marileine moderateur
Messages : 27475 Date d'inscription : 08/03/2012 Localisation : belgique
| Sujet: Les nénuphars fleurs des eaux engourdies+Les coccinelles bêtes à bon Dieu+autres Sam 4 Juil - 15:14 | |
| Les nénuphars fleurs des eaux engourdiesLes nénuphars
Nénuphars blancs, ô lys des eaux limpides, Neige montant du [size=18]fond de leur azur, Qui, sommeillant sur vos tiges humides, Avez besoin, pour dormir, d'un lit pur ; Fleurs de pudeur, oui ! vous êtes trop fières Pour vous laisser cueillir et vivre après. Nénuphars blanc, dormez sur vos rivières, Je ne vous cueillerai jamais ! Nénuphars blancs, ô fleurs des eaux rêveuses, Si vous rêvez, à quoi donc rêvez-vous ?... Car pour rêver il faut être amoureuses, Il faut avoir le coeur pris... ou jaloux ; Mais vous, ô fleurs que l'eau baigne et protège, Pour vous, rêver c'est aspirer le frais ! Nénuphars blancs, dormez dans votre neige ! Je ne vous cueillerai jamais ! Nénuphars blancs, fleurs des eaux engourdies Dont la blancheur fait froid aux coeurs ardents, Qui vous plongez dans vos eaux détiédies Quand le soleil y luit, Nénuphars blancs ! Restez cachés aux anses des rivières, Dans les brouillards, sous les saules épais... Des fleurs de Dieu vous êtes les dernières ! Je ne vous cueillerai jamais ! [/size] Jules Barbey D'Aurevilly. Les coccinelles bêtes à bon Dieu La coccinelle
Elle me dit : Quelque chose Me tourmente. Et j'aperçus Son cou de neige, et, dessus, Un petit insecte rose. J'aurais dû - mais, sage ou fou, A seize ans on est farouche, Voir le baiser sur sa bouche Plus que l'insecte à son cou. On eût dit un coquillage ; Dos rose et taché de noir. Les fauvettes pour nous voir Se penchaient dans le feuillage. Sa bouche franche était là : Je me courbai sur la belle, Et je pris la coccinelle ; Mais le baiser s'envola. Fils, apprends comme on me nomme, Dit l'insecte du ciel bleu, Les bêtes sont au bon Dieu, Mais la bêtise est à l'homme.
Victor Hugo. Ô beau rosier du paradisÔ beau rosier du paradis, Beau rosier aux milliers de roses, Qui dans les parfums resplendis, Et dans la lumière reposes; Ô beau rosier du jardin clos, Beau rosier aux roses altières, Qui sur l'herbe étends les réseaux Que font tes ombres familières; Au tour de qui, toutes tremblantes, De l'Occident à l'Orient, Ces humbles et douces servantes Glissent et tournent lentement, Jusques à l'heure solennelle Où la nuit, à pas clandestins, Étendant ses voiles sur elles, Les confond toutes dans son sein.
Charles Van Lerberghe.
La pluieLa pluie Longue comme des fils sans fin, la longue pluie Interminablement, à travers le jour gris, Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris, Infiniment, la pluie, la longue pluie, la pluie. Elle s'effile ainsi, depuis hier soir,
Des haillons mous qui pendent, Au ciel maussade et noir. Elle s'étire, patiente et lente, Sur les chemins, depuis hier soir, Sur les chemins et les venelles, Continuelle. Au long des lieues, Qui vont des champs vers les banlieues, Par les routes interminablement courbées, Passent, peinant, suant, fumant, En un profil d'enterrement, Les attelages, bâches bombées ; Dans les ornières régulières Parallèles si longuement Qu'elles semblent, la nuit, se joindre au firmament, L'eau dégoutte, pendant des heures ; Et les arbres pleurent et les demeures, Mouillés qu'ils sont de longue pluie, Tenacement, indéfinie Les rivières, à travers leurs digues pourries, Se dégonflent sur les prairies, Où flotte au loin du foin noyé ; Le vent gifle aulnes et noyers ; Sinistrement, dans l'eau jusqu'à mi-corps, De grands boeufs noirs beuglent vers les cieux tors ; Le soir approche avec ses ombres
Dont les plaines et les taillis s'encombrent, Et c'est toujours la pluie, la longue pluie Fine et dense, comme la suie, la longue pluie
La pluie et ses fils identiques
Et ses ongles systématiques tissent le vêtement, Maille à maille, de dénoument, Pour les maisons et les enclos Des villages gris et vieillots : Linges et chapelets de loques qui s'éffiloquent, Au long de bâtons droits ; Bleus colombiers collés au toit ; Carreaux, avec, sur leur vitre sinistre, Un emplâtre de papier bistre ; Logis dont les gouttières régulières Forment des croix sur des pignons de pierre ; Moulins plantés uniformes et mornes, Sur leur butte, comme des cornes Clochers et chapelles voisines, la pluie, la longue pluie, Pendant l'hiver, les assassine,la pluie, La longue pluie avec ses longs fils gris. Avec ses cheveux d'eau, avec ses rides, La longue pluie des vieux pays, Éternelle et torpide . Emile Verhaeren. Au bord de la merAu