LA LEGENDE DE LA ROSE ROUGE
[size=18]Il n’y a pas de si belle rose qui ne devienne gratte-cul[/size]
Il n’y a pas de si beau visage qui n’enlaidisse
Semblable à la rose, la plus belle des fleurs, dont la fraîcheur est passagère, la beauté perd son plus vif incarnat, et le temps, ce destructeur cruel, efface ses appâts, y substitue les rides et la pâleur.
On nomme gratte-cul le fruit de l’églantier, et le bouton qui reste après que la rose a perdu ses feuilles.
Les anciens ornaient de roses les statues de Vénus et de Flore ; de Vénus, parce qu’elle est la plus belle des déesses ; de Flore, parce que la rose est la plus riante et la plus riche de ses productions. Ils s’en couronnaient souvent dans leurs festins : Et rosa canos adorati capillos. (Horace)
Ils la regardaient comme le symbole de la mollesse et de la volupté. Ovide prétend que les premières roses furent blanches, et qu’elles doivent ce tendre incarnat au sang d’Adonis. Cette ingénieuse fiction n’a point été admise par tous les mythologues ; quelques-uns ont prétendu que Vénus, en volant au secours d’Adonis, ne sentit ni les pointes des rochers ni les ronces qui la déchiraient.
Les rosiers épineux furent teints, disent-ils, de ce sang vermeil ; quelques gouttes jaillirent sur les roses, et ces fleurs, qui primitivement étaient blanches, conservèrent, depuis cet accident, la couleur du sang de Vénus. Demoustier écrit :
« Je crois, en la voyant (la rose) briller sur votre cœur,
Voir le sang de Vénus retourner à sa source. »
La mythologie nous apprend que l’Amour fit présent à Harpocrate, dieu du silence, d’une belle rose, fleur que l’on n’avait encore jamais vue, afin qu’il ne découvrît point ses tours d’espièglerie. De là est venue la coutume de suspendre une rose au plafond des appartements où les familles se réunissaient, afin que la discrétion, représentée par la rose, devînt la sûreté et la garantie de tous les entretiens ; c’est ce qui a fait naître cette expression : » Nous sommes sous la rose, c’est-à-dire, en un lieu sûr ; nous pouvons causer librement. »
Chez les anciens, une rose dont les feuilles étaient éparpillées était l’emblème du trépas, et pour peindre la courte durée de notre existence, ils la comparaient à celle de cette fleur. Malherbe a bien saisi cette allégorie, lorsqu’il décrit la mort de la fille de Duperier, son ami :
« Mais elle était du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin,
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin. »
Aglaé, la plus jeune des Grâces, était représentée chez les Grecs avec un bouton de rose à la main, comme l’attribut de la jeunesse et de la beauté. Nos aïeux nommaient chaperon de roses, un don léger qu’on faisait aux nouvelles mariées. Ainsi, relativement à un mariage peu fortuné, lorsqu’on demande ce qu’un père donne à sa fille, et lorsqu’on veut répondre qu’il donne peu, on dit proverbialement qu’il lui donne un chapeau de roses.
En Allemagne, une jeune personne qui avait perdu la plus belle rose de son chapeau, fleur que les hommes prisent tant, était forcée, le jour de ses noces, de porter une couronne de roses rouges, en place d’une autre de roses blanches ou de myrte. On trouve une allusion maligne à cette perte irréparable dans la fable suivante :
« La rose rouge et la rose blanche.
Que vous êtes pâle, ma sœur,
Disait la rose rouge à sa sœur rose blanche ;
Pardonnez-moi d’être si franche,
Votre teint blême me fait peur.
— C’est la candeur de l’innocence ;
Vous, pour rougir ainsi, ma sœur,
Vous avez vos raisons, je pense.
— Mes raisons ? Du bel Adonis,
Du favori de Cythérée,
C’est le sang qui m’a colorée :
J’éclate, et vos traits sont ternis.
— Cependant, d’une vierge pure
J’embellis encor la pudeur,
J’éclate aussi, mais de blancheur. »
Les anciens ceignaient de roses blanches le front des vierges et des vestales. La rose blanche est l’attribut des jeunes personnes qui sortent de l’enfance ; on dit alors au figuré, c’est une rose ; on dit également, c’est un bouton de rose.
La rose est encore l’emblème de la première heure du jour.
En Turquie, on sculpte une rose sur le tombeau des jeunes vierges, comme symbole de leur pudeur et de leur modestie. A Rome, le jour appelé Dominica in rosa, les papes bénissaient des roses qu’ils envoyaient, comme une marque de distinction, à quelques princesses de l’Europe.
Ninnenne