passèrent alternativement de la rigueur à la tolérance dans leur attitude vis-à-vis des protestants. C'est dans le pays de Seine-et-Oise que se tinrent les premières réunions où les représentants des deux cultes travaillèrent à la pacification des esprits et a la conciliation des consciences ; les états généraux furent d'abord convoqués dans ce but à Saint-Germain ; puis, quelques années plus tard, en 1561, s'ouvrit le colloque de Poissy, fameux par les discussions violentes de Théodore de Bèze ; de nouvelles conférences eurent lieu l'année suivante à Saint-Germain sans amener de meilleurs résultats, et la guerre éclata tout à coup par le massacre de Vassy.

 
Qui ne se rappelle les sanglants épisodes de ces déplorables guerres, les tristes exploits de Coligny, de Condé et de Montmorency ; ce malheureux département en fut trop souvent le théâtre ; les points stratégiques que les partis ennemis se disputèrent avec le plus d'acharnement furent Corbeil, qui commande le cours de la haute Seine, et Étampes qui domine la ligne de communication entre la capitale et les provinces de l'ouest et du sud.

 
Cette dernière ville, prise par Condé, resta au pouvoir des protestants jusqu'au traité de paix de Longjumeau ; dans l'intervalle eut lieu la bataille de Dreux, gagnée par Montmorency, commandant l'armée catholique, et la bataille de Saint-Denis, qui amena la petite paix, trêve de six mois rompue par le massacre de la Saint-Barthélemy. Les fanatiques égorgeurs de Paris durent avoir des complices nombreux dans le département de Seine-et-Oise ; mais le rang et le nom des victimes parisiennes ont trop fait oublier les martyrs plus obscurs des campagnes environnantes.

 
La soif de vengeance que la trahison du Louvre alluma au coeur des huguenots rendit la guerre plus ardente et plus implacable encore. La tiédeur et l'hésitation que les zélés catholiques reprochaient à Henri III avaient grandi l'influence des Guises. L'ambition héréditaire de cette famille n'allait à rien moins qu'à s'emparer de la couronne, dont elle n'était plus séparée que. par un prince maladif et peu populaire, et par Henri de Béarn, chef du parti huguenot. L'assassinat du roi de France, frappé à Saint-Cloud par un jacobin fanatique nommé Jacques Clément, simplifiait encore la question : d'un côté, le droit et la légitimité avec Henri le huguenot ; de l'autre, l'usurpation avec les Guises, forts de leur valeur personnelle, de leur clientèle fanatisée et de la puissante organisation de la Ligue.

 
A l'exemple de Paris, l'Ile-de-France tenait en grande partie pour les Guises ; aussi fut-elle encore le théâtre des luttes qu'eut à soutenir Henri IV lorsqu'il vint jusque sous les murs de la capitale revendiquer ses droits à l'héritage de Henri III. La conversion du roi acheva l'oeuvre de pacification si glorieusement commencée par la victoire d'Ivry ; la sage administration de Sully, l'esprit de tolérance et d'économie du gouvernement, eurent bientôt cicatrisé les plaies faites par les dernières guerres ; l'Ile-de-France, dont le sol offre tant de ressources, releva toutes ses ruines ; la culture encouragée reprit un rapide essor ; Sully en donnait l'exemple, et, comme, propriétaire du château de Rosny, il fit de nombreuses plantations de mûriers ; Mantes, dont il était le gouverneur, vit s'élever dans ses murs une fabrique de draps ; le château de Saint-Germain fut reconstruit, celui d'Étampes restauré et le duché concédé à la belle Gabrielle d'Estrées.

 
Les bienfaits de ce règne furent répartis avec tant d'à propos et, d'intelligence, la pacification des esprits fut si complète, qu'à la mort du roi les désordres qui signalèrent la régence de Marie de Médicis n'affectèrent quo d'une façon peu sensible les pays de Seine-et-Oise.

 
L'administration de Richelieu consolida encore pour eux les bienfaits de celle de Sully. Nous n'avons à citer, sous le règne de Louis XIII, que la naissance à Saint-Germain de Louis XIV, en 1638, et, en 1641, l'assemblée générale que tint le clergé de France dans la ville de Mantes.

 
La haute noblesse, qui avait été obligée de courber la tête sous la main de fer de Richelieu, voyait à la mort de Louis XIll, dans la perspective d'une longue minorité, une occasion favorable pour revendiquer ses prétendus droits et reconquérir ses privilèges.

 
La confiance de la reine régente, abandonnée à un autre cardinal dévoué aux idées de Richelieu, son continuateur présumé, à un étranger, à Mazarin, souleva l'indignation des grands et dès princes ; l'opposition des parlements, suscitée par là noblesse, fut le prélude d'hostilités plus sérieuses ; les promesses des meneurs, les épigrammes des beaux diseurs, l'influence du clergé, parvinrent à entraîner les bourgeois de Paris dans cette non-elle Ligue.

 
Les frondeurs disputaient à la reine mère et au cardinal la personne du jeune roi ; la cour dut quitter Paris et se réfugier à Saint-Germain, sous la protection d'une armée de huit mille hommes ; de leur côté, les rebelles organisèrent leurs forces : le prince de Conti fut nommé généralissime. Les villes de Seine-et-Oise furent, comme toujours, les points qu'on se disputa le plus vivement ; Étampes, Corbeil, Saint-Cloud, Dourdan, dont la Fronde était maîtresse, furent d'abord repris par Condé : une paix de peu de durée fut la conséquence de ces premiers succès de l'armée royale ; une rupture, qui éclata entre la cour et Condé, donna à la lutte un caractère plus sérieux ; Turenne fut opposé par Mazarin à ce redoutable adversaire ; personne n'a oublié les exploits plus affligeants encore que brillants des deux illustres capitaines, ni le fameux combat du faubourg Saint-Antoine, où ils faillirent eux-mêmes en venir aux mains ; cette guerre sans motifs sérieux, et à laquelle devait mettre fin la majorité de Louis XIV, n'en causa pas moins de grands malheurs dans nos pays : Corbeil, Saint-Cloud, Palaiseau, Mantes, furent victimes de l'indiscipline. des soldats des deux armées, qui, manquant de vêtements et de solde, pillaient et rançonnaient les villes et les campagnes. Enfin Paris, éclairé sur le but réel des princes et des organisateurs de la Fronde, se détacha de leur cause et ouvrit ses portes au roi, qui y fit son entrée en 1653.

 
Les pays de Seine-et-Oise, qui avaient eu une si large part dans tous les revers et toutes les épreuves de la royauté, participèrent plus que toute autre province aux splendeurs du triomphe : le règne de Louis XIV, est raconté par toutes les magnificences des châteaux dont il nous reste à faire l'histoire. La guerre, portée au delà de nos frontières, n'ensanglanta plus les campagnes de l'Ile-de-France ; et Versailles a gardé le glorieux souvenir des années de paix.

 
Il en est de même pour le règne des princes qui se sont succédé jusqu'à nos jours sur le trône de France ; l'importance des châteaux royaux et des résidences princières rattache désormais à leurs lambris le souvenir des faits principaux qui seuls sont du domaine de cette notice. C'est à Louveciennes et à Marly que nous étudierons Louis XV ; pour son malheureux successeur, Trianon complètera Versailles, Saint-Cloud nous dira le 18 brumaire, et les douloureux mystères de la Malmaison nous conduiront des gloires du premier Empire aux désastres de l'invasion.

 
Ajoutons que, depuis 1789, l'immense développement de Paris a absorbé toute importance politique, toute originalité saillante dans Seine-et-Oise qui l'entoure ; ce qui nous reste à dire du département n'est plus guère qu'une oeuvre de statistique.

 
Jusqu'à la Révolution de 1789, il était compris dans le gouvernement de l'lle-de-France ; on y comptait, sous le rapport judiciaire, les prévôtés royales de Poissy, Montlhéry, Corbeil, Arpajon, Gonesse, qui toutes relevaient des prévôté et. vicomté de Paris ; puis venaient : le bailliage et présidial de Mantes, les bailliages simples de Montfort-l'Amaury et d'Étampes, les bailliage et prévôté de Pontoise, etc. Le ressort de ces juridictions était plus ou moins étendu. La coutume de Paris les régissait presque toutes, à l'exception des paroisses du bailliage de Pontoise, qui suivaient les unes la coutume de Senlis et les autres celle du Vexin français.

 
Sous le rapport financier, le département était de la généralité de Paris, et on y comptait les élections d'Étampes, Mantes, Montfort-l'Amaury et Pontoise. Corbeil, Versailles, Saint-Germain et leurs dépendances étalent de l'élection de Paris. Des gouverneurs royaux commandaient dans les principales villes qui étaient du domaine de la couronne.

 
Le département, formé en 1790 par l'Assemblée nationale dans un sentiment de défiance contre Paris qu'elle craignait de rendre trop redoutable au reste de la France, fut alors divisé en 9 districts administratifs et judiciaires : Versailles, Montlhéry, Mantes, Pontoise, Dourdan, Montfort-l'Amaury, Étampes, Corbeil et Gonesse. L'organisation impériale de 1804, qui a prévalu jusqu'à nos jours, le partagea en 5 arrondissements : Versailles, chef-lieu ; Corbeil, Étampes, Mantes et Pontoise.

 
En 1811, Rambouillet fut érigé en 6e arrondissement, pour la formation duquel on prit sur ceux d'Étampes et de Versailles ; ces 6 arrondissements se subdivisent en 36 cantons, comprenant chacun en moyenne 19 communes. Le Concordat de 1801 a établi a Versailles un évêché, qui étend sa juridiction sur tout le département.

 
Il serait difficile de caractériser la population de Seine-et-Oise ; la diversité de race de ses anciens habitants a été remplacée par la variété des travaux, la différence des positions, l'inégalité des fortunes ; de même que le sol se prête à tous les genres de culture, le génie des habitants s'est plié à toute espèce d'industrie : l'usine y touche à là ferme, la chaumière du vigneron au château du banquier millionnaire.

 
Seine-et-Oise est à la fois, et le jardin de Paris et là succursale de ses manufactures ; le campagnard ne travaille qu'en vue de Paris, qui consomme et qui achète ; il y a toujours au bout des rêves du Parisien un point des riants paysages de l'Ile-de-France, comme but de sa promenade des dimanches, comme retraite promise aux loisirs de sa vieillesse ; ces rapports étroits, intimes, ce frottement continuel, ont donné au paysan de Seine-et-Oise un caractère qui n'est déjà plus celui du campagnard et qui cependant n'est pas encore celui du citadin ; ce type nouveau, que la rapidité des communications développe de jour en jour, mériterait une étude plus approfondie que ne le comporte le cadre de cet ouvrage ; il nous appartenait seulement d'en signaler l'apparition, qui n'est nulle part plus. sensible que dans cette contrée.

 
Que nous reste-t-il à dire après tout ce qui a été écrit sur les sites délicieux de ce pays ? Quel est celui de ses bois, de ses coteaux ou de ses vallons qui n'ait eu ses peintres, ses historiens, ses poètes ? A ces tableaux, qui sont encore devant tous les yeux, à ces descriptions qui sont dans toutes les mémoires, nous n'ajouterons qu'un mot, c'est que ni l'inspiration des uns ni l'enthousiasme des autres n'a exagéré les gracieuses merveilles de la réalité; c'est que, malgré tout ce qu'ont pu ajouter aux délices du paysage les fantaisies du luxe, les ressources de l'art, les magnificences des rois, on peut dire que pour lui la nature avait fait plus encore.

 
Durant la guerre franco-allemande de 1870-1871, le département de Seine-et-Oise fut, parmi les départements qui subirent alors les douleurs et les hontes de l'invasion, un de ceux qui eurent le plus à souffrir. La situation de son territoire, qui enveloppe Paris de tous les côtés, l'exposait plus que tout autre au danger ; en effet, aussitôt après la lamentable défaite à Sedan, dès le 4 septembre, la capitale de la France devenait l'objectif des Allemands : la IIIe armée, celle du prince royal de Prusse, moins les Bavarois, se mettait en marche dans cette direction.

 
Le 12 septembre, deux éclaireurs sont aperçus à Ablon, dans le canton de Longjumeau; le 15, des cavaliers se montrent à Draveil; le 16, dès le matin, des troupes de toutes armes, venues de Lagny et de Brie-Comte-Robert, inondent le canton de Boissy-Saint-Léger et se massent dans la plaine de Vigneux. A ce moment, Paris était prêt d'être investi : la IIIe et la IVe armée allemandes sont à deux marches de la capitale, dans la direction du nord-est et du nord-ouest : la 5e et la 6e division de cavalerie, chargées d'éclairer les colonnes, s'avancent vers Pontoise; le même jour, les Prussiens occupent la voie ferrée entre Ablon et Athis, puis ils descendent vers Mongeron.

 
Le 17, un pont de bateaux est jeté sur la Seine, près de Villeneuve-Saint-Georges, et une avant-garde de 1 000 hommes, appartenant au XIe corps bavarois, se présente dans le faubourg de Corbeil. Le 18 septembre, la 6e division de cavalerie, commandée par le duc de Mecklembourg (IVe armée) marche sur Poissy et y franchit la Seine; la 5e division de cavalerie occupe Pontoise ; le IVe corps atteint Le Mesnil-Amelot, entre Dammartin et Saint-Denis ; la brigade des uhlans de la garde attachée à ce corps marche sur Argenteuil, entre Saint-Denis et Pontoise; la garde se porte sur Thieux, entre Claye et Dammartin. Le XIIe corps (prince de Saxe) s'établit à Claye, en avant de Meaux et de Dammartin, tandis que la 2e division de cavalerie de la IIIe armée, celle du prince royal de Prusse, se dirige sur Sarlay, au sud de Paris, occupe la route qui y mène et se lie par Chevreuse avec la cavalerie du prince de Saxe ; le Ve corps de la même armée passe la Seine a Villeneuve-Saint-Georges (grande route de Melun à Paris) et s'avance jusqu'à Palaiseau ; le IIe corps bavarois marche sur Longjumeau, détachant une brigade à Montlhéry ; le VIe corps occupe Villeneuve-Saint-Georges et Brunoy.

 
Le quartier général de l'armée de la Meuse (ive armée) est à Saint-Souplet, entre Meaux et Dammartin, près de l'embranchement des routes, sur Paris, de Meaux, Nanteuil et Senlis. Celui de l'armée du prince royal (IIIe armée) s'établit à Saint-Germainlès-Corbeil, a la porte de Corbeil.

 
Le 19 septembre, le blocus est sur le point d'être complété par les deux armées allemandes; le seul côté moins fortement investi est l'espace compris en avant des forts de l'Est : la 6e division de cavalerie marche sur Chevreuse, la 5e sur Poissy; le IVe corps est à Argenteuil, la garde en avant de Pontoise ; le XIIe corps contourne Saint-Denis ; la 2e division de cavalerie, vers Chevreuse et Saclay, relie la droite de la lVe armée avec la gauche de la IIIe ; le Ve corps est a Versailles même et pousse ses avant-postes jusqu'à Sèvres et Saint-Cloud ; le IIe corps bavarois est près de l'Hay, vers Meudon jusqu'à la Bièvre ; le VIe corps est entre la Seine et la Bièvre, avec une brigade et deux escadrons sur la rive droite du fleuve et de forts avant-postes entre la Marne et la Seine.

 
Le 21 septembre, l'ennemi complète l'investissement de Paris sur un périmètre extérieur de près de 80 kilomètres ; il établit des communications télégraphiques directes reliant tous les quartiers généraux des divers corps d'armée par un fil électrique qui n'a pas moins de 150 kilomètres de développement.

 
A la date du 22 septembre, écrit Gustave Desjardins, le département de Seine-et-Oise avait sur son territoire environ 216 bataillons d'infanterie, 244 escadrons de cavalerie avec 774 canons. L'investissement de Paris était fait par 216 bataillons et 140 escadrons. Cet effectif varia peu durant le siège. Le Ier corps bavarois et la 22e division du XIe corps prussien furent détachés, le 6 octobre, et remplacés par le XIe corps prussien envoyé dans les premiers jours de novembre. Le IIe corps marcha vers l'est le 3 janvier ; mais le Ier corps bavarois revint occuper le canton de Boissy-Saint-Léger.

 
A l'extrême gauche de la Ille armée, la landwehr de la garde prussienne, rendue disponible par la prise de Strasbourg, avait pris position à Chatou, donnant la main à la IVe armée. L'ennemi put prendre ses positions sans rencontrer pour ainsi dire de résistance. Quelques échauffourées eurent lieu çà et là, sans autre résultat que de motiver les pillages et les exécutions sommaires.

 
On conçoit d'ailleurs qu'une pareille concentration de troupes sur un même point n'ait pu se faire sans un grand dommage et de grandes vexations pour les habitants, auxquels les menaces, les coups, la mort même ne furent pas épargnés. Les villes et les villages furent submergés par ce flot envahisseur qui ne cessait de grossir. Les soldats, dit Gustave Desjardins, pénètrent avec effraction dans les maisons fermées, s'installent par groupes, arrachent les habitants de leur lit.

A Verrières-le-Buisson, ils mettent leurs chevaux dans les boutiques et les rez-de-chaussée, pillent en masse les marchands de comestibles. Corbeil est écrasé : 90 000 hommes y passent en trois jours. Tout est envahi : magasins, maisons, églises ; dans le tribunal s'installe une boucherie.

A Versailles, les Allemands n'osent pas entrer dans les casernes qu'ils supposent minées et occupent les promenades. En un clin d'oeil, la ville du grand roi se transforme en campement de horde germanique. On n'entend plus que le bruit des patrouilles. et les cris rauques des sentinelles. Le 20 septembre, Saint-Germain est menacé de bombardement ; cinq bombes sont même lancées du Pecq sur cette ville.

 
Les faits militaires ont été peu nombreux dans le département de Seine-et-Oise, et cela se conçoit facilement, puisque l'armée régulière n'existait pas ; les gardes nationales étaient a peine armées et mal instruites ; les francs-tireurs seuls opposèrent de la résistance et quelquefois avec succès. Dans son expédition vers Mantes, la 5e division de cavalerie prussienne rencontre, après avoir brûlé Mézières, des francs-tireurs parisiens. Deux bataillons, sous les ordres du commandant de Faybel, traversent . Mantes, chassent les patrouilles prussiennes ; mais ils sont obligés de se retirer en combattant, par Écquevilly et Mareil-sur-Mauldre, sur Mantes, et de là à Vernon, devant des forces supérieures.

 
Dans l'arrondissement de Rambouillet, des paysans s'organisent en guérillas. Pour venir à bout de la résistance, le général de la 6e division de cavalerie prussienne ordonna une battue dans ce pays couvert de bois, et ses soldats se livrèrent à d'indignes cruautés contre des habitants inoffensifs.

 
Le 8 octobre, les Français attaquent les Prussiens et les Bavarois barricadés dans Ablis, près de Dourdan, et font, après une demi-heure de combat, 70 hussards prisonniers. Le lendemain, après le départ des francs-tireurs, une colonne ennemie envahit la commune, brise les portes et les fenêtres et la livre au pillage. A La Montignotte, près de Milly, le 28 septembre, quelques francs-tireurs unis à des gardes nationaux font éprouver des pertes sensibles à une colonne de 800 hommes envoyée de Melun pour châtier Milly.

 
A Parmain, commune de Jouy-le-Comte, dans le canton de L'Isle-Adam, des volontaires accourus de Pontoise, de Valmondois, de Méry, de Jouy-le-Comte et d'autres localités environnantes, unis à quelques francs-tireurs de la légion Mocquart, se barricadent et s'apprêtent a défendre énergiquement le passage de l'Oise. Le 27 septembre, à 10 heures du matin, quelques centaines de Prussiens, avec quatre pièces d'artillerie, essayent de s'emparer des barricades. Ne pouvant y parvenir, ils s'en prennent à la population de L'Isle-Adam. Le 29, à midi, 4 500 Prussiens sont dirigés sur Parmain, et une partie ayant réussi à passer l'Oise à Mours, tourne le village que les francs-tireurs ont le temps d'évacuer. Le 30, les Prussiens bombardaient Nesles et brûlaient Parmain.

 
Le chapitre des réquisitions exigées serait interminable, s'il fallait tout relater. Contentons-nous d'un court résumé. Huit jours après leur entrée dans le département, il n'était pas un village qui n'eût reçu la visite des Prussiens. On voyait d'abord paraître trois ou quatre cavaliers, sondant de l'œil tous les recoins du pays ; au premier bruit suspect, ils détalent au galop comme des daims effarouchés. Semble-t-on avoir peur, ils deviennent plus hardis, commencent par briser le télégraphe et intiment avec arrogance aux habitants l'ordre de combler les tranchées pratiquées dans les routes ; si une foule irritée les entoure, ils montrent beaucoup de modération et tâchent de se tirer de ce mauvais pas sans faire usage de leurs armes ; mais ils reviennent un instant après menaçants, soutenus par des forces imposantes. lis savent que leurs chefs veillent sur eux avec sollicitude, leur porteront secours à temps et feront payer cher le moindre attentat envers leurs personnes.

 
A Dourdan, on s'ameute contre des hussards ; un homme porte la main à la bride du cheval d'un officier. Le lendemain, un parlementaire signifie a la municipalité, que si pareille offense se renouvelle, la ville sera livrée aux flammes et les habitants pendus jusqu'au plus petit enfant, comme dans les guerres bibliques. A Poissy, le général Schmidt fait savoir que si la ville ne lui rend pas deux dragons pris par la garde nationale, elle sera bombardée et frappée d'une contribution de 200 000 francs...

 
Dans les campagnes, l'ennemi se contente de provisions de bouche ; dans les villes, il demande des couvertures, des matelas, des balais, des gants, des semelles, des fournitures de bureau, des objets de toilette, de l'amidon, du cirage, des bandages herniaires, des peaux de sanglier et de chevreuil, tout ce que sa fantaisie imagine. Le major de Colomb, commandant de place à Corbeil, entendant qualifier de riche en cuirs un paysan dont le langage est orné de liaisons superflues, saute sur une plume et s'empresse de libeller un ordre de livrer 60 peaux pour basaner les culottes de ses dragons : Ab uno disce omnes.

 
Certains officiers affectent une politesse exagérée, suivie aussitôt d'une menace froide ; d'autres, en arrivant, mettent le revolver au poing et parlent de tout tuer et brûler si l'on n'obéit sur-le-champ. A la plus petite objection, coups de cravache et coups de sabre pleuvent comme grêle... On n'a rien de mieux à faire que d'obéir et de les gorger de vin et d'avoine...

 
Pour les héros de l'Allemagne moderne, comme pour leurs aïeux les reîtres du XVIe siècle, la guerre est une franche lippée. Le majordome, préparant à Versailles les logements de la cour du roi de Prusse, veut contraindre le maire à violer le domicile d'un absent qui a dans sa cave des vins dignes de la taule de son maître. Dès les premiers jours d'octobre, ils sont entièrement nos maîtres ; la résistance a été partout comprimée avec une sauvage rigueur, et la terreur prussienne règne dans le département. On annonce l'arrivée à Versailles de Guillaume le Victorieux.

 
On pouvait espérer que l'arrivée du roi de Prusse mettrait fin aux exactions, aux réquisitions et aux vexations. M. de Brauchitsch, nommé préfet prussien de Seine-et-Oise, présenta, en effet, au conseil municipal de Versailles, convoqué pour entendre ses communications, le plus séduisant tableau des intentions de son auguste souverain. Mais ce n'était là qu'une déclaration platonique ; aux exactions et aux violences brutales des soldats allaient succéder des exactions et des violences hypocrites.

