Vie d'une Mère !
La pluie tombe goutte à goutte sur la vitre fermée.
Derrière la fenêtre un visage triste pleure;
Ce visage pense, oubliant le temps et l'heure,
A son passé heureux. Une larme a coulé
Le long de ce doux visage ridé de vieillard.
Il voit dans la brume courir deux adolescents :
Ils rient à gorge déployée ces deux enfants !
Mais soudain leurs silhouettes s'enfoncent dans le brouillard.
Les revoila qui apparaissent main dans la main;
A toute volée une cloche tinte derrière eux
Saluant avec joie ce jour béni et heureux :
Deux coeurs s'unissent dans le bonheur et le chagrin,
Car ce jour joyeux est terni par les pleurs
D'une mère qui voit partir son enfant chéri.
Elle lui a tant donné... mais lui, il est parti !
Puis tout s'efface encore... Oh ! Le beau bouquet de fleurs !
Mais pourquoi toutes ces roses blanches et ces rires ?
Ah oui ! Chut... Un enfant, âme innocente dort
Dans son berceau. A son cou une médaille d'or
Reluit de tous ses éclats. Oh ! Le beau sourire !
Que se passe-t'il ? Voici que l'enfant quitte son lit :
Il marche, un cartable à la main et chante tout bas.
Le voici maintenant se jetant dans les bras
De cette femme habillée de noir qui lui sourit.
Il l'embrasse bien fort et dit de sa voix frêle :
« Maman, maman, je suis encore premier de ma classe ».
Mais le tableau se voile de nouveau, le temps passe,
L'enfant grandit et la pluie se transforme en grêle.
Elle tombe dur cette grêle et se transforme en bombes !
Des savions passent, on crie, on a peur et on fuit.
Pourquoi tous ces soldats ? Et ses fusils... pour qui ?
Tiens l'enfant pleure dans les bras de sa mère qui tombe.
Du sang coule de son épaule:.. elle respire encore !
Des hommes en blanc arrivent, l'emmène avec l'enfant
Murmurant entre deux sanglots : « Reste maman »!
Elle s'écrit : « Où es-tu mon fils ? »... puis elle s'endort.
La revoila pourtant cette maman aimée
Agitant son mouchoir sur le quai d'une gare.
Un visage d' »homme » apparaît... et le train part :
Son enfant est parti pour l'université.
Elle reste toute seule avec sa solitude
Dans cette grande maison où ils étaient heureux.
Son mari meurt, son fils la quitte... et le joyeux
Plaisir de vivre ne devient plus qu'une habitude.
Il reviendra ce fils chéri mais à son bras
Est accrochée une main douce de jeune fille.
C'est à elle maintenant de ne plus être tranquille;
C'est à elle de tout donner à ce fils ingrat.
Elle se retrouve seule cette femme aux cheveux gris;
Elle pense au jour où jeune et belle elle se jura
De n'aimer qu'un seul homme... et sa promesse dura !
Il faut beaucoup d'amour pour vivre sa vie ainsi.
Décédé peu avant la naissance de l'enfant
Le mari si tendrement aimé s'en alla
Laissant sa femme seule affronter cette vie là.
« Mon Dieu pourquoi m'as-tu enlevé mon amant » ?
Elle l'a aimé ce fils, dernier cadeau de l'homme
A qui elle avait tout donné. Son coeur blessé
Est venu se greffer sur ce nouveau-né,
Fruit d'un amour trop bref... et elle remercie l'homme:
« Merci Amour de ne pas m'avoir laissée seule;
Tu vois ce fils ? Je l'aimerai autant que toi.
Bien sûr, un jour, il s'en ira loin de moi
Mais c'est la vie... on prépare son linceul ! »
La pluie a cessé de tomber sur la fenêtre.
Un rayon de soleil vient éclairer la joue
De cette vieille Dame au visage doux.
Mais est-ce un rêve ? Là-bas, que voit-elle apparaître ?
Deux silhouettes s'avancent en riant et chantant...
Mais que tiennent-elles donc si chèrement dans leurs bras ?
On dirait un bébé.. mais oui, oui ! C'est cela !
« Mon Dieu, soyez béni pour ce nouvel enfant ! »
Et la jeune grand-mère rit de joie et de bonheur...
Qu'y a-t'il de plus beau que ce visage heureux
D'une femme qui attendit longtemps ce jour joyeux
Où tous seraient réunis loin du malheur.
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Ninnenne