[size=24]A MA MÈRE DE ALFRED DE MUSSET
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ci-dessus :peinture de Andrei Belichenko et Maria Boohtiyaro
A ma mère
Après un si joyeux festin,
Zélés sectateurs de Grégoire,
Mes amis, si, le verre en main
Nous voulons chanter, rire et boire,
Pourquoi s'adresser à Bacchus ?
Dans une journée aussi belle
Mes amis, chantons en " chorus "
A la tendresse maternelle. (Bis.)
Un don pour nous si précieux,
Ce doux protecteur de l'enfance,
Ah ! C’est une faveur des cieux
Que [size=16]Dieu donna dans sa clémence.[/size]
D'un bien pour l'homme si charmant
Nous avons ici le modèle ;
Qui ne serait reconnaissant
A la tendresse maternelle ? (Bis.)
Arrive-t-il quelque bonheur ?
Vite, à sa mère on le raconte ;
C'est dans son sein consolateur
Qu'on cache ses pleurs ou sa honte.
A-t-on quelques faibles succès,
On ne triomphe que pour elle
Et que pour répondre aux bienfaits
De la tendresse maternelle. (Bis.)
Ô toi, dont les soins prévoyants,
Dans les sentiers de cette vie
Dirigent mes pas nonchalants,
Ma mère, à toi je me confie.
Des écueils d'un monde trompeur
Écarte ma faible nacelle.
Je veux devoir tout mon bonheur
A la tendresse maternelle. (Bis.)
Alfred de MUSSET 1810-1857
Il n'y a pas de journée particulière pour penser à sa maman même si elle n'est plus là
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PROMENADE DANS LES ROCHERS DE VICTOR HUGO
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Hugo à Jersey sur le rocher dit "des Proscrits" 1852
Photographie de Victor Hugo (1802-1885) BNF, Manuscrits, NAF 13353, fol. 23v.
http://expositions.bnf.fr/hugo/grands/422.htm
Promenades dans les rochers (IV)
QUATRIEME PROMENADE
Dieu ! que les monts sont beaux avec ces taches d'ombre !
Que la mer a de grâce et le ciel de clarté !
De mes jours passagers que m'importe le nombre !
Je touche l'infini, je vois l'éternité.
Orages ! Passions ! Taisez-vous dans mon âme !
Jamais si près de [size=16]Dieu mon cœur n'a pénétré.[/size]
Le couchant me regarde avec ses yeux de flamme,
La vaste mer me parle, et je me sens sacré.
Béni soit qui me hait et béni soit qui m'aime !
A l'amour, à l'esprit donnons tous nos instants.
Fou qui poursuit la gloire ou qui creuse un problème !
Moi, je ne veux qu'aimer, car j'ai si peu de temps !
L'étoile sort des flots où le soleil se noie ;
Le nid chante ; la vague à mes pieds retentit ;
Dans toute sa splendeur le soleil se déploie.
Mon [size=16]Dieu, que l'âme est grande et que l'homme est petit ![/size]
Tous les objets créés, feu qui luit, mer qui tremble,
Ne savent qu'à demi le grand nom du Très-Haut.
Ils jettent vaguement des sons que seul j'assemble ;
Chacun dit sa syllabe, et moi je dis le mot.
Ma voix s'élève aux cieux, comme la tienne, abîme !
Mer, je rêve avec toi ! Monts, je prie avec vous !
La nature est l'encens, pur, éternel, sublime ;
Moi je suis l'encensoir intelligent et doux.
Victor HUGO 1802-1885
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LA GRENOUILLE ET LE RAT DE JEAN DE LA FONTAINE
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La Grenouille et le Rat
Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui,
Qui souvent s'engeigne soi-même.
J'ai regret que ce mot soit trop vieux aujourd'hui :
Il m'a toujours semblé d'une énergie extrême.
Mais afin d'en venir au dessein que j'ai pris,
Un rat plein d'embonpoint, gras, et des mieux nourris,
Et qui ne connaissait l'Avent ni le Carême,
Sur le bord d'un marais égayait ses esprits.
Une Grenouille approche, et lui dit en sa langue :
Venez me voir [size=16]chez moi, je vous ferai festin.[/size]
Messire Rat promit soudain :
Il n'était pas besoin de plus longue harangue.
