marileine moderateur
Messages : 27475 Date d'inscription : 08/03/2012 Localisation : belgique
| Sujet: Conte gaulois (parents) Mer 22 Avr - 9:42 | |
| Conte gauloisConte GauloisLà, dans ces sombres forêts de hauts conifères centenaires au tronc si large qu’un homme ne suffisait à l’étreindre, un jeune homme contemplait les montagnes. Juché à mille mètres d’altitude, il scrutait Albia, le territoire des tribus Allobroges dont le nom signifie « Ils viennent de nulle part ». Dans cette contrée vivaient les bisons, les loups, les cerfs, les sangliers et les chevaux sauvages que l’on capturait pour chasser le sanglier à la lance. A flanc de montagne s’accrochaient des hameaux de chaumes fumantes que les étrangers qualifiaient de « maisons informes ». En effet, les Allobroges n’accordaient guère d’importance à l’aspect esthétique, vivaient dans le dénuement et l’on disait d’eux que leur caractère était aussi rude que leur montagne. Rude comme l’hiver, le tronc rigide de l’épicéa, la lame plantée dans la chair d’un sanglier, la roche qui composait ces montagnes. Rude comme la vie, celle que devaient affronter chaque jour les tribus des terres sauvages. Le jeune homme songeait à l’initiation qui devait le préparer à cette condition de vie. Car s’il incombait aux femmes le travaille difficile de la terre et de l’élevage au même titre que les hommes, il incombait aux hommes de protéger le foyer et de s’aventurer hors des terres si besoin était. En l’occurrence, l’initiation prévue dès Imbolc devait le préparer à l’errance, au dénuement, à l’adresse, la rapidité. Il ne devrait compter que sur ses propres forces et apprendrait le vrai courage, celui des guerriers combattant nus face aux légions casqués étrangères, n’ayant pour seul recours un casque orné des plumes d’Eponna, une lance et un modeste bouclier taillé dans le bois tandis que face à eux mille hommes en armure imposaient la puissance de l’empire. Pourtant, la légion était impressionné par ces sauvages nus courant vers eux sans la moindre hésitation. La légion de l’empire en était intimidé, car les soldats craignaient la mort tandis que les tribus croyaient au monde des ancêtres. Aussi les tribus gagnèrent certaines batailles face à l’empire par leur simple courage insensé qui déstabilisait les cavaliers en armure.L’épreuve du jeune homme consistait à rester douze lunes sans vivres, sans vêtements, sans armes, dans un lieu à l’écart de toute vie humaine, dans une solitude insupportable pour qui a vécu dans un village en présence des siens. Cette épreuve était nécessaire pour la vie adulte, lors d’un pillage des tribus ennemies, lorsque le village a brûlé, que les champs ont brûlé, qu’il faut se déplacer d’un endroit à l’autre, que l’on se retrouve seul. Cela préparait l’esprit à être fort, à garder la tête froide et le calme face aux situations difficiles, à devenir comme ces guerriers qui ne craignaient rien, pas même la mort. Il avait pour cela suivi une première initiation en présence d’une Ovate qui lui enseignait les plantes médicinales et les plantes comestibles. La lune était croissante, Imbloc approchait, elle correspondait à la naissance entre le solstice d’hiver incarnant l’au-delà et l’équinoxe du printemps incarnant l’enfance. Dès lors, une réunion eut lieu dans la hutte du chef, en compagnie des trois ordres spirituels et de quelques nobles désignés pour un an à l’Opidum. Le jeune homme fut informé qu’il partirait sous escorte plus au sud-est d’Albia après les trois jours de la fête de Imbolc. La vie réapparaissait, la mousse ressurgissait, la neige fondait en formant des torrents, les fougères repoussaient en d’élégantes formes enroulées et les fleurs ressurgissaient à la surface de la terre. Il se purifia dans la rivière comme il en est d’usage, et partit le lendemain en compagnie de deux cavaliers portant capes et glaive. Deux jours furent nécessaires pour accomplir le chemin immuable qui menait à l’endroit voulu, enclavé de montagnes entre lesquels serpentait une rivière. Ici, les cavaliers le dépouillèrent comme convenu, et repartirent dans les profondeurs de la forêt en laissait l’initié face à lui-même, seul, dépouillé de tout biens matériels. A présent, il mesurait combien il devait compter sur lui-même pour survivre. Il commença à cueillir des orties, des pissenlits et de l’ail des ours pour se donner de la force en les ingurgitant. La nuit tombait, et avec la nuit vint le froid, ainsi que les hurlements lointains des loups et le proche hululement d’une chouette. Il savait que l’ours allait quitter son hibernation et qu’il aurait très faim. Aussi un feu s’imposait pour éloigner les prédateurs, mais le bois était trop humide, et l’herbe tout autant. Alors il s’assit en tailleur dos à un arbre dans la posture de Cernunos, et guettait la nuit. Il entendis autour de lui la vie, le pas lent de quelques cervidés, la fougue des sangliers à travers le feuillage. Puis, ne pouvant lutter contre le sommeil, il finit par s’endormir. Au matin, la rosé pénétrait la forêt en une brume douce et mystérieuse suspendue dans l’air. Il ouvrit les yeux dans un décors bleuté, les oiseaux lançaient divers sons stridents et semblaient communiquer entre eux. A présent, il avait vraiment faim comme l’ours du printemps et songeait à fabriquer une lance de fortune. Ainsi il brisa un bâton en un éclat pointu, voilà qui ferait l’affaire pour chasser ou se défendre. Puis il se nourrit de plantes, mais aussi d’insectes fournissant au corps les protéines. Enfin, le soir venu, il