L'Hiver poème
[size=32]L'hiver
[size=32]Une nuit, la terre s'est endormie,
Sous un manteau de neige tombée à gros flocons :
Prés, chemins, maisons sont blanchis
D'un grand tapis moelleux qui s'étend jusqu'aux monts.
[size=32]T[/size]ous les canaux sont pris de glace
Et les enfants joyeux se mettent à patiner.
Parfois on aperçoit des traces
Creusées dans la neige fraîche : des pas de sangliers,
[size=32]D[/size]e leur excellent odorat
Sous la neige épaisse, ils cherchent avec leur groin
Châtaignes et glands, rien n'échappera...
Car en janvier : la laie met bas ses marcassins.
[size=32]J[/size]amais elle ne s'éloigne et veille
Sur son nid de branches, caché, appelé chaudron,
Là ses "petits rayés " sommeillent,
Blottis l'un contre l'autre, attendant les mamelons.
[size=32]C[/size]ertains chevreuils tentent une sortie
Pour glaner dans les champs les restes des cultures,
Et l'on entend au loin glapir
Un couple de renards, insouciants dans leur rut.
[size=32]E[/size]ssoufflés d'avoir tant couru,
Les gosses rentrent à la maison près du feu de bois.
Le soir, ils s'amusent les doigts nus,
Sur les vitres givrées, à pousser les étoiles.[/size][/size]
Jean-Claude Brinette.
Beau soir d'hiver poème
Beau soir d'hiver
La neige
le pays en est tout recouvert
Déroule, mer sans fin, sa nappe froide et vierge,
Et, du fond des remous, à l'horizon désert,
Par des vibrations d'azur tendre et d'or vert,
Dans l'éblouissement, la pleine lune émerge.
A l'Occident s'endort le radieux soleil,
Dans l'espace allumant les derniers feux qu'il darde
A travers les vapeurs de son divin sommeil,
Et la lune tressaille à son baiser vermeil
Et, la face rougie et ronde, le regarde.
Et la neige scintille, et sa blancheur de lis
Se teinte sous le flux enflammé qui l'arrose.
L'ombre de ses replis a des pâleurs d'iris,
Et, comme si neigeaient tous les avrils fleuris,
Sourit la plaine immense ineffablement rose.
Jules Breton.
Hiver poème
Hiver
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.
Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.
Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.
Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège;
De leur œil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.
Guy de Maupassant.
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Matin d'hiver poème
Matin d’hiver
On s 'éveille,
Du coton dans les oreilles
Une petite angoisse douce
Autour du cœur, comme mousse!
C'est la neige
L'hiver blanc
Sur ses semelles de liège,
Qui nous a surpris, dormant.
Guy-Charles Cros.
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L'aigle et le hibou poème
L'aigle et le hibou
L'aigle et le chat-huant leurs querelles cessèrent,
Et firent tant qu'ils s'embrassèrent.
L'un jura foi de roi, l'autre foi de hibou,
Qu'ils ne se goberaient leurs petits peu ni prou.
Connaissez-vous les miens ?
dit l'oiseau de Minerve.
Non, dit l'aigle. Tant pis, reprit le triste oiseau :
Je crains en ce cas pour leur peau :
C'est hasard si je les conserve.
Comme vous êtes roi, vous ne considérez
Qui ni quoi : rois et dieux mettent,
quoi qu'on leur die,
Tout en même catégorie.
Adieu mes nourrissons, si vous les rencontrez.
Peignez-les-moi, dit l'aigle, ou bien me les montrez :
Je n'y toucherai de ma vie.
Le hibou repartit :«Mes petits sont mignons,
Beaux, bien faits, et jolis sur tous leurs compagnons
Vous les reconnaîtrez sans peine à cette marque.
N'allez pas l'oublier; retenez-la si bien
Que chez moi la maudite Parque
N'entre point par votre moyen.
Il advint qu'au hibou Dieu donna géniture.
De façon qu'un beau soir qu'il était en pâture,
Notre aigle aperçut d'aventure,
Dans les coins d'une roche dure,
Ou dans les trous d'une masure
Je ne sais pas lequel des deux,
De petits monstres fort hideux,
Rechignés, un air triste, une voix de Mégère.
Ces enfants ne sont pas, dit l'aigle, à notre ami.
