Bouquet d'arbres poème
Bouquet d'arbres
Il faut parler des ifs comme on parle des morts
Du pelage d'automne enrobant l'eau qui dort
Le lilas oiseau-lyre ouvrant ses ailes blanches
C'est un flocon de neige qui plane sur les branches
Et le doux peuplier les calèches du vent
L'entraînent au galop de leurs chevaux piaffant
Ambre liquide ourlant la rive des forêts
L'écorce du bouleau tisse sa voie lactée
Le sapin familier de ses aiguilles brunes
Faufile la voilure attachée à sa hune
Et la pluie dans les mains frêles des marronniers
Glisse et s'effrite comme la vie d'un prisonnier
Mais le chêne fixé sur un socle de marbre
Semble un berger figé parmi son troupeau d'arbres
Si je nomme le charme une allée se dénoue
Une source enchâssée à son collier de houx
Et je ne sais que dire à ces obscurs témoins:
Tilleuls rompant le soir leur graine de parfums
Pommiers de gloire au flanc des collines couchés
Saules tremblants comme une fille effarouchée
A tous ceux qui s'en vont cherchant dans la nuit noire
La charnelle vêture et l'humaine mémoire.
Robert Desnos.
Le Premier Arbre
Le premier arbre
C'était lors de mon premier arbre,
J'avais beau le sentir en moi
Il me surprit par tant de branches,
Il était arbre mille fois.
Moi qui suis tout ce que je forme
Je ne me savais pas feuillu,
Voilà que je donnais de l'ombre
Et j'avais des oiseaux dessus.
Je cachais ma sève divine
Dans ce fût qui montant au ciel
Mais j'étais pris par la racine
Comme à un piège naturel.
C'était lors de mon premier arbre,
L'homme s'assit sous le feuillage
Si tendre d'être si nouveau.
Etait-ce un chêne ou bien un orme
C'est loin et je ne sais pas trop
Mais je sais bien qu'il plut à l'homme
Qui s'endormit les yeux en joie
Pour y rêver d'un petit bois.
Alors au sortir de son somme
D'un coup je fis une forêt
De grands arbres nés centenaires
Et trois cents cerfs la parcouraient
Avec leurs biches déjà mères.
Ils croyaient depuis très longtemps
L'habiter et la reconnaître
Les six-cors et leurs bramements
Non loin de faons encore à naître.
Ils avaient, à peine jaillis,
Plus qu'il ne fallait d'espérance
Ils étaient lourds de souvenirs
Qui dans les miens prenaient naissance.
D'un coup je fis chênes, sapins,
Beaucoup d'écureuils pour les cimes,
L'enfant qui cherche son chemin
Et le bûcheron qui l'indique,
Je cachai de mon mieux le ciel
Pour ses distances malaisées
Mais je le redonnai pour tel
Dans les oiseaux et la rosée.
Jules Supervielle.
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Arbres de la forêt
Aux Arbres
Arbres de la forêt, vous connaissez mon
Au gré des envieux, la foule loue et blâme
Vous m'avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l'esprit à la natu
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l'oeil dans l'herbe profonde,
L'étude d'un atome et l'étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m'avez vu fuir l'homme et chercher Dieu.
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieus'élance,
Et je suis plein d'oubli comme vous de silence!
La haine sur mon nom répand en vain son fiel;
Toujours je vous atteste, ô bois aimés du ciel!
J'ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère
Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime, et vous, lierre au seuil des antres sourds,
Ravins où l'on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m'entoure et me cache à la fois
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu'un de grand qui m'écoute et qui m'aime!
Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêts! c'est dans votre ombre et dans votre mystère,
C'est sous votre branchage auguste et solitaire
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m'endormirai.
Robert Sabatier.
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La forêt
La forêt
Forêt silencieuse, aimable solitude,
Que j'aime à parcourir votre ombrage ignoré !
Dans vos sombres détours, en rêvant égaré,
J'éprouve un sentiment libre d'inquiétude !
Prestiges de mon coeur ! je crois voir s'exhaler
Des arbres, des gazons une douce tristesse :
Cette onde que j'entends murmure avec mollesse,
Et dans le fond des bois semble encor m'appeler.
Oh ! que ne puis-je, heureux, passer ma vie entière
Ici, loin des humains !
Au bruit de ces ruisseaux,
Sur un tapis de fleurs, sur l'herbe printanière,
Qu'ignoré je sommeille à l'ombre des ormeaux !
Tout parle, tout me plaît sous ces voûtes tranquilles ;
Ces genêts, ornements d'un sauvage réduit,
Ce chèvrefeuille atteint d'un vent léger qui fuit,
Balancent tour à tour leurs guirlandes mobiles.
Forêts, dans vos abris gardez mes voeux offerts !
A quel amant jamais serez-vous aussi chères ?
D'autres vous rediront des amours étrangères ;
Moi de vos charmes seuls j'entretiens les déserts.
François-René de Chateaubriand.
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Ninnenne