XXVIII
Votre regard anxieux est triste. Il cherche à connaître ma pensée.
La lune aussi veut pénétrer la mer.
Vous connaissez toute ma vie, je ne vous ai rien caché. Voilà pourquoi vous ignorez tout de moi.
Si ma vie était une gemme, je la briserais en cent morceaux, et de ces parcelles, je vous ferais un collier que je mettrais à votre cou.
Si ma vie n'était qu'une fleur, douce et menue, je la cueillerais de sa tige pour la poser dans vos cheveux.
Mais elle est un coeur, mon aimée. Où sont ses limites?
Vous ne connaissez pas les bornes de ce royaume et cependant vous en êtes la reine.
Si mon coeur n'était que plaisir, vous le verriez fleurir en un sourire heureux et vous le pénétreriez en un instant.
S'il n'était que souffrance , il fondrait en larmes limpides, reflétant sans un mot son secret.
Mais il est amour, ma bien-aimée.
Son plaisir et sa peine sont illimités, sa vie, sa misère et sa richesse sont éternelles.
Il est aussi près de vous que votre vie même, mais jamais vous ne le connaîtrez tout entier.
Que de beaux poèmes pour immortaliser l'amour à travers les siècles...
Le lion malade et le Renard Jean de La Fontaine
Le Lion malade et le Renard
De par le Roi des [size=16]Animaux, [/size]
Qui dans son antre était malade,
Fut fait savoir à ses vassaux
Que chaque espèce en ambassade
Envoyât gens le visiter,
Sous promesse de bien traiter
Les Députés, eux et leur suite,
Foi de Lion très bien écrite.
Bon passe-port contre la dent ;
Contre la griffe tout autant.
L'Edit du Prince s'exécute.
De chaque espèce on lui députe.
Les Renards gardant la maison,
Un d'eux en dit cette raison :
Les pas empreints sur la poussière
Par ceux qui s'en vont faire au malade leur cour,
Tous, sans exception, regardent sa tanière ;
Pas un ne marque de retour.
Cela nous met en méfiance.
Que Sa Majesté nous dispense.
Grand merci de son passe-port.
Je le crois bon ; mais dans cet antre
Je vois fort bien comme l'on entre,
Et ne vois pas comme on en sort
Jean de La Fontaine
Livre 6 Fable XIV
XXVII
Crois à l’amour, même s’il est une source de douleur.
Ne ferme pas ton coeur.
Non, mon ami, vos paroles sont obscures, je ne puis les comprendre.
Le cœur n’est fait que pour se donner avec une larme et une chanson, mon aimée.
Non, mon ami, vos paroles sont obscures, je ne puis les comprendre.
La joie est frêle comme une goutte de rosée, en souriant elle meurt. Mais le chagrin est fort et tenace. Laisse un douloureux amour s’éveiller dans tes yeux.
Non, mon ami, vos paroles sont obscures, je ne puis les comprendre.
Le lotus préfère s’épanouir au soleil et mourir, plutôt que de vivre en bouton un éternel hiver.
Non, mon ami, vos paroles sont obscures, je ne puis les comprendre.
Rabindranath Tagore (Le Jardinier d'amour)
Oui, c'est bien le vallon ! le vallon calme et sombre !
Ici l'été plus frais s'épanouit à l'ombre.
Ici durent longtemps les [size=16]fleurs qui durent peu. [/size]
Ici l'âme contemple, écoute, adore, aspire,
Et prend pitié du monde, étroit et fol empire
Où l'homme tous les jours fait moins de place à [size=16]Dieu ![/size]
Une rivière au fond ; des bois sur les deux pentes.
Là, des ormeaux, brodés de cent vignes grimpantes ;
Des prés, où le faucheur brunit son bras nerveux ;
Là, des saules pensifs qui pleurent sur la rive,
Et, comme une baigneuse indolente et naïve,
Laissent tremper dans l'eau le bout de leurs cheveux.
Là-bas, un gué bruyant dans des eaux poissonneuses
Qui montrent aux passants lés jambes des faneuses ;
Des carrés de blé d'or ; des étangs au flot clair ;
Dans l'ombre, un mur de craie et des toits noirs de suie ;
Les ocres des ravins, déchirés par la pluie ;
Et l'aqueduc au loin qui semble un pont de l'air.
Et, pour couronnement à ces collines vertes,
Les profondeurs du ciel toutes grandes ouvertes,
Le ciel, bleu pavillon par [size=16]Dieu même construit, [/size]
Qui, le jour, emplissant de plis d'azur l'espace,
Semble un dais suspendu sur le soleil qui passe,
Et dont on ne peut voir les clous d'or que la nuit !
Oui, c'est un de ces lieux où notre coeur sent vivre
Quelque chose des cieux qui flotte et qui l'enivre ;
Un de ces lieux qu'enfant j'aimais et je rêvais,
Dont la beauté sereine, inépuisable, intime,
Verse à l'âme un oubli sérieux et sublime
De tout ce que la terre et l'homme ont de mauvais !
Première partie d'un très long et très beau [size=16]poème de Victor Hugo...[/size]
On a tous dans nos coeurs un lieu que l'on aimait enfant et auquel on pense toujours avec émotion...