Croquons-les. Le galant n'en fit pas à demi :
Ses repas ne sont point repas à la légère.
Le hibou, de retour, ne trouve que les pieds
De ses chers nourrissons, hélas ! pour toute chose.
Il se plaint; et les dieux sont par lui suppliés
De punir le brigand qui de son deuil est cause.
Quelqu'un lui dit alors .
N'en accuse que toi,
Ou plutôt la commune loi
Qui veut qu'on trouve son semblable
Beau, bien fait, et surtout aimable.
Tu fis de tes enfants à l'aigle ce portrait :
En avaient-ils le moindre trait ?
Jean de La Fontaine.
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Rythme des vagues poème
Rythme des vagues
J’étais assis devant la mer sur le galet.
Sous un ciel clair, les flots d’un azur violet,
Après s’être gonflés en accourant du large,
Comme un homme accablé d’un fardeau s’en décharge,
Se brisaient devant moi, rythmés et successifs.
J’observais ces paquets de mer lourds et massifs
Qui marquaient d’un hourra leurs chutes régulières
Et puis se retiraient en râlant sur les pierres.
Et ce bruit m’enivrait; et, pour écouter mieux,
Je me voilai la face et je fermai les yeux.
Alors, en entendant les lames sur la grève
Bouillonner et courir, et toujours, et sans trêve
S’écrouler en faisant ce fracas cadencé,
Moi, l’humble observateur du rythme, j’ai pensé
Qu’il doit être en effet une chose sacrée,
Puisque Celui qui sait, qui commande et qui crée,
N’a tiré du néant ces moyens musicaux,
Ces falaises aux rocs creusés pour les échos,
Ces sonores cailloux, ces stridents coquillages
Incessamment heurtés et roulés sur les plages
Par la vague, pendant tant de milliers d’hivers,
Que pour que l’Océan nous récitât des vers.
François Coppée.
Poème sur l'Amitié
Amitié
Il faut, dans ce bas monde, aimer beaucoup de choses,
Pour savoir, après tout, ce qu’on aime le mieux,
Les bonbons, l’Océan, le jeu, l’azur des cieux,
Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses.
Il faut fouler aux pieds des fleurs à peine écloses ;
Il faut beaucoup pleurer, dire beaucoup d’adieux.
Puis le coeur s’aperçoit qu’il est devenu vieux,
Et l’effet qui s’en va nous découvre les causes.
De ces biens passagers que l’on goûte à demi,
Le meilleur qui nous reste est un ancien ami.
On se brouille, on se fuit.
Qu’un hasard nous rassemble,
On s’approche, on sourit, la main touche la main,
Et nous nous souvenons que nous marchions ensemble,
Que l’âme est immortelle, et qu’hier c’est demain.
Alfred de Musset.
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Perles de Roses Poème
Perles de Roses
Si tu veux inventer un collier,
Tiens, voici comment procéder.
De bon matin, te réveiller,
Dans les rosiers, te promener.
Tu verras des perles de rosée,
Sur les roses elles sont accrochées.
Une bonne poignée tu cueilleras,
Dans une boîte tu les rangeras.
Un cheveu d'or pour les assembler,
Un tout petit nœud pas trop serré,
Ainsi tu auras un joli collier,
Aussi souple que celui d'une fée.
Gilbert Saint-Pré.
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Pour nos fidèles compagnons à quatre pattes
La Deshumanisation de L'Etre
Ils partagent avec nous cette vie sur la Terre
Depuis la nuit des Temps, ils se cachent et se terrent,
Ils sont devenus pour nous des produits et pourtant
Lorsque l'on est seul, c'est vers eux que l'ont tend
Nos coeurs si déçus par l'âpreté humaine
Et que l'on reçoit en retour la bonté sans la haine.
Tous ces animaux magnifiques que l'on tue
Alors qu'on le sait, lorsqu'ils ne seront plus,
Quand sur la Terre ne resteront que les hommes
Créés à l'image de Dieu, mais en somme
Diabolisés par leur désir de destruction inné,
Ils n'en finiront plus de vouloir s'entre-tuer !
La planète était belle et harmonieuse
Tant que la vie n'apporte cette nombreuse
Humanité barbare et, hélas, tueuse !
