LES DEUX CHEVRES (Jean La Fontaine (de))
LES DEUX CHEVRES (Jean La Fontaine (de))
Dès que les Chèvres ont brouté,
Certain esprit de liberté
Leur fait chercher fortune ; elles vont en voyage
Vers les endroits du pâturage
Les moins fréquentés des humains.
Là s'il est quelque lieu sans route et sans chemins,
Un rocher, quelque mont pendant en précipices,
C'est où ces Dames vont promener leurs caprices ;
Rien ne peut arrêter cet [size=13]animal grimpant.
Deux Chèvres donc s'émancipant,
Toutes deux ayant patte blanche,
Quittèrent les bas prés, chacune de sa part.
L'une vers l'autre allait pour quelque bon hasard.
Un ruisseau se rencontre, et pour pont une planche.
Deux Belettes à peine auraient passé de front
Sur ce pont ;
D'ailleurs, l'onde rapide et le ruisseau profond[/size]
LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE (Jean La Fontaine (de))
LES [size=13]ANIMAUX MALADES DE LA PESTE (Jean La Fontaine (de))
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,[/size]
LE VIEILLARD ET SES ENFANTS (Jean La Fontaine (de))
LE VIEILLARD ET SES ENFANTS (Jean La Fontaine (de))
Toute puissance est faible, à moins que d'être unie.
Ecoutez là-dessus l'esclave de Phrygie.
Si j'ajoute du mien à son invention,
C'est pour peindre nos moeurs, et non point par envie ;
Je suis trop au-dessous de cette ambition.
Phèdre enchérit souvent par un motif de gloire ;
Pour [size=13]moi, de tels pensers me seraient malséants.
Mais venons à la Fable ou plutôt à l'Histoire
De celui qui tâcha d'unir tous ses enfants.
Un Vieillard prêt d'aller où la mort l'appelait :
Mes chers enfants, dit-il (à ses fils, il parlait),
Voyez si vous romprez ces dards liés ensemble ;
Je vous expliquerai le noeud qui les assemble.
L'aîné les ayant pris, et fait tous ses efforts,[/size]
LE VIEILLARD ET L'ANE
LE VIEILLARD ET L'ANE (Jean La Fontaine (de))
Un Vieillard sur son Ane aperçut en passant
Un Pré plein d'herbe et fleurissant.
Il y lâche sa bête, et le Grison se rue
Au travers de l'herbe menue,
Se vautrant, grattant, et frottant,
Gambadant, chantant et broutant,
Et faisant mainte place nette.
L'ennemi vient sur l'entrefaite :
Fuyons, dit alors le Vieillard.
- Pourquoi ? répondit le paillard.
Me fera-t-on porter double bât, double charge ?
- Non pas, dit le Vieillard, qui prit d'abord le large.
- Et que m'importe donc, dit l'Ane, à qui je sois ?
Sauvez-vous, et me laissez paître :
Notre ennemi, c'est notre Maître :
Je vous le dis en bon François.
LE SINGE ET LE LEOPARD (Jean La Fontaine (de))
LE SINGE ET LE LEOPARD (Jean La Fontaine (de))
Le Singe avec le Léopard
Gagnaient de l'argent à la foire :
Ils affichaient chacun à part.
L'un d'eux disait : Messieurs, mon mérite et ma gloire
Sont connus en bon lieu ; le Roi m'a voulu voir ;
Et, si je meurs, il veut avoir
Un manchon de ma peau ; tant elle est bigarrée,
Pleine de taches, marquetée,
Et vergetée, et mouchetée.
La bigarrure plaît ; partant chacun le vit.
Mais ce fut bientôt fait, bientôt chacun sortit.
Le Singe de sa part disait : Venez de grâce,
Venez, Messieurs. Je fais cent tours de passe-passe.
Cette diversité dont on vous parle tant,
Mon voisin Léopard l'a sur [size=13]soi seulement ;
Moi, je l'ai dans l'esprit : votre serviteur Gille,
Cousin et gendre de Bertrand,[/size]
LE SINGE ET LE DAUPHIN (Jean La Fontaine (de))
LE SINGE ET LE DAUPHIN (Jean La Fontaine (de))
C'était [size=13]chez les Grecs un usage
Que sur la mer tous voyageurs
Menaient avec eux en voyage
Singes et Chiens de Bateleurs.
Un Navire en cet équipage
Non loin d'Athènes fit naufrage,
Sans les Dauphins tout eût péri.
