La vieillesse Sully prudhomme
La vieillesse
Viennent les ans ! J'aspire à cet âge sauveur
Où mon sang coulera plus sage dans mes veines,
Où, les plaisirs pour [size=13]moi n'ayant plus de saveur,[/size]
Je vivrai doucement avec mes vieilles peines.
Quand l'amour, désormais affranchi du baiser,
Ne me brûlera plus de sa fièvre mauvaise
Et n'aura plus en [size=13]moi d'avenir à briser,[/size]
Que je m'en donnerai de [size=13]tendresse à mon aise ![/size]
Bienheureux les enfants venus sur mon chemin !
Je saurai transporter dans les buissons l'école ;
Heureux les jeunes gens dont je prendrai la main !
S'ils aiment, je saurai comment on les console.
Et je ne dirai pas : "C'était mieux de mon temps."
Car le mieux d'autrefois c'était notre jeunesse ;
Mais je m'approcherai des âmes de vingt ans
Pour qu'un peu de chaleur en mon âme renaisse ;
Pour vieillir sans déchoir, ne jamais oublier
Ce que j'aurai senti dans l'âge où le coeur vibre,
Le beau, l'honneur, le droit qui ne sait pas plier,
Et jusques au tombeau penser en homme libre.
Et vous, oh ! Quel poignard de ma poitrine ôté,
Femmes, quand du désir il n'y sera plus traces,
Et qu'alors je pourrai ne voir dans la beauté
Que le dépôt en vous du moule pur des races !
Puissé-je ainsi m'asseoir au faîte de mes jours
Et contempler la vie, exempt enfin d'épreuves,
Comme du haut des monts on voit les grands détours
Et les plis tourmentés des routes et des fleuves !
Sully Prudhomme
L'automne Sully Prudhomme
L'automne
L'azur n'est plus égal comme un rideau sans pli.
La feuille, à tout moment, tressaille, vole et tombe ;
Au bois, dans les sentiers où le taillis surplombe,
Les taches de soleil, plus larges, ont pâli.
Mais l'oeuvre de la sève est partout accompli :
La grappe autour du cep se colore et se bombe,
Dans le verger la branche au poids des fruits succombe,
Et l'été meurt, content de son devoir rempli.
Dans l'été de ta [size=13]vie enrichis-en l'automne ;[/size]
Ô mortel, sois docile à l'exemple que donne,
Depuis des milliers d'ans, la terre au genre humain ;
Vois : le front, lisse hier, n'est déjà plus sans rides,
Et les cheveux épais seront rares demain :
Fuis la honte et l'horreur de vieillir les mains vides.
Sully Prudhomme
Un très beau [size=13]poème de Sully Prudhomme sur le temps qui passe, sur les saisons qui défilent et qui font que l'homme est comme la feuille de l'arbre...[/size]
Ninnenne