Elle allégua pourtant les délices du bain,
La curiosité, le plaisir du [size=16]voyage,[/size]
Cent raretés à voir le long du marécage :
Un jour il conterait à ses petits-enfants
Les beautés de ces lieux, les mœurs des habitants,
Et le gouvernement de la chose publique
Aquatique.
Un point sans plus tenait le galand empêché :
Il nageait quelque peu ; mais il fallait de l'aide.
La Grenouille à cela trouve un très bon remède :
Le Rat fut à son pied par la patte attaché ;
Un brin de jonc en fit l'affaire.
Dans le marais entrés, notre bonne commère
S'efforce de tirer son hôte au fond de l'eau,
Contre le droit des gens, contre la foi jurée ;
Prétend qu'elle en fera gorge-chaude et curée ;
Déjà dans son esprit la galande le croque.
Il atteste les Dieux ; la perfide s'en moque.
Il résiste ; elle tire. En ce combat nouveau,
Un Milan qui dans l'air planait, faisait la ronde,
Voit d'en haut le pauvret se débattant sur l'onde.
Il fond dessus, l'enlève, et, par même moyen
La Grenouille et le lien.
Tout en fut ; tant et si bien,
Que de cette double proie
L'oiseau se donne au cœur joie,
Ayant de cette façon
A souper chair et poisson.
La ruse la mieux ourdie
Peut nuire à son inventeur ;
Et souvent la perfidie
Retourne sur son auteur.
Jean de la Fontaine
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LA POULE DE CAUX DE JEAN-PIERRE CLARIS DE FLORIAN
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La Poule de Caux.
Plusieurs Français ont la triste manie
D'aller toujours rabaissant leur patrie,
Pour exalter les coutumes, les mœurs
D'autres pays qui ne sont pas meilleurs.
Je l'avouerai, cette extrême injustice
Plus d'une fois excita mon courroux :
Non que mon cœur, par un autre caprice,
N'ait d'amitié, d'estime que pour nous.
Loin, loin de moi ces préjugés vulgaires,
Sources de haine et de divisions !
En tous pays tous les bons cœurs sont frères.
Mais, sans haïr les autres nations,
On peut aimer et respecter la sienne ;
On peut penser qu'aux rives de la Seine
Il est autant de vertus et d'honneur,
D'esprit, de grâce, et même de bonheur,
Que sur les bords de la froide Tamise,
De l'Êridan, ou du Tage, ou du Rhin.
Vous le prouver, voilà mon entreprise.
Chemin faisant, si quelque trait malin
Vient par hasard égayer ma franchise,
Italien, Ibère, Anglais, Germain,
Que d'entre vous nul ne se formalise,
De vous fâcher je n'ai pas le dessein.
Près Caudebec, dans l'antique Neustrie,
Pays connu dans tous nos tribunaux,
Certaine poule avec soin fut nourrie.
C'était l'honneur des volailles de Caux.
Imaginez un plumage d'ébène
Parsemé d'or, une huppe d'argent,
La crête double et d'un rouge éclatant,
L'œil vif, l'air fier, la démarche hautaine :
Voilà ma poule. Ajoutez-y pourtant,
Un cœur sensible et d'amitié capable,
De la douceur, surtout de la bonté,
Assez d'esprit pour savoir être aimable,
Et pas assez pour être insupportable.
Son seul défaut, c'était la vanité :
Las ! Sur ce point qui de nous n'est coupable?
Ma poule, à peine au printemps de ses jours,
Des coqs voisins tournaient toutes les têtes :
Mais, dédaignant ces faciles conquêtes,
Elle voulait se soustraire aux amours.
C'est bien en vain qu'attroupés autour d'elle,
Les tendres coqs, dans leurs désirs pressants,
Le cou gonflé, sur leurs pieds se haussant,
Vont balayant la terre de leur aile :
Froide au milieu de ces nombreux amans,
Ma [size=16]belle poule écoute leur prière[/size]
D'un air distrait, murmure un dur refus,
S'éloigne d'eux ; et lorsqu'un téméraire
Ose la suivre ou veut hasarder plus,
D'un coup de bec lui marquant sa colère,
Dans le respect elle le fait rentrer.