Cet animal est fort ami
De notre espèce : en son histoire
Pline le dit, il le faut croire.
Il sauva donc tout ce qu'il put.
Même un Singe en cette occurrence,
Profitant de la ressemblance,
Lui pensa devoir son salut.
Un Dauphin le prit pour un homme,
Et sur son dos le fit asseoir
Si gravement qu'on eût cru voir
Ce chanteur que tant on renomme.
Le Dauphin l'allait mettre à bord,
Quand, par hasard, il lui demande :
"Etes-vous d'Athènes la grande ?[/size]
LE RENARD ET LA CIGOGNE (Jean La Fontaine (de))
LE RENARD ET LA CIGOGNE (Jean La Fontaine (de))
Compère le Renard se mit un jour en frais,
et retint à dîner commère la Cigogne.
Le régal fût petit et sans beaucoup d'apprêts :
Le galant pour toute besogne,
Avait un brouet clair ; il vivait chichement.
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
La Cigogne au long bec n'en put attraper miette ;
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
A quelque temps de là, la Cigogne le prie.
"Volontiers, lui dit-il ; car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie. "
A l'heure dite, il courut au logis
De la Cigogne son hôtesse ;
Loua très fort la politesse ;
Trouva le dîner cuit à point :
LE POT DE TERRE ET LE POT DE FER (Jean La Fontaine (de))
LE POT DE TERRE ET LE POT DE FER (Jean La Fontaine (de))
Le Pot de fer proposa
Au Pot de terre un [size=13]voyage.
Celui-ci s'en excusa,
Disant qu'il ferait que sage
De garder le coin du feu :
Car il lui fallait si peu,
Si peu, que la moindre chose
De son débris serait cause.
Il n'en reviendrait morceau.
Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.
- Nous vous mettrons à couvert,
Repartit le Pot de fer.
Si quelque matière dure
Vous menace d'aventure,
Entre deux je passerai,
Et du coup vous sauverai.
Cette offre le persuade.
Pot de fer son camarade
Se met droit à ses côtés.
Mes gens s'en vont à trois pieds,
Clopin-clopant comme ils peuvent,
L'un contre l'autre jetés[/size]
LE PETIT POISSON ET LE PECHEUR (Jean La Fontaine (de))
LE PETIT POISSON ET LE PECHEUR (Jean La Fontaine (de))
Petit poisson deviendra grand,
Pourvu que [size=13]Dieu lui prête vie.
Mais le lâcher en attendant,
Je tiens pour moi que c'est folie ;
Car de le rattraper il n'est pas trop certain.
Un Carpeau qui n'était encore que fretin
Fut pris par un Pêcheur au bord d'une rivière.
Tout fait nombre, dit l'homme en voyant son butin ;
Voilà commencement de chère et de festin :
Mettons-le en notre gibecière.
Le pauvre Carpillon lui dit en sa manière :
Que ferez-vous de moi ? je ne saurais fournir
Au plus qu'une demi-bouchée ;
Laissez-moi Carpe devenir :
Je serai par vous repêchée.
Quelque gros Partisan m'achètera bien cher,
Au lieu qu'il vous en faut chercher[/size]
LE MEUNIER, SON FILS, ET L'ANE (Jean La Fontaine (de))
LE MEUNIER, SON FILS, ET L'ANE (Jean La Fontaine (de))
L'invention des Arts étant un droit d'aînesse,
Nous devons l'Apologue à l'ancienne Grèce.
Mais ce champ ne se peut tellement moissonner
Que les derniers venus n'y trouvent à glaner.
La feinte est un pays plein de terres désertes.
Tous les jours nos Auteurs y font des découvertes.
Je t'en veux dire un trait assez bien inventé ;
Autrefois à Racan Malherbe l'a conté.
Ces deux rivaux d'Horace, héritiers de sa Lyre,
Disciples d'Apollon, nos Maîtres, pour mieux dire,
Se rencontrant un jour tout seuls et sans témoins
(Comme ils se confiaient leurs pensées et leurs soins),
Racan commence ainsi : Dites-moi, je vous prie,
Vous qui devez savoir les choses de la vie,
LE MARI, LA [size=13]FEMME, ET LE VOLEUR (Jean La Fontaine (de))
Un Mari fort amoureux,
Fort amoureux de sa Femme,
Bien qu'il fût jouissant, se croyait malheureux.