 
Dans son livre intitulé Versailles pendant l'occupation, E. Delérot écrit : « Nous avons pu juger par expérience comment la Prusse contemporaine entendait l'administration civile des pays occupés : le préfet de Brauchitsch est, à ce titre, un échantillon curieux de cupidité à étudier. Ses actes et ceux des subordonnés placés sous ses ordres sont d'autant plus intéressants qu'ils s'accomplissaient sous les yeux du roi, par conséquent avec son assentiment tacite. »

 
Le préfet prussien essaya d'abord de se servir de l'organisation française ; mais il se heurta au refus ou au mauvais vouloir des anciens employés qui, pour la plupart, ne voulurent pas reprendre leurs fonctions et s'y dérobèrent même par la fuite. Pour avoir des huissiers, le préfet dut les faire empoigner par les gendarmes. Ceci se passait à Versailles et fut d'un salutaire effet pour le reste du département. A Corbeil seulement, il fut possible aux Allemands de réorganiser le personnel de la sous-préfecture.

Devant la mauvaise volonté générale, le préfet prussien du département de Seine-et-Oise réorganisa l'administration sur la base du canton. Le maire du chef-lieu, investi de tous les pouvoirs, était chargé des communications avec l'autorité centrale, de la réparation des chemins, du service de la poste, de la perception des contributions. Le refus absolu était à peu près impossible ; car le préfet terminait son injonction par ces mots, dans le cas de non-acceptation : « Je me verrai obligé, contre mon gré, à en recourir à la force ; ce qui serait toujours regrettable. »

Les exactions, bien entendu, continuèrent de plus belle. Au mois de janvier 1871, M. de Brauchitsch « s'avisa que la perception des contributions indirectes était interrompue et voulut la remplacer. II ajouta à l'impôt foncier un supplément de 950 pour 100 ; mais il n'eut pas le temps d'en poursuivre partout le recouvrement ; toutefois, il extorqua ainsi, dans l'arrondissement de Versailles, près d'un million et demi. En arrivant, les Prussiens avaient frappé le département d'une contribution extraordinaire d'un million. D'autres exigences furent encore présentées ; elles prirent ; celles-la, la forme d'un emprunt forcé qui fournit 1 101 279 fr. »

 
Nous avons dit que, lors de son installation, le préfet prussien avait promis formellement que les réquisitions cesseraient ou du moins seraient payées. L'armée d'occupation parut ignorer complètement ces engagements, et la population de Seine-et-Oise ne trouva dans la présence de M. de Brauchistch qu'une aggravation à ses maux : elle dut payer l'impôt et fournir les réquisitions.

 
Les vexations et les réquisitions ne cessèrent même pas durant l'armistice, et le département de Seine-et-Oise ne fut délivré des hordes germaniques que le 12 mars 1871. Les pertes qu'il supporta s'élevèrent à la somme énorme de 146 500 930 fr. 12, la plus considérable après le département de la Seine.
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Partie 1
 
(Région Ile-de-France)
 
C'est en 1968 que fut officiellement constitué le département des Yvelines, composé exclusivement de communes appartenant à l'ancien département de la Seine-et-Oise.
 
Le département de Seine-et-Oise ; compris autrefois dans la province de l'Ile-de-France, n'a jamais eu plus d'unité que nous ne lui en voyons aujourd'hui ; bien avant les développements qu'a pris Paris comme capitale de la France, avant même que l'ancienne Lutèce eût acquis l'importance que lui donna la domination romaine, les habitants des contrées qui nous occupent étaient divisés en nations distinctes et souvent hostiles les unes aux autres.
 
Les rives de la Seine étaient occupées par les Parisii, peuplade adonnée à la navigation ; les Vellocasses étaient possesseurs de la partie septentrionale du département, qui s'étend entre l'Oise et la Seine, et qui fit plus tard partie du Vexin ; l'ouest appartenait aux Carnutes, dans un espace compris entre l'emplacement actuel de Mantes et le canton de Rambouillet ; enfin, toute la région méridionale, c'est-à-dire le territoire des arrondissements d'Étampes et de Corbeil, avait pour maîtres les Sénonais. Les immenses forêts qui s'étendaient à l'ouest protégeaient les mystères religieux des druides ; aussi leurs principaux collèges étaient-ils dans le pays des Carnutes. César rend hommage au caractère belliqueux de ces habitants de la Gaule celtique ; contre eux, il eut plus souvent recours aux ruses de la politique qu'à la force des armes.
 
Quand Vercingétorix fit appel au patriotisme gaulois, CarnutesSénonais et Parisiifurent des plus ardents à se ranger sous ses ordres, et le département de Seine-et-Oise put compter, selon les récits de César lui-même, vingt mille de ses soldats parmi les premiers martyrs de l'indépendance nationale. La victoire définitive des Romains eut pour conséquence l'effacement des nationalités entre lesquelles se partageait le territoire ; de nouvelles délimitations furent tracées, de nouvelles dénominations furent imposées : jusqu'au IVe siècle, Lutèce et tout le territoire actuel de Seine-et-Oise firent partie de la quatrième Lyonnaise ou Sénonie.
 
Sur ce sol si profondément remué depuis, l'établissement de la domination romaine a laissé peu de traces ; nous savons cependant que des routes furent ouvertes pour le passage des légions ; Paris, que sa position fit adopter par les vainqueurs comme un des centres de leur gouvernement, a pu conserver quelques ruines des monuments de cette époque ; mais, dans le pays environnant, couvert de forêts profondes, habité par des populations aguerries et menaçantes, il convenait peu à la politique romaine d'encourager le développement des anciens bourgs ou l'établissement de villes nouvelles dont l'importance aurait réveillé les souvenirs et les espérances des nationalités vaincues.
 
Sur un sol aussi remué et fouillé que l'a été celui de Seine-et-Oise, on ne peut guère compter sur la conservation des monuments mégalithiques, celtiques et gallo-romains : Cependant on rencontre encore quelques-uns de ces monuments. On connaît, par exemple, les. dolmens de Meudon, les menhirs de Bruyères-le-Châtel ; le nom du village de Pierrefitte rappelle le souvenir d'un de ces monuments, et, près de Chars-en-Vexin, le docteur Bonnejoy a sauvé de la mise en moellons une autre pierre connue autrefois sous le nom de la Pierre qui tourne.
 
A Gency, on montre une pierre levée que l'on appelle dans le pays le Palet de Gargantua, la Pierre du Fouet ou la Pierre qui pousse, et, comme à la plupart des monuments de ce genre, la légende ne manque pas. A Jouy-le-Moutier, on en montre une autre. A Bougival et à La Celle-Saint-Cloud, à Marcoussis, sur la lisière du bois des Charmeaux, on a trouvé des débris de poteries et de tuiles de l'époque gallo-romaine.
 
Aux Mureaux, dans le canton de Meulan, Guégan a retrouvé des traces du séjour des populations préhistoriques. Au Pecq, à Marly, au lieu dit la Tour aux Païens, on a mis au jour des sépultures, des armes en silex, des poteries. Le dragages de la Seine, du Pecq à Conflans-Sainte-Honorine, a aussi fourni son contingent d'antiquités celtiques. A L'Étang-la-Ville, on a mis au jour, en 1878, un dolmen qui renfermait de nombreux ossements : on peut évaluer a cent cinquante le nombre des individus qui y avaient été enterrés.
 
A Mareil-Marly, dans la tranchée du chemin de fer de Grande-Ceinture, on a trouvé des vestiges romains qui font supposer que ce lieu était un poste de surveillance pour maintenir en respect les populations gauloises. Enfin, en pratiquant une tranchée pour le petit chemin de fer d'intérêt local de Beaumont (Seine-et-Oise) à Neuilly-en-Thelle (Oise), Guégan a trouvé, sur le territoire de la commune de Baines, un cimetière celto-gaulois, gallo-romain et mérovingien.
 
C'est dans les annales du christianisme qu'il faut chercher les seuls faits importants à recueillir pour l'histoire des quatre premiers siècles de notre ère. Saint Denis fut le premier des apôtres qui pénétra dans le pays des Parisii ; mais la date de son arrivée est incertaine et les détails de son martyre sont plutôt une sainte légende qu'une réalité historique. On cite, après lui, saint Nicaise, mort comme lui victime de son zèle apostolique ; quoique ses prédications datent du commencement du IVe siècle, certains auteurs disent qu'il fut martyrisé à Vadiniacum, aujourd'hui Gasny-sur-Epte ; d'autres assignent, comme théâtre a cet événement, Meulan, qui a choisi ce saint pour patron.
 
La piété des nouveaux chrétiens nous aurait conservé sans doute de précieux documents sur cette époque de transformation sociale, si l'invasion des barbares eût bouleversé moins profondément cette contrée de Lutèce où les proconsuls romains et l'empereur Julien en personne firent leurs dernières tentatives de résistance. C'est par la nuit et le silence qu'elles ont laissés derrière elles qu'on peut juger les ravages de ces invasions, qui passèrent sur la Gaule celtique comme un torrent.
 
Quelques points oubliés du territoire étaient encore restés sous la domination des Romains ; Clovis, à la tête des Francs, s'avance du nord sur la Gaule ravagée ; sa conversion à la foi nouvelle achève l'oeuvre de la conquête ; le flot des premiers barbares s'est écoulé ; rien ne subsiste plus de la puissance romaine ; un nouvel empire se fonde entre la Meuse et la Loire. Mais, à la mort du fondateur, déjà le nouvel empire se démembre, et notre département échoit en partie, avec la royauté de Paris, à Childebert, un des quatre fils de Clovis.
 
C'est de cette époque que commence à dater la notoriété historique de la plupart des villes de l'ancienne Ile-de-France ; mais hélas ! cette gloire fut chèrement payée : les divisions arbitraires des territoires, les rivalités des souverains furent, pendant les temps mérovingiens, la cause de guerres incessantes ; l'Ile-de-France semblait condamnée à être le champ clos où Neustrie et Austrasie venaient vider leurs sanglantes querelles.
 
Cependant, à côté du spectacle affligeant qu'offraient les déchirements des jeunes monarchies, l'histoire nous montre une puissance nouvelle grandissant dans le silence et la paix, s'enrichissant des présents du vainqueur et des dépouilles du vaincu : c'est la puissance des abbés ; dans leur ferveur de néophytes, les Mérovingiens avaient fondé et enrichi le monastère de Saint-Denis et celui de Saint-Germain-des-Prés ; l'exemple des maîtres avait été suivi par les leudes ou seigneurs ; au vine siècle, l'abbaye de Saint-Germain tenait en sa possession Palaiseau, Verrières, Jouy-en-Josas, La Celle-lès-Bordes, Gagny, Épinay-sur-Orge, La Celle-Saint-Cloud, Villeneuve-Saint-Georges, Mer-sang ; Le Coudray-sur-Seine, Maule et autres domaines de moindre importance ; et l'abbaye de Saint-Denis, maîtresse d'une grande partie du Vexin, était à la veille de voir inféodées ses pacifiques conquêtes, par un édit de Charlemagne, sous le titre de fendum sacrum sancti Dionysii.
 
Il faut reconnaître que, dans ces temps de barbarie, la domination ecclésiastique fut quelquefois moins dure pour le peuple que celle des leudes et .des rois, prenant à leurs vassaux leur sang dans la guerre, et le fruit de leur travail lorsqu'ils étaient en paix. Ce fut donc un bonheur pour cette époque que le prodigieux accroissement de puissance des abbayes de Saint-Germain et de Saint-Denis ; leurs domaines furent un refuge pour l'artisan des villes ou le laboureur, qui ailleurs ne trouvait pas même le repos dans la servitude.
 
Aucun document n'est parvenu jusqu'à nous concernant l'organisation administrative, sous les Romains, du pays dont nous retraçons brièvement l'histoire ; ce n'est que sous les Mérovingiens que nous retrouvons, à l'aide des chartes, les principales divisions administratives des pagi ou cantons. Le département de Seine-et-Oise était irrégulièrement composé : 1édeg; du grandpagus de Paris, subdivisé plus tard ; 2° du pagus Castrensis (de Châtres ou Arpajon), qui fut depuis le Hurepoix ; 3° du pagus de Poissy, autrement le Pincerais (Pinciacensis) ; 4° de celui de Madrie (Madriacensis), dont le chef-lieu était probablement Méré, près de Montfort-l'Amaury ; ces deux derniers étaient du diocèse de Chartres ; ajoutons-y le pagus Stampensis ou d'Étampes, au diocèse de Sens. Plusieurs de ces pagi devinrent des comtés au IXe siècle, et leurs possesseurs convertirent leurs dignités en fiefs, comme on le verra plus tard.
 
La grande époque de Charlemagne fut une ère de paix et de prospérité relative pour le pays de l'Ile-de-France ; l'empereur avait transporté sa capitale sur le Rhin, à Aix-la-Chapelle ; la haute direction des affaires publiques était confiée, dans l'intérieur du pays, à des inspecteurs impériaux, missi dominici ; sous leur surveillance, l'administration de l'Ile-de-France resta aux mains et sous l'influence des deux puissants abbés de Saint-Germain et de Saint-Denis.
 
La mort de Charlemagne jeta la France dans une période de guerre et d'anarchie que la faiblesse de Louis le Débonnaire et de ses successeurs ne put arrêter. Par suite du partage de l'empire, les pays de Seine-et-Oise furent dévolus à Charles le Chauve. La trêve accordée à ces malheureuses contrées n'avait point été de longue durée ; aux guerres intestines succèdent les invasions des Normands.
 
En 845, Épine est brûlée ; en 865, Mantes est pillée onze ans plus tard, l'ennemi remonte la Seine jusqu'à Meulan. A chaque invasion nouvelle, il pénètre plus au cœur du pays : Étampes ne doit son salut, en 885, qu'à la valeur du comte Eudes ; Pontoise, moins heureux, est réduit par la famine ; les hostilités ne cessent, en 911, qu'après le traité de Saint-Clair-sur-Epte, par lequel Charles le Simple abandonne à Rollon, chef des barbares, la Normandie et le Vexin jusqu'à la rivière d'Epte.
 
Les malheureux successeurs de Charlemagne ne savaient pas mieux défendre leur autorité à l'intérieur que leurs frontières contre l'ennemi. Charles le Chauve, en consacrant en droit, par le capitulaire de Quierzy, en 877, la transmission des bénéfices des mains des possesseurs en celles de leurs héritiers, avait constitué définitivement la féodalité ; les comtes et les autres officiers royaux s'empressèrent de convertir leurs charges en fiefs et propriétés personnelles ; dans le pays de Seine-et-Oise, la transformation féodale fut instantanée et complète.
 
L'histoire du département offre l'exemple le plus frappant des conséquences qu'entraîna cette grande mesure. Grâce à elle, en moins d'un siècle, l'hérédité des titres et la transmission des fiefs firent des comtes de Paris la souche d'une troisième dynastie. La capitulaire de Charles le Chauve inféodait à leur maison les comtes du Vexin, seigneurs de Pontoise, qui absorbèrent bientôt à leur tour les comtes de Madrie et les comtes de Meulan, les comtes de Corbeil, les barons de Montfort-l'Amaury, de Montlhéry et de Montmorency.
 
C'est encouragé et aidé par ses puissants vassaux, que Hugues le Grand se fit proclamer roi de France ; mais le prix de leur concours, c'était le partage du pouvoir. Hugues Capet roi, c'était la féodalité couronnée. Les Normands n'avaient rencontré sur leur chemin que des tours en bois construites pour protéger le cours de la Seine ; maintenant que les comtes et barons ont leurs, domaines à défendre, nous verrons les pierres amoncelées s'élever en formidables remparts, les rochers taillés à pic devenir des murailles imprenables, les rivières détournées de leur cours inonder les fossés des châteaux forts.
 
Nous verrons grandir au nord les colossales assises de Montmorency, et surgir au sud les massifs créneaux de la tour de Montlhéry ; il n'y aura plus de montagne qui n'ait son castel bâti sur sa crête comme un nid de vautour ; plus de vallée qui n'ait à son embouchure son fort menaçant et sombre prêt à disputer et à faire payer le passage. La paix ne pouvait pas sortir de préparatifs aussi peu pacifiques ; la guerre fut donc la vie du XIe siècle. Dans leur indépendance, les grands vassaux refusent obéissance à leurs souverains et s'attachent à la fortune des princes dont ils espèrent meilleure récompense.
 
En 1015, le trône du roi Robert est menacé par une ligue dont font partie Galeran Ier, comte de Meulan, et Gauthier, comte du Vexin ; ce n'est que par l'intervention de Fulbert, évêque de Chartres, que la guerre est suspendue. Vingt ans plus tard, ce même Galeran s'allie aux comtes de Brie et de Champagne, dans la guerre qu'ils soutiennent contre Henri Ier. En 1102, Houchard IV de Montmorency refuse à Louis le Gros de faire réparation des dommages causés par lui à l'abbaye de Saint-Denis, et se laisse assiéger dans sa forteresse, dont les soldats du roi sont contraints d'abandonner le siège.
 
Pendant près d'un siècle, la malveillance impunie des sires de Montlhéry entrave les communications de la capitale avec Étampes, demeuré fief de la couronne. En rattachant les souvenirs de ces faits recueillis parmi beaucoup d'autres aux impressions produites par la vue des ruines féodales qui couvrent encore le sol, on pourra se faire une. idée des désordres et de l'anarchie de cette déplorable époque, pendant laquelle les Normands, toujours habiles à profiter de l'affaiblissement du pouvoir central, vinrent ajouter les ravages de leurs excursions aux misères de nos déchirements intérieurs ; en 1060, Meulan avait été encore une fois pris et saccagé par eux ; en 1087, Pontoise et Mantes furent livrés aux flammes.
 
Dans la lutte devenue inévitable entre les rois et les seigneurs féodaux, la royauté eût probablement succombé sans le mouvement religieux qui entraîna vers les croisades cette noblesse ambitieuse et turbulente ; pendant que le roi Philippe Ier se faisait représenter à la première expédition, en 1083, par Eudes d'Étampes, les plus indociles et les plus redoutables de ses sujets prenaient la croix et s'enrôlaient sous la sainte oriflamme.
 
Quelques-uns revenaient comme le fameux Simon de Montfort, qui continua si cruellement contre les Albigeois ses exploits de Constantinople et de Palestine ; mais beaucoup d'autres y mouraient ou trouvaient au retour leurs domaines aux mains de nouveaux maîtres.
 
L'autorité royale n'avait pas seule gagné dans cet amoindrissement de la puissance féodale ; plusieurs seigneurs, pour payer les préparatifs de l'expédition et les frais du voyage, avaient vendu, contre argent, certaines franchises aux bourgeois de leurs villes ; les rois avaient encouragé, de leur pouvoir moins contesté, ces premières tentatives d'émancipation des communes ; pour la royauté d'alors, grandir le peuple, c'était affaiblir d'autant le seigneur intraitable et si souvent menaçant ; c'était créer un antagonisme dont elle se réservait l'arbitrage.
 
C'est donc de cette époque que sont datées les premières chartes octroyées par les rois de France aux communes. Mantes a les siennes en 1110, Étampes quelques années plus tard, Pontoise en 1188, Meulan en 1189 : un maire et des échevins ou jurés nommés parles bourgeois étaient chargés de l'administration des deniers communaux, de la garde de la ville et de l'exercice plus ou moins étendu de la justice.
 
L'essor que prirent dès lors les communes, l'importance toujours grandissante de la bourgeoisie assura désormais la soumission des seigneurs contre lesquels la royauté avait partout des alliés reconnaissants. Certes, le trône de France eut encore de rudes assauts à soutenir ; les maisons féodales qui résistèrent à cette première secousse n'en devinrent que plus puissantes et plus redoutables ; c'est à la politique de Louis XI, c'est au génie de Richelieu qu'il était réservé de leur porter les derniers coups ; mais, dans ce pays de Seine-et-Oise, dans l'histoire duquel notre récit doit se circonscrire, la féodalité rebelle, menaçante, rivale parfois de la royauté, cette féodalité ne survécut pas au règne de Philippe-Auguste.
 
Si l'habile modération qui fut la règle de conduite des puissants abbés de Saint-Germain et de Saint-Denis explique la paisible possession dans laquelle les laissèrent les guerres de la féodalité, la constance de leurs sympathies et de leur fidélité pour les rois de France explique plus naturellement encore la généreuse reconnaissance des monarques pour l'Église. Chaque succès de la royauté est signalé par la fondation de quelque établissement religieux ; Charlemagne et Hugues Capet avaient payé leur tribut après les deux grandes abbayes si souvent citées par nous, celle d'Argenteuil avait été fondée en 665, celle de Chelles en 656, celle de Néauphle-le-Vieux et de Saint-Mellon à Pontoise vers 899, et, quelques années plus tard, celles de Saint-Spire à Corbeil et de Saint-Nicaise à Meulan.
 
La consolidation définitive de la dynastie capétienne eut pour l'Église de non moins précieux résultats. Elle lui doit, au XIe siècle, la collégiale d'Étampes, le prieuré de Saint-Germaïn-en-Laye, l'abbaye de Morigny, près d'Étampes, le prieuré de Notre-Dame de Longpont ; les abbayes de Saint-Martin de Poissy et de Saint-Martin de Pontoise au XIIe ; l'abbaye de Juziers, de Saint-Corentin-sur-Septeuil, des Vaux-de-Cernay, de Gif, de Port-Royal, et enfin l'abbaye de Maubuisson, près de Pontoise, en 1236 ; les dominicains de Poissy en 1304 ; les célestins de Limay en 1376, ceux de Marcoussis en 1409.
 
Toutes ces fondations indiquent une longue période de prospérité et de paix qui nous conduit jusqu'aux premières guerres des Anglais. Sous la conduite du roi Édouard, nous les voyons suivre la même route que les Normands, leurs ancêtres ; ils remontent le cours de la Seine, et jusqu'à Poissy tout est mis à feu et à sang sur leur passage.
 
La triste histoire du roi Jean, celle de Charles V, la démence de Charles VI, la minorité de Charles VII rappellent les désastres de la patrie, encore présents à toutes les mémoires ; la France entière fut frappée, mais aucune de nos provinces ne le fut aussi cruellement que l'Ile-de-France ; les invasions anglaises étaient périodiques, et quand cette malheureuse contrée avait par hasard échappé aux dévastations de leur arrivée, elle avait à subir leurs exactions ou leur vengeance au retour ; l'histoire de chaque année est la même et peut se résumer dans les mêmes mots : sac, pillage, incendie.
 
« Après l'invasion de 1360, de Mantes à Paris, dit un chroniqueur contemporain, il n'y avait plus un seul habitant ; » celle de 1370, commandée par le routier Robert Knolles, amena les Anglais jusqu'aux portes de Paris ; de son hôtel Saint-Paul, le roi pouvait voir les flammes allumées par l'ennemi. Un libérateur inespéré, Du Guesclin, sauva cette fois Paris et la France ; la rude leçon que le brave connétable breton avait donnée aux bandes de Robert Knolles les eût peut-être empêchées de songer de longtemps à de nouvelles attaques, si l'Anglais n'eût bientôt retrouvé dans nos discordes un encouragement à de nouvelles tentatives Armagnacs et Bourguignons se disputaient l'héritage de Charles VI vivant encore ; dans sa haine contre le dauphin, la reine Isabeau appela elle-même l'étranger ; le traité de Troyes livra la France à l'Angleterre.
 
La miraculeuse délivrance de la patrie, les combats, les victoires de Jeanne d'Arc, la vierge inspirée, cette épopée nationale appartient à d'autres pages de notre ouvrage ; nous sommes heureux cependant de pouvoir rattacher à ce grand événement de notre histoire la délivrance du pays de Seine-et-Oise. Charles VII avait été sacra ; à Reims en 1429, Paris avait été repris en 1436, les garnisons anglaises évacuèrent Pontoise en 1441 et Mantes en 1449.
 