bord de la mer Près de la mer, sur un de ces rivages Où chaque année, avec les doux zéphyrs, On voit passer les abeilles volages Qui, bien souvent, n’apportent que soupirs, Nul ne pouvait résister à leurs charmes, Nul ne pouvait braver ces yeux vainqueurs Qui font couler partout beaucoup de larmes Et qui partout prennent beaucoup de coeurs. Quelqu’un pourtant se riait de leurs chaînes, Son seul amour, c’était la liberté, Il méprisait l’Amour et la Beauté. Tantôt, debout sur un roc solitaire, Il se penchait sur les flots écumeux Et sa pensée, abandonnant la terre Semblait percer les mystères des cieux. Tantôt, courant sur l’arène marine, Il poursuivait les grands oiseaux de mer, Imaginant sentir dans sa poitrine La Liberté pénétrer avec l’air. Et puis le soir, au moment où la lune Traînait sur l’eau l’ombre des grands rochers, Il voyait à travers la nuit brune Deux yeux amis sur sa face attachés. Quand il passait près des salles de danse, Qu’il entendait l’orchestre résonner, Et, sous les pieds qui frappaient en cadence Quand il sentait la terre frissonner Il se disait: Que le monde est frivole!” Qu’avez-vous fait de votre liberté! Ce n’est pour vous qu’une vaine parole, Hommes sans coeur, vous êtes sans fierté! Pourtant un jour, il y porta ses pas Ce qu’il y vit, je ne le saurais dire Mais sur les monts il ne retourna pas. Guy de Maupassant. Voici donc le printempsPrintemps Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire ! Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire, Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis ! Les peupliers, au bord des fleuves endormis, Se courbent mollement comme de grandes palmes ; L’oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ; Il semble que tout rit, et que les arbres verts Sont joyeux d’être ensemble et se disent des vers. Le jour naît couronné d’une aube fraîche et tendre ; Le soir est plein d’amour ; la nuit, on croit entendre, A travers l’ombre immense et sous le ciel béni, Quelque chose d’heureux chanter dans l’infini. Victor Hugo. [size=18][/size] Premier sourire de printempsPremier sourire de printemps Tandis qu’à leurs œuvres perverses Les hommes courent haletants, Mars qui rit, malgré les averses, Prépare en secret le printemps. Pour les petites pâquerettes, Sournoisement lorsque tout dort, II repasse des collerettes Et cisèle des boutons-d’or. Dans le verger et dans la vigne, II s’en va, furtif perruquier, Avec une houppe de cygne, Poudrer à frimas l’amandier. La nature au lit se repose ; Lui, descend au jardin désert Et lace les boutons de rose Dans leur corset de velours vert. Tout en composant des solfèges Qu’aux merles il siffle à mi-voix, II sème aux prés les perce-neige Et les violettes au bois. Sur le cresson de la fontaine Où le cerf boit, l’oreille au guet, De sa main cachée il égrène Les grelots d’argent du muguet. Sous l’herbe, pour que tu la cueilles, II met la fraise au teint vermeil, Et te tresse un chapeau de feuilles Pour te garantir du soleil. Puis, lorsque sa besogne est faite, Et que son règne va finir, Au seuil d’avril tournant la tête, II dit : « Printemps, tu peux venir ! » Théophile Gautier. [size=24]L'Amour maternel poèmeL'Amour maternelFait d'héroïsme et de clémence,Présent toujours au moindre appel,Qui de nous peut dire où commence,Où finit l'amour maternel ?Il n'attend pas qu'on le mérite,Il plane en deuil sur les ingrats ;Lorsque le père déshérite,La mère laisse ouverts ses bras ;Son crédule dévouement resteQuand les plus vrais nous ont menti,Si téméraire et si modesteQu'il s'ignore et n'est pas senti.Pour nous suivre il monte ou s'abîme,À nos revers toujours égal,Ou si profond ou si sublimeQue, sans maître, il est sans rival :Est-il de retraite plus douceQu'un sein de mère, et quel abriRecueille avec moins de secousseUn cœur fragile endolori ?Quel est l'ami qui sans colèreSe voit pour d'autres négligé ?Qu'on méconnaît sans lui déplaire,Si bon qu'il n'en soit affligé ?Quel ami dans un précipiceNous joint sans espoir de retour,Et ne sent quelque sacrificeOù la mère ne sent qu'amour ?Lequel n'espère un avantageDes échanges de l'amitié ?Que de fois la mère partageEt ne garde pas sa moitié !