Jamais oeillade de la Dame,
Propos flatteur et gracieux,
Mot d'amitié, ni doux sourire,
Déifiant le pauvre Sire,
N'avaient fait soupçonner qu'il fût vraiment chéri.
Je le crois, c'était un mari.
Il ne tint point à l'hyménée
Que content de sa destinée
Il n'en remerciât les Dieux ;
Mais quoi ? Si l'amour n'assaisonne
Les plaisirs que l'hymen nous donne,
Je ne vois pas qu'on en soit mieux.
Notre épouse étant donc de la sorte bâtie,
Et n'ayant caressé son mari de sa vie,
Il en faisait sa plainte une nuit. Un voleur
Interrompit la doléance.
[/size]
LE MAL MARIE (Jean La Fontaine (de))
LE MAL MARIE (Jean La Fontaine (de))
Que le bon soit toujours camarade du beau,
Dès demain je chercherai [size=13]femme ;
Mais comme le divorce entre eux n'est pas nouveau,
Et que peu de beaux corps, hôtes d'une belle âme,
Assemblent l'un et l'autre point,
Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point.
J'ai vu beaucoup d'Hymens, aucuns d'eux ne me tentent :
Cependant des humains presque les quatre parts
S'exposent hardiment au plus grand des hasards ;
Les quatre parts aussi des humains se repentent.
J'en vais alléguer un qui, s'étant repenti,
Ne put trouver d'autre parti,
Que de renvoyer son épouse,
Querelleuse, avare, et jalouse.
Rien ne la contentait, rien n'était comme il faut,
On se levait trop tard, on se couchait trop tôt,[/size]
LE LOUP, LA MERE ET L'ENFANT (Jean La Fontaine (de))
LE LOUP, LA MERE ET L'ENFANT (Jean La Fontaine (de))
La Bique allant remplir sa traînante mamelle
Et paître l'herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son Biquet :
Gardez-vous sur votre vie
D'ouvrir que l'on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet :
Foin du Loup et de sa race !
Comme elle disait ces mots,
Le Loup de fortune passe ;
Il les recueille à propos,
Et les garde en sa mémoire.
La Bique, comme on peut croire,
N'avait pas vu le glouton.
Dès qu'il la voit partie, il contrefait son ton,
Et d'une voix papelarde
Il demande qu'on ouvre, en disant Foin du Loup,
Et croyant entrer tout d'un coup.
Le Biquet soupçonneux par la fente regarde.
Montrez-moi patte blanche, ou je n'ouvrirai point
LE LOUP PLAIDANT CONTRE LE RENARD PAR-DEVANT LE SINGE (Jean La Fontaine (de))
Un Loup disait que l'on l'avait volé :
Un Renard, son voisin, d'assez mauvaise [size=13]vie,
Pour ce prétendu vol par lui fut appelé.
Devant le Singe il fut plaidé,
Non point par Avocats, mais par chaque Partie.
Thémis n'avait point travaillé,
De mémoire de Singe, à fait plus embrouillé.
Le Magistrat suait en son lit de Justice.
Après qu'on eut bien contesté,
Répliqué, crié, tempêté,
Le Juge, instruit de leur malice,
Leur dit : "Je vous connais de longtemps, mes amis,
Et tous deux vous paierez l'amende ;
Car toi, Loup, tu te plains, quoiqu'on ne t'ait rien pris ;[/size]
LE LOUP ET LE CHIEN MAIGRE (Jean La Fontaine (de))
LE LOUP ET LE CHIEN MAIGRE (Jean La Fontaine (de))
Autrefois Carpillon fretin Eut beau prêcher, il eut beau dire ; On le mit dans la poêle à frire. Je fis voir que lâcher ce qu'on a dans la main, Sous espoir de grosse aventure, Est imprudence toute pure. Le Pêcheur eut raison ; Carpillon n'eut pas tort. Chacun dit ce qu'il peut pour défendre sa vie. Maintenant il faut que j'appuie Ce que j'avançai lors de quelque trait encor. Certain Loup, aussi sot que le pêcheur fut sage, Trouvant un Chien hors du village, S'en allait l'emporter ; le Chien représenta Sa maigreur : Jà ne plaise à votre seigneurie De me prendre en cet état-là ; Attendez, mon maître marie Sa fille unique. Et vous jugez |
LE LOUP ET LA CIGOGNE (Jean La Fontaine (de))
LE LOUP ET LA CIGOGNE (Jean La Fontaine (de))
Les Loups mangent gloutonnement.