Avant ces miraculeux succès, l'affaiblissement de la monarchie avait réveillé les prétentions des grands vassaux de la couronne ; il ne s'agissait plus des sires de Montmorency ou des comtes de Meulan, mais de ces grandes maisons enrichies par les alliances royales et à la tête desquelles marchaient les ducs de Bourgogne, de Berry et de Bretagne. Louis XI, malgré les ruses de sa politique, n'avait pu dissimuler son projet d'asseoir le trône de France sur la ruine de tous ces grands fiefs, éléments éternels de discorde et d'anarchie ; ses ennemis menacés prirent l'offensive et formèrent une ligue qu'ils appelèrent Ligue du bien public.
 
Le drame se dénoua encore dans le pays de Seine-et-Oise : le comte de Charolais, à la tête de 15 000 Flamands, rejoignit l'armée des ducs près de Montlhéry ; l'issue de la bataille fut incertaine, chacun des partis s'attribua la victoire ; Louis XI, selon son habitude, parut céder pour attendre une occasion meilleure ; le traité signé à Conflans donna Étampes et Montfort au duc de Bretagne, et au duc de Nemours le gouvernement de Paris et de l'Ile-de-France. Par mariages, alliances, extinctions de races, ou de haute lutte, et par confiscation sous Richelieu et Louis XIV, la monarchie devait bientôt rentrer en possession de ce qu'elle semblait alors abandonner ; nous suivrons, dans l'histoire particulière des villes, les progrès de ces revendications.
 
Les guerres religieuses du XVIe siècle, les troubles de la Fronde, les prétentions des Guises firent jaillir quelques étincelles des cendres de la féodalité ; mais désormais il n'y avait plus d'incendie sérieux a redouter pour la province de I'Ile-de-France, sur laquelle le roi de France régna sans interruption et sans conteste, même alors que Paris était au pouvoir des rebelles, grâce à quelques surprises qui n'eurent ni résultat ni durée.
 
Ce n'est point dire que le pays fût désormais à l'abri des agitations dont la France fut troublée ; plus, au contraire, son administration se rattachait directement et étroitement à la couronne, plus il ressentait vivement les secousses dont la royauté était atteinte. Nous constatons seulement son annexion définitive, à une époque où la possession de la plupart de nos provinces était encore incertaine et précaire. Au règne de Charles VIII se rattache le retour à la couronne du comté de Montfort-l'Amaury, qui fut une conséquence du mariage du roi avec Anne de Bretagne.

Les départements-(histoire)- Finistère - 29 -

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres 7ee84ee8
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Le plus occidental et le plus maritime des départements bretons, celui du Finistère, était habité, dans la haute antiquité, par un peuple dont le nom même était la traduction de sa position géographique : c'étaient les Osismii, qui avaient pour capitale Occismor. Occismor, en langage celtique, veut dire mer de l'Occident (mor, mer ; oc, occident). Ce peuple faisait partie de la confédération armoricaine. Il était allié des Vénètes, et fut avec eux à la tête de la résistance contre l'invasion romaine.

Le pays des Osismiens, aussi bien que celui de Vannes, était le foyer du druidisme, et nulle part la nature ne fut plus en harmonie avec ce culte sombre et terrible. L'horreur règne sur ces côtes, et l'habitant de Léon, pensif et retiré en lui-même, semble méditer sur les villes anéanties, les cultes effacés et la lutte terrible que le granit déchiré de son rivage soutient de toute éternité contre un océan furieux. En lui il y a du vieux druide. Il a remplacé par la veste et le bragow-braz le long manteau de lin blanc ; il ne consomme plus sur les dolmens ensanglantés d'homicides sacrifices, mais il est encore familier avec ses menhirs, ses dolmens, ses pierres branlantes ; il s'assied à leur ombre ; il les consulte comme des oracles, et interroge avec anxiété les mouvements de ces rochers énormes, comme si c'étaient des géants pétrifiés qui auraient la connaissance de ce qui échappe aux hommes.

Qui sait de combien de ménages la pierre branlante de Trégun, près de Concarneau, n'a pas décidé le sort ? Sur son extrémité mobile vient s'asseoir, plein d'inquiétude, le mari soupçonneux, et le branlement de l'étrange machine lui enseigne ce qu'il doit penser de la vertu de sa femme. Avancez-vous dans la presqu'île de Camaret, jusqu'à la pointe de Toulinguet, sur le bord escarpé de la mer : devant vous, sur une pente aride et unie, se dressent 41 colosses alignés sur une longueur de 600 mètres. Perpendiculaires à cette ligne, dirigée de l'est à l'ouest, deux autres s'étendent vers le nord, composées chacune de 12 pierres. Ces masses de granit, inégales et irrégulières, sont hautes de 3 à 5 mètres, et larges de même à la base. Ce monument est, après celui de Carnac, le plus considérable que l'on rencontre en Bretagne.

Plus loin encore, dans l'île d'Ouessant, on voit, presque à ras de terre, la trace d'un édifice considérable que l'on considère dans le pays comme un temple druidique. C'est un carré long, dirigé de nord-est en sud-ouest, et formé de murailles de près de 2 mètres d'épaisseur ; le grand côté a 100 mètres de long, et le petit côté 50.

Lieux effrayants que ces temples et ces enceintes druidiques ; terre arrosée de sang humain, où l'on croit voir encore se débattre, dans une agonie minutieusement étudiée par l'impassible druide, la victime humaine frappée au-dessous du diaphragme avec le couteau de pierre, et expirant au milieu du bruit des voix sauvages et des instruments des bardes. Mais cela appartenait à toute la Gaule. Ce qui était plus particulier à l'Armorique, et surtout aux rivages du Finistère, c'étaient les collèges de druidesses. Ils occupaient les îles qui environnent l'Armorique, principalement l'île d'Ouessant (l'Uxantis des Grecs) et l'île de Batz (la Barsa insula des Latins).

L'immense douleur qui pénétra l'Armorique, quand elle fut contrainte de courber la tête sous le joug de Rome, a laissé des traces tellement profondes chez le peuple grave et peu oublieux de ce pays, que les enfants de la basse Bretagne chantent encore, après dix-neuf siècles, une sorte d'élégie patriotique, douloureux gémissement des vieux Armoricains lorsqu'ils apprirent le massacre des druides de Vannes, qui fut comme l'immolation de leur antique religion.

Un druide enseigne l'histoire à un enfant. L'enfant dit : « Chante-moi le nombre dix, que je l'apprenne aujourd'hui. - LE DRUIDE : Dix vaisseaux pleins d'ennemis ont été vus venant de Nantes, malheur à vous ! malheur à vous, hommes de Vannes !... - L'ENFANT : Chante-moi le nombre onze, que je l'apprenne aujourd'hui. - LE DRUIDE : Onze druides armés viennent de Vannes avec leurs épées brisées et leurs robes ensanglantées et des béquilles de coudrier (le coudrier, dans les traditions celtiques, est le symbole 'de la défaite) ; de trois cents il ne reste que onze. »

Le Finistère fut, avec toute l'Armorique, enclavé, sous Auguste, dans la Lyonnaise ; sous Adrien, dans la troisième Lyonnaise. Mais il est probable que. sa soumission fut fort imparfaite. L'éloignement, la mer, la rigueur du climat, la stérilité du sol furent autant d'obstacles qui s'opposèrent à un établissement bien complet de la domination romaine. Le pays de Léon paraît avoir fait exception, si l'on en croit son nom même (Legio, Legionensis pagus, d'où Léon) et les nombreux débris de constructions romaines qui se remarquent de Morlaix à Brest.

Dès 409, l'Armorique s'affranchit ; et quand le préfet Exsupérantius, en 416, tenta de la ramener sous la domination romaine, il échoua dans ses efforts ; tout ce qu'il put faire, ce fut d'obtenir un traité d'al, liante avec les Armoricains. C'est à titre d'auxiliaires que ceux-ci se joignirent aux soldats d'Aétius pour combattre Attila, et c'est au même titre, selon toutes les probabilités, que des garnisons romaines demeurèrent dans l'Armorique jusqu'aux derniers temps de l'existence de l'empire romain. Ce qui prouve, au reste, combien la civilisation romaine jeta peu de racines dans le dur sol breton, c'est que ce même pays de Léon, où l'occupation paraît avoir été plus complète qu'ailleurs, est aujourd'hui l'un de ceux qui conservent le plus fidèlement le langage et les mœurs celtiques. C'est comme si vous semiez du blé dans ces landes stériles : vous aurez d'abord quelques épis , mais bientôt le granit et les genêts reprendront le dessus.

Le christianisme s'établit dans le Finistère à la même époque que dans le reste de la Bretagne. Mais comment ces populations, opiniâtres dans leurs traditions et dures aux changements, qui avaient repoussé, sans presque en rien conserver, cette puissante civilisation romaine, n'auraient-elles pas opposé aussi quelque résistance à la puissance, il est vrai bien plus grande, de la prédication chrétienne ?

Elles cédèrent, mais ne cédèrent qu'à moitié. Le bas Léon, les îles occidentales du Finistère furent les points de l'Armorique qui résistèrent le plus longtemps au christianisme ; on y trouve encore des paroisses que l'on appelle terre des païens. En plein XVIIe siècle, l'idolâtrie subsistait à Lokrist (Lochrist) et aux îles d'Ouessant ; enfin, même converti, le Breton du Finistère força, en quelque sorte, le christianisme vainqueur à transiger avec le druidisme expirant ; le culte nouveau fut contraint d'hériter de l'ancien et d'en accepter le prestige, pour faire accepter et corroborer le sien : la croix s'éleva, mais sur les menhirs ; les prêtres de Hu et les prêtresses de Koridwen disparurent, mais les fées, ou korrigan, perpétuèrent le souvenir et le nom même de l'antique déesse.

Le gui ne tombe plus, le sixième jour d'une lune d'hiver, au tranchant de la faucille d'or, dans la sale blanche tendue sous le chêne, mais il a conservé dans les mœurs nouvelles son rang vénéré ; c'est l'herbe de la croix (louzaouen ar groaz), et il guérit la fièvre et donne des forces aux lutteurs. Les fontaines, les chênes ont encore un caractère sacré. Les danses et les feux de l'ancienne fête du Soleil se reproduisent à l'occasion de la Saint-Jean. Toutefois c'est le sort des vaincus d'avoir tort ; et quand une époque religieuse finit, les divinités qu'elle adorait deviennent les mauvais génies de l'époque qui succède. Les fées, quelquefois bonnes, souvent méchantes, n'eurent jamais qu'un caractère religieux fort équivoque ; autour des dolmens ne se promènent plus des druides vénérés, mais voltigent des esprits malfaisants.

Après la chute de l'empire romain, le pays qui est actuellement le Finistère devint un petit royaume particulier, le royaume de Cornouaille, dont le premier souverain connu est Gradlon le Grand. Gradlon fut un roi conquérant qui étendit sa domination jusque sur Rennes, et même sur une portion du territoire franc. Il s'intitulait en effet : Grallonus, Dei gratia rex Britonum, nec non ex parte Francorum. Un historien du XIe siècle, Raoul Glaber, appelle Rennes la métropole de la Cornouaille, ce qui donnerait à supposer que les successeurs de Gradlon auraient conservé la même étendue de territoire ; opinion, au reste, fort sujette à controverse.

Ce Gradlon, qui est devenu dans les romans de la Table ronde la fameux Galaor, modèle de valeur et de courtoisie, est représenté par les moines comme un saint et un homme plein de douceur (mitis et agnus), parce qu'il protégea les couvents. C'est sous ses auspices que saint Guignolé fonda le monastère de Landévennec ; saint Guignolé, à qui s'adresse particulièrement la dévotion des femmes stériles. Gradlon avait d'abord pour capitale la ville d'Ys ; après la catastrophe qui fit disparaître cette riche cité, il transporta sa résidence à Kemper, qui devint la capitale de la Cornouaille. Sur le cartulaire du monastère de Landévennec, manuscrit du XIe siècle, on trouve une liste de rois de Cornouaille, parmi lesquels figurent deux autres Gradlon et un Budic, surnommé le Grand.

La plupart de ces petits monarques se signalèrent par leur esprit entreprenant et par l'indomptable énergie avec laquelle ils soutinrent l'indépendance de l'Armorique. Raoul Glaber, que nous avons déjà cité, appelle Rennes la métropole de la Cornouaille, et donne à supposer par là que cette ville était demeurée sous la domination des successeurs de Gradlon. le Grand ; mais cela n'est point vraisemblable, puisqu'on sait que Rennes avait, bien avant cette époque, des souverains particuliers. Ce qui est certain, c'est que les rapports qui unissaient les habitants de la Cornouaille et ceux de Rennes n'étaient rien moins que des rapports d'amitié. Les purs Bretons du fond de la péninsule ne pardonnaient point aux Rennais leur facilité à accueillir les Francs, et les traitaient assez durement. On ne sait à quelle époque ils cessèrent de porter le nom de rois, et l'on suppose que ce fut au temps des invasions carlovingiennes. En effet, Hoël, qui succéda, en 1066, à Conan II comme duc de Bretagne, était simplement comte de Cornouaille. Il réunit ce comté aux domaines des ducs de Bretagne.

La partie septentrionale du Finistère était alors un comté particulier, le comté de Léon. Quand Louis le Débonnaire entreprit de soumettre la Bretagne, le fameux Morvan, comte de Léon, et après lui son fils Guiomarch, furent à la tête de la résistance et déployèrent dans la lutte un courage héroïque. L'indépendance de ce comté alla toujours diminuant, à mesure que les ducs établirent leur autorité sur toute la péninsule.

Le Finistère eut sa part des événements qui agitèrent la Bretagne au moyen âge, et nous rap pellerons plus loin les sièges que ses villes eurent à soutenir. Toutefois, le rôle de ses populations n'eut rien qui le distingue dans l'ensemble de l'histoire. Une seule époque, pour la Cornouaille, tranche sur toutes les autres par l'effrayante accumulation de calamités dont ce pays fut accablé et n'a pu encore se relever : c'est l'époque de la Ligue. Jusque-là, si l'on en croit le chanoine Moreau, la prospérité de cette contrée était merveilleuse ; il avait vu lui-même, chez des bourgeois, un luxe égal à celui des plus grands seigneurs, et dans des ménages de campagnards il avait admiré des hanaps, des plats et des couverts d'argent doré.

La Ligue porta partout les fureurs de la guerre religieuse, et, en ruinant toute l'autorité royale et toute police régulière ; livra toutes les contrées de la France, particulièrement les plus éloignées, aux dévastations de brigands hardis. C'est alors que le seigneur de Fontenelle porta le ravage dans toutes les campagnes de la Cornouaille. On ne vit plus que châteaux détruits, villes et villages incendiés, récoltes en cendres et terres en friche. Pour recueillir un reste de récolte, les populations étaient obligées de se réunir en armes et de garder les moissonneurs comme en un camp.

Des malheureux en haillons grattaient la terre pour y trouver quelques grains échappés aux flammes. « Les pauvres gens, dit le chanoine Moreau, n'avoient pour retraite que les buissons où ils languissoient quelques jours, mangeant de la vinette (oseille sauvage) et autres herbages aigrets ; et même n'avoient moyen, de faire aucun feu, de crainte d'être découverts par l'indice de la fumée ; et ainsi mouroient dans les parcs et les fossés, dans les haies et dans les garennes, par les rues et sur les places, où les loups les trouvant morts s'accoutumoient, comme on va voir, à la chair humaine. Il y en avoit qui soutenoient leurs misérables jours en faisant bouillir des orties dans l'eau de mer ; d'autres mangeoient les dites herbes toutes crues, et d'autres dévoroient de la graine de lin, qui leur donnoit une puanteur qu'on sentoit de huit à dix pas, après quoi ils venoient à enfler et à jaunir par tout le corps, et de cette enflure peu échappoient qui n'en mourussent.

« On ne trouvoit autre chose que trépassés par les chemins, partie ayant encore la vinette ou graine de lin dans la bouche, partie déjà mangés des loups et quelques-uns tout entiers, jusqu'à la nuit qu'ils leur servoient d'aliments, sans qu'ils eussent de sépulture. Les plus misérables agonisants, presque tout nus, fors quelques drapeaux pour couvrir leur honte, sans logement ni couverture que les hangars ou étaux publics, éherchoient du fumier où ils s'enterroient dedans, grelottant la fièvre, et où toutefois ils n'estoient guère de temps qu'ils n'enflassent fort gros avec cette couleur qui les faisoit incontinent mourir... C'estoit un mal de tête et de coeur qui ne produisait aux malades ni aux morts aucune marque extérieure, si ce n'est qu'ils jaunissoient du visage. Le mal jaune emportait son homme en vingt-quatre heures ; et si le malade passoit le troisième jour, il en échappoit. »

Les loups furent le quatrième fléau qui désola la basse Cornouaille après les brigands, après la famine, après la peste. On ne saurait dire tous les maux qu'ils y causèrent. « On les estimeroit des fables, et non des vérités. S'estant habitués à vivre de chair et de sang humain par l'abondance :des cadavres que leur servit d'abord la guerre, ils trouvèrent cette curée si appétissante que dès lors et dans la suite, jusqu'à sept et huit ans, ils attaquèrent les hommes estant même armés et personne n'osoit plus aller seul. Quant aux femmes et enfants, il les faillait bien enfermer dans les maisons ; car si quelqu'un ouvroit la porte, il estoit le plus souvent happé jusque sur le seuil. Et s'est trouvé plusieurs femmes au sortir, tout près de leur de-meure, pour lâcher de l'eau, avoir eu la gorge coupée sans pouvoir crier à leurs maris, à trois pas d'elles, en plein jour !... La paix faite, les portes des villes demeurant ouvertes, les loups s'y promenoient toutes les nuits jusqu'au matin...Ils avaient 'cette finesse de prendre toujours à la gorge, si 'faire se pouvoit, pour empêcher leurs victimes de crier. :. Dès le commencement de leurs furieux ravages, ils ne laissèrent dans les villages aucun chien, comme si par leur instinct naturel ils eussent projeté qu'ayant tué les gardes, qui sont les chiens, ils auroient bon marché des choses gardées." Ces finesses des loups les faisaient prendre par les Bretons pour des soldats trépassés qui ressuscitaient pour affliger les vivants, surtout des soldats de Fontenelle. Aussi le peuple les appelait-il tut-bleiz, c'est-à-dire gens-loups.

Voilà, certes ; un tableau digne de figurer dans les annales des grandes désolations, et qui ne pâlirait point à côté des pestes célèbres d'Athènes, de Florence ou de Marseille. Le Finistère eut bien de la peine à se relever de pareilles calamités, et ce n'est qu'au XIXe siècle, qu'il a conquis, par le travail et l'énergique application de ses habitants , une prospérité qu'il n'avait jamais connue.
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Les départements-(histoire)- Eure-et-Loir- 28 -

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres B0ebf30e
 
[size=16](Région Centre)[/size]
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Le département d'Eure-et-Loir, souvent désigné, dans le langage vulgaire, sous le nom de Beauce ou de pays Chartrain, se présente aujourd'hui aux regards du voyageur ou aux souvenirs de ceux qui l'ont parcouru sous un aspect bien différent de celui qu'il eut autrefois.

Dans ces plaines immenses couvertes de riches moissons, dans ces gracieuses vallées parsemées de riantes habitations, sillonnées de routes faciles, étalant les plantureux produits d'une culture intelligente et Variée, il est difficile de reconnaître les épaisses et sombres forêts, les landes incultes et désertes, les marais fangeux inabordables, dont se composait le territoire des anciens Carnutes. Cette tribu de la grande confédération gauloise trouva, tout à la fois, dans la nature du sol qu'elle occupait et dans l'exaltation de ses sentiments religieux, les moyens d'exploiter le culte druidique à son profit.

C'est au fond de grottes ou cavernes cachées dans les profondeurs des bois, sur d'énormes blocs de pierre roulés dans les endroits les plus solitaires, et dont une terreur superstitieuse rendait les abords plus inaccessibles encore, que s'accomplissaient les mystères de Teutatès. Comme les prêtres de l'Inde et de l'Égypte, comme ceux de l'antique Cybèle, les druides de la Gaule trouvèrent bientôt dans l'ignorance et la crédulité populaires les éléments d'une domination souveraine ; près de leurs temples barbares, près de leurs grossiers autels, ils établirent des collèges où les adeptes étaient préparés à l'initiation.

Cette province des Carnutes devint donc le centre religieux du culte druidique, et plus tard le dernier boulevard de la nationalité celtique pendant l'invasion romaine et les premiers envahissements du christianisme. Il existe encore dans le département de nombreux vestiges des monuments de cette période historique. La garenne de Poisvilliers conserve, sur une éminence assez élevée, la trace de fossés larges et profonds qui entouraient ce qu'on nomme encore dans le pays le Vieux-Château, et ce que les archéologues reconnaissent pour l'ancien collège des druides.

On a retrouvé à Dreux et à Fermaincourt les ruines d'anciennes écoles, et dans la forêt d'Ivry les assises d'un vaste édifice qu'on suppose avoir été l'habitation du grand prêtre. Les environs de Chartres et la commune de Lèves sont surtout riches en souvenirs de cette époque : outre les galgals, dolmens et cromlechs, qui sont très nombreux, on cite encore la montagne des Lienes, la caverne qui s'ouvre au levant sur les bords de l'Eure, près d'une fontaine qui passait pour sacrée, la grotte de Chartres, creusée au sommet de la montagne où s'élève la cathédrale actuelle ; enfin, les tumulus de Goindreville et de Morancez, les autels encore debout aux hameaux de Changé et de La Folie, les dolmens si célèbres de Cocherel et de Quinquempoix, attestent à chaque pas le caractère religieux de la contrée et l'importance que la nation des Carnutes avait puisée dans cette espèce de concentration du pouvoir sacerdotal.

L'histoire manque de données positives sur la durée de ce régime ; le bruit des armes romaines trouble pour la première fois le religieux silence de ces mystérieuses forêts. C'est aux clartés de la civilisation qu'apportent avec eux les conquérants, qu'il nous est donné de lire les premières pages de notre histoire nationale. Les mœurs des Carnutes, leur costume, l'aspect du pays, les cérémonies religieuses, ne nous sont révélés que par leurs vainqueurs.

Nous regrettons de ne pouvoir ajouter à notre récit quelques pages sur l'organisation théocratique de cette partie de la Gaule, sur les bardes, sur les prêtresses inspirées, sur les barbares sacrifices inondant de sang humain ces pierres levées, ces autels séculaires, que le lierre et la mousse recouvrent aujourd'hui ; nous voudrions pouvoir évoquer devant nos lecteurs ces poétiques cérémonies, ces processions pompeuses qui, le sixième jour de la lune de décembre, signalaient chez nos ancêtres le retour du nouvel an, alors que, précédé de deux taureaux blancs, entouré des prêtres, des sacrificateurs, des saronides et de leurs élèves, suivi d'un long cortège de députés qu'envoyaient chaque ville et chaque province, le chef des druides, avec ses hérauts vêtus de blanc, une branche de verveine à la main, allait couper le gui sacré avec sa serpette d'or. Une étude de l'âge druidique ne serait nulle part mieux à sa place que dans l'histoire du pays Chartrain ; mais l'espace nous manque, et bien peu de lignes nous restent pour les dix-huit siècles que nous avons encore à résumer.

L'an 56 avant J.-C., César pénètre dans les Gaules, apportant la vengeance de Rome aux descendants de Brennus. Les Carnutes ne se laissèrent point décourager par les premières victoires des légions romaines. La mort de Clodius ayant rappelé César en Italie, une vaste conspiration s'organisa clans le pays Chartrain ; les druides et leurs émissaires se répandirent dans la Gaule, excitant les esprits au nom de la religion et de l'indépendance nationale ; les provinces répondirent à cet appel ; l'Auvergne se signala par l'entraînement de sa population presque entière.

