Les corrections Roman de Jonathan Franzen
Biographie de Jonathan Franzen : Chaque jour, Jonathan Franzen suit un rituel : café fort, enfermement dans son minuscule et presque vide appartement de l'Upper East Side, réglages pour une température d’à peine dix degrés, boules Quiès, casque antibruit et… noir. Juste éclairé par la lumière de son ordinateur, il s’arrête en début d'après-midi, dort vingt minutes puis rentre [size=16]chez lui à cinq heures du soir. S’il vit ainsi depuis que la célébrité s'est abattue sur lui, il précise que son lieu de travail ne lui ressemble pas ![/size]
Né en 1959, à Western Springs (Illilois) en 1959, Jonathan Franzen a passé son enfance à Saint Louis dans une maison comparable à celle qu'il décrit dans "Les Corrections"puis étudié au Swarthmore College de Pennsylvanie et à la Freie Universität de Berlin.
Jonathan Franzen travaille quelques années à l’université d’Harvard en tant qu’assistant chercheur en géologie.
Renonçant à sa carrière scientifique pour la [size=16]littérature, il écrit pour le New York Times, puis publie les romans ‘La 27e Ville’ en 1988 et ‘Strong Motion’ quatre ans plus tard. S’il se risque à l’essai via ‘Perchance to Dream. In the Age of Images, a Reason to Write Novels’ en 1996, puis reçoit en 1998 et 2000 le Whiting Writer’s Award et l’American Academy’s Berlin Prize.[/size]
C’est en 2001 qu’il se voit propulsé au tout premier rang de la [size=16]littérature américaine avec ‘Les Corrections’.
Grâce à cette oeuvre située à mi-chemin entre la grande fresque familiale et la réflexion sociale, il est aussitôt remarqué par le magazine Granta, vu comme l'un des “vingt écrivains pour le XXIe siècle” par The New Yorker et récompensé d’un National Book Award, prix américain équivalant au prix Goncourt.[/size]
Après avoir publié un recueil d'essais intitulé ‘Pourquoi s’en faire ?’ en 2002, il revient en France en 2007 pour présenter ses mémoires à travers "La Zone d’inconfort".
Sa sixième oeuvre, ‘Freedom’ se vend à plus d’un million d’exemplaires aux États-Unis à sa sortie en 2010.
Franzen fait la couverture de Time magazine, ce qui ne s’était pas fait pour un écrivain vivant, depuis une dizaine d’année. ‘Freedom’ est sorti en France en Août 2011, publié aux éditions de l’Olivier.
Présentation de l'éditeur
Et si les enfants ne naissaient que pour corriger les erreurs de leurs parents ? Nos vies familiales ressembleraient alors à des copies surchargées de ratures et de remarques – « faux », « mal dit », « à revoir » –, ponctuées de points d’exclamation ou d’interrogation.
Dans le livre de Jonathan Franzen, la famille s’appelle Lambert, mais c’est de l’Amérique qu’il s’agit, de sa manière de vivre, de ses idéaux : un continent entier en train de sombrer doucement dans la folie.
Alfred, Enid, et leur trois enfants – Gary, Chip et Denise – sont les cinq héros de ce roman-fleuve où défilent toutes nos contradictions : le besoin d’aimer et de la guerre conjugale, le sens de la justice et l’obsession des stock-options, le goût du bonheur et l’abus des médicaments, le patriarcat et la révolte des fils, la libération des femmes et la culpabilité de tous.
C’est cela, Les Corrections : une « tragédie américaine » dont la puissance balaye tout sur son passage. Mais aussi une comédie irrésistible, un humour qui s’autorise à rire de tout, une férocité sans limites.
Et le sens aigu de notre appartenance à la communauté humaine.
Dès sa parution aux États-Unis, en septembre 2001, Les Corrections est salué unanimement par la critique comme un des livres phares de ce début de siècle. Il s’est vendu à un million d’exemplaires, après avoir occupé pendant sept mois consécutifs la liste des meilleurs ventes du New York Times.
C’est la première fois qu’un écrivain qui se réclame d’auteurs « littéraires » comme Thomas Pynchon, William Gaddis ou Don DeLillo obtient un tel succès populaire.
