Bannières de Mai
Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s'enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange.
L'azur et l'onde communient.
Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse.
Qu'on patiente et qu'on s'ennuie
C'est trop simple. Fi de mes peines.
je veux que l'été dramatique
Me lie à son char de fortunes
Que par toi beaucoup, ô Nature,
Ah moins seul et moins nul ! je meure.
Au lieu que les Bergers, c'est drôle,
Meurent à peu près par le monde.
Je veux bien que les saisons m'usent.
A toi, Nature, je me rends ;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s'il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m'illusionne ;
C'est rire aux parents, qu'au soleil,
Mais moi je ne veux rire à rien
Et libre soit cette infortune.
Arthur Rimbaud.
[size=18][/size]
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Je plante en ta faveur cet arbre
Je plante en ta faveur cet arbre de Cybelle,
Ce Pin, où tes honneurs se liront tous les jours ;
J'ai gravé sur le tronc nos noms et nos amours,
Qui croîtront à l'envie de l'écorce nouvelle.
Faunes, qui habitez ma terre paternelle,
Qui menez sur le Loir vos danses et vos tours,
Favorisez la plante et lui donnez secours,
Que l'Été ne la brûle et l'Hiver ne la gèle.
Pasteur, qui conduira en ce lieu ton troupeau,
Flageolant une Éclogue en ton [size=18]tuyau d'aveine,
Attache tous les ans à cet arbre un tableau,
Qui témoigne aux passants mes amours et ma peine
Puis l'arrosant de lait et du sang d'un agneau,
Dit :Ce Pin est sacré, c'est la plante d'Hélène.[/size]
Pierre de Ronsard.
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Premier sourire de Printemps.
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Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps.
Pour les petites pâquerettes,
Sournoisement, lorsque tout dort,
Il repasse les collerettes
Et cisèle les boutons d'or.
Dans le verger et dans la vigne,
Il s'en va furtif perruquier,
Avec une houppe de cygne,
Poudrer à frimas l'amandier.
La nature au lit se repose,
Lui, descend au jardin désert
Et lace les boutons de rose
Dans leur corset de velours vert.
Puis, lorsque sa besogne est faite,
Et que son règne va finir,
Au seuil d'avril, tournant la tête,
Il dit "Printemps,tu peux venir"
Théophile Gautier.
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Aux champs
Je me penche attendri
Sur les bois et les eaux
Rêveur , grand père aussi
Des fleurs et des oiseaux
J'ai pitié sacrée et profonde des choses ,
J'empêche les enfants de maltraiter les roses
Je dit ; N' effarez point la plante et l'animal
Riez sans faire peur
Jouez sans faire mal
Victor Hugo.
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[size=24][size=16]Mars
En mars, quand s'achève l'hiver,[/size]
Que la campagne renaissante
Ressemble à la convalescente
Dont le premier sourire est cher ;
Quand l'azur, tout frileux encore,
Est de neige éparse mêlé,
Et que midi, frais et voilé,
Revêt une blancheur d'aurore ;
Quand l'air doux dissout la torpeur
Des eaux qui se changeaient en marbres ;
Quand la feuille aux pointes des arbres
Suspend une verte vapeur ;
Et quand la femme est deux fois belle,
Belle de la candeur du jour,
Et du réveil de notre amour
Où sa pudeur se renouvelle,
Oh ! Ne devrais-je pas saisir
Dans leur vol ces rares journées
Qui sont les matins des années
Et la jeunesse du désir ?
Mais je les goûte avec tristesse ;
Tel un hibou, quand l'aube luit,
Roulant ses grands yeux pleins de nuit,
Craint la lumière qui les blesse,
Tel, sortant du deuil hivernal,
J'ouvre de grands yeux encore ivres
Du songe obscur et vain des livres,
Et la nature me fait mal.[/size]
René-François Sully Prudhomme.
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[size=16]Le VentIl fait grand vent, le ciel roule de grosses voix,
Des géants de vapeur y semblent se poursuivre,
Les feuilles mortes fuient avec un bruit de cuivre,
On ne sait quel troupeau hurle à travers les boisEt je ferme les yeux et j'écoute. Or je crois
Ouïr l'àpre combat qui nuit et jour, se livre :
Cris de ceux qu'on enchaîne et de ceux qu'on délivre,
Rumeur de liberté, son du bronze des rois...Mais je laisse aujourd'hui le grand vent de l'histoire
Secouer l'écheveau confus de ma mémoire
Sans qu'il éveille en moi des regrets ni des vœux,Comme je laisse errer cette vaine tempête
Qui passe furieuse en flagellant ma tête
Et ne peut, rien sur moi qu'agiter mes cheveux.Sully Prudhomme.--------------------------------------------------------------------------------------------Aux arbres
Arbres de la forêt vous connaissez mon âme.
Au gré des envieux la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez vous , vous m'avez vous souvent,
Seul dans vos profondeurs regardant et rêvant.
Vous le savez la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d'eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage un oiseau m'occupent tout un jour.
La contemplation m'emplit le coeur d'amour.
Vous m'avez vu cent fois dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l'esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif le front baissé l'oeil dans l'herbe profonde,
L'étude d'un atome et l'étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m'avez vu fuir l'homme et chercher Dieu ,
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières vallons verts déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums mon culte à Dieu s'élance,
Et je suis plein d'oubli comme vous de silence ,
La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
Toujours je vous atteste ô bois aimés du ciel ,
J'ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère !
Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime et vous lierre au seuil des autres sourds,
Ravins où l'on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent joyeux convives !
Quand je suis parmi vous arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m'entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu'un de grand qui m'écoute et qui m'aime !
Aussi taillis sacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux chênes mousses forêt,
Forêt c'est dans votre ombre et dans votre mystère,
C'est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m'endormirai.
Victor Hugo------------------------------------------------------------------------------------------------------------ Ninnenne
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