C'est elle qui donna à l'insurrection son chef illustre Vercingétorix ; c'est au pied de ses montagnes que se livrèrent les grandes batailles ; mais le foyer de l'incendie était dans le sanctuaire. druidique, et c'est du fond de leurs inaccessibles retraites d'Eure-et-Loir que les prêtres dirigeaient le mouvement suscité par eux. Leur influence, quoique affaiblie, survécut au triomphe des Romains ; quelques siècles plus tard, nous voyons les superstitions séculaires de la Gaule trouver dans le pays de Chartres leurs derniers défenseurs contre les envahissements du christianisme. :La ténacité aux vieilles croyances, la fidélité au culte du passé, tel est donc le caractère du pays dans cette première période de son histoire ; nous verrons le sol se transformer, les temples du Christ remplacer enfin les sanglants et grossiers autels de Teutatès ; mais nous retrouverons dans les mœurs et dans les annales de la contrée la foi plus pure, mais aussi obstinée, le même fanatisme des traditions se transmettre de génération en génération jusqu'à nos jours.

Le territoire des Carnutes faisait partie de la quatrième Lyonnaise, lorsque les Francs succédèrent à la .domination romaine. Les terres furent partagées entre les chefs vainqueurs et les ministres de la religion qui avaient si puissamment concouru aux succès de Clovis ; l'érection des comtés, l'établissement des évêchés, la fondation des prieurés et des abbayes, sont les faits qui caractérisent le règne des deux premières dynasties.

Comme le reste de l'ancienne Neustrie, les pays dont s'est formé ce département furent ravagés par les Normands ; nous nous contentons ici de mentionner le fait sans entrer dans des détails qui sont toujours et partout les mêmes. La formation des grands fiefs féodaux divisa la contrée en quatre grands comtés du Perche, de Dreux, de Chartres et de Dunois, dont les histoires spéciales constituent l'histoire du département.

Le premier seigneur héréditaire du Perche fut Yves de Bellesme, comte d'Alençon, qui mourut en 926 ; il était issu de la maison de Bellesme qui possédait viagèrement depuis longtemps la petite province du Perche avant de l'obtenir de Charles le Simple à titre héréditaire ; la réunion dans la même famille des comtés du Perche et d'Alençon met une certaine confusion dans les annales de la contrée qui nous intéresse présentement ; nous nous bornerons donc à constater que saint Louis, en donnant en apanage à son frère Pierre le comté d'Alençon, y joignit le comté du Perche, d'où il résulta que les aînés de cette branche royale portèrent souvent le titre de comtes du Perche, comme on peut le remarquer dans le célèbre procès intenté au duc d'Alençon, sous les règnes de Charles VII et de Louis XI. L'ancienne coutume du Perche, qui a régi le pays jusqu'en 1789, avait été rédigée pour la première fois en 1505, par autorité du roi, sous René, duc d'Alençon, comte du Perche, et modifiée en 1558, sous Henri II. La province se subdivisait en trois cantons ; Nogent-le-Rotrou en était la ville la plus importante.

Le Dunois, qui sépare le pays Chartrain de l'Orléanais proprement dit, fut, dès l'origine des temps féodaux, possédé par des seigneurs dont se rendirent indépendants leurs lieutenants, les vicomtes de Châteaudun, capitale de la contrée ; le Dunois fut réuni par les comtes de Blois à leurs domaines, qui passèrent au XIIIe siècle à la maison de Châtillon ; Gui II, le dernier héritier de cette famille, vendit ses deux comtés, vers la fin du XIVe siècle, à Louis de France, duc d'Orléans, frère de Charles VI. Ce prince venait alors de recevoir du roi la vicomté de Châteaudun, confisquée sur Pierre de Craon, assassin du connétable de Clisson.

Louis, devenu ainsi possesseur de tout le Dunois, eut pour héritier Charles d'Orléans, son fils ; celui-ci, fait prisonnier par les Anglais, reçut pendant sa captivité, de son frère naturel, Jean, des services qu'il récompensa par la cession du comté de Dunois et de la vicomté de Châteaudun. Ce nouveau comte Jean est le fameux bâtard de Dunois, qui s'acquit une si glorieuse réputation dans les guerres de Charles VIl contre les Anglais. Il devint la tige de la maison d'Orléans-Longueville, dont onze descendants possédèrent successivement la province de Dunois. La famille s'étant éteinte au commencement du XVIIIe siècle, dans la personne de la duchesse douairière de Nemours, l'héritage échut à un fils naturel du comte de Soissons, oncle de la duchesse ; et la fille unique de l'héritier porta le comté en dot dans la maison de Luynes où il est resté jusqu'à la Révolution. Nous aurons occasion, en racontant l'histoire de Châteaudun, de compléter cette notice sommaire.

Un des barons les plus habiles à exploiter l'agonie de la race carlovingienne fut Thibaut le Tricheur ; ce surnom indique assez de quel esprit rusé, cupide et envahisseur il était animé. Vers l'an 920, ce seigneur, déjà comte de Tours et de Valois, s'empara du comté de Chartres, qui avait été cédé au duc de Normandie par le traité de Saint-Clair-sur-Epte. La famille resta en possession de ce fief jusqu'en 1286 ; il échut alors à la veuve d'un comte d'Alençon qui le vendit à Philippe le Bel.

Ce prince le donna en apanage à Charles, son frère, comte de Valois, dont le fils, Philippe, étant devenu roi de France, le réunit une seconde fois à la couronne. En 1528, le comté de Chartres fut érigé en duché par François Ier, puis engagé par Louis XII pour 250 000 écus d'or, à l'époque du mariage de sa fille Renée avec Hercule d'Este, duc de Ferrare. En 1623, le duché de Chartres fit encore retour à la couronne, et fut compris dans l'apanage de Gaston, duc d'Orléans, frère de Louis XII ; il fit ensuite partie de celui d'un autre duc d'Orléans, Philippe, frère de Louis XIV, dont la postérité l'a possédé jusqu'à la Révolution.

Quoique dépouillé de ses privilèges les plus essentiels, le titre de duc de Chartres a été religieusement conservé dans la famille d'Orléans ; Louis-Philippe, depuis roi de France, après l'avoir porté jusqu'à la mort de son père, le transmit à son fils aîné qui ne le quitta, à l'avènement du roi son père au trône, que pour le titre de duc d'Orléans, attaché au chef de la famille. Enfin, quoique le titre de duc d'Orléans ait été échangé depuis contre celui de comte de Paris pour l'héritier présomptif de la couronne, le second fils dit prince royal reçut et porte le titre de duc de Chartres.

Le comté de Dreux, formé de l'ancien pays des Durocasses, couvert autrefois de forêts comme le pays Chartrain, a une histoire commune avec cette contrée jusqu'à la séparation des grands fiefs. C'est en 1031 que nous 'rencontrons les premiers documents constatant l'existence d'un comté de Dreux. Ses premiers possesseurs furent les comtes du Perche. En 1378, une dame de cette maison le vendit au roi Charles V. Engagé plusieurs fois, dans les temps difficiles, ravagé ou occupé par les Anglais, il ne rentra dans le domaine royal qu'en 1551. Henri III le donna en apanage à son frère, le duc d'Alençon ; à la mort de celui-ci, il passa à Charles de Bourbon, comte de Soissons, qui le transmit à son fils Louis, tué à la bataille de La Marfée, près de Sedan ; en 1641. Enfin, sauf quelques droits particuliers sur la ville de Dreux, le comté fut définitivement et complètement réuni à la couronne vers la fin du XVIIe siècle.

La longue lutte contre les Anglais, les guerres de religion, quoique se rapportant à l'histoire générale du département, trouveront leur place dans la notice consacrée à chaque ville principale, à propos des épisodes dont elles furent le théâtre.

Durant la guerre franco-allemande de 1870-1871, le département d'Eure-et-Loir fut un des plus éprouvés par le fléau de l'invasion. La plupart de ses villes et bourgades eurent à subir la présence de l'ennemi, et des combats sanglants furent livrés sur divers points de son territoire, notamment à Châteaudun, aux environs d'Orgères, à Nogent-le-Rotrou et à La Fourche.

L'armée envahissante (3e armée) était commandée par le prince royal Frédéric-Guillaume. Le 18 octobre, la 22e division d'infanterie allemande, la 4e de cavalerie, sous les ordres du général de Wittich, ayant reçu pour mission de rallier l'armée au blocus de Paris, en passant par Chartres et Dreux et en rejetant les 'troupes que l'on pourrait trouver, arrivaient devant Châteaudun, ville défendue par les francs-tireurs de Lipowsli et par les habitants. Un violent combat s'engagea et la ville fut en partie réduite en cendres. A l'article que nous consacrons plus loin à Châteaudun, nous raconterons en détail les péripéties de ce brillant fait d'armes. Le 20 octobre, les troupes allemandes, qui s'étaient emparées de Châteaudun, bombardaient et traversaient Illiers, continuant leur marche sur Chartres, qu'elles occupèrent le 21. Parmi les localités où l'ennemi s'établit, nous nous contenterons de citer : Maintenon, Dreux, Nonancourt, Voves, Brou (25 novembre), Janville, Orgères. (29 novembre), Bonneval et Courville.

Les pertes éprouvées par le département d'Eure-et-Loir, pendant cette triste période de notre histoire, se sont élevées à la somme énorme de 35 499 427 fr. Quoi qu'il en soit, la paix dont a joui. la contrée pendant près de deux siècles a transformé son aspect ;au XIXe siècle, une grande partie de ses bois a été rasée ; le voisinage de l'Ile-de-France et de Paris, ces grands centres de population, offrant aux céréales un débouché assuré et avantageux, le sol défriché s'est couvert de riches moissons ; c'est à juste titré que la Beauce est appelée le grenier de Paris.

Plaines immenses livrées à la grande culture, riantes vallées où chaque paysan a son verger, son marais et sa vigne ; petites villes où se concentre le commerce des campagnes environnantes, telle est la physionomie générale d'Eure-et-Loir au XIXe siècle. Quant au caractère des habitants, il participe, comme partout, de la différence des localités. Les mœurs patriarcales se sont conservées plus pures, plus austères chez les laboureurs, vivant souvent encore d'une vie commune, maîtres et serviteurs, dans leurs grandes termes isolées. L'habitant des vallées, le Percheron surtout, est bien plus accessible aux influences de la civilisation moderne : son vieil esprit gaulois se prête merveilleusement à l'intelligence des affaires ; il est spirituel, fin et quelque peu rusé ; il y a un proverbe qui dit : Il entend à demi-mot, il est de Châteaudun.
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[size=16](Région Haute-Normandie) [/size]
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Le territoire qui forme aujourd'hui le département de l'Eure était habité, au temps de Jules César, par deux peuples de la Gaule celtique : les Aulerci Eburovices, groupés autour de la ville qui est devenue Évreux, et les Velocasses, répandus dans la contrée appelée depuis Vexin. Le Vexin se trouva divisé en deux parties après la cession, faite par Charles le Simple au chef normand Rollon, de l'ancienne Neustrie, en 911 ; le Vexin normand a été réuni en 1790 au département de l'Eure ; il forme l'arrondissement des Andelys. Les Aulerques (Aulerci) et les Vélocasses (Velocasses) prirent part aux guerres contre César. Clovis, le premier, pénétra jusque dans cette province et la rangea sous sa domination. Parmi ses successeurs, Dagobert et Clotaire III résidèrent quelquefois au château d'Étrépagny.

Pendant la période mérovingienne, la foi chrétienne se développa sur le territoire des Aulerci et des Vélocasses, et les évêques d'Évreux acquirent une grande importance. Au nombre des abbayes fondées à cette époque dans le diocèse d'Évreux, on distingue celle de Saint-Taurin, qui s'éleva probablement vers la fin du Vile siècle, sur le bord du grand chemin, en dehors de la ville, à l'emplacement qu'occupait le tombeau du premier évêque d'Évreux, dont le corps fut levé et déposé dans un reliquaire. Quelques années plus tard s'éleva le monastère de la Croix-Saint-Leufroy.

On rapporte qu'en l'année 674 saint Adrien, évêque de Rouen, étant parti de cette ville pour aller, dit la légende, rendre compte au roi de quelques affaires dont il avait été chargé, passa par le territoire d'Évreux. Alors accablé par l'âge et les infirmités, il ne pouvait plus monter à cheval, et il voyageait dans une litière traînée par deux mulets ; de temps en temps, il s'arrêtait dans les divers pays qu'il parcourait et instruisait les populations accourues pour recevoir sa bénédiction. Il était parvenu près de la rivière d'Eure, dans un village du nom de Nadud, en un lieu où deux chemins se coupaient en forme de croix ; les mulets s'arrêtèrent tout court et refusèrent d'aller plus avant, quoiqu'il n'y eût aucun obstacle et que le chemin fût beau.

Le saint, plein d'étonnement, descendit et pria ; à peine avait-il commencé d'élever ses yeux vers le ciel, qu'il vit une croix toute brillante de lumière et qu'il sentit son esprit éclairé d'une céleste inspiration qui lui apprit que Dieu avait choisi ce lieu pour être la retraite d'un grand nombre de solitaires. Aussitôt il commanda qu'on lui apportât de quoi faire une croix, et, à défaut d'autre bois, il brisa en deux l'aiguillon dont un paysan se servait pour exciter ses bœufs, éleva un tertre de gazon et y plaça la croix avec de saintes reliques. Bientôt le lieu consacré devint le théâtre de prodiges ; pendant la nuit, une colonne de feu y répandait une clarté miraculeuse, et des malades étaient guéris par le contact de la croix plantée par le saint.

Une chapelle fut élevée pour perpétuer la mémoire de ces prodiges, et, quelque temps après, saint Leufroy y fonda un monastère dont il fut le premier supérieur, et qu'il illustra par ses vertus. Ainsi, pieuse et dévouée à l'Église -tomme le reste de la Neustrie, la contrée dont nous nous occupons vivait paisible ; toute son histoire se résumait dans la succession de ses évêques, respectés de tous, et dans les prodiges sans nombre que les, rares monuments de cette époque nous ont légués ; elle avait mérité le nom de nouvelle Thébaïde, quand le calme dont elle jouissait fut troublé par les invasions normandes du Ville et du IXe siècle ; ce furent surtout les parties septentrionales de la Gaule et les villes situées sur le cours des fleuves qui eurent à souffrir des incursions de ces terribles pirates ce' département, que traversent la Seine et l'Eure, fut plus que tout autre maltraité par les barbares.

En l'année 844, Rouen et son diocèse, dont faisaient partie les villes de Gisors, des Andelys, d'Étrépagny et tout ce qui, dans le département de l'Eure, est situé sur la rive droite de la Seine, furent saccagés. Le diocèse d'Évreux ne fut pas épargné non plus par le fléau. Guntbert était alors évêque de cette ville ; il assista avec son métropolitain Gombault, qui prenait pour la première fois le titre 'd'archevêque, à deux conciles tenus à Paris en 847 et 853, pour prévenir le retour des barbares du Nord. Charles le Chauve éleva une forteresse à Pont-de-l'Arche l'année suivante (854) et fit jeter un pont sur la Seine pour barrer le passage à leurs barques.

Cependant ils reparurent en 870, puis en 876. Cette fois, ils étaient conduits par le chef qui établit définitivement dans la Neustrie la domination normande. Le Scandinave' Roll ou Rollon, chassé par un roi danois des États qu'avait possédés son père, se mit à la tête d'une émigration de ses compatriotes, aborda en France en 876, ravagea pendant quelques années les côtes de la Bretagne et de la Neustrie, puis remonta la Seine, pilla sur son passage Jumièges, Rouen, Pont-de-l'Arche, où il battit l'armée du roi Charles le Chauve, commandée par le duc Renault ; puis il vint assiéger Paris.

Ce fut pendant la durée du siège qu'il dirigea vers Évreux une expédition dans laquelle il se rendit maître de cette ville (892). Déjà Rouen était en son pouvoir ; cette ville et son archevêque avaient mieux aimé se soumettre aux Normands et leur payer un tribu t que d'être sans cesse exposés à leurs pillages ; des négociations furent ouvertes, par l'intermédiaire de l'archevêque Francon, entre le chef barbare et le roi Charles le Simple pour traiter de la cession de toute la province. Le Carlovingien ne sacrifiait rien de sa puissance effective en abandonnant une contrée où son autorité avait cessé d'être reconnue, et, en échange de cet abandon, il acquérait un allié et protégeait toute la Gaule contre les invasions de nouveaux Normands, puisque les compagnons de Rollon étaient intéressés à défendre leur conquête. Le chef normand promit d'épouser Giselle, fille du roi de France, se convertit au christianisme et obtint toute la partie de la Neustrie qui s'étend au nord de la Seine, depuis les rivières d'Epte et d'Andelle, et, au midi de ce fleuve, tous les pays situés entre la Bretagne, le Maine et l'Océan.

Ce fut en 911 que ce traité fut signé dans la ville de Saint-Clair-sur-Epte. Le pirate, devenu maître d'une des plus riches provinces de la France, se montra, par sa sagesse, digne de sa fortune ; il releva les cités que lui-même avait détruites avant de devenir maître de la contrée ; Évreux fut de ne nombre ; il se fit sincèrement chrétien et enrichit les églises de donations nombreuses. Cependant il ne put empêcher que ses anciens compagnons qui avaient reçu avec lui le baptême ne s'emparassent des abbayes et des évêchés ; peut-être même favorisa-t-il ce nouveau clergé pour placer toute la Neustrie plus directement sous son influence ; de grands désordres résultèrent de cette nouvelle organisation.

Guillaume Longue-Épée, fils de Rollon, lui succéda. Passionné pour les exercices de la chasse, il fit construire au milieu de la forêt de Lyons un pavillon qui devint, depuis, le château de Lyons et le rendez-vous de chasse du duc de France Hugues le Grand, de Hébert, comte de Senlis ; de Herbert, comte de Vermandois, et de Guillaume, comte de Poitou. Richard, âgé seulement de dix ans, succéda, en 944, à Guillaume Longue-Épée, et, en 947, il eut avec le roi Louis IV une entrevue à Saint-Clair-sur-Epte.

Les deux princes conclurent un traité par lequel le Vexin normand, qui jusqu'alors avait appartenu aux ducs de Normandie comme province séparée, fut réuni au duché. Hugues le Grand ; duc de France, profita de la minorité de Richard pour lui enlever le comté d'Évreux ; Louis d'Outre-Mer voulut à son toué essayer de reconquérir tout le duché de Normandie et commença par s'emparer d'Évreux, sous prétexte de restituer au jeune duc cette portion de ses États ; puis il se saisit de sa personne et le fit transporter à Laon ; le comte de Senlis, vassal de Hugues, enleva Richard. Le duc de France usa de cet avantage pour faire épouser au duc normand sa fille Emma, et ce mariage fut célébré dans la cathédrale de la ville d'Évreux, qui s'était délivrée du joug des Français.

Après Louis IV, son fils Lothaire fit de nouvelles entreprises sur les États normands ; il vint assiéger Évreux, s'en empara et donna cette ville à Thibaud, comte de Chartres, l'un des seigneurs qui lui étaient restés fidèles ; mais Richard ne. tarda pas à la recouvrer. Richard rebâtit Évreux, releva ses églises, qui avaient été détruites dans les précédentes irruptions, et la donna, avec le titre de comté, à son fils naturel Robert, et 989. Ce même Robert obtint de son père l'archevêché de Rouen, en même temps que le comté d'Évreux.

Philippe-Auguste enleva ce comté, en 1193, au comte Amaury III, pour le donner à Jean sans Terre, alors son allié, avec la ville d'Évreux ; ce prince, comptant regagner, par une horrible perfidie, les bonnes grâces des Anglais, invita à un festin les officiers de la garnison française, les fit massacrer et passa au fil de l'épée tous les soldats. Le roi de France, en ce moment occupé au siège de Verneuil, s'empressa d'accourir, reprit la ville et la mit en cendres, puis il conquit presque tout le reste du comté. Amaury fit, en 1200, à Philippe, une cession complète de ses possessions ; le comté d'Évreux fut de la sorte réuni à la couronne.

Il en fut détaché environ un siècle après (1307) par Philippe le Bel en faveur de Louis, fils de Philippe le Hardi. Le nouveau comte servit fidèlement son frère et se distingua dans la guerre contre les Flamands. Plein de sagesse, il pensait qu'un prince n'est grand qu'à la condition de rester soumis à Dieu, au roi et aux lois. Il eut pour successeur, en 1319, son fils Philippe, qui mérita le surnom de Bon ou de Sage. Ce comte avait épousé la princesse Jeanne, fille unique du roi Louis le Hutin et qui prétendait par son père au royaume de Navarre et au comté de Champagne et de Brie. Cette princesse obtint seulement, en 1328, la Navarre, qui passa, en 1349, à son fils, Charles le Mauvais, déjà comte d'Évreux depuis 1343.

La vie agitée de ce prince se passa presque tout entière en dehors de son comté, et la bataille de Cocherel, qu'il perdit le 16 mai 1364, est le seul fait important qui se soit passé sous lui dans le pays d'Évreux. Charles V confisqua, en 1378, les possessions de Charles le Mauvais en Normandie ; mais le roi Charles VI restitua au fils du roi de Navarre, Charles II le Noble, le comté d'Évreux ; ce prince le rétrocéda au roi, en échange d'une rente de 12 000 livres à tenir en duché-pairie avec le titre de Nemours.

Sous ce règne désastreux de Charles VI, les Anglais, victorieux à Azincourt (1415), se répandirent par toute la France et reprirent la Normandie. Après la mort de ce roi, le dauphin Charles VII, dépossédé, en vertu du traité de Troyes, s'efforça inutilement de repousser cette grande invasion anglaise jusqu'au moment où Jeanne d'Arc lui prêta son merveilleux secours ; ses troupes furent battues à Verneuil, par le duc de Bedford, en 1424. Mais lorsque le siège d'Orléans eut été levé, les Français obtinrent des succès presque aussi constants que l'avaient été jusque-là leurs revers.

La Normandie fut cependant l'une des dernières provinces que perdirent les Anglais ; ils ne furent chassés d'Évreux qu'en 1441. La fin du règne de Charles VII et les règnes suivants ramenèrent, avec le calme, un peu de prospérité jusqu'à l'époque de la Ligue. La paix ne fut troublée momentanément que sous Louis XI, par le soulèvement de quelques villes dans la guerre du Bien public. Lorsque la Réforme de Calvin s'introduisit en Normandie, le diocèse d'Évreux dut à la sagesse de ses prélats d'être préservé de l'hérésie.

L'évêque Ambroise Le Veneur visitait souvent, pendant la nuit, les villes et les villages de son diocèse pour voir si l'erreur ne s'y produisait pas. Son successeur, Claude de Saintes, eut la prudence de consentir à réformer le Bréviaire, le Rituel et le Missel d'Évreux, où se trouvaient plusieurs préceptes indignes de la sainteté de la religion. Mais ce pasteur pieux et savant exagéra son zèle religieux au moment où Henri IV fut appelé au trône par la mort de Henri III en 1589 et engagea Évreux dans là ligue contre le roi protestant. Tous les bourgeois s'unirent à' l'évêque ; ils s'armèrent et s'emparèrent du château d'Harcourt en 1590 ; celui de Neubourg fut également emporté, la ville de Conches fut saccagée ; mais Breteuil se défendit courageusement, et le maréchal de Biron vint sommer Évreux de se rendre.

Après quelques pourparlers et un peu d'hésitation, les habitants ouvrirent leurs portes, et l'évêque s'enfuit à Louviers (janvier 1591). Henri IV ne tarda pas à venir en personne dans le comté d'Évreux ; il y gagna sur Mayenne la bataille d'Ivry (1591), s'empara de Louviers, fit prisonnier l'évêque d'Évreux et le transféra au château de Caen, puis à Crèvecoeur, près de Lisieux. Dans les premières années du XVIe siècle, Henri IV visita, avec Marie de Médicis, la plupart des villes de Normandie et, entre autres, Évreux. Le calme se rétablit dans le diocèse, et il ne fut plus troublé que par quelques soulèvements qui eurent lieu en 1649, à l'époque de la Fronde. Le duc de Longueville, gouverneur de Normandie, se révolta et entraîna dans sa rébellion les villes de son gouvernement. François d'Harcourt, marquis de Beuvron, lieutenant général du roi en Normandie, vint mettre le siège devant Évreux ; les bourgeois résistèrent pendant une année environ ; l'emprisonnement des princes de Condé et de Conti et du duc de Longueville (1650) leur fit déposer les armes ; l'évêque, qui s'était déclaré contre la Fronde, rentra dans la ville, et le diocèse jouit d'une longue paix jusqu'en 1789.