Ainsi jadis cette reine d'Ithaque,
Que sa sagesse a tant fait admirer,
Des poursuivants surent éviter l'attaque.
L'orgueil toujours nous conduit de travers;
Il n'est pas gai, de plus, et nous ennuie :
Des passions la plus triste en la vie
C'est de n'aimer que soi dans l'univers.
Bien l'éprouva notre Normande altière :
Elle tomba bientôt dans la langueur ;
Elle sentit le vide de son cœur,
Et soupira. Mais, hélas ! Comment faire ?
Se corriger ? Se montrer moins sévère ?
Des jeunes coqs ce serait bien l'avis :
Mais que diraient les poules du pays ?
On connaît trop leur caquet et leur haine.
Notre héroïne était donc forte en peine,
Lorsqu'un Anglais, qui toujours voyageait
Pour éviter l'ennui qui le suivait,
En reprenant le chemin d'Angleterre,
Vit notre poule et l'acheta fort cher,
Avec grand soin lui fil passer la mer,
Fit l'établit dans sa nouvelle terre,
Au nord de Londres, auprès de Northampton.
Notre Cauchoise, à peine en Albion,
Se dit : Voici le moment favorable
Pour me montrer moins fière et plus traitable,
Pour radoucir ma morale et mon ton.
Jusqu'à présent je fus beaucoup trop sage ;
C'est une erreur pardonnable à mon âge :
Corrigeons-nous. Je veux, dans ce canton,
Prendre un époux jeune, aimable et sincère :
Pour être Heureuse il faut que je sois mère ;
Au fond du cœur certain je ne sais quoi
M'a toujours dit que c'était mon emploi.
Parlant ainsi, notre [size=16]belle héroïne[/size]
Voit arriver plusieurs coqs du pays :
Ils sont tous grands, beaux, fiers; mais à leur
On peut juger de leur profond mépris
Pour tout poulet qui n'est pas d'Angleterre,
D'un air hautain ils tournent à l'entour
De la Française ; et, sans autre mystère,
Le plus joli lui parle ainsi d'amour :
Écoute, miss, tu vois en moi ton maître,
Mais tu me plais : je suis sultan ici,
Et je veux bien dans mon sérail t'admettre ;
Viens donc m'aimer, je te l'ordonne ainsi.
A ce propos de gentille fleurette,
Notre Cauchoise, immobile et muette,
Ne sait comment répondre à tant d'honneur ;
Quand un des coqs, regardant l'orateur :
Goddam ! dit-il, vous avez bonne grâce !
Vous, maître ici ! Vous, sultan ! Ces deux mots
Dans notre langue eurent-ils jamais place?
Nous sommes tous Anglais, libres, égaux.
Et de quel droit vous seul feriez-vous fête
A cette poule? Elle est de vos rivaux,
Comme dé vous, la commune conquête.
Voici mon droit, répond le premier coq ;
Et de son bec il vient frapper la crête
De l'opposant, qui, ferme comme un roc,
Soutient l'effort, sur ses ergots se dresse
En reculant, et revient en fureur,
Le cou tendu, fondre sur l'agresseur.
La troupe alors tout autour d'eux s'empresse
Et prend parti ; l'on se mêle, on se bat,
Ou se déchire : et, pendant le combat,
Notre Française effrayée, interdite,
S'échappe et fuit à travers bois et champs,
Courant, volant, pour s'éloigner plus vite.
Ah ! quel pays ! dit-elle ; quelles gens !
La liberté chez eux n'est que la guerre :
Jusqu'à l'amour, ils font tout en colère.
Fuyons, fuyons. Elle arrive â ces mots
A la Tamise, et découvre un navire,
Non loin, du bord, qui sillonnait les flots.
Elle s'élance ; et matelots de rire
En le voyant près d'eux tomber dans l'eau :
Mais aussitôt un grappin la retire,
Et la voilà saine et sauve au vaisseau.
Ce bâtiment allait droit en Espagne.
En peu de jours il relâche à Cadix ;
Et notre poule aussitôt en campagne
S'échappe, et court visiter le pays.
