marileine moderateur
Messages : 27475 Date d'inscription : 08/03/2012 Localisation : belgique
| Sujet: Poèmes sur "Dame Nature" par différents auteurs Jeu 1 Mai - 12:27 | |
| [size=16]La Source[/size] [size=16] [/size] [size=16]L'autel gît sous la ronce et l'herbe enseveli ; Et la source sans nom qui goutte à goutte tombe D'un son plaintif emplit la solitaire combe. C'est la Nymphe qui pleure un éternel oubli.
L'inutile miroir que ne ride aucun pli A peine est effleuré par un vol de colombe Et la lune, parfois, qui du ciel noir surplombe, Seule, y reflète encore un visage pâli.
De loin en loin, un pâtre errant s'y désaltère. Il boit, et sur la dalle antique du chemin Verse un peu d'eau resté dans le creux de sa main.
Il a fait, malgré lui, le geste héréditaire, Et ses yeux n'ont pas vu sur le cippe romain Le vase libatoire auprès de la patère.[/size] [size=16] [/size] [size=16]José-Maria de Hérédia.[/size] Comme le champ semé en verdure foisonne
Comme le champ semé en verdure foisonne, De verdure se hausse en tuyau verdissant, Du tuyau se hérisse en épi florissant, D'épi jaunit en grain, que le chaud assaisonne :
Et comme en la saison le rustique moissonne Les ondoyants cheveux du sillon blondissant, Les met d'ordre en javelle, et du blé jaunissant Sur le champ dépouillé mille gerbes façonne :
Ainsi de peu à peu crût l'empire romain, Tant qu'il fut dépouillé par la barbare main, Qui ne laissa de lui que ces marques antiques
Que chacun va pillant : connue on voit le glaneur Cheminant pas à pas recueillir les reliques De ce qui va tombant après le moissonneur.
Joachim du Bellay. [size=18][/size] Aux arbres Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme! Au gré des envieux, la foule loue et blâme ; Vous me connaissez, vous! - vous m’avez vu souvent, Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant. Vous le savez, la pierre où court un scarabée, Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée, Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour. La contemplation m’emplit le coeur d’amour. Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure, Avec ces mots que dit l’esprit à la nature, Questionner tout bas vos rameaux palpitants, Et du même regard poursuivre en même temps, Pensif, le front baissé, l’oeil dans l’herbe profonde, L’étude d’un atome et l’étude du monde. Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu, Arbres, vous m’avez vu fuir l’homme et chercher Dieu! Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches, Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches, Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux, Vous savez que je suis calme et pur comme vous. Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s’élance, Et je suis plein d’oubli comme vous de silence! La haine sur mon nom répand en vain son fiel ; Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel! - J’ai chassé loin de moi toute pensée amère, Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère! Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours, Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds, Ravins où l’on entend filtrer les sources vives, Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives! Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois, Dans tout ce qui m’entoure et me cache à la fois, Dans votre solitude où je rentre en moi-même, Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute et qui m’aime! Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît, Arbres religieux, chênes, mousses, forêt, Forêt! c’est dans votre ombre et dans votre mystère, C’est sous votre branchage auguste et solitaire, Que je veux abriter mon sépulcre ignoré, Et que je veux dormir quand je m’endormirai. Victor Hugo. [size=18]Le jardin mouillé A petit bruit et peu à peu,Sur le jardin frais et dormant,Feuille à feuille, la pluie éveilleL’arbre poudreux qu’elle verdit ,Au mur on dirait que la treilleS’étire d’un geste engourdi. L’herbe frémit, le gravier tièdeCrépite et l’on croirait, là-bas,Entendre sur le sable et l’herbeComme d’imperceptibles pas. Le jardin chuchote et tressaille,Furtif et confidentiel ,L’averse semble maille à mailleTisser la terre avec le ciel. Henri de Regnier. Bannières de MaiAux branches claires des tilleulsMeurt un maladif hallali.Mais des chansons spirituellesVoltigent parmi les groseilles.Que notre sang rie en nos veines,Voici s'enchevêtrer les vignes.Le ciel est joli comme un ange.L'azur et l'onde communient.Je sors. Si un rayon me blesseJe succomberai sur la mousse.Qu'on patiente et qu'on s'ennuieC'est trop simple. Fi de mes peines.je veux que l'été dramatiqueMe lie à son char de fortunesQue par toi beaucoup, ô Nature,Ah moins seul et moins nul ! je meure.Au lieu que les Bergers, c'est drôle,Meurent à peu près par le monde.Je veux bien que les saisons m'usent.A toi, Nature, je me rends ;Et ma faim et toute ma soif.Et, s'il te plaît, nourris, abreuve.Rien de rien ne m'illusionne ;C'est rire aux parents, qu'au soleil,Mais moi je ne veux rire à rienEt libre soit cette infortune. Arthur Rimbaud.Premier MaiTout conjugue le verbe aimer. Voici les roses.Je ne suis pas en train de parler d'autres choses.Premier mai ! l'amour gai, triste, brûlant, jaloux,Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ;L'arbre où j'ai, l'autre automne, écrit une devise,La redit pour son compte et croit qu'il l'improvise ;Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur,Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en coeur ;L'atmosphère, embaumée et tendre, semble pleineDes déclarations qu'au Printemps fait la plaine,Et que l'herbe amoureuse adresse au ciel charmant.A chaque pas du jour dans le bleu firmament,La campagne éperdue, et toujours plus éprise,Prodigue les senteurs, et dans la tiède briseEnvoie au renouveau ses baisers odorants ;Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans,Dont l'haleine s'envole en murmurant : Je t'aime !Sur le ravin, l'étang, le pré, le sillon même,Font des taches partout de toutes les couleurs ;Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ;Comme si ses soupirs et ses tendres missivesAu mois de mai, qui rit dans les branches lascives,Et tous les billets doux de son amour bavard,Avaient laissé leur trace aux pages du buvard !Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées,Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ;Tout semble confier à l'ombre un doux secret ;Tout aime, et tout l'avoue à voix basse ; on diraitQu'au nord, au sud brûlant, au couchant, à l'aurore,La haie en fleur, le lierre et la source sonore,Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants,Répètent un quatrain fait par les quatre vents.Victor Hugo. Ninnenne
[/size] | |
|