«Qu’il est terrible de savoir là où savoir ne sert à rien à celui qui sait.»
Sophocle. Tirésias dans Oedipe-Roi.
Qu'il est précieux , ce bref moment de retour en soi avant d'entamer la consultation. Je parcours la liste des inscrits, succession aléatoire de bonnes et mauvaises nouvelles à annoncer. Toute vérité est-elle bonne à dire? Il fut un temps où sans hésitation je répondais par l'affirmative. J'ai appris depuis que certaines vérités détruisent, si pas l'individu au moins l'équilibre instable qu'il tente de se construire. Et depuis, je dis vrai mais à pas comptés. Connais-toi toi-même! mais, pourrait-on ajouter, pas trop vite. C'est dans l’Ecclésiaste: «Ne va pas trop vite vers la vérité.»
«Toutes les vicissitudes de notre vie sont des matériaux dont nous pouvons faire ce que nous voulons.»
Novalis
Plongé dans la biographie de l'astrophysicien Hawking, dont j'avais découvert la "brève histoire du temps" il y a une vingtaine d'années, je demeure fasciné par l'effet paradoxal des événements d'une existence. Atteint d'une sclérose latérale amyotrophique qui le paralyse progressivement, il se sent gagné par un sentiment d'urgence devant sa vie qui soudain semble se retrécir, et la nécessité de ne plus gaspiller son énorme potentiel de créativité intellectuelle, gaspillé jusque là dans un parcours d'étudiant volontiers paresseux. "Auparavant je m'ennuyais profondément et j'avais l'impression que rien ne valait la peine de faire un effort. Un des résultats de ma maladie a été de changer tout ça : lorsqu'on est confronté à l'éventualité d'une mort prématurée, on comprend que la vie vaut la peine d'être vécue. (..) J'ai soudain réalisé qu'il y avait des tas de choses qui valaient la peine d'être faites, si j'avais un sursis. Deux années passèrent. La progression de la maladie ralentit. Je n'étais pas mort. Alors même qu'un nuage planait au-dessus de mon avenir, j'ai découvert, à ma grande surprise, que je goûtais beaucoup plus la vie à présent qu'auparavant.» On rejoint ici Emmanuelle Laborit (Le cri de la mouette) et la perception qu'elle aura de sa surdité, grâce à laquelle elle est devenue actrice et auteure, ou le violoniste Niccolo Paganini dont l'hyperlaxité ligamentaire favorisera la virtuosité. Comme le suggère Hawking dans un entretien télévisé "Il faut une certaine maturité pour comprendre que la vie n'est pas "juste". Reste à faire de votre mieux dans la situation qui est la vôtre."
Lu dans:
Kitty Ferguson. L'incroyable Stephen Hawking. Flammarion. 2012. 452 pages. Extraits pp 60, 68, 69
Stephen Hawking, Trous noirs et bébés univers. Odile Jacob. 2010. 208 pages. Extrait p. 26
ABC , 20/20, émission de 1989.
Emmanuelle Laborit. Le Cri de la mouette. Pocket Jeunesse. 2003. 212 pages.
Ninnenne