Un autre amour Kate O' Riordan
L'histoire :
L'auteur : [size=13][/size]
Critiques :
Racontée du point de vue de la victime, mère de famille londonienne douce et bouillonnante, cette histoire d'adultère est très cosy. On se sent bien dans les pensées de Connie Wilson, dont le mari dentiste n'est pas rentré de son congrès en Italie, à cause d'une femme. Leur pertinence douce-amère, leur ambiguïté solaire, leur douleur lumineuse dégagent une chaleur que la traduction de Florence Lévy-Paoloni distille à petit feu. Progressivement étourdissante comme une imparable prise de conscience, la langue de Kate O'Riordan est à la fois populaire et précieuse. Sans doute pour mieux traduire le fossé social qui sépare l'héroïne de son mari, rencontré alors qu'elle était secrétaire dans une agence de publicité : « Elle se trouvait tout le temps maladroite, à cause de ses origines ouvrières, de sa façon de s'habiller, de ses expressions familières qu'elle employait encore, et même de ses tours de cou en or démodés. Les autres secrétaires ou assistantes, comme on les appelait maintenant, languissantes et émaciées, étaient toujours drapées dans une sorte de film noir. Penchées sur leur bureau, elles ressemblaient à une rangée de virgules. »
La femme plaquée a trois enfants, dont l'un présente de légers traits autistiques. « Suffisamment silencieux et renfermé pour que des cailloux pointus se forment dans la gorge » de sa mère dès qu'elle pense à lui, cet enfant semble envoyer des ondes secrètes à son entourage. Ce personnage sacrificiel donne au livre son imperceptible vent de liberté, son allant salutaire, même au plus noir de la tragédie. C'est lui dont il est question, dans le titre faussement anodin...
Telerama
Avec sobriété et finesse, Kate O'Riordan décrit l'effondrement d'un couple et ses conséquences.
Lire
En écoutant la voix délicatement mélancolique de Kate O'Riordan, on devine qu'elle est une romancière blessée et que l'écriture, pour elle, est une thérapie : cette Londonienne d'adoption a grandi dans une Irlande qui ressemble à une maison hantée, remplie de démons qu'elle s'escrime à conjurer. Et c'est le monde de l'intime, ses ombres et ses mystères, qu'elle scrute inlassablement, avec des intrigues familiales souvent tourmentées où s'accumulent refoulements et non-dits, rancoeurs et secrets douloureux. Ils se cachent dans les tréfonds de la mémoire et l'auteur du Garçon dans la lune ne cesse de remonter le temps pour les exhumer, d'un livre à l'autre, sous le regard amer de personnages prisonniers de leurs souvenirs.
C'est le passé, encore lui, qui continue à agiter les eaux troubles d'Un autre amour,le nouveau roman de l'Irlandaise. Jadis, Matt Wilson s'était passionnément épris de Greta, il ne l'a jamais oubliée mais il a épousé Connie et leur couple - trois enfants, une confortable maison à Londres - tient magnifiquement le coup depuis deux décennies. C'est à Rome qu'on les découvre, la ville enchantée où ils se sont offert une brève escapade romantique, sans leurs trois garçons. Et où Matt, par hasard - mais s'agit-il vraiment d'un hasard ? -, retrouve Greta, son amour perdu. Elle est passablement déboussolée depuis la mort de son jeune fils, un accident dont elle se sent responsable, et Matt décide de rester avec elle à Rome. Quant à Connie, elle rentrera seule à Londres, en se demandant si elle aura la force de révéler la vérité à ses enfants.
Au fil d'un scénario qui va s'assombrir de plus en plus, Kate O'Riordan raconte l'effondrement d'un couple dans ce très beau roman où la trahison et la fidélité se télescopent brutalement. Où deux histoires d'amour se déchirent mutuellement, irrémédiablement. Où la culpabilité pèse trop lourd. Où le présent et le passé s'entremêlent en un jeu à la fois pervers et dramatique. Aucune mièvrerie, pas le moindre trémolo sous la plume de Kate O'Riordan, mais une finesse éblouissante. Et une oreille prodigieuse, pour écouter les confidences de ses personnages.
L'express
Extraits :
"Dans un aéroport, on n'est nulle part. On peut être n'importe qui, vivre la vie de quelqu'un d'autre. Un court moment on peut même réussir à oublier la sienne.Mais naturellement elle vous attend - à la maison."" Etait-ce donc cela? L'abominable crise masculine de la quarantaine...on rencontre une ancienne petite amie et brusquement la vie qu'on n'a jamais vécue vous revient en pleine figure? Vraiment ridicule. Dans une minute, il allait se ressaisir, serrer la main de Greta, peut-être l'embrasser sur la joue et tout redeviendrait à la normale. Ils échangeraient peut-être même leurs numéros de téléphone, tout en sachant très bien l'un et l'autre qu'ils ne s'appelleraient jamais.""Mary tendait le cou, les sourcils levés dans l’attente. Connie ouvrit la bouche et la referma. C’était pitoyable : même avec sa meilleure amie, celle à qui elle confiait la vie de ses enfants, elle jouait un rôle. Il y avait la Connie qu’elle avait façonnée au fil des ans. Mère de trois garçons, épouse de leur père, sœur, fille. On serrait les dents, on continuait, on se levait tous les matins, on s’habillait et on mettait du mascara et du rouge à lèvres, on disait : « Bien, merci, et vous ? » Si on perdait cette personnalité, celle qu’on avait façonnée, il était impossible de savoir qui on trouverait pour la remplacer.