Un Loup donc étant de frairie
Se pressa, dit-on, tellement
Qu'il en pensa perdre la [size=13]vie :
Un os lui demeura bien avant au gosier.
De bonheur pour ce Loup, qui ne pouvait crier,
Près de là passe une Cigogne.
Il lui fait signe ; elle accourt.
Voilà l'Opératrice aussitôt en besogne.
Elle retira l'os ; puis, pour un si bon tour,
Elle demanda son salaire.
"Votre salaire ? dit le Loup :
Vous riez, ma bonne commère !
Quoi ? ce n'est pas encor beaucoup
D'avoir de mon gosier retiré votre cou ?
Allez, vous êtes une ingrate :
Ne tombez jamais sous ma patte. "[/size]
LE LOUP ET L'AGNEAU (Jean La Fontaine (de))
LE LOUP ET L'AGNEAU (Jean La Fontaine (de))
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
- Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
LE LION ET LE RAT (Jean La Fontaine (de))
LE LION ET LE RAT (Jean La Fontaine (de))
Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le [size=13]monde :
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux Fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d'un Lion
Un Rat sortit de terre assez à l'étourdie.
Le Roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un Lion d'un Rat eût affaire ?
Cependant il advint qu'au sortir des forêts
Ce Lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.
(l'autre Fable est : La Colombe et la Fourmi)[/size]
L'IVROGNE ET SA FEMME (Jean La Fontaine (de))
L'IVROGNE ET SA FEMME (Jean La Fontaine (de))
Chacun a son défaut où toujours il revient :
Honte ni peur n'y remédie.
Sur ce propos, d'un conte il me souvient :
Je ne dis rien que je n'appuie
De quelque exemple. Un suppôt de Bacchus
Altérait sa santé, son esprit et sa bourse.
Telles gens n'ont pas fait la moitié de leur course
Qu'ils sont au bout de leurs écus.
Un jour que celui-ci plein du jus de la treille,
Avait laissé ses sens au [size=16]fond d'une bouteille,
Sa femme l'enferma dans un certain tombeau.
Là les vapeurs du vin nouveau
Cuvèrent à loisir. A son réveil il treuve
L'attirail de la mort à l'entour de son corps :
Un luminaire, un drap des morts.
Oh ! dit-il, qu'est ceci ? Ma femme est-elle veuve ?[/size]
L'AIGLE, LA LAIE, ET LA CHATTE
L'AIGLE, LA LAIE, ET LA CHATTE (Jean La Fontaine (de))
L'Aigle avait ses petits au haut d'un arbre creux.
La Laie au pied, la Chatte entre les deux ;
Et sans s'incommoder, moyennant ce partage,
Mères et nourrissons faisaient leur tripotage.
La Chatte détruisit par sa fourbe l'accord.
Elle grimpa [size=16]chez l'Aigle, et lui dit : Notre mort
(Au moins de nos enfants, car c'est tout un aux mères)
Ne tardera possible guères.
Voyez-vous à nos pieds fouir incessamment
Cette maudite Laie, et creuser une mine ?
C'est pour déraciner le chêne assurément,
Et de nos nourrissons attirer la ruine.
L'arbre tombant, ils seront dévorés :
Qu'ils s'en tiennent pour assurés.
S'il m'en restait un seul, j'adoucirais ma plainte.
Au partir de ce lieu, qu'elle remplit de crainte,
La perfide descend tout droit[/size]
L'AIGLE ET L'ESCARBOT (Jean La Fontaine (de))
L'AIGLE ET L'ESCARBOT (Jean La Fontaine (de))
L'Aigle donnait la chasse à maître Jean Lapin,
Qui droit à son terrier s'enfuyait au plus vite.
Le trou de l'Escarbot se rencontre en chemin.
Je laisse à penser si ce gîte
Etait sûr ; mais ou mieux ? Jean Lapin s'y blottit.