Le département de l'Eure, formé en 1790, accueillit avec faveur la Révolution jusqu'au moment où les girondins furent renversés par la Montagne. A ce moment, une armée fédéraliste s'organisa et fut conduite jusqu'à Vernon par le général Wimpfen et le marquis de Puisaye. Le général républicain Schérer eut l'avantage en diverses rencontres ; la guerre se reporta dans la Bretagne et dans la Vendée, et depuis ce temps jusqu'à nos jours la paix ne fut plus troublée dans le département de l'Eure jusqu'à la funeste guerre de 1870-1871.

Lorsque Metz eut succombé et qu'elle eut été livrée plutôt que défendue par le maréchal Bazaine, les troupes du prince Frédéric-Charles, après avoir envahi la Flandre et la Picardie, entrèrent en Normandie ; l'arrondissement des Andelys, situé sur la rive droite de la Seine, fut un des premiers pays normands occupés par les Allemands ; mais ce ne fut pas sans résistance. Le 30 novembre 1870, le général Briand leur livra même un combat heureux et les délogea d'Étrépagny ; mais il fut rappelé sur un autre point par des ordres supérieurs ; l'ennemi revint en force, reprit ses positions et continua sa marche sur Rouen. Évreux fut occupé par l'ennemi, mais il n'eut pas à subir de violences ; et lorsque les Allemands eurent évacué le département, ils lui avaient fait subir une perte de 10 516 053 fr. 90, en réquisitions, impôts, amendes et dommages.
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Les départements-(histoire)- La Drome - 26 -

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres B38d5979
[size=16](Région Rhône-Alpes)[/size]
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Diverses peuplades gauloises habitaient anciennement le territoire dont le département de la Drôme a été formé : les Segalauni, sur la rive gauche du Rhône, depuis la rive droite de l'Isère, jusqu'au Houblon ; les Tricastini, entre le Roubion et l'Aygues, sur les bords du Rhône ; les Vertacomiri, dans les montagnes du Vercors ; les Voconces, sur la pente des Alpes ; les Triulates, dans le Royannais, et les Tricorii, au nord des Voconces.

Toutes ces peuplades avaient chacune ses lois et ses chefs ; mais, divisées en temps de paix, elles se confédéraient dans la guerre. Bellovèse, marchant vers les Alpes, se rendit chez les Tricastini ; de là, il entra sur le territoire des Voconces, et il paraît qu'il entraîna une de leurs peuplades, les Vertacomiri, qui, suivant Pline, fondèrent Novaria (aujourd'hui Novare) en Italie. Annibal traversa le pays des Tricastini et des Tricorii. Sur presque toute la route, les lieux où il s'arrêta s'appellent encore aujourd'hui le camp d'Annibal.

Ravagé par les Cimbres et les Teutons, ce pays fut des premiers conquis par les Romains. Il fit d'abord partie de la Province, puis de la Viennoise. Rome s'efforça de réparer, par de grandes fondations, les maux de la conquête : elle fit participer aux bienfaits de la civilisation les habitants, que le voisinage des Phocéens y avait déjà préparés ; elle polit leurs moeurs, construisit des voies et des aqueducs, éleva des édifices. Il y eut des colonies à Valence, à Die, à Nyons, à Lue, à Saint-Paul-Trois-Châteaux. La grande voie romaine ou Domitienne traversait la Berre près de Duzera (Donzère), débouchait, par les combes de cette localité, dans les plaines d'Acusio (Montélimar), d'où elle se. dirigeait sur la station de Batiana, aujourd'hui Bance, dans le territoire de Mirmande. Après avoir longé la colline de Livron, au couchant, elle passait à Ambonil (Umbunum), rejoignait la route de Valence à Die sur le territoire d'Étoile, au quartier de Bosse, et passait à Valence, à Châteauneuf, à Tain, Saint-Vallier, Bancel, Roussillon, etc.

Pendant que le génie romain colonisait ce pays, le passage des légions qui se disputaient l'empire, et les fréquentes irruptions des peuples du Nord le couvraient de sang et de ruines. Prétendants et barbares le traitaient en pays conquis ; et quand, vers la fin du ne siècle, il commença à connaître le christianisme, il l'accueillit comme un libérateur. Valence, Die, Saint-Paul-Trois-Châteaux, eurent leurs églises et leurs martyrs.

Après les Wisigoths en 412, les Alains en 430, les Bourguignons vinrent, en 460, se fixer dans le Valentinois et y fondèrent un royaume qui dura jusqu'au milieu du VIIIe siècle ; mais à peine délivré de leur joug par les rois francs, ce pays eut à subir les Sarrasins. Vieillards, femmes, enfants massacrés ou emmenés captifs, villes pillées ou livrées aux flammes, champs ravagés, églises et abbayes renversées, ces terribles conquérants n'épargnaient rien sur leur passage. Partout, dit un historien, l'horreur du désert et l'image de la mort !

Après plusieurs irruptions, ils furent enfin repoussés par Charles Martel. Néanmoins, beaucoup restèrent en Dauphiné et s'y fondirent dans la population indigène. On retrouve encore dans quelques noms de lieux et de rivières des restes de leur langage. C'est ainsi que le petit torrent que traverse la route nationale qui conduit à Nyons, au-dessus du moulin de Vinsobres, a gardé le nom de la Moïe, et ce mot est entièrement arabe (Moïa, eau). Aux Sarrasins succédèrent les pirates normands, en 860, qui pillèrent et ravagèrent la vallée du Rhône.

Cependant, vers la fin du IXe siècle, Valence et le chapitre de Die en vinrent aux mains. Après divers combats et des pertes réciproques, ils firent la paix, mais non pour longtemps. Douze ans après, en effet, ce même évêque ayant voulu lever un subside sur les vassaux de son église, la ville et le chapitre de Die s'en émurent, et la guerre se ralluma. Il fallut, pour l'apaiser, l'intervention du prince d'Orange.

Toutefois, ce n'était là que le prélude de luttes plus longues et plus sanglantes. Les évêques voulaient régner sans partage dans le Valentinois, et la puissance des comtes leur faisait ombrage. De là cette guerre dite des épiscopaux, qui ne finit que par la cession du Valentinois à la couronne de France. Pierre de Chastellux, l'évêque, mit le premier, en 1345, ses troupes en campagne. Battu par celles du comte, il se vengea de sa défaite en mettant à feu et à sang les villages où il passait : Charpey, Alixan, Livron, Barcelone, la vallée de Quint furent la proie des flammes.

C'est le peuple surtout qui souffrit de cette guerre. Les petites armées des comtes et des évêques, également indisciplinées, commandées par des chefs avides de butin et de pillage, ne pourvoyaient à leur subsistance, pendant la campagne, que par la force. Les chevaliers et les soldats étrangers, pour qui le motif de la guerre était indifférent, vendaient leur épée à la fortune de l'évêque ou du comte. Alors, pour les stipendier, il fallait taxer le peuple : bourgeois, artisans, paysans, se voyaient ruinés par des taxes iniques.

Ajoutons encore les ravages de la peste et de la famine : le pain était si rare et si cher, que le peuple était réduit à brouter l'herbe, pendant qu'une fièvre noire le décimait. ON manquait de bras dans les campagnes pour cultiver la terre. Bientôt vinrent les routiers et les aventuriers. Plusieurs de ces compagnies, de retour d'Italie, voulurent traverser le Valentinois ; mais le comte s'y opposa. Alors un combat s'engagea près de Mazene, fatal au troupes du comtes : les routiers s'emparèrent de Châteauneuf et firent prisonniers l'évêque de Valence, le prince d'Orange et le comte de Valentinois lui-même. Aimery de Sévérac, chef des routiers, mit le pays à rançon, et obtint le libre passage.

Jusqu'à la fin du XIIe siècle, le Diois, dont la ville de Die était la capitale, avait eu ses souverains comme le Valentinois : leur héritière avait épousé Guillaume, comte de Forcalquier, qui laissa le Diois à son fils Pons, dont la postérité le posséda pendant trois générations ; mais en 1176, Isoard II, le dernier comte, étant mort sans enfants, l'empereur Frédéric Ier, regardant le Diois comme un fief vacant de l'Empire et du royaume d'Arles, en investit Aymar de Poitiers, comte de Valentinois. Ainsi les deux comtés furent réunis.

Le Valentinois resta longtemps sans faire partie du Dauphiné. D'abord comté, il s'étendait depuis l'Isère jusqu'à la Drôme ; puis duché, depuis l'Isère jusqu'au comtat Venaissin. De 950 à 1419, il fut possédé par les comtes ; mais le dernier, par haine pour sa famille, et accablé de dettes, le vendit au dauphin Charles, depuis Charles VII, à cette condition qu'il ferait partie du Dauphiné. Charles VII n'ayant pas rempli ses engagements vis-à-vis du comte, le duc de Savoie, qui lui était subrogé dans la donation, se mit en possession du comté et du duché de Valentinois, qu'il céda, en 1446, au dauphin, fils de Charles VII.

Ainsi réuni au Dauphiné, le Valentinois le fut à la France. Plus tard, en 1498, Louis XII l'érigea en duché-pairie, et le donna à César Borgia, pour se rendre le pape Alexandre VI favorable ; mais il ne tarda pas à se repentir de sa donation : César Borgia ayant embrassé le parti espagnol contre la France, le roi le déclara coupable de félonie, et lui retira son duché, qui revint à la couronne. Depuis, François Ier en fit don à Diane de Poitiers, pour en jouir pendant sa vie ; mais, en 1642, le Valentinois passa aux princes de Monaco, qui l'ont conservé jusqu'à la Révolution.

Le Valentinois ne reconnaissait le roi que comme dauphin ; l'impôt y était levé non comme une contribution, mais comme un don gratuit. Rien ne s'y faisait sans la sanction du parlement. Bien que la noblesse y fût nombreuse, il y avait des terres sans seigneurs. C'était là que les dauphins venaient se préparer à régner. On sait le long séjour qu'y fit le prince qui devait s'appeler Louis XI.

On cite encore les châteaux qu'il habita et ceux où il marqua son passage par des parties de chasse et de plaisir. Il s'y essaya à cette politique qui devait caractériser son règne ; il y supprima les coutumes et les règlements que les évêques et les seigneurs avaient établis dans leurs terres, autant de petits tyrans qui s'y étaient élevés sur les ruines de l'ancien royaume de Bourgogne, et qu'il abaissa. A l'avènement de Louis XI, ils s'armèrent pour recouvrer leurs privilèges ; ils firent de l'Étoile le centre de la révolte ; mais le gouverneur de la province ayant fait appel aux communes voisines, les révoltés se soumirent, et la puissance féodale ne se releva plus dans ce pays.

A peine sorti des guerres civiles, le Valentinois se vit agité par les guerres religieuses. Déjà, dans la croisade contre les Albigeois, il avait été désigné comme le lieu du rendez-vous. Raymond, comte de Toulouse, passait pour protéger les hérétiques : il fut ajourné à comparaître en personne devant un 'concile à Valence. Il s'y rendit, fit et promit ce . qu'on voulut dans l'intérêt de la paix ; mais les croisés ne voulurent point poser les armes. On sait ce qui arriva. Cependant le Valentinois et le Diois, où Raymond avait des intelligences et des amis, s'agitaient. Simon de Montfort accourut ; mais le comte Aymar, qui commandait les révoltés, lui résista vigoureusement et le contraignit à se retirer.

Plus tard, quand vint la Réforme, elle trouva ce pays déjà préparé par les Vaudois et les Albigeois à la recevoir. Sur plusieurs points, le feu qui couvait éclata. A Valence, à Montélimar, à Romans, à Saint-Paul-Trois-Châteaux, les protestants prirent les armes et s'emparèrent des églises. Après le massacre de Vassy, la révolte devint générale. D'abord l'ennemi des calvinistes, le baron des Adrets s'était fait leur chef. A son appel, tout ce qu'il y avait de jeunes hommes dans le pays vint se rallier à lui. Non moins redoutable aux catholiques qu'il l'avait été pour les protestants, il soumit tout sur son passage ; mais, comme il faisait la guerre pour la guerre, il devint suspect à son parti, qu'il compromettait par ses cruautés, ce qui le fit arrêter à Valence en janvier 1563.

Catherine de Médicis, dont la politique était de souffler à la fois la paix et la guerre, vint en Dauphiné : elle visita Valence, Étoile, Montélimar et Suze-la-Rousse, promettant partout aux huguenots protection et amitié ; mais la journée de la Saint-Barthélemy leur fit payer cher leur confiance : ainsi qu'à Paris, le sang coula à Valence, à Romans, à Montélimar. Dans cette dernière ville, les magistrats essayèrent, mais en vain, de les sauver en les renfermant dans la citadelle ; on en força les portes, et tous furent égorgés. Alors la guerre recommença, mais cette fois à outrance. Conduits par deux braves chefs, Montbrun et Lesdiguières, les protestants s'emparent de plusieurs places dans le Valentinois et le Diois. Assiégés dans Livron par Bellegarde, chef de l'armée catholique, ils s'y défendent vaillamment et le forcent à la retraite.

Après des alternatives de paix et de guerre, calmés, non satisfaits par l'édit de Nantes, à l'avènement de Louis XIII, ils reprennent les armes. Un fils du célèbre Montbrun les commande : ils assiègent Le Buis, prennent les châteaux de Mollans, de Roilhanette et de Puygiron. Tout le Diois est en leur pouvoir ; mais le prince de Condé le reprend en 1627, les protestants sont désarmés et les forts de Nyons, de Livron, de Die, de Crest, de Soyans et de Moras détruits. Déjà ceux des Saillans, de Pontaix, de Vinsobres, de Tulettes, de Saint-Paul-Trois-Châteaux, de Loriol, de Puy-Saint-Martin et de Grane avaient été rasés.

Avec la guerre et tous les malheurs qui l'accompagnent, la peste, la famine et d'autres fléaux calamiteux ravagèrent ce pays. Après une invasion de sauterelles en 873, une invasion de chenilles en 1586, à la suite de pluies torrentielles qui avaient corrompu l'air. Ces chenilles étaient en si grand nombre, disent les mémoires du temps, qu'elles infestaient les habitations, les chemins, les arbres, les haies. Beaucoup parmi les superstitieux s'en prirent aux huguenots, mais le plus grand nombre au diable.

Comme le cas était grave, on avisa. Après d'inutiles efforts pour chasser ces nouveaux ennemis, le grand vicaire de Valence les cita à comparaître devant lui et leur nomma un procureur d'office, qui défendit solennellement leur cause : l'avocat fut éloquent, mais malheureux, et ses clientes furent condamnées à « vider les lieux » sous peine de forfaiture et d'excommunication. On leur signifia leur jugement avec défense d'en appeler. Chenilles de ne se mouvoir. Alors, comme on les en avait menacées, on lança contre elles les foudres de l'anathème ; mais, avant de recourir au bras séculier, on voulut essayer des voies de la conciliation. Sur l'avis de deux savants jurisconsultes et de deux théologiens ; qu'il serait plus sage, en pareille matière, de ne se servir que des armes spirituelles, et d'user d'un peu de tolérance envers les chenilles, on se contenta de les adjurer et de les asperger d'eau bénite. O puissance de l'exorcisme ! les chenilles disparurent, longtemps après, il est vrai ; mais qu'importe ? on n'en cria pas moins au miracle.

Après tant d'agitations, protestants et catholiques vivaient en paix dans ce pays, quand la révocation de l'édit de Nantes, en 1685, vint de nouveau tout diviser. Dans plusieurs communes, notamment à Bourdeaux, à Bezaudun et à Chantemerle, les protestants coururent aux armes. On ne les soumit point, on les persécuta. Rien n'était épargné, ni l'âge ni le sexe. A Poët-Laval, trois jeunes filles eurent la tête tranchée ; une quatrième, fut pendue à un peuplier. A Die, le pasteur Ranc fut décapité, et sa tète exposée sur un poteau à la porte d'un cabaret. Sur la fin de 1745, les prisons de Crest, de Montélimar de Valence et de Die étaient remplies de protestants ; condamnés à mort, ils marchaient avec joie au martyre, comme les premiers chrétiens. Cette persécution dura jusqu'au règne de Louis XVI.

Si le Dauphiné donna le premier, à Vizille, le signal de la Révolution, le premier il se leva pour la défendre : douze mille citoyens armés se rassemblèrent, en 1789, dans la vallée du Rhône, et jurèrent « de rester à jamais unis, de se donner mutuellement toute assistance, et de voler au secours de Paris et de toute autre ville de France qui serait en danger pour la cause de la liberté. » Ce serment, les habitants de la Drôme surent le tenir en envoyant, en 1792, les premiers volontaires aux frontières.

C'est avec eux que furent formées en grande partie la 4° demi-brigade légère, la 57e de ligne, qu'on surnomma la Terrible ; la 18e, à qui Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie, adressa ces paroles, en lui donnant l'ordre d'attaquer à la bataille de Rivoli : « Brave dix-huitième, je vous connais ; l'ennemi ne tiendra pas devant vous ! » et enfin cette 32e demi-brigade, qui se couvrit de gloire à Arcole : « J'étais tranquille, lui dit Napoléon, la 32e était là ! »

Ce département fut ravagé, en 1795, par les compagnies de Jéhu et du Soleil, et par la réaction royaliste, en 1815. Il avait salué le retour de Napoléon et pris une part active aux Cent-Jours, en s'opposant à la marche du duc d'Angoulême sur Paris. « Après avoir remonté la vallée du Rhône jusqu'à Valence, il (ce prince) se vit arrêté devant Romans par les troupes impériales. Alors, il rétrograda sur Pont-Saint-Esprit. Repoussé de cette ville, il se retira sur La Palud. Cependant les troupes impériales n'avaient pas cessé de le poursuivre. Arrivées à Montélimar, et leur avant-garde occupant Donzère, elles se disposaient à l'attaquer ; mais déjà le duc, effrayé du mouvement des gardes nationales qui le pressaient de toutes parts, avait conclu avec le général Gilly une capitulation qui l'obligeait à poser les armes et à s'embarquer au port de Cette. » (Ferrand et Lamarque, Histoire de la Révolution française de 1789 à 1830.)

Après le coup d'État du 2 décembre, il y eut, sur plusieurs points du département, des rassemblements armés qui ne tardèrent pas à être dispersés, non sans coûter la liberté à quelques insurgés faits prisonniers ; mais à ces jours orageux succéda une ère plus calme, à la faveur de laquelle le département vit renaître son industrie agricole et son commerce.

Si le département de la Drôme n'a pas eu à souffrir de la guerre 1870-1871, il a pris une large part à la défense nationale en envoyant à l'armée de la Loire son contingent de mobiles dont plus d'un s'est signalé dans les divers combats qui furent livrés contre les Prussiens.

Il y a au XIXe siècle, dans les mœurs, dans le langage, dans le caractère et dans le costume des habitants de la Drôme, quelque chose des vieux Celtes, leurs ancêtres : ils portent la braye comme eux, et comme eux encore ils sont gais, vifs, vaillants, hospitaliers, actifs et laborieux. Cependant, si le citadin se ressent davantage des rapports de ce pays avec le Midi, qui l'avoisine, le paysan et le montagnard, par une bonhomie qui n'exclut pas la finesse et la ruse, semblent se rapprocher des Normands. Ainsi que la Normandie, en effet, le Dauphiné est le pays des procès.
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[size=24]Les départements-(histoire)- Le Doubs - 25

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Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres 1e7f8fd8

(2ème partie)

 
[size=16]Vers 1076, un des plus riches comtes du royaume de France, Simon de Crépy en Valois, fut touché de la grâce divine ; préférant à l'éclat de la gloire une pieuse obscurité, il abandonna ses dignités et ses richesses et vint s'enfermer dans un monastère de la Franche-Comté. Bientôt, peu satisfait des mortifications et des pénitences qu'il s'imposait à Saint-Claude, Simon résolut de rendre utile sa retraite du monde, et, suivi de quelques compagnons, il pénétra, une hache à la main, dans les solitudes du Jura et s'ouvrit un passage à travers les forêts jusqu'aux sources du Doubs.

Là, les pieux cénobites s'appliquèrent à défricher un sol infertile et malsain, hérissé de broussailles, au milieu des précipices, parmi les rochers âpres et nus ; dans une région déserte, dont les échos, pour la première fois, retentissaient des cris de l'homme, Simon et ses rares compagnons firent tomber sous la cognée les arbres séculaires, frayèrent des chemins là où l'homme n'en connaissait pas avant eux ; ils fertilisèrent un sol longtemps rebelle a la charrue, et après bien des périls, bien des fatigues et des privations journalières, ils eurent conquis sur cette terre Inhospitalière la contrée qu'on a longtemps appelée les Hautes-Joux et les Noirs-Monts.

Le prieuré qu'avait fondé le puissant comte devenu pauvre solitaire, et qui fut habité après lui par ses disciples, prit le nom de Motta (maison des bois) et il a été l'origine de ce joli village si pittoresque de Mouthe, dans l'arrondissement de Pontarlier, et qui aujourd'hui s'enorgueillit de ses riches pâturages. A Rainaud II succéda Guillaume II, dit l'Allemand, qui fut, selon toute vraisemblance, assassiné par ses barons. Ce comte s'écarta de l'esprit de piété de ses prédécesseurs ; il ne craignit pas de porter une main téméraire sur les richesses que l'abbaye de Cluny tenait de leur dévotion. Son crime ne resta pas sans châtiment.

L'abbé Pierre le Vénérable nous apprend qu'un jour qu'il revenait d'exercer de nouvelles spoliations dans le saint lieu, méprisant les conseils des hommes sages et les prières des moines, il chevauchait orgueilleusement, et répondait à ceux qui lui demandaient s'il ne craignait pas d'attirer sur lui le courroux du ciel : « Quand mon or sera épuisé, j'en irai prendre d'autre au bon trésor de Cluny. » Tout à coup, à l'entrée d'un sentier étroit, un cavalier monté sur un cheval noir s'arrêta devant lui. « Comte de Bourgogne, dit-il en le fixant de son farouche regard, comte de Bourgogne, il te faut m'accompagner. - Qui donc es-tu et de quelle race pour regarder si fièrement le maître de tout ce pays ? » repartit Guillaume. "Tu vas le savoir » répondit le cavalier ; puis il saisit le comte, l'assit sur son cheval, et ceux qui l'accompagnaient voient avec une surprise mêlée de terreur deux vastes ailes s'ouvrir aux flancs du coursier ; le cavalier mystérieux et le comte furent emportés dans les airs, et bientôt l'œil ne put plus les suivre. Il se répandit une grande odeur de soufre et de fumée, et on dit que c'était le démon lui-même qui était venu chercher le comte impie.

