VIEILLE FERME A LA TOUSSAINT DE EMILE VERHAEREN
Vieille ferme à la Toussaint
La ferme aux longs murs blancs, sous les grands arbres jaunes,
Regarde, avec les yeux de ses carreaux éteints,
Tomber très lentement, en ce jour de Toussaint,
Les feuillages fanés des frênes et des aunes.
Elle songe et resonge à ceux qui sont ailleurs,
Et qui, de père en fils, longuement s’éreintèrent,
Du pied bêchant le sol, des mains fouillant la terre,
A secouer la plaine à grands coups de labeur.
Puis elle songe encor qu’elle est finie et seule,
Et que ses murs épais et lourds, mais crevassés,
Laissent filtrer la pluie et les brouillards tassés,
Même jusqu’au foyer où s’abrite l’aïeule.
Elle regarde aux horizons bouder les bourgs ;
Des nuages compacts plombent le ciel de Flandre ;
Et tristement, et lourdement se font entendre,
Là-bas, des bonds de glas sautant de tour en tour.
Et quand la chute en or des feuillages effleure,
Larmes ! Ses murs flétris et ses pignons usés,
La ferme croit sentir ses lointains trépassés
Qui doucement se rapprochent d’elle, à cette heure,
Et pleurent.
Emile Verhaeren, Toute la Flandre
LA NUIT D'HALLOWEEN JOHANNA RUBINELLI
La nuit d'Halloween
Le soleil se couche
La lune est pleine
Les loups hurlent
Les loups-garou se réveillent
Les momies sortent de leur sarcophage
Les vampires sortent de leur cercueil
Les squelettes déambulent dans les rues
Les sorcières sur leur [size=18]balai s'envolent[/size]
C'est la nuit d'Halloween
Tous les monstres défilent dans la ville
C'est la nuit d'Halloween
Les [size=18]enfants se déguisent en monstre[/size]
Dans le noir de la nuit d'Halloween
Les [size=18]enfants sonnent aux portes[/size]
Et chantent:"C'EST LA NUIT D'HALLOWEEN!!!
DES BONBONS OU NOUS VOUS JETONS UN SORT"
C'est la nuit d'Halloween
Les monstres sont dehors,
C'est la nuit d'Halloween
Récoltons des bonbons.
Johanna RUBINELLI
DEVANT LA MORT DE RENÉE VIVIEN
Devant la Mort
Ils me disent, tandis que je sanglote encore :
« Dans l’ombre du sépulcre où sa grâce pâlit,
Elle aspire la paix passagère du lit.
Les ténèbres au front, et dans les yeux l’aurore.
« Elle aura la splendeur de l’Esprit délivré,
Rêve, haleine, [size=18]musique, essor, parfum, lumière.[/size]
Le cercueil ne la peut contenir tout entière,
Ni le sol, de chair morte et de pleurs enivré.
« Le cierge aux larmes d’or, le râle du cantique
Les lys fanés, ne sont qu’un symbole menteur :
Dans une aube d’avril qui vient avec lenteur,
Elle refleurira, violette mystique. »
— Et j’écoute parmi les temples de la mort.
Je sens monter vers moi la chaleur de la terre,
Dont l’accablante odeur recèle le mystère
Du sanglot qui se tait et du rayon qui dort.
J’écoute, mais le vent des espaces emporte
L’audacieux espoir des infinis sereins…
Elle ne sera plus dans l’heure que j’étreins,
L’heure unique et certaine, et moi, je la crois morte.
La nuit, dont la langueur ne craint plus le soleil,
L’enveloppant du bleu féerique de ses voiles,
Éteint jusqu’aux lueurs lointaines des étoiles,
Et le vin des pavots lui verse le sommeil.
O Morte que j’aimais, ô Pâleur étendue
Dans l’immobilité des néants noirs et froids,
Je n’ose t’apporter que les fleurs d’autrefois
Et mes sanglots païens sur ta beauté perdue.
Renée Vivien, Cendres et Poussières, 1902
IL FAIT NOVEMBRE EN MON ÂME DE EMILE VERHAEREN
Il fait novembre en mon âme
Rayures d'eau, longues feuilles couleur de brique,
Par mes plaines d'éternité comme il en tombe !
Et de la pluie et de la pluie - et la réplique
D'un gros vent boursouflé qui gonfle et qui se bombe
Et qui tombe, rayé de pluie en de la pluie.
- Il fait novembre en mon âme -
Feuilles couleur de ma douleur, comme il en tombe !
Par mes plaines d'éternité, la pluie
Goutte à goutte, depuis quel temps, s'ennuie,
- Il fait novembre en mon âme -
Et c'est le vent du Nord qui clame
Comme une bête dans mon âme.
Feuilles couleur de lie et de douleur,
Par mes plaines et mes plaines comme il en tombe ;
Feuilles couleur de mes douleurs et de mes pleurs,
Comme il en tombe sur mon cœur !
Avec des loques de nuages,
Sur son pauvre œil d'aveugle
S'est enfoncé, dans l'ouragan qui meugle,
Le vieux soleil aveugle.
- Il fait novembre en mon âme -
Quelques osiers en des mares de limon veule
Et des cormorans d'encre en du brouillard,
Et puis leur cri qui s'entête, leur morne cri
Monotone, vers l'infini !
- Il fait novembre en mon âme -
Une barque pourrit dans l'eau,
Et l'eau, elle est d'acier, comme un couteau,
Et des saules vides flottent, à la dérive,
Lamentables, comme des trous sans dents en des gencives.
- Il fait novembre en mon âme -
Il fait novembre et le vent brame
Et c'est la pluie, à l'infini,
Et des nuages en voyages
Par les tournants au loin de mes parages
- Il fait novembre en mon âme -
Et c'est ma bête à moi qui clame,
Immortelle, dans mon âme !
Émile VERHAEREN 1855-1916
Ninnenne