L'Aigle fondant sur lui nonobstant cet asile,
L'Escarbot intercède, et dit :
"Princesse des [size=16]Oiseaux, il vous est fort facile
D'enlever malgré moi ce pauvre malheureux ;
Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie ;
Et puisque Jean Lapin vous demande la vie,
Donnez-la-lui, de grâce, ou l'ôtez à tous deux :
C'est mon voisin, c'est mon compère. "
L'oiseau de Jupiter, sans répondre un seul mot,
Choque de l'aile l'Escarbot,
L'étourdit, l'oblige à se taire,[/size]
ELEGIE AUX NYMPHES DE VAUX (Jean La Fontaine (de))
ELEGIE AUX NYMPHES DE VAUX (Jean La Fontaine (de))
Pour M. Fouquet
Remplissez l'air de cris en vos grottes profondes ;
Pleurez, Nymphes de Vaux, faites croître vos ondes,
Et que l'Anqueuil enflé ravage les trésors
Dont les regards de Flore ont embelli ses bords
On ne blâmera point vos larmes innocentes ;
Vous pouvez donner cours à vos douleurs pressantes :
Chacun attend de vous ce devoir généreux ;
Les Destins sont contents : Oronte est malheureux.
Vous l'avez vu naguère au bord de vos fontaines,
Qui, sans craindre du Sort les faveurs incertaines,
Plein d'éclat, plein de gloire, adoré des mortels,
Recevait des honneurs qu'on ne doit qu'aux autels.
Hélas ! qu'il est déchu de ce bonheur suprême !
CONTRE CEUX QUI ONT LE GOUT DIFFICILE
CONTRE CEUX QUI ONT LE GOUT DIFFICILE (Jean La Fontaine (de))
Quand j'aurais en naissant reçu de Calliope
Les dons qu'à ses Amants cette Muse a promis,
Je les consacrerais aux mensonges d'Esope :
Le mensonge et les vers de tout temps sont [size=16]amis.
Mais je ne me crois pas si chéri du Parnasse
Que de savoir orner toutes ces fictions.
On peut donner du lustre à leurs inventions ;
On le peut, je l'essaie ; un plus savant le fasse.
Cependant jusqu'ici d'un langage nouveau
J'ai fait parler le Loup et répondre l'Agneau.
J'ai passé plus avant : les Arbres et les Plantes
Sont devenus chez moi créatures parlantes.
Qui ne prendrait ceci pour un enchantement ?
"Vraiment, me diront nos Critiques,
Vous parlez magnifiquement
De cinq ou six contes d'enfant.[/size]
CONSEIL TENU PAR LES RATS (Jean La Fontaine (de))
CONSEIL TENU PAR LES RATS (Jean La Fontaine (de))
Un [size=16]Chat, nommé Rodilardus
Faisait des Rats telle déconfiture
Que l'on n'en voyait presque plus,
Tant il en avait mis dedans la sépulture.
Le peu qu'il en restait, n'osant quitter son trou,
Ne trouvait à manger que le quart de son sou,
Et Rodilard passait, chez la gent misérable,
Non pour un Chat, mais pour un Diable.
Or un jour qu'au haut et au loin
Le galant alla chercher femme,
Pendant tout le sabbat qu'il fit avec sa Dame,
Le demeurant des Rats tint chapitre en un coin
Sur la nécessité présente.
Dès l'abord, leur Doyen, personne fort prudente,
Opina qu'il fallait, et plus tôt que plus tard,
Attacher un grelot au cou de Rodilard ;
Qu'ainsi, quand il irait en guerre,
De sa marche avertis, ils s'enfuiraient en terre ;[/size]
EPITAPHE D'UN PARESSEUX (Jean La Fontaine (de))
EPITAPHE D'UN PARESSEUX (Jean La Fontaine (de))Jean s'en alla comme il était venu,Mangea le fonds avec le revenu,Tint les trésors chose peu nécessaire.Quant à son temps, bien le sut dispenser :Deux parts en fit, dont il voulait passerL'une à dormir et l'autre à ne rien faire.A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN (Jean La Fontaine (de))
A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN (Jean La Fontaine (de))
Je chante les Héros dont Esope est le Père,
Troupe de qui l'Histoire, encor que mensongère,
Contient des vérités qui servent de leçons.
Tout parle en mon Ouvrage, et même les Poissons :
Ce qu'ils disent s'adresse à tous tant que nous sommes.
Je me sers d'Animaux pour instruire les Hommes.
Illustre rejeton d'un Prince aimé des cieux,
Sur qui le [size=16]monde entier a maintenant les yeux,
Et qui, faisant fléchir les plus superbes Têtes,
Comptera désormais ses jours par ses conquêtes,
Quelque autre te dira d'une plus forte voix
Les faits de tes Aïeux et les vertus des Rois.