Elle aperçoit dans les riches vallées
L'or des épis, la pourpre des raisins ;
Ici l'olive et la mûre mêlée,
La l'oranger bordant les grands chemins ;
Le citronnier qui, Second dès l'enfance,
Parfume l'air de ses douces odeurs,
Et, près des fruits poussant encor des [size=16]fleurs,[/size]
Donne l'espoir avec la jouissance ;
Et les brebis paissant sur les coteaux,
Et les coursiers se jouant près des eaux ;
Partout enfin la corne d'abondance
Versant ses dons sur ces [size=16]heureux climats.[/size]
Ce long détail peut-être vous ennuie :
Passez-le-moi, j'aime l'Andalousie.
Ma poule aussi lui trouva des appas;
En admirant, elle disait tout bas :
Ce pays-ci vaut bien la Normandie ;
Il me plaît fort, ne le quittons jamais.
Dans le moment elle voit à sa suite
Un jeune coq saluant ses attraits.
Ce jeune coq avait bien son mérite;
Il n'était pas beau comme un coq anglais,
Mais il avait certain air de noblesse
Fort séduisant ; ajoutez-y deux yeux
Brillons d'esprit et remplis de [size=16]tendresse.[/size]
A notre poule, en langage pompeux,
Très gravement ce discours il adresse :
Reine des coqs, ornement de ces lieux,
Soleil nouveau de notre heureuse terre,
Vous allez voir vos sujets amoureux
Quitter pour tous leur poule la plus chère.
Eh ! Qui pourrait, hélas ! Nous en blâmer?
Nos yeux ont pu s'être laissé charmer
Pour des beautés bien au-dessous des vôtres ;
Mais si nos cœurs ont soupiré pour d'autres,
C'était afin d'apprendre à vous aimer.
Ainsi parla le coq d'Andalousie ;
Et son 'discours, quoiqu'un peu recherché,
Ne déplut point : la Française attendrie
Y répondit d'un air doux et touché.
Les voilà donc marchant de compagnie
L'amour en tiers, lorsque certaine pie,
A l'œil hagard, au manteau noir et blanc,
Vint à passer : Ah ! dit le coq tremblant,
Je suis perdu, c'en est fait de ma vie !
— Que dites-vous ? Et d'où vient cet effroi ?
— De cet oiseau. — Vous craignez une pie?
A coups de bec je la plumerais, moi.
— Gardez-vous-en! — Pourquoi donc ? Je vous prie.
Je le vois bien, vous ignorez nos maux :
Apprenez donc que ces cruels oiseaux,
Qu'on hait ici, mais pourtant qu'on caresse,
Sous les dehors d'une douceur traîtresse
S'en vont partout guettant ce que l'on dit,
Ce que l'on fait, ce qu'on a dans l'esprit ;
Puis, le tournant en cent mille manières,
En rendent compte ; et d'après leurs rapports,
Tout aussitôt cuisiniers, cuisinières,
Nous font rôtir sans le moindre remords.
— Rôtir ! — Et oui : nous sommes sans reproche,
Assurément : mais je tous parlais bas,
Vous écoutiez : cela suffit, hélas !
Pour que ce soir on nous mette à la broche.
Oui ! dit la poule en gagnant le vaisseau;
Dès ce moment je vais changer de route.
Votre pays est superbe sans doute ;
Mais il y fait pour nous un peu trop chaud.
Je vous chéris, et vous plains, je vous jure :
Vous êtes doux, spirituels, galants ;
Mais tous les dons que vous fit la nature
Deviennent nuls avec vos noirs et blancs.
Délivrez-en, croyez-moi, votre empire.
Disant ces mots, elle rentre au navire,
Qui de Livourne allait chercher le port.
Le trajet fait, on débarque ; et d'abord
Voilà ma poule à courir sur la plage.
Elle aperçoit, assez près du rivage,
Un poulet gras, qui, d'un air doux et fin,
Tourne, salue, aborde l'étrangère,
Salue encore, et, d'un ton patelin,
Lui dit ces mots avec une voix claire :
Suave objet, si votre cœur bénin
Daigne choisir un poulet d'Italie
Pour Sigisbé de votre seigneurie,
J'ose briguer ce glorieux destin :
Je ne veux plus vivre qu'à votre suite.
Las ! Je connais mes imperfections ;
Mais mon respect et mes soumissions
Remplaceront mon mangue de mérite.
Il dit, et baisse, en soupirant, tes yeux.