« Tu as oublié quelque chose ? demanda Mary.
- Quoi ? Oh, je fais juste ma liste de courses dans ma tête. »
Mary, avait-elle envie de dire, à quel point crois-tu que Matt ait été malheureux ces derniers temps ? As-tu remarqué une différence, t’a-t-il dit quelque chose ? Il a une carrière respectable, il a trois enfants adorables, il m’a, il a notre maison de rêve. Il a, en fait, tout ce que j’ai toujours voulu."
"Non, il ne s'agissait pas d'une passion feinte, ce qui avait été sérieux et sincère dans le passé le redeviendrait et il lui faudrait quitter sa femme, ses enfants; il le comprenait comme à travers un prisme. Qu'aimons nous quand nous croyons aimer? se demanda t-il. Greta était bourrée de défauts, tout comme lui, tout comme n'importe qui, c'était peut-être cela, nous tombons peut-être amoureux de l'humanité imparfaite, toujours pleine d'espoir, toujours solitaire, qui est en nous.
Il vit qu'elle était sur le point de continuer et qu'il devait la faire taire, mais quelque part, tout au fond de son subconscient, il avait attendu toutes ces années pour entendre ces mots.
Mais quand tu t'es approché de moi au bar l'autre jour, tu sais ce que j'ai pensé, merde, je n'ai pas vécu la vie que j'aurais dû."
Elle détourna de nouveau les yeux vers la fenêtre, revivant l'intensité du moment." Il y avait tant de choses que je voulais retrouver à ce moment là. Quand on est jeune, on ne sait pas qu'on a déjà ce dont on a besoin. Je ne racontais pas de conneries quand j'ai dit que tu étais bon. Tu l'es. Gentil, honorable, et tout simplement bon au vieux sens du terme. Ce genre de choses ne m'interessait pas à l'époque. Je voulais de l'éclat, des mensonges, des émotions. Mais Connie a vu l'homme que tu allais devenir et elle te mérite. C'est tout, vraiment. C'est tout ce que j'ai à dire. On ne peut pas vivre d'autres vies que celles qu'on a vécues."
"Voilà ce que je veux savoir ; à quel moment a t-il décidé de ne plus m'aimer? Parce que ça a dû arriver. Il connaissait Val depuis aussi longtemps que moi, commen tse fait-il qu'un jour tout ait basculé alors que ça n'est pas arrivé durant toutes ces années? Est-ce que ça s'est produit tout d'un coup, comme ça?" Elle claqua des doigts." Ou est-ce qu'un million d'instants ont fini par s'additionner, instants qui auraient pu fasçonner tout aussi bien une amitié solide et en rester là? Qu'est-ce qui a été le déclencheur parce que ne me racontez pas qu'il s'agit d'une folle passion et...et...incontrôlable. Voilà deux personnes d'âge mûr."
"Matt contemplait toujours le foyer rougeoyant. Le vent balayait en hurlant le toit au-dessus de leurs têtes. Il descendait en vrille dans la cheminée et enflammait de petites gerbes d'étincelles. Regarder un feu mourant tard le soir - il y avait toujours cette autre vie qu'on aurait pu vivre. Celle qui s'était éclipsée quand on ne regardait pas. Celle qui continuait à se dérouler le long d'une langue de flamme presque invisible qu'on n'aperçoit que du coin de l'oeil."
"Je ne me reconnais pas. Je ne sais pas si c’est mon moi réel, celui que j’aurais dissimulé toute ma vie. Ou juste une mauvaise excuse pour faire une pause dans la réalité."
("...) dans son innocence, dans sa stupidité aveugle, elle croyait que le temps était tout ce qu'il leur fallait. Du temps pour refermer les blessures, pour se ressaisir, on s'époussette un peu, on met un peu d'ordre et on repart. C'était loin d'être aussi simple. Il n'y avait pas que la trahison de la chair, un corps choisi à la place d'un autre, ce qui en soi était déjà très douloureux, il y avait la trahison des secrets répandus la nuit sur l'oreiller, des peurs profondes et des espoirs fous partagés avec une personne unique dans tout le vaste monde. Il y avait les moments de désespoir, l'enfant malade, les retards de remboursement, la prise du mauvais tournant avant de revenir sur la bonne route. Les sourires intimes au petit déjeuner après l'amour, les deux têtes qui se touchaient presque, penchées sur le nouveau berceau dans la chambre d'enfant."
Mon humble avis :
Ce roman n'est pas une histoire à l'eau de rose mais un cheminement dans la psychologie des personnages et un regard porté sur le couple, sur la vie avec ses blessures, avec le quotidien et le temps qui passe, la faillite de l'amour.
Bien plus qu'une crise de la quarantaine, c'est la puissance que peut représenter les amours et les histoires qui n'ont pas été vécues. C'est le poids du passé sur la nature humaine...ses besoins, ses rêves et ses regrets, ses non-dits, ses secrets...
Un roman qui m'a profondément captivé avec des personnages tellement proches de nous.
Ninnenne