Brigitte Bardot.
La pluie poème
La pluie
Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
Interminablement, à travers le jour gris,
Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris,
Infiniment, la pluie,
La longue pluie,
La pluie.
Elle s'effile ainsi, depuis hier soir,
Des haillons mous qui pendent,
Au ciel maussade et noir.
Elle s'étire, patiente et lente,
Sur les chemins, depuis hier soir,
Sur les chemins et les venelles,
Continuelle.
Au long des lieues,
Qui vont des champs vers les banlieues,
Par les routes interminablement courbées,
Passent, peinant, suant, fumant,
En un profil d'enterrement,
Les attelages, bâches bombées ;
Dans les ornières régulières
Parallèles si longuement
Qu'elles semblent, la nuit, se joindre au firmament,
L'eau dégoutte, pendant des heures ;
Et les arbres pleurent et les demeures,
Mouillés qu'ils sont de longue pluie,
Tenacement, indéfinie
Les rivières, à travers leurs digues pourries,
Se dégonflent sur les prairies,
Où flotte au loin du foin noyé ;
Le vent gifle aulnes et noyers ;
Sinistrement, dans l'eau jusqu'à mi-corps,
De grands boeufs noirs beuglent vers les cieux tors ;
Le soir approche avec ses ombres
Dont les plaines et les taillis s'encombrent,
Et c'est toujours la pluie
La longue pluie
Fine et dense, comme la suie.
La longue pluie
La pluie et ses fils identiques
Et ses ongles systématiques
Tissent le vêtement,
Maille à maille, de dénument,
Pour les maisons et les enclos
Des villages gris et vieillots :
Linges et chapelets de loques
Qui s'effiloquent,
Au long de bâtons droits ;
Bleus colombiers collés au toit ;
Carreaux, avec, sur leur vitre sinistre,
Un emplâtre de papier bistre ;
Logis dont les gouttières régulières
Forment des croix sur des pignons de pierre ;
Moulins plantés uniformes et mornes,
Sur leur butte, comme des cornes
Clochers et chapelles voisines,
La pluie,
La longue pluie,
Pendant l'hiver, les assassine.
La pluie,
La longue pluie avec ses longs fils gris.
Avec ses cheveux d'eau, avec ses rides,
La longue pluie
Des vieux pays,
Éternelle et torpide .
Emile Verhaeren.
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Le temps d'aimer
Le temps d'aimer
Le jour se lève
Et tu dors mon amour
Moi je te regarde
Je ne prends pas garde
A tes affaires en vrac
Tout autour mon amour
Le désordre c’est ton style
Et le mien de t’écouter
Endormi dans cette ville
Respirer
Le temps d’aimer
Si peu de temps pour aimer tant
Mais le prendre sans attendre
Sans comprendre
Le temps d’aimer
Le prendre sans attendre
Sans comprendre
Le temps d’aimer
Le jour se lève
Et je suis sur mes gardes
De quelle vie en rêve
Aurais-tu envie
Dans l’ombre où se replie
Ton corps infini
Le silence c’est ton style
Et le mien c’est de tout dire
Quand je me sens près de toi
En exil
Le temps d’aimer
Si peu de temps pour aimer tant
Mais le prendre sans attendre
Sans comprendre
Le temps d’aimer
Le prendre sans attendre
Sans comprendre
Le temps d’aimer
Et plus je t’aime
Et moins je te connais
Même si de près
Là je t’imagine
Quand le soleil dessine
Ton âme comme une sanguine
La révolte c’est ton style
À tes risques et périls
Je ne suis ni désinvolte
Ni docile
Le temps d’aimer
Si peu de temps pour aimer tant
Mais le prendre sans attendre
Sans comprendre
Le temps d’aimer
Le prendre sans attendre
Sans comprendre
Le temps d’aimer
Le désordre c’est ton style
Et le mien de t’écouter
Endormi dans cette ville
Respirer
Le temps d’aimer
Si peu de temps pour aimer tant
Mais le prendre sans attendre
Sans comprendre
Le temps d’aimer
Le prendre sans attendre
Sans comprendre
Le temps d’aimer
Le silence c’est ton style
Et le mien c’est de tout dire
Quand je me sens près de toi
En exil
Le temps d’aimer
Julien Clerc.
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