marileine moderateur
Messages : 27475 Date d'inscription : 08/03/2012 Localisation : belgique
| Sujet: Poème de La Fontaine Lun 28 Avr - 12:49 | |
| L’Aigle avait ses petits au haut d’un arbre creux. La Laie au pied, la Chatte entre les deux ; Et sans s’incommoder, moyennant ce partage, Mères et nourrissons faisaient leur tripotage. La Chatte détruisit par sa fourbe l’accord. Elle grimpa chez l’Aigle, et lui dit : Notre mort (Au moins de nos [size=18]enfants, car c’est tout un aux mères) Ne tardera possible guères. Voyez-vous à nos pieds fouir incessamment Cette maudite Laie, et creuser une mine ? C’est pour déraciner le chêne assurément, Et de nos nourrissons attirer la ruine. L’arbre tombant, ils seront dévorés : Qu’ils s’en tiennent pour assurés. S’il m’en restait un seul, j’adoucirais ma plainte. Au partir de ce lieu, qu’elle remplit de crainte, La perfide descend tout droit A l’endroit Où la Laie était en gésine. Ma bonne amie et ma voisine, Lui dit-elle tout bas, je vous donne un avis. L’aigle, si vous sortez, fondra sur vos petits : Obligez-moi de n’en rien dire : Son courroux tomberait sur moi. Dans cette autre famille ayant semé l’effroi, La Chatte en son trou se retire. L’Aigle n’ose sortir, ni pourvoir aux besoins De ses petits ; la Laie encore moins : Sottes de ne pas voir que le plus grand des soins, Ce doit être celui d’éviter la famine. A demeurer chez soi l’une et l’autre s’obstine Pour secourir les siens dedans l’occasion : L’Oiseau Royal, en cas de mine, La Laie, en cas d’irruption. La faim détruisit tout : il ne resta personne De la gent Marcassine et de la gent Aiglonne, Qui n’allât de vie à trépas : Grand renfort pour Messieurs les Chats. Que ne sait point ourdir une langue traîtresse Par sa pernicieuse adresse ? Des malheurs qui sont sortis De la boîte de Pandore, Celui qu’à meilleur droit tout l’Univers abhorre,[/size] C’est la fourbe, à mon avis Compère le Renard se mit un jour en frais, et retint à dîner commère la Cigogne. Le régal fût petit et sans beaucoup d’apprêts : Le galant pour toute besogne, Avait un brouet clair ; il vivait chichement. Ce brouet fut par lui servi sur une assiette : La Cigogne au long bec n’en put attraper miette ; Et le drôle eut lapé le tout en un moment. Pour se venger de cette tromperie, A quelque temps de là, la Cigogne le prie. « Volontiers, lui dit-il ; car avec mes amis Je ne fais point cérémonie. » A l’heure dite, il courut au logis De la Cigogne son hôtesse ; Loua très fort la politesse ; Trouva le dîner cuit à point : Bon appétit surtout ; Renards n’en manquent point. Il se réjouissait à l’odeur de la viande Mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande. On servit, pour l’embarrasser, En un vase à long col et d’étroite embouchure. Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer ; Mais le museau du sire était d’autre mesure. Il lui fallut à jeun retourner au logis, Honteux comme un Renard qu’une Poule aurait pris, Serrant la queue, et portant bas l’oreille. Trompeurs, c’est pour vous que j’écris : Attendez-vous à la pareille. La Cigale, ayant chanté Tout l’été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue : Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu’à la saison nouvelle. « Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l’Oût, foi d’animal, Intérêt et principal. » La Fourmi n’est pas prêteuse : C’est là son moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. - [size=18]Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez ? j’en suis fort aise.[/size] Eh bien! dansez maintenant. Ninnenne
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marileine moderateur
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| Sujet: Re: Poème de La Fontaine Mar 29 Avr - 14:30 | |
| Poème de La fontaine (suite) Le Renard, le Loup, et le Cheval Un renard, jeune encor, quoique des plus madrés, Vit le premier Cheval qu'il eût vu de sa vie. Il dit à certain Loup, franc novice : Accourez Un animal paît dans nos prés, Beau, grand ; j'en ai la vue encor toute ravie. Est-il plus fort que nous ? dit le Loup en riant. Fais-moi son Portrait, je te prie. Si j'étais quelque Peintre ou quelque Etudiant, Repartit le Renard, j'avancerais la joie Que vous aurez en le voyant. Mais venez. Que sait-on ? peut-être est-ce une proie Que la Fortune nous envoie. Ils vont ; et le cheval, qu'à l'herbe on avait mis, Assez peu curieux de semblables amis, Fut presque sur le point d'enfiler la venelle. Seigneur, dit le Renard, vos humbles serviteurs Apprendraient volontiers comment on vous appelle. Le Cheval, qui n'était dépourvu de cervelle, Leur dit : Lisez mon nom, vous le pouvez, Messieurs : Mon Cordonnier l'a mis autour de ma semelle. Le Renard s'excusa sur son peu de savoir. Mes parents, reprit-il, ne m'ont point fait instruire ; Ils sont pauvres et n'ont qu'un trou pour tout avoir. Ceux du Loup, gros Messieurs, l'ont fait apprendre à lire. Le Loup, par ce discours flatté, S'approcha ; mais sa vanité Lui coûta quatre dents : le Cheval lui desserre Un coup ; et haut le pied. Voilà mon Loup par terre Mal en point, sanglant et gâté. Frère, dit le Renard, ceci nous justifie Ce que m'ont dit des gens d'esprit : Cet animal vous a sur la mâchoire écrit Que de tout inconnu le Sage se méfie.
Jean de La Fontaine.
Ninnenne
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