Des historiens peu crédules ont prétendu que Guillaume fut assassiné par ses barons, qui, pour détourner les soupçons, imaginèrent cette fable. Vinrent ensuite Guillaume III l'Enfant et Rainaud III, qui mourut en 1148 laissant ses États à sa fille, la jeune Béatrix. Celle-ci épousa en 1156 l'empereur Frédéric Ier. L'année suivante, ce souverain tint une diète à Besançon, dans laquelle il reçut le serment de fidélité des prélats et des seigneurs de la contrée. Sa femme mourut en 1185 ; il se déposséda alors de la Comté en faveur de son troisième fils Othon et ne retint que Besançon, qui devint ville impériale et resta dans cet état jusqu'en 1656, époque à laquelle elle fut rachetée par l'Espagne. La fille d'Othon, Béatrix, qui lui succéda en 1200, porta la Comté dans une famille étrangère par son mariage avec Othon, duc de Méranie (Moravie), marquis d'Istrie et prince de Dalmatie. Après. Béatrix, Othon III (1234-1248), Alix de Méranie (1248-1279), sa sœur et Othon IV, dit Ottenin (1279-1303) régnèrent. Ce dernier fut un fidèle allié des rois Philippe le Hardi et Philippe le Bel. II changea les armoiries des comtes de Bourgogne ; jusque-là elles étaient : de gueules, à l'aigle éployée d'argent ; il y substitua, vers 1280, l'écu semé de billettes d'or, au lion de même.

Ce fut dans les dernières années d'Othon ou dans les premières de son successeur, Robert l'Enfant (1303-1315), que le roi Philippe le Bel érigea en parlement le conseil des comtes de Bourgogne. Le parlement de Besançon fut l'un de ceux qui eurent les pouvoirs les plus étendus : outre les affaires contentieuses, il connaissait encore, pendant la paix, de toutes les affaires concernant les fortifications, les finances, les monnaies, la police, les chemins, les domaines et les fiefs. Pendant la guerre, il réglait la levée des troupes, leurs quartiers, leurs passages, les étapes, subsistances, payements et revues.

Ces pouvoirs étendus et presque royaux ne lui furent pas conférés de prime abord, mais par des ordonnances successives de 1508, 1510, 1530, 1533 et 1534. Jeanne Ire, qui épousa le roi Philippe le Long, succéda à Robert l'Enfant (1315-1330) et laissa la possession de la province à sa fille Jeanne II, qui, en 1318, avait épousé Eudes IV, duc de Bourgogne. Leur petit-fils, Philippe de Rouvres, fut en même temps duc et comté, et, pour la première fois depuis Boson, les deux Bourgognes se trouvèrent réunies (1350-1461).

A sa mort, tandis que le duché rentrait dans la possession des rois de France, la Comté passa en héritage à Marguerite, fille de Philippe le Long et de la reine Jeanne ; cette princesse eut pour successeur Louis de Male, comte de Flandre (1382). Tous les États de ce comte passèrent à Philippe le Hardi, fils de Jean le Bon et le premier de cette race capétienne de Bourgogne qui, jusqu'à Louis XI, contrebalança l'autorité royale. L'an 1386, la ville de Besançon renouvela, avec le duc Philippe, le traité qu'elle avait signé avec les anciens comtes.

La même année, Philippe exigea le droit féodal qu'on appelait relevamentum, la reprise des fiefs ou renouvellement d'hommage de ses vassaux de Franche-Comté, accoutumés depuis longtemps, par l'absence de leurs suzerains, à, vivre dans l'indépendance. La partie de la Franche-Comté dont nous nous occupons, éloignée du théâtre des guerres des Anglais, des Armagnacs et des Bourguignons, eut moins à souffrir dans toute cette période que tout le reste de la France ; cependant elle ne fut pas épargnée par la peste noire en 1348 et 1350. Les routiers vinrent aussi « y querir victuaille et aventures, » et, à l'histoire du Jura, nous les retrouverons à Salins ; mais ces maux, quoique grands, étaient peu de chose comparés à l'affreuse dévastation, à la misère profonde de tant d'autres provinces ; d'ailleurs, dans la Franche-Comté même, le territoire qui a formé le Doubs dut à sa position extrême d'être moins atteint par les brigandages.

Les villes avaient acquis une existence particulière : nous retrouverons à leur histoire spéciale leurs chartes communales. Le règne de Philippe le Bon fut marqué par des troubles dont il sera fait mention quand nous nous occuperons de Besançon. A la mort de Charles le Téméraire (1477), la Franche-Comté ne passa pas, avec le duché de Bourgogne, au roi Louis XI ; la princesse Marie porta cette province dans la maison d'Autriche par son mariage avec Maximilien, aïeul et prédécesseur de Charles-Quint. En 1482, Marguerite succéda à sa mère ; son frère Philippe le Beau gouverna quelques années, de 1493 à 1506. Enfin, à sa mort (1530), la province passa sous la domination de son puissant neveu Charles-Quint, roi d'Espagne et empereur d'Allemagne.

Le règne de Charles-Quint fut pour la Franche-Comté un temps de prospérité ; il aimait cette province et accorda des privilèges à un grand nombre de ses villes ; Besançon eut les siens ; le commerce et l'industrie firent des progrès rapides sous cette administration bienfaisante et ne s'arrêta que lorsque le voisinage de la Suisse eut introduit la Réforme dans la Comté. Besançon eut ses religionnaires, ses luttes intestines, un tribunal de l'inquisition et des persécutions violentes. Guillaume Farel avait prêché la Réforme à Montbéliard dès 1524 ; après lui, Théodore de Bèze et d'autres missionnaires semèrent en Franche-Comté les nouvelles doctrines. Une confrérie, sous l'invocation de sainte Barbe, réunit les membres les plus considérables du parti protestant.

En 1572, il y eut dans Besançon une lutte sérieuse entre les partis catholique et protestant. Après les guerres de religion vinrent les guerres de la conquête française. Henri IV, devenu roi de France malgré la Ligue et l'Espagne, envahit la province espagnole de Franche-Comté après sa victoire de Fontainebleau en 1595. Pendant la guerre de Trente ans, la Franche-Comté fut menacée de nouveau, et la ville de Pontarlier fut assiégée par le duc de Saxe-Weimar, commandant des forces suédoises.

Mais la grande invasion, celle qui eut pour résultat de rendre française cette province, appartient au règne de Louis XIV. Ce prince réclama la Franche-Comté au nom des droits qu'il prétendait tenir de sa femme, Marie-Thérèse ; la guerre de dévolution, terminée par le traité d'Aix-la-Chapelle (1668), la lui livra. Mais, cette même année, la province fut restituée par la France à l'Espagne, en échange de l'abandon de tous droits sur les conquêtes faites par Louis XIV dans la Flandre. La guerre se renouvela en 1672. Besançon tomba au pouvoir des Français, toutes les villes de la province furent prises une à une, et le traité glorieux de Nimègue rendit définitive cette seconde conquête (1678). Louis XIV s'empressa de donner une nouvelle organisation à la province devenue française. La bourgeoisie franc-comtoise perdit la plupart de ses privilèges ; Besançon fut définitivement capitale de la Franche-Comté et siège du parlement et de l'université, qui avaient été transférés à diverses époques à Dôle.

A la convocation des états généraux, la Franche-Comté, comprise dans le nombre des provinces étrangères et États conquis et surchargée d'impôts, accueillit avec empressement les idées nouvelles, et, lorsque la patrie fut déclarée en danger, les trois départements fournirent chacun leur bataillon de volontaires. Pendant la Terreur, Robespierre le jeune fut envoyé en mission dans le Doubs ; cependant les excès furent modérés, et le 9 thermidor y mit entièrement fin.

En décembre 1813 et janvier 1814, ce département vit un corps d'armée autrichien assiéger Besançon, qui se défendit vainement avec courage. Depuis cette époque jusqu'à la guerre franco-allemande (1870-1871), le Doubs a subi les révolutions qui se sont faites en France bien plus qu'il ne s'y est mêlé ; au milieu du calme et de la paix, il a vu se développer sa prospérité ; il peut s'enorgueillir des hommes illustres qu'il a donnés à notre siècle, et aujourd'hui il est l'un des premiers départements de la France, comme la Franche-Comté en était une des premières provinces. Cette prospérité devait être troublée.

Durant la guerre franco-allemande (1870-1871), le département du Doubs eut à subir les douleurs de l'invasion. A l'exception de Besançon, le département tout entier fut occupé par les Allemands, notamment les localités suivantes : Ancey, L'Isle-sur-le-Doubs, Clairval, Baume-les-Dames, Doris, Montbéliard, Blamont, Pont-de-Roide, Saint-Hippolyte, Morteau, par les troupes du XIVe corps de la IVe armée, sous les ordres du général de Werder ; Quingey, Villeneuve, Levier, Sombacourt, Chaffois, Pontarlier, La Cluse, par l'armée du général Manteuffel. Le Doubs fut alors le théâtre de la désastreuse retraite de l'armée de l'Est, presque comparable à la retraite de Rassie en 1812. Nous allons en retracer aussi brièvement que possible les douloureuses péripéties.

Après la reprise d'Orléans par les Allemands et la défaite des armées de la Loire, le gouvernement de la défense conçut, le 20 décembre 1870, le plan d'opérer une diversion dans l'Est et de débloquer Belfort assiégé. Le général Bourbaki accepta cette tâche difficile. Le 11 janvier, il livrait à Villersexel (Haute-Saône) un sanglant combat et s'emparait de cette ville ; le 14, il arrivait sur les hauteurs de la rive droite de la Lisaine, et le 15 il établissait son quartier général à Trémoins. Alors commençaient ces rudes batailles entre Montbéliard et Belfort, qui ont pris le nom de bataille d'Héricourt (Haute-Saône). Le 15 au soir, notre armée entrait dans Montbéliard ; l'ennemi s'était retiré dans le château. Le 16, les lignes allemandes furent attaquées avec acharnement. La droite de l'armée ennemie seule céda ; Cremer délogea le général Degenfeld de Chenebrier et le repoussa jusqu'à Frahier.

Dans la nuit, un mouvement sur Béthencourt est repoussé ; une autre attaque, tentée sur Héricourt, a le même sort. La garnison de Belfort n'avait pu intervenir dans la lutte. L'armée française s'était épuisée sans parvenir à rompre les lignes allemandes. Il fallait renoncer à faire lever le siège ; il fallait reculer pour vivre ; le temps était terrible, le thermomètre marquait 18 degrés au-dessous de zéro. Comment continuer, avec des soldats exténués par la misère et par la fatigue, une lutte' où l'on s'acharnait inutilement depuis trois jours ? Le général Bourbaki prit, le soir du troisième jour, le parti de se retirer vers le sud. Nos troupes quittaient les bords de la Lisaine le 18 janvier et arrivaient le 22 autour de Besançon, où le général en chef comptait pouvoir mettre son armée à l'abri et la réorganiser ; mais cela était devenu impossible ; en effet, Manteuffel, parti le 12 de Châtillon, ayant évité Dijon, occupé par Garibaldi, et masqué ses mouvements, traversait, par une marche aussi audacieuse qu'elle pré-sentait de danger, les montagnes de la Côte-d'Or ; le 22, il tenait les deux rives du Doubs ; le 28, il arrivait à Quingey, se jetant sur les routes d'Arbois et de Poligny, coupant la ligne directe de Besançon à Lyon.

En même temps, de Werder descendait vers le sud, en sorte que Bourbaki, en arrivant sous Besançon, se trouvait dans la position la plus critique. Pour comble de malheur, un convoi de deux cent trente wagons chargés de vivres, de fourrages et d'équipements, avait été surpris par l'ennemi à Dôle. D'heure en heure se rétrécissait autour de nous le réseau qui menaçait de nous étouffer. La situation était poignante. Que faire ? Battre encore en retraite. Mais de quel côté se diriger, par où se frayer un passage ?

Affolé de désespoir, craignant de passer pour un traître, entre cinq et six heures du soir, le 26 janvier, Bourbaki, retiré dans une maison particulière, à Besançon, se tira au front un coup de pistolet. « La mort, une fois de plus bravée, dit M. Claretie, ne voulut pas de lui. Le général Clinchant prit le commandement des troupes. La tâche qui lui incombait était lourde. Comment échapper, comment sauver cette armée débandée, perdue, incapable de résister aux coups de l'ennemi ? Il fallait reculer, battre en retraite - chaque minute était un siècle - et toujours mourant, toujours souffrant, toujours glacé, essayer de gagner Lyon ou la Suisse. Le général Clinchant n'avait pas le choix ; il ne pouvait que presser et diriger la retraite sur Pontarlier. Il arrivait le 28 autour de cette ville. Dès le 29, les Allemands arrivaient, après un combat où ils firent 4 000 prisonniers du 15e corps, à Levier, à Sombacourt, à Chaffois, à 4 kilomètres de Pontarlier, sur la route de Salins.

« A ce moment, dit un historien de la guerre franco-allemande, parvenait aux deux camps la nouvelle de l'armistice conclu à Paris le 28 ; mais les Allemands étaient avertis, par M. de Moltke, que l'armée du Sud devait continuer ses opérations, jusqu'à ce qu'elle eût obtenu un résultat définitif ; en sorte que la chute de Paris excitait son ardeur, tandis que le général Clinchant, ignorant la fatale exception contenue dans le traité, laissait tomber ses armes et faisait cesser le combat. Le 30, quand on dut les reprendre, la marche continuée des Allemands aggravait la situation. Ils enlevaient Frasne, sur le chemin de fer, et 1 500 prisonniers. Cremer était à Saint-Laurent, séparé de l'armée et à peu près sauvé par cela même... Le 1er février, toute l'armée allemande aborde Pontarlier, qui est enlevée presque sans résistance. Cependant le 18e corps est encore à la croisée des routes de Mouthe et de Rochejeau, appuyé sur le fort de Joux, près de La Cluse, à 15 kilomètres au sud de Pontarlier. Là, un dernier combat s'engage avec le IIe corps prussien, qui, repoussé tout le jour, s'attacha seulement à achever de couper les routes du sud jusqu'à la frontière. Il n'y parvint qu'imparfaitement, et une partie du 18° corps put regagner la route de Lyon. »

Le général Clinchant, on le conçoit, n'avait plus alors qu'une préoccupation, celle de dérober à l'ennemi les soldats qui lui restaient, ses armes, son matériel, fût-ce en allant chercher un refuge au delà de la frontière. Pendant la nuit du 31 janvier au 1er février, il signait aux Verrières, avec le général suisse Herzog, une convention qui réglait le passage de l'armée française en Suisse. Cette armée, exténuée, y entrait au nombre de 80 000 hommes. « C'était, depuis six mois, dit Charles de Mazade, la quatrième armée française disparaissant d'un seul coup, après celles de Sedan et de Metz, qui étaient encore captives en Allemagne, et celle de Paris, qui restait prisonnière dans nos murs. »

Dans cette immense douleur, dans cet épouvantable désastre, nous eûmes, du moins, la consolation de voir nos malheureux soldats accueillis par la généreuse république helvétique avec une touchante humanité. « Pauvre armée en lambeaux, écrit Claretie, pauvres soldats en haillons ! Lorsque les Suisses les virent, pâles, exténués, mourants, tous pleurèrent. Une immense pitié s'empara de ces cantons, qui se saignèrent pour fournir vivres, argent, vêtements aux vaincus et aux exilés. » La France a contracté en cette lamentable circonstance une dette qu'elle n'oubliera pas. L'invasion allemande avait coûté au Doubs 5 517 370 francs.
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Les départements-(histoire)- Le Doubs - 25 -

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres E9531e3d
1ère partie
 
[size=16](Région Franche-Comté)

Le département du Doubs fut, dans la période gauloise, habité par une partie de la nation puissante des Séquanais. On ignore à quelle époque ce peuple envahit la Gaule ; mais il paraît certain qu'il fut parmi les Celtes un des premiers qui s'y fixèrent. La tradition disait qu'ils étaient venus des bords du Pont-Euxin. Lorsque les neveux, du roi Ambigat, Bellovèse et Sigovèse, franchirent les Alpes 600 ans avant Jésus-Christ, les Séquanais furent au nombre des barbares qui portèrent pour la première fois en Italie les armes gauloises.

Ce fut à l'époque où la domination romaine commença à s'étendre par delà les hautes montagnes qui séparent l'Italie de la Gaule que les Séquanais acquirent une grande importance historique. On sait que Rome accordait sa protection aux Éduens : cette vaste confédération mit à profit la suprématie qu'elle devait au titre de « soeur et alliée du peuple romain » pour tyranniser ses voisins les Arvernes et les Séquanais. Jaloux de cette puissance, les Séquanais cherchèrent à leur tour des alliés au dehors ; ils attirèrent en Gaule, par l'appât d'une forte solde, 15 000 mercenaires germains conduits par Arioviste, le chef le plus renommé des Suèves, vaste confédération teutonique qui dominait dans la Germanie.

Grâce à ce secours, les Séquanais furent vainqueurs et les Éduens se reconnurent leurs clients ; mais bientôt ils furent plus malheureux que les vaincus ; Arioviste, qu'était venue rejoindre une multitude de barbares, exigea des Séquanais un tiers de leur territoire ; il prit la partie la plus rapprochée de la Germanie, celle qui aujourd'hui forme le département du Doubs ; puis, jugeant ce lot insuffisant, il exigea un autre tiers. Les Séquanais, indignés, se réconcilièrent alors avec les Éduens ; il y eut une grande bataille où l'armée gauloise fut taillée en pièces. Nous parlerons, dans la notice sur la Haute-Saône, de cette sanglante défaite de Magetobriga. Arioviste fut alors maître de tout ce pays, « le meilleur de la Gaule », dit César au livre Ier de ses Commentaires.

Mais la conquête du chef suève avait encouragé d'autres barbares à envahir les Gaules ; on connaît ce grand mouvement des Helvètes qui détermina l'intervention de Rome et de Jules César. L'an 58, le proconsul, après avoir fait alliance avec Arioviste, quitta la province, marcha sur Genève avec une seule légion, coupa le pont du Rhône, retourna à Rome chercher son armée et revint, par une de ces marches rapides qui lui frirent depuis familières, accabler les Helvètes. Vainqueur de ces premiers ennemis, César se tourna contre Arioviste et lui enjoignit de quitter le pays des Éduens et des Séquanais. « Que César vienne contre moi, répondit le Suève, il apprendra ce que peuvent d'invincibles Germains qui depuis quatorze ans n'ont pas couché sous un toit. » Le Proconsul entra aussitôt en Séquanaise, gagna son ennemi de vitesse et s'empara de la capitale du pays, Vesontio, où il établit sa place d'armes et ses magasins.

La bataille, dans laquelle la discipline romaine triompha du nombre et de l'impétuosité des barbares, se livra à trois journées de Besançon, vers le nord-est. Les Séquanais furent délivrés de leurs oppresseurs germains ; mais' ils ne firent que changer de maîtres : les Romains occupèrent militairement leur pays, y envoyèrent des administrateurs et des agents ; la domination romaine savante, policée et durable s'établit au mi-lieu d'eux. Ceux des Séquanais qui regrettaient les temps de l'indépendance gauloise quittèrent leur patrie et remontèrent vers le nord, afin d'exciter contre leurs oppresseurs les peuples belges ; ces Gaulois intrépides et sauvages se prêtèrent facile-ment à ce dessein ; leurs attaques furent pour César l'occasion et le prétexte de la conquête des Gaules ; il était à Besançon quand commencèrent les hostilités.

L'indépendance de toute la Gaule, et en particulier celle des Séquanais, fut perdue sans retour par la soumission de Vercingétorix. A partir de ce moment, ils restèrent fidèles aux traités et servirent avec loyauté dans les armées romaines. Lucain fait un grand éloge de la cavalerie séquanaise et nous représente la légion vésontine marchant au combat avec sa vieille enseigne : un globe d'or dans un cercle rouge. Auguste avait compris la Gaule transalpine dans les provinces impériales et classé la Séquanaise dans la Belgique (28 ans av. J.-C.) ; cette province prit le nom de Maxima Sequanorum à l'époque de la division administrative de Dioclétien et eut pour capitale Besançon (292).

Au IIe et au IIIe siècle, une, grande partie de la Séquanaise était chrétienne. De Lyon, la foi nouvelle remonta, vers le nord de la Gaule ; en 180, deux jeunes Athéniens, disciples de l'évêque Irénée, Ferréol et Ferjeux, portèrent la foi évangélique chez les Séquanais ; ils firent un si grand nombre de prosélytes, que Besançon ne tarda pas à devenir le siège d'une nouvelle église dont Ferréol fut le premier évêque. Mais les deux disciples de saint Irénée payèrent de leur sang leur généreuse propagande : ils firent mis à mort en 211. Saint Lin, saint Germain et les autres successeurs de saint Ferréol étendirent la foi chrétienne malgré les persécutions, et, au temps de Dioclétien, la Séquanaise entière était convertie au christianisme.

A cette époque, les provinces de la Gaule qui confinaient à la Germanie n'avaient pas de repos ; elles étaient sans cesse menacées par les barbares. Avant les invasions définitives des Burgondes et des Francs, les habitants de la Séquanaise eurent à souffrir d'un grand nombre d'incursions passagères. Lorsque Julien, alors césar, se rendit à Besançon, après ses victoires sur les Francs et les Allemands. dans les années 358 et 359, il trouva toute la province dont cette ville est la capitale ravagée et, à Besançon même, il ne vit que des traces de dévastation : « Cette petite ville, écrit-il au philosophe Maxime, maintenant renversée, était autrefois étendue et superbe, ornée. de temples magnifiques et entourée de murailles très fortes, ainsi que la rivière du Doubs qui lui sert de défense. Elle est semblable à un rocher élevé qu'on voit dans la mer et presque inaccessible aux oiseaux mêmes, si ce n'est dans les endroits qui servent de rivage au Doubs. »

Avant de se jeter sur l'Espagne, les Vandales laissèrent aussi en Séquanaise des traces de leur passage. Ce fut enfin en 410 que l'une des invasions définitives qui se fixèrent sur le sol et lui donnèrent pendant longtemps son nom, celle des Burgondes, se répandit dans la Séquanaise. Les nouveaux maîtres, de mœurs paisibles et douces, ne furent pas des oppresseurs ; ils se contentèrent de s'approprier une partie du sol sans établir des impôts onéreux et vexatoires ; ils laissèrent à leurs sujets leurs lois romaines, leur administration municipale et vécurent avec eux dans une égalité parfaite, chacun selon ses lois. Le patrice Aétius chassa momentanément les Burgondes de la Séquanaise, de 435 à 443 environ. Aux ravages occasionnés par cette guerre s'en ajoutèrent de bien plus terribles. Attila, battu à Châlons-sur-Marne (451), fit sa retraite par l'orient de la Gaule, et Besançon fut tellement ruinée par les Huns que pendant cinquante ans elle resta déserte.

L'établissement définitif des Bourguignons dans les pays éduen et séquanais, qui devinrent les deux Bourgognes, date de l'année 456. Le Suève Ricimer, héritier des dignités d'Aétius qui venait d'être mis à mort par Valentinien III, partagea ces pays entre les chefs burgondes Hilpéric et Gondioc, avec lesquels il avait formé une alliance de famille. Gondioc laissa en mourant le territoire de Besançon et cette ville à l'un de ses quatre fils, Godeghisel, uni à Gondebaud et devenu maître de toute la Séquanaise par le meurtre de deux de ses frères. Godeghisel fit secrètement alliance avec le roi des Francs Clovis et abandonna son frère dans la bataille qui eut lieu sur les bords de l'Ouche en 500. Gondebaud tira vengeance de cette trahison : lorsqu'il eut obtenu la paix de Clovis, il tourna ses armes contre son frère, le battit et le fit massacrer. Gondebaud fut alors maître du territoire séquanais et y imposa son code, la célèbre loi Gombette, jusqu'au moment où les fils de Clovis prirent aux enfants de Gondebaud tout leur héritage et s'emparèrent de la Bourgogne (534).