Quelques critiques :
[size=16]Amazon.fr[/size]
La famille Lambert est une famille comme les autres, c'est-à-dire unique. Contradictoire, en guerre perpétuelle, dévorée par sa propre histoire, par ses conflits passés et à venir, ses silences. Derrière les visages, les cerveaux abritent des choses que, désespérément, on tente de cacher : Alfred, le père, derrière un caractère de fer dissimule l'impossibilité d'exprimer ses sentiments, tout comme ses désirs les plus profonds. Enid, sa femme, derrière sa soif inextinguible de moralité, tente d'affirmer sa personnalité… et sa libération. Gary, le banquier, le fils modèle est dévoré par la certitude paranoïaque du mensonge et de la trahison, du besoin de richesse. Chip, l'intellectuel, à la poursuite d'une gloire littéraire et de ses contradictions politiques, et Denise, en quête d'un amour véritable et de cette liberté qui la révélera à elle-même, complètent le tableau. Au travers d'une histoire aux multiples rebondissements, haletante, tout ce petit monde va s'aimer, se déchirer et tenter d'approcher de la vérité : quel visage pour l'Amérique ? Et quelle place pour les vivants en quête de bonheur, parmi les multiples névroses que ce monde s'efforce d'engendrer ?
Jonathan Franzen va vous surprendre : d'abord parce que son roman voyage de la gravité de vies en plein chaos à l'hilarité d'un absurde pourtant vraisemblable. Ensuite, parce qu'avec cette saga familiale haute en couleur, il touche au cœur, tantôt par une simplicité d'écriture bouleversante, tantôt par la virtuosité de formules qui marquent les esprits. Enfin, parce que sans en avoir l'air, il préserve son lecteur de la complexité que l'on ressent parfois à comprendre une œuvre brillante, intelligente et nouvelle : un chef-d'œuvre. --Hector Chavez
Extraits
"La folie d’un front froid balayant la Prairie en automne. On le sentait : quelque chose de terrible allait se produire. Le soleil bas sur l’horizon, une lumière voilée, une étoile fatiguée. Rafale sur rafale de dislocation. Bruissements d’arbres, températures en baisse, toute la religion septentrionale des choses touchant à son terme. Nul enfant dans les cours ici. Ombres et lumières sur le zoysia jaunissant. Chênes rouvres, chênes des teinturiers et chênes blancs des marais faisaient pleuvoir des glands sur des maisons libres d’hypothèque. Des doubles fenêtres vibraient devant des chambres vides. Et le bourdonnement et les hoquets d’un sèche-linge, l’assertion nasillarde d’un souffleur à feuilles mortes, le pourrissement de pommes du jardin dans un sac en papier, les relents du gasoil avec lequel Alfred Lambert avait nettoyé le pinceau après avoir repeint la causeuse en osier dans la matinée.
Trois heures de l’après-midi était un passage dangereux dans ces banlieues gérontocratiques de Saint Jude. Alfred s’était réveillé dans le grand fauteuil bleu où il somnolait depuis le déjeuner. Il avait fait sa sieste, et il n’y aurait pas d’informations locales avant cinq heures. Deux heures creuses étaient une espèce de sinus sujet aux infections. Il se leva avec effort et se planta devant la table de ping-pong, essayant en vain de capter un signe de vie d’Enid.
Une alarme résonnait à travers la maison, que seuls Alfred et Enid entendaient distinctement. C’était l’alarme de l’angoisse. Elle était pareille à l’une de ces grandes calottes métalliques avec un battant électrique qui expédient les enfants dans la rue lors des exercices d’évacuation. Elle sonnait depuis tant d’heures à présent que les Lambert ne percevaient plus le message « sonnerie d’alarme » mais, comme avec tout son qui se poursuit si longtemps qu’on a le loisir d’apprendre à en discerner les composantes (comme avec un mot qu’on fixe jusqu’à ce qu’il se décompose en une chaîne de lettres muettes), ils entendaient le martèlement rapide d’un battant contre un résonateur métallique, non pas un son pur, mais une suite granuleuse de percussions, un lugubre ressac d’harmoniques ; sonnant depuis tant de jours qu’elle se fondait simplement dans le décor, hormis à certaines heures du petit matin, quand l’un ou l’autre se réveillait en nage et se rendait compte qu’une sonnerie retentissait dans sa tête depuis aussi longtemps qu’il se souvenait ; sonnant depuis tant de mois que le son avait cédé la place à une sorte de métason dont le flux et le reflux n’étaient pas la pulsation des ondes de compression, mais le va-et-vient bien plus lent de leur conscience du son. Laquelle était particulièrement aiguë quand le temps était lui-même d’humeur anxieuse. Alors Enid et Alfred – elle à genoux dans la salle à manger, ouvrant des tiroirs, lui, au sous-sol, inspectant le désastre de la table de ping-pong –, l’un comme l’autre se sentaient près d’exploser d’angoisse.
