Angor Franck Thilliez
L'auteur :
Né en 1973 à Annecy, Franck Thilliez, ingénieur en nouvelles technologies1,2 vit dans le Pas-de-Calais. Son premier roman Train d’enfer pour Ange [size=13]rouge a été nommé au Prix SNCF du polar français 2004. Il est également l’auteur de La Chambre des morts, Deuils de miel, La Forêt des ombres, La Mémoire fantôme, L'Anneau de Moebius et Fractures.[/size]
Le succès rencontré depuis La Chambre des morts lui a permis de cesser son [size=13]travail d'informaticien à Sollac Dunkerque pour se consacrer exclusivement à l'écriture. Son roman Le Syndrome E, sorti en octobre 2010, est le premier volume d'un diptyque consacré à la violence, suivi par Gataca, sorti en avril 2011.[/size]
Grand passionné de thriller à l'instar de 8 millimètres de Joel Schumacher où l'on retrouve dans ses romans quelques clins d'œil.
La Chambre des morts est adapté au cinéma en 2007 par Alfred Lot. La Forêt des ombres est en cours[évasif] d’adaptation cinématographique par Julien Leclercq.
Romancier, Franck Thilliez est également scénariste puisqu'il a coécrit, avec Nicolas Tackian, les dialogues du film de Pierre Isoard intitulé Alex Hugo, la mort et la belle vie, film inspiré d'un roman américain et relocalisé en Provence pour l'adaptation à la télévision.
Franck Thilliez est membre du collectif d'artistes La Ligue de l'Imaginaire.
Pour cette quatrième aventure de Lucie et Sharko, dans la droite lignée du Syndrome E, de GATACA et d'Atomka, Franck Thilliez pousse l'art de l'énigme scientifique jusqu'à son paroxysme.
L'histoire :
Camille Thibault est gendarme dans le nord de la France. Depuis sa greffe du cœur, ses collègues s’inquiètent pour elle. Chaque nuit, elle fait des cauchemars où une femme séquestrée l’appelle au secours. Un rêve tellement vrai, comme un souvenir… celui de son donneur ? Camille n’a plus qu’une obsession : retrouver son identité et découvrir quel drame il a vécu…
Au même moment, à une centaine de kilomètres de là, deux employés de l’Office National des Forêts constatent les dégâts des orages violents survenus en ce mois d’août. Dans une cavité laissée par un arbre déraciné, ils croient apercevoir une ombre. L’un d’eux s’approche. Deux yeux presque blancs, dépourvus d’iris, c’est tout ce qu’il aura le temps de voir avant qu’une main venue des entrailles de la terre ne lui agrippe les cheveux.
Lucie et Sharko sont en train de donner le biberon à leurs jumeaux quand Franck est appelé sur une nouvelle affaire : une femme, victime d’une longue séquestration. Presque aveugle, tant elle est restée dans le noir… sous un arbre. L’enquête prend des proportions inhabituelles lorsque Sharko s’aperçoit qu’à chacune de ses découvertes, il a été devancé par une jeune femme, gendarme dans le Nord…
Critique :
LaPresse , le 15 décembre 2014
Le Français Thilliez renoue avec ce qu'il fait le mieux: «écrire» une échographie du mal, ici et maintenant.
(Marie-Christine Blais)
Extraits :
Jules, de son côté, essayait de comprendre les raisons de ce violent déracinement. Le chêne n'avait pas été frappé par la foudre, il avait entamé sa chute sous le seul effet des bourrasques. D'autres arbres bien plus frêles avaient, eux, tenu le choc. Pourquoi? Il semblait solide, dans la force de l'âge. Intrigué, l'employé de l'ONF s'approcha du tronc, prenant garde de contourner le dangereux entrelacs suspendu à dix mètres de haut.
L'arbre était encore solidaire du sol par un gros faisceau noueux, et son début d'arrachement avait dévoilé des racines qui, au lieu d'avoir été cassées net, étaient encore intactes."
"Je connais parfaitement les chiffres, docteurn j'ai passé tellement de temps dans les hopitaux que j'ai vu des gens mourir parce qu'ils ne recevaient pas leur rein, leur poumon ou leur foie. Je me souviens de leurs regards, de leur impuissance... Qu'ils soient pauvres ou riches, blancs ou noirs, c'est pareil, c'est terrible d'attendre la mort alors que la vie est partout autour, qu'elle vous nargue."
"C'est impossible. Tout est protégé, je vous garantis que ni moi ni aucune personne de cet hôpital ne connaissons l'identité du donneur. Tout est segmenté - le prélèvement, le transport, la greffe - pour que personne ne sache. Votre coeur est juste un code-barres dans Cristal, il n'a ni nom ni adresse. Seul le directeur de l'agence de biomédecine et quelques responsables travaillant à ses côtés connaissent les codes et ont accès au dossier d'origine du donneur, mais pour rien au monde ils ne parleront. Ne cherchez plus, ça ne rime à rien. Vous n'avez pas le droit d'aller voir la famille de votre donneur, de raviver un deuil qu'ils ont peut-être réussi à faire.
Camille rageait devant son impuissance. Elle connaissait le discours par coeur. lois de bioéthique de 1994 : "Le donneur ne peut conna$itre l'identité du receveur, ni le receveur celle du donneur."
"Elle leva les lamelles de verre et les observa sous tous les angles. Le spécialiste avait raison, d'une certaine façon : comment ces amas de cellules pulsantes pouvaient-ils stocker des sensations, des souvenirs? Comment un coeur pouvait-il avoir une mémoire de restituer les morceaux de vie de son propriétaire?
