[size=24]POEME SUR DAME NATURE
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La pluie venue du Mont Ki-Chan
Le vent avait chassé la pluie aux larges gouttes,
Le soleil s'étalait, radieux, dans les airs,
Et les bois, secouant la fraîcheur de leurs voûtes,
Semblaient, par les vallons, plus touffus et plus verts.
Je montai jusqu'au temple accroché sur l'abîme ,
Un bonze m'accueillit, un bonze aux yeux baissés.
Là, dans les profondeurs de la raison sublime,
J'ai rompu le lien de mes désirs passés.
Nos deux voix se taisaient, à tout rendre inhabiles ,
J'écoutais les [size=16]oiseaux fuir dans l'immensité ,
Je regardais les fleurs, comme nous immobiles,
Et mon coeur comprenait la grande vérité .[/size]
Louis Bouilhet.
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O Nature ! Bientôt.
O Nature ! bientôt, sous le nom d’industrie,
Tu vas tout envahir, tu vas tout absorber.
Le poète navré s’indigne et se récrie
Quoi ! sous ce joug brutal il faudra nous courber
Non, tant que la beauté dominera l’argile,
Dans le conflit sacré, c’est nous qui l’emportons.
Comme le bras, la voix a sa tâche virile
A chacun son essor : travaillez ! nous chantons.
Louise Ackermann.
Parabole.
Parmi l’étang d’or sombre
Et les nénuphars blancs,
Un vol passant de hérons lents
Laisse tomber des ombres.
Elles s’ouvrent et se ferment sur l’eau
Toutes grandes, comme des mantes
Et le passage des [size=16]oiseaux, là-haut,
S’indéfinise, ailes ramantes.[/size]
Un pêcheur grave et théorique
Tend vers elles son filet clair,
Ne voyant pas qu’elles battent dans l’air
Les larges ailes chimériques,
Ni que ce qu’il guette, le jour, la nuit,
Pour le serrer en des mailles d’ennui,
En bas, dans les [size=16]vases, au fond d’un trou,
Passe dans la lumière, insaisissable et fou.[/size]
Les bords de la route
Emile Verhaeren.
Le Lac.
On le voit caressant l'amertume des eaux,
Et le flanc vieillissant de ces terres de roseaux,
Ou les coteaux s'achèvent dans leurs vastes repos,
Dessous les ombres brèves du feuillage des bouleaux,
C'est dans l'odeur terreuse sur le seuil de ces rives,
Que s'en viennent paresseuses mourir des vagues grises,
L'aub' dénoue ses lumières qui s'attardent sur les branches,
Dans les replis des pierres et leur goût du silence .
Les blessures de l'argile tel un chant naufragé ,
Sont la mesure fragile d'un temps recommencé,
Ou l'homme aux pieds de boue avance d'un pas tremblant ,
Sur l'étoffe des cailloux des eaux aux bords dormants .
Didier Venturini.
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Poème il pleut bergère
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Il pleut, il pleut, bergère.
Presse tes blancs moutons,
Allons sous ma chaumière,
Bergère, vite, allons.
J'entends sur le feuillage
L'eau qui tombe à grand bruit.
Voici, voici l'orage,
Voici l'éclair qui luit.
Bonsoir, bonjour, ma mère,
Ma soeur Anne, bonjour.
J'amène ma bergère
Près de nous pour ce soir.
Va te sécher, ma mie,
Auprès de nos tisons.
Soeur, fais-lui compagnie .
Entrez, petits moutons.
Soupons: prends cette chaise,
Tu seras près de moi .
Ce flambeau de mélèze
Brûlera devant toi .
Goûte de ce laitage .
Mais tu ne manges pas .
Tu te sens de l'orage .
Il a lassé tes pas.
Eh bien, voici ta couche.
Dors-y jusques au jour .
Laisse-moi sur ta bouche
Prendre un baiser d'amour.
Ne rougis pas, bergère .
Ma mère et moi, demain,
Nous irons chez ton père
Lui demander ta main.
Philippe Fabre d'Eglantine.
Ninnenne