Les maisons Poème de Charles-Ferdinand Ramuz
Les maisons
Les vieilles maisons sont toutes voûtées,
Elles sont comme des grands-mères
Qui se tiennent assises, les mains sur les genoux,
Parce qu'elles ont trop travaillé dans leur vie
Mais les neuves sont fraîches et jolies
Comme des filles à fichus
Qui, ayant dansé, vont se reposer
Et qui se sont mis une [size=16]rose au cou. [/size]
Le soleil couchant brille dans les vitres,
Les fumées montent dévidées
Et leurs écheveaux embrouillés
Tissent aux branches des noyers
De grandes toiles d'araignées.
Et, pendant la [size=16]nuit, sur les toits, [/size]
L'heure du clocher dont les ressorts crient –
Et le poids descend –
S'en va vers les champs
Et réveille subitement
Toutes les maisons endormies.
Charles-Ferdinand Ramuz
Le suicidaire Poème anonyme
Le suicidaire
Son corps vit, mais en lui il est mort
L'âme écrasée par le poids de ses remords
Il a des critiques, mais il laisse faire
Car désormais il maudit la terre entière
Traverser le [size=16]monde pour lui est devenu futile[/size]
Son corps est devenu un emballage inutile
Il a perdu l'esprit en cherchant la raison
Il a détruis son âme par son propre poison
La pire des courses du haut de sa tour
J'aperçois le vol des premiers vautours
Contemplant sereins la fin de cet homme
Impatients que sonne l'heure de l'ultimatum
Mets toi debout, regardes toi en face
Assume le reflet que tu vois dans la glace
Ne vois tu pas un lâche reniant ses idéaux
Un fourbe qui se cache sous le masque des maux
Désormais, vomis partout ta rage et ta haine
Que l'acide corrosif se dilue dans tes veines
Cherches en toi le moyen pour que tu t'en sortes
Afin que les démons à jamais ne t'emportent
Anonyme
Un très beau [size=16]poème dont les mots sont le reflet que peut- être la souffrance...[/size]
Un très beau [size=16]poème sur la rage de vivre, l'envie de survivre...[/size]
XXVI
Ce que tu m'offres volontiers, je le prends, je ne demande rien de plus.
Oui, oui, je te connais, modeste quémandeur, tu veux tout ce que j'ai.
Si je puis avoir cette fleur égarée, je la porterai sur mon coeur.
Et si elle a des épines?
Je les endurerai.
Oui, oui, je te connais, modeste quémandeur, tu veux tout ce
que j'ai.
Un regard de tes yeux amoureux rendrait ma vie douce pour
l'éternité.
Et si mon regard est cruel?
Je garderai sa blessure dans mon coeur.
Oui, oui, je te connais, modeste quémandeur, tu veux tout ce
que j'ai.
Rabindranath Tagore
La pêche à la baleine
À la pêche à la baleine, à la pêche à la baleine,
Disait le père d'une voix courroucée
À son fils Prosper, sous l'armoire allongé,
À la pêche à la baleine, à la pêche à la baleine,
Tu ne veux pas aller,
Et pourquoi donc?
Et pourquoi donc que j'irais pêcher une bête
Qui ne m'a rien fait, papa,
Va la pêpé, va la pêcher toi-même,
Puisque ça te plaît,
J'aime mieux rester à la maison avec ma pauvre mère
Et le cousin Gaston.
Alors dans sa baleinière le père tout seul s'en est allé
Sur la [size=16]mer démontée...[/size]
Voilà le père sur la [size=16]mer,[/size]
Voilà le fils à la maison,
Voilà la baleine en colère,
Et voilà le cousin Gaston qui renverse la soupière,
La soupière au bouillon.
La [size=16]mer était mauvaise,[/size]
La soupe était [size=16]bonne.[/size]
Et voilà sur sa chaise Prosper qui se désole :
À la pêche à la baleine, je ne suis pas allé,
Et pourquoi donc que j'y ai pas été?
Peut-être qu'on l'aurait attrapée,
Alors j'aurais pu en manger.
Mais voilà la porte qui s'ouvre, et ruisselant d'eau
Le père apparaît hors d'haleine,
Tenant la baleine sur son dos.
Il jette l'animal sur la table,
Une [size=16]belle baleine aux yeux bleus,[/size]
Une bête comme on en voit peu,
Et dit d'une voix lamentable :
Dépêchez-vous de la dépecer,
J'ai faim, j'ai soif, je veux manger.
Mais voilà Prosper qui se lève,
Regardant son père dans le blanc des yeux,
Dans le blanc des yeux bleus de son père,
Bleus comme ceux de la baleine aux yeux bleus :
Et pourquoi donc je dépècerais une pauvre bête qui m'a rien fait?
Tant pis, j'abandonne ma part.
Puis il jette le couteau par terre,
Mais la baleine s'en empare, et se précipitant sur le père
Elle le transperce de père en part.
Ah, ah, dit le cousin Gaston,
On me rappelle la chasse, la chasse aux papillons.
Et voilà
Voilà Prosper qui prépare les faire-part,
La mère qui prend le deuil de son pauvre mari
Et la baleine, la larme à l'oeil contemplant le foyer détruit.
Soudain elle s'écrie :
Et pourquoi donc j'ai tué ce pauvre imbécile,
Maintenant les autres vont me pourchasser en moto-godille
Et puis ils vont exterminer toute ma petite famille.
Alors éclatant d'un rire inquiétant,
Elle se dirige vers la porte et dit
À la veuve en passant :
Madame, si quelqu'un vient me demander,
Soyez aimable et répondez :
La baleine est sortie,
Asseyez-vous,
Attendez là,
Dans une quinzaine d'années, sans doute elle reviendra...
Jacques Prévert
Ninnenne