Je vais t'entretenir de moindres Aventures,
Te tracer en ces vers de légères peintures.[/size]
L'OISEAU BLESSE D'UNE FLECHE (Jean La Fontaine (de))
L'OISEAU BLESSE D'UNE FLECHE (Jean La Fontaine (de))
Mortellement atteint d'une flèche empennée,
Un [size=13]Oiseau déplorait sa triste destinée,
Et disait, en souffrant un surcroît de douleur :
"Faut-il contribuer à son propre malheur !
Cruels humains ! vous tirez de nos ailes
De quoi faire voler ces machines mortelles.
Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié :
Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre.
Des enfants de Japet toujours une moitié
Fournira des armes à l'autre. "[/size]
L'HOMME ET LA COULEUVRE (Jean La Fontaine (de))
L'HOMME ET LA COULEUVRE (Jean La Fontaine (de))
Un [size=13]Homme vit une Couleuvre.
Ah ! méchante, dit-il, je m'en vais faire une oeuvre
Agréable à tout l'univers.
A ces mots, l'animal pervers
(C'est le serpent que je veux dire
Et non l'homme : on pourrait aisément s'y tromper),
A ces mots, le serpent, se laissant attraper,
Est pris, mis en un sac ; et, ce qui fut le pire,
On résolut sa mort, fût-il coupable ou non.
Afin de le payer toutefois de raison,
L'autre lui fit cette harangue :
Symbole des ingrats, être bon aux méchants,
C'est être sot, meurs donc : ta colère et tes dents
Ne me nuiront jamais. Le Serpent, en sa langue,
Reprit du mieux qu'il put : S'il fallait condamner
Tous les ingrats qui sont au monde,
A qui pourrait-on pardonner ?[/size]
L'HOMME ET L'IDOLE DE BOIS (Jean La Fontaine (de))
L'HOMME ET L'IDOLE DE BOIS (Jean La Fontaine (de))
Certain Païen [size=13]chez lui gardait un Dieu de bois,
De ces Dieux qui sont sourds, bien qu'ayants des oreilles.
Le païen cependant s'en promettait merveilles.
Il lui coûtait autant que trois.
Ce n'étaient que voeux et qu'offrandes,
Sacrifices de boeufs couronnés de guirlandes.
Jamais Idole, quel qu'il fût,
N'avait eu cuisine si grasse,
Sans que pour tout ce culte à son hôte il échût
Succession, trésor, gain au jeu, nulle grâce.
Bien plus, si pour un sou d'orage en quelque endroit
S'amassait d'une ou d'autre sorte,
L'homme en avait sa part, et sa bourse en souffrait.
La pitance du Dieu n'en était pas moins forte.
A la fin, se fâchant de n'en obtenir rien,[/size]
L'ASTROLOGUE QUI SE LAISSE TOMBER DANS UN PUITS
L'ASTROLOGUE QUI SE LAISSE TOMBER DANS UN PUITS (Jean La Fontaine (de))
Un Astrologue un jour se laissa choir
Au [size=13]fond d'un puits. On lui dit : "Pauvre bête,
Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta tête ? "
Cette aventure en soi, sans aller plus avant,
Peut servir de leçon à la plupart des hommes.
Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes,
Il en est peu qui fort souvent
Ne se plaisent d'entendre dire
Qu'au livre du Destin les mortels peuvent lire.
Mais ce livre, qu'Homère et les siens ont chanté,
Qu'est-ce, que le Hasard parmi l'Antiquité,
Et parmi nous la Providence ?
Or du Hasard il n'est point de science :
S'il en était, on aurait tort
De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort,[/size]
L'ANE ET LE PETIT CHIEN (Jean La Fontaine (de))
L'ANE ET LE PETIT CHIEN (Jean La Fontaine (de))
Ne forçons point notre talent,
Nous ne ferions rien avec grâce :
Jamais un lourdaud, quoi qu'il fasse,
Ne saurait passer pour galant.
Peu de gens, que le Ciel chérit et gratifie,
Ont le don d'agréer infus avec la [size=13]vie.
C'est un point qu'il leur faut laisser,
Et ne pas ressembler à l'Ane de la Fable,
Qui pour se rendre plus aimable
Et plus cher à son maître, alla le caresser.
"Comment ? disait-il en son âme,
Ce Chien, parce qu'il est mignon,
Vivra de pair à compagnon
Avec Monsieur, avec Madame ;
Et j'aurai des coups de bâton ?
Que fait-il ? il donne la patte ;
Puis aussitôt il est baisé :
S'il en faut faire autant afin que l'on me flatte,
Cela n'est pas bien malaisé. "[/size]
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