L’angoisse des bons de réduction, dans un tiroir contenant des bougies fantaisie aux couleurs automnales. Les bons de réduction étaient réunis en une liasse, serrés par un élastique, et Enid constatait que leur date d’expiration (souvent crânement cerclée de rouge par le fabricant) était passée depuis des mois ou même des années : que cette centaine de bons, dont la valeur faciale dépassait les soixante dollars (et potentiellement les cent vingt dollars au supermarché de Chiltsville, qui doublait la réduction), ne valait plus rien. Vigor, moins soixante cents. Efferalgan, moins un dollar. Les dates n’étaient même pas proches. Les dates étaienthistoriques. La sonnerie d’alarme retentissait depuis des années.
Elle repoussa les bons de réduction au milieu des bougies et ferma le tiroir. Elle cherchait une lettre qui était arrivée en recommandé quelques jours plus tôt. Alfred avait entendu le facteur frapper à la porte et avait crié : « Enid ! Enid ! », si fort qu’il ne l’avait pas entendue répondre : « Al, j’y vais ! » Il avait continué à lancer son nom en se rapprochant de plus en plus et, comme l’expéditeur de la lettre était Axon Corp., 24 East Industrial Serpentine, Schwenksville, Pennsylvanie, et comme il y avait certains aspects de la question Axon que connaissait Enid et dont elle espérait qu’Alfred les ignorait, elle avait rapidement fourré la lettre quelque part, à moins de quinze pas de la porte d’entrée. Alfred avait surgi de la cave en mugissant comme un engin de terrassement : « Il y a quelqu’un à la porte ! » Elle avait loyalement crié : « Le facteur ! Le facteur ! », et il avait secoué la tête devant la complexité de tout ça.
Enid était certaine qu’elle aurait les idées plus claires si seulement elle ne devait pas se demander toutes les cinq minutes ce que fricotait Alfred. Mais, elle avait beau essayer, elle n’arrivait pas à l’intéresser à la vie. Quand elle l’encourageait à reprendre ses expériences de métallurgie, il la regardait comme si elle était devenue folle. Quand elle lui demandait s’il n’y avait pas de travail à faire dans le jardin, il disait avoir mal aux jambes. Quand elle lui rappelait que les maris de ses amies avaient tous des hobbies (Dave Schumpert et ses vitraux, Kirby Root et ses complexes chalets miniatures pour nicher des pinsons, Chuck Meisner et le suivi heure par heure de son portefeuille boursier), Alfred se comportait comme si elle essayait de le détourner de quelque grand œuvre. Et quel était cet ouvrage ? Repeindre le mobilier de jardin ? Il repeignait la causeuse depuis le début du mois de septembre. Elle avait le souvenir que la dernière fois qu’il avait repeint le mobilier il avait fini la causeuse en deux heures. Mais il descendait à son atelier matin après matin, et quand, au bout d’un mois, elle s’y aventura pour voir ce qu’il faisait, elle découvrit que tout ce qu’il avait peint de la causeuse, c’étaient les pieds.
Il semblait désirer qu’elle s’en aille. Il dit que le pinceau avait séché, que cela prenait tant de temps. Il dit que décaper de l’osier, c’était comme d’essayer de peler une myrtille. Il dit qu’il y avait des grillons. Elle sentit sa gorge se serrer alors, mais peut-être n’était-ce que l’odeur d’essence et l’humidité de l’atelier qui avait des relents d’urine (mais ce ne pouvait être de l’urine). Elle remonta précipitamment à la recherche de la lettre d’Axon.