se posta à l’endroit où passaient les sangliers et attendit en pointant, immobile, sa lance. Au bout de longues heures, le bruit des feuillages laissa passer un groupe de sangliers. Le quatrième passé, la lance poussa l’un d’eux à terre et le perfora. De la viande, une peau des os pour les outils, le jeune homme était soulagé, mais surtout fier. Les loups ne tarderaient pas à flairer la carcasse. Il l’ouvrit, mangea d’abord le cœur et le foie, récupéra la peau et sauva ce qu’il put en viande. Il la transporta dans la peau et celle-ci fut suspendue sur un arbre à l’abri des loups. Le lendemain il récupéra les os qui, brisés et limés à la pierre, formaient des pointes de lance maintenus à la résine, des racloirs pour tanner les peaux, des aiguilles à coudre et des lames pour récupérer les écorces qui soignent ou qui fournissent, comme le tilleuil pour le cordes et le bouleau pour les récipients, les matériaux utiles. Mais aussi pour mieux découper la viande et les peaux. Il lima ces os sur une pierre. Aussi, il tenta de ôter la couche humide d’un bâton pour en faire apparaître la l’intérieur sec, et frotta ainsi deux bâtons contre de l’herbe séchée. Au bout de longues heures, une odeur de fumée, puis des braises emplirent le garçon de joie. Il tanna la peau et confectionnait deux sacs dont l’un conservait du bois et de l’herbe au sec en cas de pluie, et l’autre conservait la viande séchée. Dans cette immensité sauvage, il parcourait les régions montagneuses, longeait la rivière qui était un affluent du fleuve Rhodarius, s’y lavait et en buvait l’eau. A présent, il possédait une lance aiguisée et avait de quoi attiser un feu. Au passage, il récoltait les plantes et écorces médicinales et les conservait séchées pour se soigner le reste de l’année. Il chassa d’autres animaux, fabriqua même un arc, des flèches, et parcourait d’autres terres. Que de paysages magnifiques, de vastes plaines s’étendant aux flancs des hautes montagnes escarpées, de vaste prairies vallonnées, des grands espaces qui rappelait à l’homme sa modestie. Il accumula les fourrures en prévision pour l’hiver, se confectionna des bottes et une sobre tunique en peau fumée au bois afin de la rendre étanche et résistante. L’été apporta les mûres sauvages, les fraises des bois, les couleurs tapissaient les prairies, embaumaient les forêts et attiraient les papillons virevoltant allègrement dans les airs, ainsi que les abeilles récoltant le pollen. Dans les forêts de résineux, le brame du cerf en rut résonnait, grave et métalique. Il n’y avait plus à craindre de l’ours qui ne se nourrissait désormais plus que des fruits des bois, mais les loups rodaient en meute. Le jeune homme fit un jour l’expérience des loups. Ils se retrouvèrent nez à nez, le loup observait le garçon et ce dernier savait qu’il devait rester debout devant lui. Les regards se croisèrent, les yeux jaunes et magnifique du loup, bordé d’un trait noir oblique, lui donnait un air fantastique et fascinant. Puis le loup fit demi tour et s’enfuit, le jeune homme sut alors qu’il n’avait plus rien à craindre des loups. Cet endroit lui plaisait, et il fallait maintenant songer à monter un abri pour les jours froids à venir. Ainsi, il érigea une structure de bois qu’il recouvrit d’une épaisse couche d’herbage. Au fil des lunes, les feuillus prenaient des teintes variant du vert au rouge, du jaune au violet. Ces teintes vives comme des flammes contrastaient avec superbe parmi la verdure des conifères. Le garçon récoltait les noix, les châtaignes et les noisettes, ainsi que les pommes sauvages. Il contemplait les chevaux libres courant dans les hautes herbes, les bisons broutant les derniers pâturages, puis la neige annonça le vide et le silence. De la fumée s’échappait de la hutte émergeant de cette surface désolée, blanche, sous un ciel lourd et gris. Le garçon entretenait le feu et ne sortait que pour pister les traces dans la neige. Il buvait les infusions de plantes afin de renforcer le corps, se frictionnait les membres afin de les réchauffer lors des longues marches dans la neige, mangeait de la viande et de la graisse. Puis, un soir, un inconnu entra dans sa hutte et s’assit près du feu. Il portait cape et glaive, ainsi qu’un vêtement en fourrure lui arrivant aux chevilles, et des bottes doublées lui arrivant aux genoux. Il observa le garçon emmitouflé dans ses fourrures, et prit enfin la parole. Je suis venu, dit-il, t’informer que Yule est désormais passé, que Imbolc approche et que tu as fort bien accompli ton initiation. J’étais là, veillais, m’assurais que tout se passe bien, et j’aurais sorti mon glaive si tu étais en danger. Mais je t’ai vu dormir sans feu, tuer un sanglier avec un simple bâton brisé, parcourir l’étendue de ces terres sans jamais éprouver la fatigue, regarder un loup dans les yeux sans jamais ressentir la peur. J’ai tout vu, même les choses les plus intimes, et te voilà devenu désormais un homme véritable. Un homme véritable a lutté contre ses peurs, les a dominé, son esprit est rigide comme le roseau toujours debout, immortel comme l’épicéa toujours vert, détaché comme le châtaigner qui donne sans demander en retour. Je te ramène demain au village, tout le monde sera heureux de te revoir.Le lendemain, deux chevaux montés s’éloignaient de la hutte, ils repartaient vers le nord-ouest tandis que la neige effaçait les traces de sabots. Leurs silhouettes se perdaient dans les brumes de l’hiver, laissant derrière eux un blanc opaque, profond, doux, immaculé. Ninnenne | |
|