Lorsque la monarchie franque fut partagée entre les quatre fils de Clotaire Ier, le pays dont nous nous occupons échut avec toute la Bourgogne à Gontran (561-593). Grâce à son éloignement des champs de bataille, il traversa sans trop de vicissitudes cette période de la domination des Francs. Ses nouveaux maîtres étaient cependant de mœurs moins douces que les paisibles Bourguignons ; Besançon commençait à se relever des ruines et des désastres des invasions précédentes, quand survinrent les Sarrasins. En 722, les hordes d'Abd-el-Rhaman passent la Loire, remontent la Saône, se divisent vers Autun en deux bandes : l'une se dirige vers l'ouest, tandis que la seconde livre aux flammes Besançon et tout le pagus de Warasch ou Varasque, qui se composait alors du territoire aujourd'hui compris dans le département du Doubs. Tandis que la Bourgogne citérieure ou en deçà de la Saône commençait à former ses divisions féodales et à se diviser en comtés, la Bourgogne ultérieure ou Franche-Comté conservait les divisions barbares qui avaient pris naissance avec les Burgondes et s'appelaient pagi.

Pépin le Bref laissa à sa mort (768) les deux Bourgognes à son fils Carloman ; on sait que ce prince n'en jouit pas longtemps ; se retirant dans un monastère, il laissa ses États à des enfants en bas âge qui furent dépossédés par leur oncle Charlemagne. L'histoire du département du Doubs se confond avec celle du vaste empire du héros germain ; on sait seulement que les Bourgognes profitèrent de la réforme administrative à laquelle il soumit tous ses États ; mais ce ne fut pas pour longtemps ; les troubles du règne de Louis le Débonnaire survinrent, puis les discordes de ses fils lui survécurent.

Après la bataille de Fontanet (841) et le traité de Verdun (843), les deux Bourgognes furent séparées pour la première fois. La Bourgogne éduenne échut à Charles le Chauve et la Bourgogne séquanaise à Lothaire. Cet empereur mourut en 855. La haute Bourgogne ou Bourgogne cisjurane entra dans la part du plus jeune de ses trois fils, Charles, roi de Provence. A la mort de ce prince (863), ses frères Louis II et Lothaire II firent deux parts de son royaume ; la haute Bourgogne fut scindée, la plus grande partie du territoire qui forme le département du Doubs échut avec Besançon à Lothaire II.

Lothaire ne survécut que de six ans à son frère Charles. Le roi de France, Charles le Chauve, profita des embarras et des guerres dans lesquels son neveu, Louis II, était engagé en Italie pour se saisir des États de Lothaire II ; il se fit proclamer roi de Lorraine à Metz ; mais Louis II protesta, et un nouveau partage plus bizarre que tous les précédents eut lieu. La haute Bourgogne fut complètement démembrée, le pagus de Varasque, qui. avait pris le nom de Comté, échut à Louis, depuis Besançon jusqu'à Pontarlier, tandis que Besançon même était concédée à Charles le Chauve par un traité conclu au mois d'août 870.

Pour se reconnaître dans cette multiplicité de partages où l'historien lui-même, s'il veut ne pas se perdre, a besoin d'apporter une attention soutenue, il faut bien songer que les noms de haute Bourgogne, Bourgogne ultérieure et Bourgogne cisjurane s'appliquent tous également à cet ancien pays des Séquanais que nous n'avons pas encore le droit d'appeler du nom de Franche-Comté. Tant de dislocations et de changements nuisaient aux relations et aux intérêts des localités et faisaient périr tous les éléments d'unité et de pouvoir. La partie de la haute Bourgogne qui échut a Charles le Chauve protesta contre le partage de 870 ; Gérard de Roussillon, ce héros du premier temps féodal, gouverneur de Provence et de Bourgogne, s'opposa par les armes à son exécution ; ce fut aux environs de Pontarlier que se livra la bataille qui décida en faveur du roi de France :


Entre le Doubs et le Drugeon
Périt Gérard de Roussillon 

dit une vieille tradition. Gérard ne périt pas, mais fut chassé et cessa de contester à Charles l'occupation du pays. Nous retrouvons deux fois le prince à Besançon ; la première à la suite de sa victoire,, la seconde lorsque, après la mort de son neveu Lothaire II (875), il descendit en Italie pour s'y faire couronner empereur. On sait que, l'année même de sa mort (877), Charles le Chauve ratifia, par le fameux capitulaire de Kiersy-sur-Oise, les usurpations de la féodalité.

Le gouverneur des Bourgognes et de la Provence, Boson, n'avait pas attendu la sanction royale pour se rendre indépendant dans les pays qui lui étaient confiés ; mais ce fut seulement en 879, à la mort de Louis le Bègue, qu'il tint à Mantaille une diète générale où, entre autres personnages influents, nous voyons figurer l'archevêque de Besançon. Il se fit donner le titre de roi de Bourgogne. L'année qui suivit sa mort (888), les Normands ravagèrent la haute Bourgogne ; son successeur, en bas âge, Louis, était incapable de défendre les États de son père ; il fut dépossédé du comté de Bourgogne ou Bourgogne cisjurane par son oncle Rodolphe, qui avait séduit Thierry Ier, archevêque de Besançon, en lui offrant le titre de grand chancelier de Bourgogne.

Ce ne fut cependant pas sans opposition de la part d'Arnoul, que les Germains s'étaient donné pour roi après avoir déposé le lâche empereur Charles le Gros à la diète de Tribur (887), et de la part du jeune Louis de Provence, héritier légitime de cette contrée. Mais Arnoul céda devant la résistance obstinée de Rodolphe, Louis fut vaincu et le prince usurpateur régna paisiblement jusqu'à sa mort, arrivée en 911.

Cette période de guerres et de ravages fut pour la comté de Bourgogne l'une des plus malheureuses qu'elle vit jamais ; les brigandages, tous les excès impunis, dix pestes, treize famines ravagèrent toute cette contrée : c'était le prélude du Xe siècle, « le siècle de fer. » Sous le règne de Rodolphe II, qui succéda sans opposition à son père, en 937, un nouveau fléau apparut dans la contrée : les Hongrois, plus féroces encore que les Normands, s'y précipitèrent, mettant tout à feu et à sang sur leur passage ; devant eux les populations fuyaient épouvantées vers les montagnes et dans les lieux fortifiés ; les barbares s'abattirent sur Besançon. La ville ne put pas résister à leur fureur et fut prise d'assaut, pillée, réduite en cendres. L'église Saint-Étienne s'écroula dans les flammes. Le feu, poussé par un vent violent, gagna le sommet du mont Calius et dévora tout, églises, édifices et demeures.

C'était pour la quatrième fois depuis la conquête romaine que l'antique capitale des Séquanais passait par de semblables épreuves. Rodolphe II mourut, l'année même de ce désastre, laissant un jeune fils, Conrad, qui, sans jamais exercer la royauté, porta pendant un demi-siècle le titre de roi. Les véritables maîtres de la Bourgogne cisjurane et transjurane furent l'empereur d'Allemagne Othon, qui s'empara du jeune Conrad et exerça une grande influence dans ses États, et le premier comte propriétaire de ce pays, selon le savant dom Plancher, Hugues le Noir, deuxième fils de Richard le Justicier. Vers cette époque apparut sur les bords de la Saône un étranger qui fit dans le pays de Bourgogne une rapide fortune. Albéric de Narbonne s'enrichit par l'exploitation des salines, puis il gagna la confiance du roi Conrad, qui le combla de bienfaits.

A sa mort (945), il était comte de Mâcon, baron de Scodingue et du Varasque ; la fortune de sa famille ne périt pas avec lui ; de ses deux fils, l'un, Albéric, comme son père, commença la série des sires de Salins que nous verrons à l'histoire du département du Jura ; l'autre, Letalde, fut la tige des comtes héréditaires de Bourgogne. Il hérita de ce comté à la mort de Gislebert, successeur, dans ce titre, de lingues le Noir, mort en 951 sans postérité. Letalde, à l'exemple de Hugues le Noir, prit le titre d'archicomte. Sa race directe s'éteignit en 995, et la partie de la Bourgogne qu'il avait possédée revint à Othe Guillaume, qui fut le premier comte héréditaire de cette province.

Fils du roi lombard Adalbert, l'un des seigneurs les plus renommés des deux Bourgognes, audacieux et entreprenant, Othe Guillaume fut un véritable souverain. Irrité de l'influence qu'exerçaient dans le pays les abbés, l'évêque et les vassaux intermédiaires, il s'arrogea le droit de nommer les uns et supprima les autres. Ce fut ainsi que disparurent les anciens comtés de Varasque, Scodingue, Besançon, etc. Sur ces entrefaites, la monarchie carlovingienne avait été renversée par les ducs de France, qui avaient usurpé le titre de roi.

Robert, fils de Hugues Capet, héritait du duché de Bourgogne à la mort de Henri Ier (1002). Othe osa élever des prétentions contraires et disputer cette province au roi de France ; il ne réussit pas à joindre à ses États cette vaste possession ; mais, par le traité de 1016, il acquit les comtés de Mâcon et de Dijon. Le comte de Bourgogne mourut dans cette dernière ville en 1027. Son fils Rainaud Ier lui succéda ; il refusa d'abord de reconnaître la suzeraineté de l'empereur de Germanie, Henri III, fils de Conrad. prenant part à la première croisade. On sait que la fin du XIe siècle fut l'un des moments où l'esprit de foi et de piété anima le plus le moyen âge. Pendant que des seigneurs allaient en pèlerinage au tombeau de Jésus-Christ, d'autres enrichissaient les monastères et les comblaient des marques de leur munificence.
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Les départements-(histoire)-Dordogne - 24 -

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres 4c00e658
 
([size=16]Région Aquitaine)

Antérieurement à la division territoriale de 1790, le département actuel de la Dordogne formait l'ancienne province du Périgord. Ce nom lui venait, à travers les modifications apportées par le temps et les variations du langage, des Petrocorii ou Pétrocoriens, tribu gauloise qui habitait la contrée quand les Romains y pénétrèrent.

Ici, comme ailleurs, les documents sur cette première période de notre histoire nationale sont rares et confus. L'origine celtique de ces ancêtres, l'exercice du culte druidique dans le pays, l'influence de ses ministres et l'existence d'une florissante capitale appelée Vesunna sont les principaux faits authentiques, incontestables, qui soient parvenus jusqu'à nous. Malgré le caractère essentiellement belliqueux des Gaulois en général, certains indices tendent à prouver que les Pétrocoriens n'étaient étrangers ni à l'industrie ni au commerce. Les scories qu'on rencontre assez fréquemment sur divers points du département permettent de supposer que les mines de fer, dont le sol est abondamment pourvu, étaient dès lors exploitées et leur produit travaillé dans des forges locales ; une inscription, trouvée sur le tombeau d'un certain Popilius, negotiator artis prosariae, nous révèle que l'art du tissage était connu et pratiqué ; on sait enfin que les Phocéens de Marseille venaient échanger les marchandises du Levant contre des fers, des lins et des étoffes en poil de chèvre.

La domination romaine fut établie dans le Périgord 63 ans avant l'arrivée de Jules César, et sans que cette conquête soit signalée dans l'histoire par aucune lutte sérieuse. C'est seulement après la défaite de Vercingétorix qu'un lieutenant de César est envoyé dans cette province pour y comprimer les élans patriotiques que la lutte héroïque des Arvernes avait réveillés, et à laquelle 5 000 Pétrocoriens avaient pris part. Le pays des Pétrocoriens était alors compris dans la Gaule celtique. Vers la fin du IVe siècle, il fut incorporé dans la seconde Aquitaine.

La révolte de Julius Vindex, dont la famille habitait le Périgord, révolte à laquelle les Pétrocoriens s'associèrent, est le fait capital qui se rattache le plus spécialement aux annales de la contrée. Le gouvernement romain y suivit ses différentes phases sans incidents notables. Dans les premiers temps, respect scrupuleux de la religion, des coutumes et du langage des vaincus ; envahissements successifs du paganisme et de la civilisation romaine pendant le IIe siècle ; apparition du christianisme, apporté, dit-on, dans le Périgord par saint Front, un des disciples du Christ ; dissolution des forces morales et matérielles de l'empire pendant les deux siècles suivants, et enfin au Ve révélation de son impuissance en face des invasions des barbares.

Le Périgord était compris dans les territoires dont les Wisigoths obtinrent l'occupation du faible Honorius.. On sait que ce prétendu accommodement, sur la valeur duquel cherchait à se faire illusion la vanité romaine, cachait une véritable prise de possession. Ce mensonge des mots tomba vite devant la réalité des choses, et l'empire wisigoth fut constitué. Les destinées du Périgord furent liées aux siennes jusqu'à la bataille de Vouillé, qui recula jusqu'aux Pyrénées les limites du royaume des Francs. L'espace était trop vaste, les races trop peu fondues, pour que la France de Clovis pût se constituer d'une façon durable. Ces partages de l'héritage royal, qui amenèrent de si déplorables déchirements, et contre lesquels se soulèvent les raisonnements de la critique moderne, étaient alors une nécessité des temps.

Sous le nom d'Aquitaine, l'empire wisigoth, qui avait ses limites naturelles et une espèce d'unité, cherchait fatalement à se reformer. La création des royaumes de Neustrie et d'Austrasie n'était qu'une satisfaction donnée à ces impérieux instincts ; et quand l'ambition des maires du palais voulut reprendre l'oeuvre de Clovis, la révolte des antipathies de race éclata dans la lutte acharnée que soutinrent les Aquitains pour leurs ducs héréditaires. Cette page de notre histoire appartenant plus spécialement aux annales des deux capitales de l'Aquitaine, Toulouse et Bordeaux, nous nous bornerons ici à en rappeler le souvenir, en constatant que le Périgord fit alors partie intégrante de ce grand-duché et fut mêlé à toutes les vicissitudes qui l'agitèrent.

L'invasion des Sarrasins, dont se compliquèrent les désastres de cette époque, a laissé dans le pays des traces sinistres que le temps n'a pas encore effacées. De nombreuses localités ont gardé des noms qui attestent le passage et la domination de ces farouches étrangers ; telles sont les communes des Sarrazis, de Maurens, de La Maure, de Montmoreau, de Fonmoure, de Mauriac, de Sarrasac et le puits du château de Beynac, désigné encore aujourd'hui sous le nom de puits des Sarrasins. La défaite des infidèles, la reconnaissance des populations et les sympathies du clergé furent les principaux titres qui valurent aux Carlovingiens la couronne de France.

Le héros de cette dynastie, Charlemagne, traversa le Périgord et y laissa des témoignages de son habile administration. Il fonda le prieuré de Trémolat et lui fit présent de la chemise de l'Enfant Jésus ; il dota le monastère de Sarlat d'un morceau de la vraie croix ; il y autorisa, en outre, la translation des reliques de saint Pardoux et de saint Sacerdos ; enfin plusieurs historiens lui attribuent la construction de l'église de Brantôme, gratifiée par lui, entre autres pieux trésors, des restes vénérés de saint Sicaire. Le Périgord fut alors gouverné, comme la plupart de nos provinces, par des comtes qui, dans la pensée de Charlemagne, devaient être des fonctionnaires amovibles, mais qui, sous ses successeurs, se rendirent indépendants et héréditaires.

Le premier fut Widbald ; il administra la contrée de 778 à 838. C'est sous le second de ses successeurs et pendant la durée du règne de Charles le Chauve que l'autorité des comtes se transforma en fief héréditaire. L'apparition des Normands, qui date aussi du milieu du XIe siècle, contribua beaucoup à l'établissement des grandes maisons féodales. C'est comme défenseur du pays que Wulgrin, déjà comte d'Angoulême, s'imposa au Périgord. C'était un vaillant guerrier, qui avait mérité le surnom de Taillefer pour avoir pourfendu d'un seul coup de son épée le casque et la cuirasse d'un chef normand.

Au milieu de l'enfantement de la société féodale, dans le chaos du Moyen Age où la force est le droit, Guillaume Wulgrin est un type assez complet de ces fondateurs de dynastie, rudes figures qui surgissent dans l'histoire bardées de fer, lance au poing et se taillant de petits États dans les dépouilles de la monarchie agonisante. A sa mort, ses deux fils se partagèrent ses domaines ; Guillaume, le cadet, eut le Périgord ; la ligne masculine de cette branche s'éteignit à la seconde génération, en 975, dans la personne d'Arnaud dit Bouratien, dont la soeur et unique héritière épousa le comte de la Marche (Hélie Ier) et apporta le Périgord en dot à son époux. Ce seigneur, souche de la seconde dynastie des comtes de Périgord, prit et laissa à ses descendants le surnom de Talleyrand, qu'illustra pendant quatre siècles cette puissante maison de Périgord. Son indépendance était presque absolue ; elle battait monnaie. C'est un Adalbert de Talleyrand-Périgord qui fit cette réponse devenue fameuse, et dans laquelle se résumait si bien la fierté féodale : « Qui t'a fait comte ? » lui demandait un jour Hugues Capet. « Qui t'a fait roi ? » lui répondit Adalbert. La seule puissance contre laquelle les comtes eussent parfois à lutter était celle des évêques. Ces démêlés se rattachant à l'histoire des villes épiscopales et n'ayant point eu d'ailleurs de sérieuse influence sur les destinées de la province, nous n'avons pas à nous en occuper ici.

Lorsque le mariage de Henri II avec Éléonore de Guyenne plaça le Périgord sous la domination anglaise comme relevant de l'ancien duché d'Aquitaine, les comtes de Périgord s'associèrent à tous les efforts qui furent alors tentés pour arracher le sol français au joug de l'étranger. La fortune ne favorisa point leur honorable résistance ; le pays fut occupé militairement, des garnisons ennemies furent placées dans les forteresses et châteaux, de nouvelles citadelles furent élevées ; mais le patriotisme périgourdin ne se découragea pas, et pendant cette longue et triste période, qui dura depuis Louis le Jeune jusqu'à Charles VII, si trop souvent le pays fut obligé de souffrir le pouvoir de l'Anglais, on peut dire à sa gloire qu'il ne l'accepta jamais.

L'historique des guerres de l'Angleterre et de la France n'entre pas dans le cadre de notre récit ; nous déterminerons seulement par quelques dates l'influence qu'elles exercèrent sur le sort de notre province. Le Périgord, conquis par Henri II Plantagenet, revint à la France en 1224, fut rendu à l'Angleterre en 1258, puis confisqué en 1294 par Philippe le Bel, restitué de nouveau à l'Angleterre en 1303, reconquis par Philippe de Valois, cédé encore une fois par le traité de Brétigny, repris par Charles V, remis sous l'autorité anglaise vers la fin du règne de Charles VI, et enfin acquis définitivement, réuni pour toujours à la couronne de France en 1454.

Dans l'intervalle de ces orages, nous avons à citer un voyage de saint Louis dans le Périgord. Ce prince, avant de partir pour sa seconde croisade, voulut aller s'agenouiller devant le suaire du Christ, précieuse relique sur l'authenticité de laquelle nous nous garderons bien de nous prononcer, conservée dans un monastère de bernardins à Cadouin. Saint Louis traversa le pays, accompagné des seigneurs de sa cour, et, voulant éviter Sarlat, à cause de la mésintelligence qui existait entre l'abbé et les consuls de la ville, il s'arrêta au château de Pelvezis. A la même époque se rattache une certaine extension des franchises municipales, signe précurseur de la chute de la féodalité.

L'état de la France s'était bien modifié sous le coup des dernières crises qu'elle venait de traverser. C'est à la monarchie surtout qu'avait profité cette lutte de deux siècles contre l'étranger, lutte pendant laquelle elle avait si souvent paru près de succomber. L'intelligence de Cette situation nouvelle semble avoir échappé aux comtes de Périgord, qui, se croyant encore au temps des Wulgrin et des Boson, affectaient envers la couronne une indépendance qui n'était plus de saison.

Archambaud V, dit le Vieux, qui vivait dans les dernières années du XIVe siècle, contesta au roi certains droits que la couronne revendiquait sur Périgueux et essaya .de soutenir ses prétentions par les armes ; un premier arrangement arrêta les hostilités ; mais quelque temps après le comte intraitable recommença la guerre. Il fut vaincu ; un arrêt de mort contre le coupable et de confiscation pour le comté avait été rendu ; le roi fit au seigneur rebelle grâce de la vie, ne conserva que Périgueux comme gage de sa victoire et abandonna au fils d'Archambaud tout le reste des domaines paternels.

Mais le fils se montra moins sage encore que son père. Il réclama avec menaces la ville dont il se croyait injustement dépouillé. Cette fois, il n'y eut même plus besoin d'une expédition militaire pour réduire l'incorrigible. Une tentative de rapt sur la fille d'un .bourgeois de Périgueux fit de lui un criminel vulgaire ; on instruisit son procès, et un arrêt du parlement, à la date du 19 juin 1399, le condamna au bannissement et à la confiscation de tous ses biens. En lui s'éteignit la puissance de cette antique famille, qui possédait le Périgord depuis l'an 866, et qui, de Wulgrin à Archambaud VI, comptait une succession de vingt-sept comtes.

Le roi Charles VI donna le comté de Périgord au duc d'Orléans, son oncle. Celui-ci le laissa à Charles, son fils, qui, étant prisonnier en Angleterre, le vendit en 1437 pour seize mille réaux d'or à Jean de Bretagne, comte de Penthièvre. Ce dernier eut pour héritier Guillaume, son frère, qui ne laissa que trois filles. L'aînée épousa Alain, sire d'Albret, dont le fils fut roi de Navarre, et la petite-fille de celui-ci apporta en dot le Périgord, avec ses autres États, à Antoine de Bourbon, qu'elle épousa et qui fut père de Henri IV. Le Périgord faisait donc partie des domaines de ce monarque lorsqu'il monta sur le trône, et il fut alors réuni à la couronne.

L'influence qu'exerçait dans la province la maison d'Albret y facilita les progrès de la réforme religieuse, surtout lorsque la reine Jeanne eut embrassé avec tant d'ardeur la foi nouvelle ; le Périgord devint un des théâtres de l'affreuse guerre qui déchira la patrie à cette époque. Peu de contrées furent éprouvées aussi cruellement. Sanctuaires violés, églises détruites, villes prises d'assaut, partout le sac, le pillage, l'incendie, les massacres, telle est l'oeuvre du fanatisme, tel est le tableau que nous ont laissé les historiens contemporains de cette lamentable période.

La paix eut beaucoup à faire pour cicatriser de pareilles blessures, elle fut, grâce au ciel, rarement troublée pendant les temps qui suivirent ; mais le repos donné par le despotisme ne régénère pas les populations ; l'espèce de sommeil léthargique dans lequel nous voyons le Périgord s'endormir de Henri IV à Louis XV, le silence qui se fait autour de la province pendant la durée de deux siècles ne sont point des indices de prospérité ; le salut devait venir d'ailleurs. Quelque indispensables, cependant, que fussent devenues des réformes réclamées par la monarchie elle-même, ce n'est pas sans une sorte de protestation qu'elles se firent jour sur ce vieux sol de la féodalité. Le Périgord avait do longue date ses états particuliers ou provinciaux ; c'était le sénéchal qui les convoquait en vertu de lettres patentes ; le comte et plus tard le gouverneur y occupaient le premier rang ; les quatre barons du Périgord, qui avaient le privilège de porter le nouvel évêque de Périgueux à son entrée dans la ville, Bourdeilles, Beynac Biron et Mareuil, prenaient place après l'ordre du clergé les maires et consuls marchaient à la tête du tiers état.

Lors de la convocation des derniers états, en mars 1788, M. de Flamarens, évêque de Périgueux, refusa de prêter le serment exigé, et le clergé fut obligé de se nommer un autre président. Cette inoffensive boutade n'entrava pas la marche des événements, et lorsque éclata la Révolution, le Périgord fut l'un des premiers à y adhérer. Il envoya à la Convention nationale les représentants du peuple Romme et Lakanal, mais, si les agitations politiques le troublèrent un moment, il dut à sa position, loin des frontières, d'être préservé des invasions que les fatales années de 1814, dé 1815, de 1870 et de 1871 déchaînèrent sur la France. Aussi ce département n'a-t-il cessé, depuis, de prospérer.
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Les départements-(histoire)- La Creuse - 23 -

Les départements-(histoire)- Vendée - 85 -Vaucluse - 84 - Var - 83 -+ autres B5e791c9
 
[size=16](Région Limousin)

Le département de la Creuse, formé d'une grande partie de l'ancienne province de la Marche et de quelques petits pays du Limousin, du Berry et de l'Auvergne, dépendait, avant la conquête romaine, du pays des Lemovices, et il dut à sa position sur les frontières du pays occupé par ce peuple le nom de Marchia Lemovicina. Plus lard, la Marche s'agrandit du pays de Combraille (pays des Cambiovicenses, Combraliae pagus). Elle fit partie de l'Aquitaine première, et passa sous la domination des Wisigoths, lorsqu'ils fondèrent le royaume de Toulouse (419). Elle suivit la fortune du Limousin et reconnut l'autorité des Francs après la victoire de Clovis à Vouillé (507).