Six jours par semaine, plusieurs kilos de courrier entraient par la fente de la porte d’entrée, et, comme rien d’accessoire n’avait le droit de s’accumuler au bas des escaliers – comme la fiction de la vie dans cette maison était que personne n’y vivait –, Enid faisait face à un défi tactique majeur. Elle ne se voyait pas comme une guérillera, mais tel était exactement ce qu’elle était. De jour, elle transportait du matériel d’une cache à l’autre, en n’ayant souvent qu’un seul temps d’avance sur l’autorité établie. De nuit, sous une applique charmante mais trop faible, à la table trop petite du coin du petit déjeuner, elle menait diverses opérations : réglait des factures, cochait des relevés de compte, tentait de déchiffrer des décomptes de prestations de Medicare et de comprendre quelque chose à un menaçant troisième avertissement d’un labo d’analyses qui exigeait le paiement immédiat de 0,22 dollar tout en affichant un solde reporté de 0,00 dollar, signifiant ainsi qu’elle ne devait rien, et n’indiquant en outre aucune adresse pour un règlement. Le premier et le deuxième avertissement devaient être enfouis quelque part, mais, du fait des contraintes sous lesquelles Enid livrait sa bataille, elle n’avait que l’idée la plus vague de l’endroit où ces avertissements pouvaient se trouver un soir donné."
"Plus tôt dans la journée (...) Chip avait conclu qu'il se comportait comme un déprimé.
A présent, comme son téléphone se mettait à sonner, il se dit qu'un déprimé devrait continuer de regarder la télé en ignorant la sonnerie - devrait allumer une nouvelle cigarette et, sans la moindre émotion, regarder un nouveau dessin animé tandis que son répondeur prendrait le message s'il y en avait un.
Que son impulsion fût, au contraire, de bondir pour répondre au téléphone - qu'il puisse si facilement trahir le laborieux gâchis d'une journée - jetait un doute sur l'authenticité de sa souffrance. Il avait l'impression qu'il lui manquait la capacité de perdre toute appétence et tout lien avec la réalité comme les déprimés des livres et des films. Il lui sembla, au moment où il éteignit la télévision et se précipita à la cuisine, qu'il échouait même dans la tâche pitoyable de s'effondrer proprement."
"Je suis en train de te dire, Melissa, que les enfants ne sont pas censés s'entendre avec leurs parents. Tes parents ne sont pas censés être tes meilleurs amis. Il est censé y avoir une part de révolte. C'est comme cela que tu te définis toi-même comme personne."
Mon humble Avis :
716 pages...
L'histoire d'une famille et de ses différents membres : les parents vieillissants, les enfants devenus des adultes pris au piège de leur propre vie avec leurs échecs, leurs rêves, leurs réussites, leurs amours, leurs désillusions, leurs espoirs...sur fond de la société Américaine...Je ne répéterais pas ce qui est si bien dit plus haut...
J'ai voulu lire ce livre après avoir aimé le dernier roman de Jonathan Franzen "Freedom" (qui est dans cette rubrique) .
J'y ai retrouvé ce que j'avais aimé : l'humour, la dérision, les réalités de la vie : l'impitoyable vie conjugale dans son quotidien, les relations entre parents et enfants pas toujours aussi idylliques qu'on veut le faire croire, entre frères et soeurs souvent différents, l'influence des autres sur nos propres vies...
Ce n'est pas un livre où quand j'ai fermé la dernière page j'ai gardé en moi une ambiance ou un personnage comme certains...Non, le talent de l'auteur là, c'est justement de faire des personnages que l'on regarde vivre...des gens pour qui personnellement je n'ai pas d'empathie particulière...
Nous sommes pris dans une ambiance, un mode de fonctionnement, une étude de société mais sans attachement pour un personnage en particulier...
C'est un ensemble qui nous fait tourner les pages sans même s'apercevoir qu'il y en a autant...J'ai adoré retrouvé le style et la plume de cet écrivain...
Ninnenne