Comme disait Calmette, ça paraissait stupide. On n'était plus à l'époque de l'Egypte ancienne où l'on croyait que le coeur était le siège de l'âme, et Camille était mieux placée que quiconque pour savoir que le muscle cardiaque n'était qu'un outil sans âme, une pièce de voiture destinée à faire tourner la machine. Le reste n'était que mythe et poésie."
"Il faut savoir que, en matière de dons, qui ne dit mot consent. En d'autres termes, en France, nous sommes tous des donneurs d'organs potentiels, sauf si nous nous inscrivons de notre vivant sur le registre national des refus."
"Je lisais tout le temps, gamine, confia-t-elle. Des livres scientifiques sur le corps humain mais aussi ce genre de romans d'aventures et des polars. C'était mon moyen à moi de m'évader, de voyager. Un jour, j'ai vendu la plupart de mes livres à une brocante, il y en avait trop. Mais j'aurais dû les garder. Ils étaient comme des petits morceaux de ma vie. Des bouts de moi.
Elle inclina la tête, pensive.
-Tout le monde a un souvenir qui se rapporte à un livre. Et quand on rouvre le livre, plus tard, quand on sent à nouveau l'odeur de ses pages, quand on voit les marques de chocolat qu'on croquait à l'époque incrutées sur ses pages, alors le souvenir revient, très net."
"...Avec mon métier, j'ai déjà vu des gens s'approcher d'une scène de crime, rien que pour voir ce qui n'est pas regardable...Et puis, regarde ce bouquin, là, Cinquante Nuances de Grey qui paraît bientôt. Un vrai phénomène partout dans le monde, déjà premier sur tous les sites de ventes en ligne. Et qu'est-ce qu'il raconte au final; heun? Une [size=13]histoire de dominant/dominé. Du cul, du SM, de la transgression. Les Lesly Beccaro sont plus nombreux qu'on le croie. Il n'y a qu'à regarder ce qui est le plus présent sur Internet.[/size]
-Le sexe, encore et toujours.
-Le sexe, le pouvoir, l'argent. Réunis tout ça dans un seul homme, et tu en fais un prédateur redoutable. C'est peut-être à ce genre d'individus qu'on est confrontés en ce moment."
"C'est ça le problème, répliqua Camille. On n'en parle pas. Plus de la moitié des organes que l'on pourrait greffer ne le sont pas à cause du manque de communication. La moitié, tu te rends compte? Des reins, des coeurs, des foies en parfait état de fonctionnement. C'est la vie qu'on gaspille. Un donneur peut sauver jusqu'à cinq ou six personnes si ses organes sont bien distribués.
6Je crois que ce n'est pas le don qui fait peur, mais c'est d'envisager la mort. Elle est tabou, les gens n'aiment pas en parler. Et puis, ils imaginent qu'on charcute les corps, qu'on dépouille l'être aimé.
-Tu sais quand on interroge les gens, la plupart seraient prêts à donner leurs organes. C'est un acte tellement magique, un don de soi par-delà la mort, une continuité de la vie. Quand tu leur demandes s'ils donneraient leur accord pour qu'on prélève ceux de leur époux ou épouse, ils accepteraient encore, mais ce serait beaucoup plus dur, il y a comme un sentiment de profanation inexpliquable, une peur de déranger le défunt, de le souiller."
"Vous entrez ici la nuit avec un corps dont vous voulez vous débarrasser, vous l'enregistrez sous une identité bidon et vous l'envoyez à la dissection, se faire découper en morceaux. Les étudiants se chargent du reste. Ou vous le coupez vous-même en morceaux et le mettez dans l'une des caisses avec un autre corps lui-même en pièces, sans l'enregistrer dans le fichier Excel. Les gars de la crémation terminent le boulot, ils brûlent deux corps au lieu d'un sans s'en apercevoir. Oui, c'est faisable, comme un médecin généraliste peut lui-même tuer une patiente en fin de vie, comme un médecin légiste pourrait autopsier un cadavre qu'il a lui-même assassiné et mentir sur la cause de la mort."
"Nous sommes ceux que vous ne voyez pas,
Parce que vous ne savez pas voir.
Nous prenons sans rendre.
La vie, la Mort.
Sans pitié."
"Tout cela pour vous expliquer qu'il y avait autre chose que le reportage photo dans la quête de Florès. Quelque chose de plus profond, de plus... impalpable.
Une volonté d'aller au bout du bout.
De sonder les abysses de l'âme humaine.
Quitte à se mettre hors la loi pour contempler le vrai visage de la mort."
Il imaginait trois cercles concentriques d'individus, symbolisant une hiérarchie dans la perversité et la souffrance infligée à ces chers petits humains. C'était çà son idée : il y aurait des gens dans les trois cercles, à différents degrés du Mal, si tu veux. Beaucoup d'individus dans le cercle extérieur, beaucoup moins dans le deuxième, et un seul dans le premier. Le plus intelligent, le plus monstrueux. Celui tout habillé de noir. L'homme en noir, celui qui erre dans les abysses."
Mon humble avis
Avec ce roman, Franck Thilliez nous plonge dans l'univers des greffes d'organes et des bébés volés sous certains régimes politiques...J'ai retrouvé ses deux héros Lucie et Sharko,dont je suis l'histoire depuis le début et j'ai été ravie de faire la connaissance de Camille, gendarme avec une greffe de coeur, jeune femme terriblement attachante.Toujours un beau travail de fond encore pour ce roman dans des domaines toujours captivants, mystérieux et surprenants... de 1er mai Ninnenne .