En 571, les habitants furent, comme ceux de l'Auvergne, décimés par une horrible contagion dont Grégoire de Tours signal e les ravages. Desiderius, duc de Toulouse, et Bladaste, duc de Bordeaux, dans leur expédition contre le Berry, suivirent la grande voie romaine qui conduisait de Limoges à Bourges. Ils traversèrent la Marche et s'arrêtèrent peut-être dans les murs d'Ahun (583). Pendant la lutte de Pépin contre l'Aquitaine, Remistan ravagea toute la contrée et s'avança jusque dans le bas Berry, en 767.

Dans le démembrement de l'empire carlovingien, la Marche, à l'exemple de toutes les provinces de France, se morcela en un grand nombre de seigneuries. Elle ne put échapper aux ravages des Sarrasins et des Normands. En 846, ils dévastèrent le Limousin et s'avancèrent jusqu'aux limites du Berry et de l'Auvergne. En 930, ils reparurent ; mais, cette fois, ils furent battus et repoussés par le roi Raoul. Les Hongrois vinrent achever la ruine des provinces françaises. Ils pénétrèrent, en 937, jusqu'aux frontières de la Marche, et revinrent, en 951, désoler toute l'Aquitaine.

La France n'avait plus de gouvernement, plus d'armée ; elle était tombée dans la plus désastreuse anarchie. C'est au milieu de cette société en dissolution et dans l'effort tenté pour la reconstituer sous la forme féodale que se fonda, vers 968, le comté de la Marche. Les grands fiefs étaient autant de souverainetés indépendantes, et leurs possesseurs reconnaissaient à peine la suprématie nominale du roi. C'est ainsi que, malgré les menaces de Hugues Capet, Adalbert Talleyrand, comte de la Marche et de Périgord, s'allie avec Foulques Nerra, duc d'Anjou, contre Conan, comte de Rennes.

Tandis que Foulques s'empare de Nantes, Adalbert assiège la ville de Tours. Le roi marche au secours de cette place (992) . Il somme son vassal de se retirer. « Qui t'a fait comte ? » lui dit-il. Adalbert répond : « Qui t'a fait roi ? » Ce mot célèbre du comte de la Marche caractérise bien la politique féodale au Xe siècle. L'autorité royale baissa encore sous les successeurs de Hugues Capet. Un moment resserrée dans Paris par la féodalité, elle ne fut presque plus qu'une ombre. On trouve, en effet, en 1095, avant les croisades, plus de quatre-vingts grands fiefs qui avaient des souverains héréditaires et une véritable indépendance.

C'étaient quatre-vingts rois qu'il y avait en France, et parmi eux on compte plusieurs des anciens vassaux du duc de France qui ne lui obéissaient plus. Philippe Ier ne possédait réellement que les comtés de Paris, d'Étampes, de Melun, d'Orléans, de Dreux et de Sens, et, en montrant à son fils le château du seigneur de Montlhéry aux portes de Paris, il lui disait : « Beau fils Louis, garde bien cette tour qui tant de fois m'a travaillé, et en qui combattre et assaillir je me suis presque tout enseveli, et par la déloyauté de laquelle je ne puis avoir bonne paix ni bonne sûreté ; en tout le royaume n'étoient maux faits ni trahisons sans leur assent et sans leur aide, et si grande confusion étoit entre ceux de Paris et ceux d'Orléans que l'on ne pouvoit aller en terre de l'autre pour marchandise ni pour autre chose sans la volonté à ces traîtres, si ce n'étoit de grandes forces de gens » (Chroniques de Saint-Denys).

Au XIe siècle, l'ombre même d'un gouvernement central, d'une nation générale semble avoir disparu. « Comment se fait-il, dit M. Guizot, que la civilisation et l'histoire vraiment française commencent précisément au moment où il est presque impossible de découvrir une France ? C'est que, dans la vie du peuple, l'unité extérieure, visible, l'unité de nom et de gouvernement, bien qu'importante, n'est pas la première, la plus réelle, celle qui constitue vraiment une nation. Il y a une unité plus profonde, plus puissante : c'est celle qui résulte, non pas de l'identité de gouvernement et de destinée, mais de la similitude des éléments sociaux, de la similitude des institutions, des moeurs, des idées, des sentiments, des langues ; l'unité qui réside dans les hommes mêmes que la société réunit, et non dans les formes de leur rapprochement ; l'unité morale enfin, très supérieure à l'unité, politique et qui peut seule la fonder solidement. A la fin du Xe siècle et au commencement du XIe, il n'y a point d'unité politique pareille à celle de Charlemagne ; mais les races commencent à s'amalgamer ; la diversité des lois, selon l'origine, n'est plus le principe de toute la législation. Les situations sociales ont acquis quelque fixité ; des institutions, non pas les mêmes, mais partout analogues, les institutions féodales ont prévalu, ou à peu près, sur tout le territoire. Au lieu de la diversité radicale, impérissable, de la langue latine et des langues germaniques, deux langues commencent à se former, la langue romane du Midi et la langue romane du Nord, différentes sans doute, cependant de même origine, de même caractère, et destinées à s'amalgamer un jour. Dans l'âme des hommes, dans leur existence morale, la diversité commence aussi à s'effacer.

« Le Germain est moins adonné à ses traditions, à ses habitudes germaniques ; il se détache peu à peu de son passé pour appartenir à sa situation présente. Il en arrive autant du Romain ; il se souvient moins de l'ancien. empire et de sa chute, et des sentiments qui en naissaient pour lui. Sur les vainqueurs et sur les vaincus, les faits nouveaux, actuels, qui leur sont communs, exercent chaque jour plus d'empire. En un mot, l'unité politique est à peu près nulle, la diversité réelle encore très grande ; cependant il y a au fond plus d'unité véritable qu'il n'y en a eu depuis cinq siècles. On commence à entrevoir les éléments d'une nation ; et la preuve c'est que, depuis cette époque, la tendance de tous ces éléments sociaux à se rapprocher, à s'assimiler, à se former en grandes masses, c'est-à-dire la tendance vers l'unité nationale, et par là vers l'unité politique, devient le caractère dominant de l'histoire de la civilisation française. »

Dès le règne de Philippe le Gros commence, contre la féodalité, la guerre qui, par l'alliance de la royauté et des communes, doit aboutir au triomphe du principe moderne de la centralisation. Le fils de Philippe Ier ne reste pas, comme son père, emprisonné dans le domaine des ducs de France. Il cherche à étendre au loin son influence et son action. En 1121, nous le voyons s'avancer jusqu'aux confins de la Marche et diriger une expédition contre le comte d'Auvergne. Cinq ans plus tard, il intervient de nouveau en faveur de l'évêque de Clermont et force le comte à se soumettre au jugement -de la cour du roi (1126). Le comté de la Marche passa, vers ce temps, à la famille des Montgomery, dont un des membres, Adalbert IV, partant pour la terre sainte en 1177, vendit son domaine, pour cinq mille mires d'argent. à Henri II, roi d'Angleterre. Cette vente fut annulée sur la demande des seigneurs de Lusignan, qui, depuis longtemps, avaient des prétentions sur la Marche. Henri Il rendit ce comté à Hugues de Lusignan.

Vers la fin du XIe siècle, des bandes de routiers se levèrent dans le Berry et mirent toute la contrée au pillage. Ils prenaient le nom de Cottereaux. Les seigneurs des pays voisins, de la Marche, de l'Auvergne, formèrent contre eux l'association des Capuchons, et les taillèrent en pièces dans plusieurs rencontres (1184). Pendant les guerres de Philippe-Auguste et de Jean sans Terre, le comté de la Marche, situé à la limite des possessions anglaises et françaises, se trouva exposé aux ravages des gens d'armes.

Le comte Hugues le Brun suivit le parti du roi de France. Il était animé contre le roi d'Angleterre par des griefs personnels. Jean lui avait enlevé quelques châteaux et sa fiancée, fille du comte d'Angoulême (1201). En 1206, les deux rois signèrent une trêve de deux ans ; Hugues le Brun fut un des garants de Philippe-Auguste (Chroniques de Rigord). Philippe, poursuivant l'oeuvre de Louis le Gros et prenant au sérieux son titre de roi, était pour les grands vassaux un maître incommode. Hugues de Lusignan ne lui resta pas longtemps fidèle. Il se ligua en 1213 avec Jean sans Terre, son ancien ennemi. Mais la paix fut bientôt rétablie. On nomma des arbitres pour les infractions commises dans le Berry, l'Auvergne, le comté de la Marche et le Limousin ; ils se réunirent entre Aigurande et Cuzon, châteaux du comté de la Marche.

Pendant la minorité de Louis IX, la maison de Lusignan s'associa à la réaction féodale tentée contre la régente, Blanche de Castille. Le comte de la Marche prit les armes comme le duc de Bretagne et le comte de Champagne ; mais, comme eux, il fut obligé de se soumettre (1227). Ses successeurs régnèrent sans éclat jusqu'à la fin du XIIIe siècle. En 1308, Gui de Lusignan, mourant sans enfants, légua le comté de la Marche à Philippe le Bel.

Le territoire qui forme aujourd'hui le département de la Creuse fut alors presque tout entier réuni au domaine royal, sauf la terre de Combraille, qui appartenait à la maison d'Auvergne. Le comté de la Marche fut érigé en pairie par lettres patentes données à Paris, au mois de mars 1316, en faveur de Charles de France, comte de la Marche. Charles succéda à son frère Philippe le Long (1322), et ainsi cette pairie fut éteinte. Mais, comme le même roi donna le comté de la Marche à Louis de Bourbon en échange du comté de Clermont en Beauvoisis, il fut érigé de nouveau en pairie par lettres patentes du mois de décembre 1327.

Il passa dans la maison d'Armagnac par le mariage d'Éléonore, fille de Jacques de Bourbon, avec Bernard d'Armagnac, comte de Pardiac et de Castres. Leur fils, Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, comte de la Marche, de Pardiac, de Castres et de Beaufort, vi-comte de Murat, seigneur de Leuze, de Condé et de Montagne-en-Combraille, fut l'ennemi et la victime de Louis XI. Il périt par la main du bourreau (août 1477). Le roi confisqua ses biens, et donna le comté de la Marche à Pierre II de Bourbon, sire de Beaujeu, qui avait épousé Anne de France. Suzanne de Bourbon, leur fille, porta ce domaine en dot au connétable Charles de Bourbon. Celui-ci était déjà comte de Montpensier et dauphin d'Auvergne, duc de Bourbon, d'Auvergne et de Châtellerault, comte de Clermont en Beauvoisis, de Forez, de Gien vicomte de Carlat et de murat, seigneur de Beaujolais, de Combraille, de Mercoeur, d'Annonay, de La Roche-en-Régnier et de Bourbon-Lancy.

La trahison du connétable anéantit cette puissance redoutable de la maison de Bourbon. Ses biens furent confisqués en 1523. Le comté de la Marche passa à Louise de Savoie, mère de François Ier ; après la mort de cette princesse, il rentra dans le domaine de la couronne. François Ier le donna, par lettres du 12 juin 1540, à son troisième fils, Charles de France, pour le tenir en pairie ; mais ce prince mourut le 9 septembre 1545. Depuis lors, la Marche ne fut plus détachée de l'unité nationale. La féodalité s'était transformée en noblesse. Au XVIIIe siècle, le comté de la Marche fut le titre des fils aînés des princes de Conti.

L'histoire de la province n'est pas riche en détails intéressants. Durant les désastres de la guerre de Cent ans, les villes et les seigneurs ne trahirent pas la cause de la France. Le sire de Boussac, chambellan de Charles VII, le servit jusqu'au crime. Lorsque la guerre civile vint se mêler à la guerre étrangère, et que le dauphin souleva la Praguerie, Charles VII traversa la Marche en poursuivant son fils rebelle (1440). On a retrouvé au British Museum (m. 11, 542) des lettres royales du 4 décembre 1545, par lesquelles sont institués, dans la sénéchaussée de la Marche, cinq commissaires, à l'effet de percevoir, d'après un nouveau mode, un aide pour la solde des gens d'armes. Ce sont « nos amis et féaulx conseillers et chambellans, le sire de Culant, maître Jehau Tudert, maistre des requêtes ordinaires de notre hôtel, les sénéchal et chancelier de la Marche, et Pyon de Bar, notre valet de chambre. » 

Il existe au cabinet des titres de la Bibliothèque nationale des quittances de ce Pyon de Bar. Le 1er décembre 1445, il avait reçu de Jacques de la Ville la somme de 100 livres à titre de commissaire ordonné pour asseoir au comté de la Marche la portion à l'aide de 300 000 francs, mis sus par le roi sur les pays de Languedoc au mois de janvier précédent. « Vous mandons et commettons que les gens d'armes qui sont du pays et ressort de la comté de la Marche soient dorénavant payés, selon l'ordonnance que nous avons de présent faite, à commencer le premier jour de janvier prochain venant. C'est assavoir : en argent 21 livres tournois par lance fournie de six personnes et six chevaux ; plus pour 10 livres tournois en nature. Et voulons toutes manières de gens être à ce contribuables, excepté gens d'Église, nobles vivant noblement, et autres qui, par nos dernières ordonnances, en étoient exemptés. » (Lettres du 3 août 1445, Ordonn. des rois de France, tome XIII, page 442 et pass.) « Et avec ce... mettez sus, audit pays et ressort de la Marche, avec les frais raisonnables ci-après déclarés, et outre le fait et payement desdits gens d'armes, la somme de 5 000 livres tournois, 500 livres tournois pour les frais. Laquelle somme est pour et au lieu de l'aide de 200 000 livres tournois que de nécessité étions contraint mettre sus en notre pays comme l'année passée. Mais, considéré la pauvreté de notredit peuple et la charge qu'ils ont desdits gens d'armes, nous avons modéré ledit, pays, pour sa portion dudit aide, à ladite somme de 5,000 livres tournois, et 500 livres tournois pour les frais. » (Biblioth. de l'école des Chartes, déc. 1846.)

Sous Louis XI, les états de la haute et basse Marche demandèrent à se réunir pour une imposition commune, et le roi les y autorisa (1478). Les états de cette province cessèrent de s'assembler au XVIIe siècle, après la victoire de Mazarin sur la Fronde et le triomphe de l'absolutisme. En 1531, la province fut affligée par les inondations et par la famine. La Creuse et la Gartempe débordèrent. « Estoit en ladite saison grand'cherté de blés et de vins ; car le setier de froment se vendoit 50 sols, le setier de seigle 40 sols et plus, etc. » C'est l'année où le comté de la Marche fut réuni à la couronne. Bientôt après se tinrent à Poitiers les Grands-Jours, « qui jugèrent deux cents causes en deux mois et condamnèrent un grand nombre de gentilshommes d'Anjou, Touraine, Maine, Aunis, Angoumois et Marche. »

En 1553, « les droits que les habitants prennent sur le sel furent vendus par le roi Henri II aux habitants du pays de Poitou, Saintonge, ville et -gouvernement de La Rochelle, Angoulême haut et bas Limousin, haute et basse Marche, qu'on appelle à cause de cela pays de franc-salé. » Sous le règne de Henri III, la Réforme pénétra dans la Marche, mais elle n'y fit pas de progrès. Pendant les guerres religieuses, « le sieur de Saint Marc était commandant pour l'Union au pays de la Marche. » (Palma Cayet.) Il périt en allant au secours de Randan, chef des ligueurs en Auvergne (1590). Les paysans de la Marche prirent part à la révolte des Croquants, en 1594.

Aux états de 1484 avaient paru les députés du comté de la Marche. Il n'en vint aucun à ceux de 1593. En 1614, la sénéchaussée de la haute Marche envoya aux états généraux Georges de La Roche-Aymon, sieur de Saint-Maixent ; Gabriel, sieur de Malité, et Jean Vallenet, lieutenant particulier à Guéret.

Les Grands-Jours, tenus à Limoges en 1605, n'avaient pas plus épargné les nobles brigands de la Marche que ceux du Limousin ; mais l'esprit féodal n'était pas encore détruit dans ces provinces presque sauvages. La royauté devait longtemps encore y rencontrer des ennemis. « Le 17 mars 1617, dit le Mercure françois le prince de Joinville partit de Paris pour aller en son gouvernement d'Auvergne, y lever des troupes et avoir l'œil sur les pratiques qui se faisoient au pays de la Marche, bas Limousin et provinces voisines, par M. de Bouillon, qui sollicitoit une assemblée générale de ceux de la religion réformée pour les exciter à se soulever et prendre les armes. » Vingt ans après reparaissent les Croquants. « On dit qu'en Limousin, la Marche, l'Auvergne et le Poitou, sont élevées plusieurs troupes de gens, sous le nom de Croquants, lesquels font une guerre aux partisans, et qu'on parle en deçà d'envoyer vers eux pour les apaiser. » (Lettre de Gui Patin, 26 mai 1637.)

Au commencement de la guerre de la Fronde, le marquis d'Effiat était gouverneur de la haute et basse Marche (1649). Aubusson et Guéret figurent dans la liste générale des villes où furent envoyées, le 2 août 1652, les lettres circulaires de la ville de Paris invoquant l'appui des autres cités du royaume. Aubusson et Guéret ne répondirent pas. La Marche était alors un pays perdu au milieu de la France. Qu'on en juge par les impressions de voyage du célèbre comte de Forbin, qui la traversa en 1684. « Comme le service du roi ne demandoit pas ma présence à Rochefort, car la saison étoit déjà fort avancée, mon oncle me conseilla d'aller en Provence, pour régler quelques affaires que j'y avois ; il m'ordonna en même temps de passer par Lyon et de parler à un homme qui lui devoit quelque argent. La route que j'avois à suivre étoit par le Périgord, le Limousin et l'Auvergne. La quantité de neige dont le pays étoit couvert le rendoit impraticable à un homme qui n'en avoit d'ailleurs aucune connoissance. Pour obvier à cet iriconvénient, je me joignis aux muletiers qui partent deux fois la semaine de Limoges pour Clermont. Leur marche étoit si lente et si ennuyeuse que je me trouvois bien malheureux d'être obligé de m'y conformer. Après les avoir ainsi suivis pendant quatre jours, nous arrivâmes à un cabaret en rase campagne. J'étois auprès du feu à causer avec l'hôtesse, lorsque je vis entrer six hommes qui ressembloient bien mieux à des bandits qu'à toute autre chose. Je demandai quels hommes c'étoient : Ce sont, me répondit la maîtresse du logis, des marchands de Saint-Étienne en Forez, qui reviennent de la foire de Bordeaux ; nous les voyons repasser ici toutes les années. Ravi de cette nouvelle, je leur fis civilité ; nous soupâmes ensemble et je m'associai avec eux pour tout le reste du voyage. Il tomba dans la nuit une si grande quantité de neige que les chemins en furent entièrement couverts. Mais ces marchands les avoient si fort pratiqués que, se conduisant d'un arbre à l'autre, ils ne s'égarèrent jamais. Comme nous marchions, un geai vint se percher devant nous à la portée d'un fusil. Un de mes compagnons de voyage qui avoit un bâton, ou quelque chose qui paroissait tel, fit arrêter la troupe ; et ayant ajouté à ce prétendu bâton quelques ressorts qu'il renfermoit sans qu'il y parût, il en fit un fusil complet, tira sur l'oiseau et le tua... Nous devions nous séparer à Thiers, etc. » (Mémoires du comte de Forbin, p. 302.)

Dans cette contrée presque sauvage, une seule ville, par son industrie et son commerce, méritait d'arrêter l'attention du voyageur. Aubusson comptait environ 12,000 habitants, presque le double de sa population actuelle. La fabrication de ses tapis, déjà célèbres, occupait un très grand nombre (Louvriers. La plupart étaient protestants. La révocation de l'édit de Nantes (1685) les força de s'expatrier. ils émigrèrent en Suisse et en Allemagne.

Ainsi la Marche subit, comme les provinces de l'Ouest, les effets désastreux de l'intolérance. Colbert n'était plus ; Louvois dominait dans les conseils de Louis XIV ; et le travail national, un moment ranimé sous l'administration d'un homme d'État qui comprenait les vrais intérêts de la France, allait être sacrifié désormais aux fantaisies de l'ambition et de l'orgueil. La France n'a guère traversé de périodes plus douloureuses que la fin du règne de Louis le Grand. Elle perdit même, pendant la guerre de la succession d'Espagne, les consolations de la gloire ; et, la fortune épuisant contre nous toutes ses rigueurs, le froid et la famine se coalisant avec l'Europe, la nation expia cruellement les prétentions de son maître à la monarchie universelle. La Marche ne put échapper aux adversités de la patrie ; mais, du moins, grâce à sa position centrale, elle ne fut pas atteinte par le fléau de l'invasion. Grâce au caractère de ses habitants, elle évita les maux de la guerre civile ; les fils des Croquants ne suivirent point l'exemple des Camisards.

La haute Marche faisait partie, ainsi que le pays de Combraille, de la généralité de Moulins, mais elle n'en partageait point toutes les charges ; plus heureuse que le Bourbonnais et le Nivernais, provinces de grandes gabelles, elle était comprise dans le pays rédimé de l'impôt du sel. Le pays rédimé ne payait qu'un droit modique perçu sous les noms de convoi, de traite, de charente, etc., sur tous les sels extraits des marais salants pour l'approvisionnement des habitants. « Le commerce du sel étant libre dans cette partie de la France, on ne petit pas, dit Necker, en connaître la consommation avec autant de certitude que dans les parties du royaume où le privilège exclusif du débit est entre les mains du roi. Il y a lieu de l'évaluer à environ 830 000 quintaux ; et cette quantité, rapportée à une population de 4 025 000 âmes, ferait environ dix-huit livres pesant par tête d'habitant de tout sexe et de tout âge. La valeur courante varie depuis six jusqu'à dix et douze francs. »

Necker les portait, pour les provinces de grandes gabelles, à 62 livres par quintal ; pour celles de petites gabelles, à 33 livres 10 sous. La Marche, voisine du Berry et du Bourbonnais, leur fournissait en contrebande des quantités considérables de sel, et ses faux sauniers faisaient une rude guerre aux gens du roi. Enfin, la Révolution de 1789 abolit les douanes intérieures et répartit également les charges publiques entre tous les départements de la France. Les contrebandiers, abandonnant les provinces du centre, durent renoncer à leur commerce ou changer le théâtre de leurs exploits. Ils n'avaient plus rien à faire dans la Marche.

Pendant la période révolutionnaire, le département de la Creuse n'eut pas à souffrir des tourmentes politiques. La Terreur n'y fit point couler le sang. Les nobles, peu nombreux, émigrèrent ou se soumirent ; la vente des biens du clergé eut lieu sans scandales et sans bruit, et la guerre civile ne trouva point d'armée sur cette terre qui ne porte point le fanatisme. La Creuse ne fournit de soldats que pour combattre les ennemis de la France. Ses volontaires servirent avec honneur sous les drapeaux de la République. Un de leurs bataillons (Joullieton atteste ce fait dans son Histoire de la Marche) reconnut les petits-fils des proscrits de 1685 dans un village des bords du Rhin où s'était conservé le patois marchais.
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