Notre Normande écoutait en silence,
Et se sentait certaine répugnance
Pour ce monsieur si gras, si mielleux,
Pour son discoure, surtout pour sa voix clair.
Elle retourne aussitôt en arrière
Sans lui répondre ; et, voyant près de la
Une autre poule, elle l'interrogea ;
Expliques-moi, s'il vous plaît, ma commère,
D'où peut venir ma prompte aversion
Pour ce poulet? — Hélas ! D’une raison
Triste, cruelle, et pourtant à la mode
Dans ce pays, où l'on a pour méthode
De préférer une brillante voix
A d'autres dons qui ne me touchent guère,
Mais qui pourtant deviennent nécessaires
Dans certains cas. On prétend qu'autrefois
Nos coqs étaient les plus beaux de la terre,
Vifs en amour, terribles à la guerre :
Tout change, hélas! Ici nous réprouvons
Bien plus qu'ailleurs ; nos coqs sont des chapons,
Je vous plains fort, dit ma poule en colère :
J'ai parcouru déjà bien ites pays ;
On a pensé me battre en Angleterre,
Puis me rôtir aux rives de Cadix;
Mais vivre ici me paraît encor pis.
Disant ces mots, elle joint la voiture
D'un voyageur, et, je ne sais comment,
Grimpe dessus, puis la voilà cousant,
Sans savoir où pour sortir d'Italie.
Ce voyageur était un Allemand,
Qui la conduit bientôt en Germanie,
Dans son château, de Kursberchtolfgaxen,
Près de la Drave, entre Inspruck et Brixen.
Ma poule à peine est dans cette contrée,
Que de cent coqs on la voit entourée.
Mais, avant tout, de ces nouveaux amans
Elle étudie un peu le caractère:
Et sur ce point tout doit la satisfaire.
Ces bons Germains sont doux, sensibles, franc,
Aimant l'honneur, et non les compliments,
Et préférant au grand art de paraître
L'art bien plus sur et moins facile d'être.
A se fixer parmi ces bonnes gens
Voilà ma poule enfin déterminée.
Elle choisit le plus aimable époux,
Et lui déclare, en présence de tous,
Qu'ils vont serrer les doux nœuds d'hyménée.
Ah ! Quel bonheur ! Lui répond tendrement
Le Jeune coq ; mais parles franchement :
Vous savez bien que, dans cette journée,
Il fout d'abord, pour articles premiers
Que vous puissiez fournir seize quartiers.
Seize quartiers! dit la poule étonnée.
— Oui, c'est le taux ; rien de fait sans ce point.
— Expliquez-vous, je ne vous entends peint :
Quartiers de quoi? — Mais vraiment, de noblesse :
Nous la cherchons bien plus que la tendresse
Dans nos hymens ; et, sans cela, jamais
Nous ne pourrions faire entrer nos poulets
Dans certains lieux nommés ménageries,
Où, bien à l'aise, et sans servir à rien,
De la patrie ils ont mangé le bien ;
Tandis qu'ailleurs nos poulettes nourries
S'en vont jouir d'un état respecté,
Qui leur permet pendant toute leur vie
Mêmes plaisirs et même oisiveté.
A ce discoure, notre poule ébahie
Ouvre le bec, écoute, et réfléchit,
Puis tout à coup, sans se fâcher, lui dit :
Mon cher ami, Je n'ai point die noblesse,
Et vos grands mots me sont peu familiers :
Mais je connais l'amour et la sagesse,
Et les préfère à vos seize quartiers.
Voilà ma dot, qui suffira, j'espère;
En attendant, je quitte cette terre-,
Où je croyais trouver plus de bon sens.
Mais, je le vois, chacun a sa folie :
Et, sans juger les pays différens
Où j'ai passé, j'aime mieux ma patrie.
Après ces mots elle part brusquement,
Pour retourner au bon pays normand.
lit, son projet était, dit-on, de faire
Un beau traité bien abstrait et bien long,
Surtout obscur, pour qu'il parut profond,
Comme on les fait, sur la cause première
Des lois, des mœurs, des droits des nations ;
Semant partout force réflexions.
Un tel ouvrage aurait charmé sans doute;
Mais le renard mangea l'auteur en route.
Jean-Pierre Claris de Florian
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Ninnenne