Ô mère, unique DanaïdeDont le zèle soit sans déclin,Et qui, sans maudire le vide,Y penche un grand cœur toujours plein !René-François Sully Prudhomme. [size=18][/size] Le Loup moraliste Poème de VoltaireLe Loup moralisteUn loup, à ce que dit l’histoire, Voulut donner un jour des leçons à son fils, Et lui graver dans la mémoire, Pour être honnête loup, de beaux et bons avis. Mon fils, lui disait-il, dans ce désert sauvage, A l’ombre des forêts vous passez vos jours ; Vous pourrez cependant avec de petits ours Goûter les doux plaisirs qu’on permet à votre âge. Contentez-vous du peu que j’amasse pour vous, Point de larcin : menez une innocente vie ; Point de mauvaise compagnie ; Choisissez pour amis les plus honnêtes loups ; Ne vous démentez point, soyez toujours le même ; Ne satisfaites point vos appétits gloutons : Mon fils, jeûnez plutôt l’avent et le carême, Que de sucer le sang des malheureux moutons ; Car enfin, quelle barbarie, Quels crimes ont commis ces innocents agneaux ? Au reste, vous savez qu’il y va de la vie : D’énormes chiens défendent les troupeaux. Hélas ! Je m’en souviens, un jour votre grand-père Pour apaiser sa faim entra dans un hameau. Dès qu’on s’en aperçut : O bête carnassière ! Au loup ! s’écria-t-on ; l’un s’arme d’un hoyau, L’autre prend une fourche ; et mon père eût beau faire, Hélas ! Il y laissa sa peau : De sa témérité ce fut le salaire. Sois sage à ses dépens, ne suis que la vertu, Et ne sois point battant, de peur d’être battu. Si tu m’aimes, déteste un crime que j’abhorre. Le petit vit alors dans la gueule du loup De la laine, et du sang qui dégouttait encore : Il se mit à rire à ce coup. Comment, petit fripon, dit le loup en colère, Comment, vous riez des avis Que vous donne ici votre père ? Tu seras un vaurien, va, je te le prédis : Quoi ! Se moquer déjà d’un conseil salutaire ! L’autre répondit en riant : Votre exemple est un bon garant ; Mon père, je ferai ce que je vous vois faire. Tel un prédicateur sortant d’un bon repas Monte dévotement en chaire, Et vient, bien fourré, gros et gras, Prêcher contre la bonne chère.Voltaire. Le petit chat blanc poème de Claude Roy[/size] - Citation :
-
Le petit chat blanc Un petit chat blanc qui faisait semblant d'avoir mal aux dents disait en miaulant : Souris mon amie j'ai bien du souci. Le docteur m'a dit : Tu seras guéri si entre tes dents tu mets un moment délicatement la queue d'une souris. Très obligeamment souris bonne enfant s'approcha du chat qui se la mangea. Moralité Les bons sentiments ont l'inconvénient d'amener souvent de graves ennuis aux petits enfants comme-z-aux souris. Claude Roy. [size] L'enfance Poème de Gérard de NervalL' enfanceQu'ils étaient doux ces jours de mon enfance Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin, je coulai ma douce existence, Sans songer au lendemain. Que me servait que tant de connaissances A mon esprit vinssent donner l'essor, On n'a pas besoin des sciences, Lorsque l'on vit dans l'âge d'or ! Mon coeur encore tendre et novice, Ne connaissait pas la noirceur, De la vie en cueillant les fleurs, Je n'en sentais pas les épines, Et mes caresses enfantines Étaient pures et sans aigreurs. Croyais-je, exempt de toute peine Que, dans notre vaste univers, Tous les maux sortis des enfers, Avaient établi leur domaine ?
Nous sommes loin de l'heureux temps Règne de Saturne et de Rhée, Où les vertus, les fléaux des méchants, Sur la terre étaient adorées, Car dans ces heureuses contrées Les hommes étaient des enfants. Gérard de Nerval. [size=18][/size] Le Cheval PoèmeLe Cheval
Le Cheval s'étant voulu venger du CerfDe tout temps les chevaux ne sont nés pour les hommes.Lorsque le genre humain de gland se contentait,Âne,Cheval ,et Mule, aux forêts habitait ;Et l'on ne voyait point, comme au siècle où nous sommes,Tant de selles et tant de bâts,Tant de harnois pour les combats,Tant de chaises, tant de carrosses,Comme aussi ne voyait-on pasTant de festins et tant de noces.Or un Cheval eut alors différentAvec un Cerf plein de vitesse,Et ne pouvant l'attraper en courant,Il eut recours à l'Homme, implora son adresse.L'Homme lui mit un frein, lui sauta sur le dos,Ne lui donna point de reposQue le Cerf ne fût pris, et n'y laissât la vie ;Et cela fait, le Cheval remercieL'Homme son bienfaiteur, disant : Je suis à vous ;Adieu. Je m'en retourne en mon séjour sauvage.- Non pas cela, dit l'Homme ; il fait meilleur chez nous :Je vois trop quel est votre usage.Demeurez donc ; vous serez bien traité.Et jusqu'au ventre en la litière.Hélas ! que sert la bonne chèreQuand on n'a pas la liberté ?Le Cheval s'aperçut qu'il avait fait folie ;Mais il n'était plus temps : déjà son écurieÉtait prête et toute bâtie.Il y mourut en traînant son lien.Sage s'il eût remis une légère offense.Quel que soit le plaisir que cause la vengeance,C'est l'acheter trop cher, que l'acheter d'un bienSans qui les autres ne sont rien.
Jean de La Fontaine. Ninnenne
[/size] | |
|