Les fleurs.
Que j'aime à vous voir, belles fleurs,
A l'aube entr'ouvrir vos corolles
Quand Iris vous fait de ses pleurs
De transparentes auréoles
Vous savez seules dans nos cœurs
Evoquer une tendre image
Et par vos suaves couleurs
Vous nous parlez un doux langage
Aussi messagères d'amour
Je vous demande avec tristesse
Pourquoi le sort en un seul jour
Vous arrache à notre tendresse.
J. P. Contamine de Latour
La messagère.
La [size=16]fleur, exquise messagère,
En son petit cœur rose ou bleu
Qu’embaume une senteur légère,
Enferme l’infini d’un vœu.
Frissonnante dans sa corolle,
La fleur, ce vivant billet doux,
Exhale en parfum la parole
Dite, en tremblant, du fond de nous...
Parfois, sous le poids chaud d’une âme,
Meurtrie, elle se penche et meurt…
Il faut être poète ou femme
Pour ne pas accabler la fleur.
Seule, une phrase délicate
Brûle en elle comme un encens;
Mais son âme fragile éclate
Sous le fardeau des mots pesants.
Pour épargner sa grâce fine,
Confions-lui le rêve aimé
Dont l’émoi subtil se devine,
En un soupir, sans l’exprimer...
Albert Lozeau[/size]
[size=24]Poème sur les Colombes
[/size]
Les colombes.
Sur le coteau, là-bas où sont les tombes,
Un beau palmier, comme un panache vert,
Dresse sa tête, où le soir les colombes
Viennent nicher et se mettre à couvert.
Mais le matin elles quittent les branches ;
Comme un collier qui s’égrène, on les voit
S’éparpiller dans l’air bleu, toutes blanches,
Et se poser plus loin sur quelque toit.
Mon âme est l’arbre où tous les soirs, comme elles,
De blancs essaims de folles visions
Tombent des cieux en palpitant des ailes,
Pour s’envoler dès les premiers rayons.
Théophile Gautier.
La [size=16]mer.[/size]
Loin des grands rochers noirs que baise la marée,
La [size=16]mer calme, la mer au murmure endormeur,
Au large, tout là-bas, lente s’est retirée,
Et son sanglot d’amour dans l’air du soir se meurt.[/size]
La [size=16]mer fauve, la mer vierge, la mer sauvage,
Au profond de son lit de nacre inviolé
Redescend, pour dormir, loin, bien loin du rivage,
Sous le seul regard pur du doux ciel étoilé.[/size]
La [size=16]mer aime le ciel : c’est pour mieux lui redire,
À l’écart, en secret, son immense tourment,
Que la fauve amoureuse, au large se retire,
Dans son lit de corail, d’ambre et de diamant.[/size]
Et la brise n’apporte à la terre jalouse,
Qu’un souffle chuchoteur, vague, délicieux :
L’âme des océans frémit comme une épouse
Sous le chaste baiser des impassibles cieux.
Nérée Beauchemin.
[size]
Poème pour les oiseaux
[/size]
L'oiseau.
Mais lors voici qu’un oiseau chante,
Dans une pauvre cage en bois,
Mais lors voici qu’un oiseau chante
Sur une ville et tous ses toits,
Et qu’il dit qu’on le voit le monde
Et sur la mer la pluie tomber,
Et des voiles s’en aller rondes,
Sur l’eau si loin qu’on peut aller.
Puis voix dans l’air plus haut montée,
Alors voici que l’oiseau dit
Que tout l’hiver s’en est allé
Et qu’on voit l’herbe qui verdit,
Et sur les chemins la poussière
Déjà, et les bêtes aussi,
Et toits fumant dans la lumière
Que l’on dirait qu’il est midi,
Et puis encore sa voix montée,
Que l’air est d’or et resplendit,
Et puis le bleu du ciel touché
Qu’il est ouvert le paradis.
Max Elskamp.
[size]
Poème pour Chien
[/size]
[size=16]Le petit chien.[/size]
[size=16]Je suis un petit chien
Mais j’ai déjà quinze ans.
Si je présente bien,
Mon âge, je le sens.
Mon cœur est fatigué,
J’ai des douleurs partout,
Ma vue a bien baissé,
Je n’entends plus du tout.
J’aimais bien la montagne
Quand j’étais casse cou.
Le vertige me gagne,
Je fatigue beaucoup.
Je vais plus doucement
Et je marche très peu.
Je dors bien plus longtemps,
J’ai caché tous mes jeux.
Quand une chienne passe,
Je redeviens fringant,
Je fais preuve d’audace,
Je me sens élégant.
Mais dès qu’elle est partie,
Je retrouve mon âge
Et mon dos s’arrondit :
Ce n’était qu’un mirage.
Mes maîtres m’aiment autant
Que quand j’étais petit.
Ils me disent souvent
Que j’ai changé leur vie.
La mienne aura été
Faite de grandes joies,
J’aurai été choyé,
J’aurai été un roi.
Quand il faudra partir,
Je ne gémirai pas.
Je voudrais m’endormir
Blotti entre leurs bras.
Madeleine Reynaud[/size]
Le château de L'espérance.
Ta pâle chevelure ondoie
Parmi les parfums de ta peau
Comme folâtre un blanc drapeau
Dont la soie au soleil blondoie.
Las de battre dans les sanglots
L’air d’un tambour que l’eau défonce,
Mon coeur à son passé renonce
Et, déroulant ta tresse en flots,
Marche à l’assaut, monte, ou roule ivre
Par des marais de sang, afin
De planter ce drapeau d’or fin
Sur ce sombre château de cuivre
Où, larmoyant de nonchaloir,
L’Espérance rebrousse et lisse
Sans qu’un astre pâle jaillisse
La Nuit noire comme un chat noir.
Stéphane Mallarmé.
Couleurs.
Au-dessus de Paris
la lune est violette.
Elle devient jaune
Dans les villes mortes.
Il y a une lune verte
Dans toutes les légendes.
Lune de toile d’araignée
Et de verrière brisée,
Et par-dessus les déserts
Elle est profonde et sanglante.
Mais la lune blanche,
la seule vraie lune,
Brille sur les calmes
Cimetières de villages.
Federico Garcia Lorca,
Chansons sous la lune
Ninnenne blog de partage