L'Autre Sylvie Le Bihan
L'auteur :
Un premier [size=16]roman dont le thème du pervers narcissique est traité pour la première fois sous forme romanesque à travers l’histoire de deux femmes.[/size]
L'histoire :
11 septembre 2011. Emma fait partie des invités d’honneur de la Maison Blanche pour les commémorations des attentats. Debout sous le soleil de septembre, elle est au plus mal. Mais est-ce son veuvage qui la fait tant souffrir ? Rien n’est moins sûr.
Strasbourg. janvier 1996, Emma est insouciante, une séductrice capricieuse qui croque les hommes et les jette sans remords. Jusqu'au moment où elle rencontre l’Autre. Avec l’Autre, sa vie va prendre une tournure plus grave. Emma éprouvera au quotidien, dans les gestes les plus banals, que l’enfer existe.
Sylvie Le Bihan, dans son premier [size=16]roman, a choisi de traiter un sujet que connaissent beaucoup de femmes et dont peu savent parler pourtant : celui du pervers narcissique. Elle excelle, grâce à une écriture aussi mordante que délicate, à décrire comment la violence entre, parfois sans fracas, dans la vie d’une femme.[/size]
Critiques :
"Sylvie Le Bihan radiographie dans son premier [size=16]roman une relation amoureuse dominée par un pervers narcissique. Sanglant."[/size]
Serge Hartmann Supplément DNA
« Chacun peut renaître de ses souffrances »
Tout commence à New York, lors d’une commémoration des attentats du World Trade Center. Là, deux femmes qui ne se connaissent pas, ont chacune perdu leur mari le 11 septembre 2001 et contrairement à la tristesse inconsolée des autres personnes, elles n’ont pas l’air très affecté, bien au contraire.
Même si leur vie n’a rien de commun, elles partagent une chose sans le savoir, chacune étant libérée de sa souffrance passée. L’une est Française et a subi les affres d’un pervers narcissique, l’autre est Américaine et avait un mari violent. À travers l’histoire de ces deux profils, Sylvie Le Bihan présente dans ce premier [size=16]roman le phénomène d’emprise que peut avoir un homme sur sa femme (bien que cela puisse se passer dans le sens inverse également…), malgré l’amour qu’il lui porte.[/size]
Elle décrit comment une personne peut se renfermer petit à petit et se terrer dans le silence et la souffrance, et pourquoi il est si difficile d’alerter ses proches. Comme dans un film, il y a une mise en scène intéressante qui ne place pas ce [size=16]roman uniquement comme le descriptif d’un processus psychologique sournois, ou comme un plaidoyer pour lever l’omerta des victimes de ces drames. Ce livre donne aussi l’espoir que chacun peut renaître de ses souffrances, et recouvrer la liberté, bien avant que l’« Autre » ne puisse plus jamais répondre de ses actes.[/size]
Par Aude Bernard Treille Infra rouge culture
Un thriller de livre, tenant en haleine son lecteur en quelques heures passées – toutes affaires cessantes – dans ces pages fortes. Un policier ? Que non pas ! Mieux, une enquête fine qui désosse au petit [size=16]couteau de cuisine (et elle s’y connaît, Sylvie Le Bihan !) une relation, un couple, où l’une – celle qu’on suit, qu’on regarde – est défaite de bout en bout par l’autre. Unehistoire de maltraitance conjugale ? d’un genre à part. Une affaire d’emprise ? Il y a de ça, en plus raffiné. Un Vaudou qui marcherait dans la rue ? Eh bien…[/size]
Scénario digne d’un film réussi (qui, soyons-en sûrs, naîtra un jour prochain) : une femme moderne (un peu naïve sous des abords délurés), en activité professionnelle porteuse, rencontre… – lecteurs qui tressaillent dès les premiers mots du Petit Chaperon rouge, s’abstenir – un de ces nouveaux séducteurs-trader, plein aux as, avocat d’affaires, comme les rues de La City de Londres en regorgent :
« Des spermatozoïdes vides en costume sombre dans une queue en érection… ils montaient, se bousculaient dans les escaliers, croche-pattes, délits d’initiés, évaluations à l’acide mensonge, coups bas et trahisons. De petits hommes… ».
Le jeune loup de la finance (le film sur celui de Wall Street refait surface de temps à autre, dans nos mémoires) est un vrai prédateur, dont les armes dissimulées sont manipulation mentale et harcèlement moral. Un empoisonnement lent et sûr, dont le travail implacable n’est guère visible à l’œil nu/social. Du grand art. Un détricotage hautement toxique de la personnalité de sa proie/femme, dont le naufrage annoncé, prévisible, visionné en trois dimensions, est le refrain remarquable du livre.
« Il attendait de toi, comme un enfant peut l’attendre de sa mère, que tu allèges le poids de ses tensions et que tu soulages ses angoisses… ton sein flétri, à sec, à vif ne satisferait jamais sa soif, et tu deviendrais sa pire ennemie… ».
Ce n’est pas elle, la victime, qui parle, mais un observateur extérieur qui lui dit « tu », à moins que ce ne soit une voix en elle qui lui parle ; on n’ose dire sa conscience. On y gagne en force descriptive ; sorte de corps posé sur la table des autopsies, on est à même de constater les dégâts, les mochetés, quasi à la loupe.
Aux États Unis – quartiers pauvres des émigrations récentes (dernières couches ; ceux de l’Est de l’Europe, coiffant des Hispaniques aux figures d’ancêtres), une autre femme – Maria – traverse un autre enfer : les coups, la violence intraconjugale – panel complet – l’alcool et les gamins terrorisés. Âmes sensibles, attention ! certaines scènes peuvent vraiment choquer, comme on nous dit au 20 H : « Maria en boule, hérisson hébété, dont la peau foncée laisse remonter lentement à la surface les traces rouges et mauves des coups… ». Deux faces de la médaille/maltraitance de la femme ; l’éclairée – couleurs criantes, la plus connue ; les torgnoles bien sanglantes, qui font un bruit de tonnerre ; dans un décor plus ombreux, les coups de dedans ; apparence lisse ; en noir et blanc. Moins de boucan ? Moins de mal ? Les deux cognent et tuent nous dit Le Bihan ! on n’en doute plus, en refermant le livre ; cœur malmené, au bord des lèvres ; malaise.
Entre les beaux quartiers européens, et les trottoirs de New-York, un pont, ou plutôt des Twins Towers un certain 11/9. Les deux monstres y passèrent – non, y sont passés ! Entre les deux victimes, le même lieu, ce Ground Zero honoré en Septembre 2011 :
« La chorale est en place, garante de l’innocence et de la continuité, blonds, asiatiques, arabes, blacks, tout va bien… quatre pompiers déploient une bannière étoilée, avec des trous et des traces de brûlures… le battement des secondes emplit ta tête… – tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire – tu récites ces vers de Racine comme on égrène les paroles d’une eulogie… ».
Juste au moment du grand bang en prise avec l’Histoire, quelque chose dans la trajectoire de ces deux femmes-là ? Répétons-le : lire L’autre, avant de dormir, est déconseillé. Risques graves de troubles perdurant. Secouant, le livre !
Martine L Petauton La cause littéraire
Extraits :
"Ton front collé au hublot, anesthésié par le froid, tes yeux éblouis par les rayons du soleil qui se réverbéraient sur la couche blanche des nuages clairsemés, tu redessinas la mer aux blocs de glace isolés, cherchant un signe, une trace qui te donne la force de pousser une larme, une vraie, jusque sur tes cils.
Dix ans déjà...Pourquoi fallait-il tout célébrer?
Ce devoir de mémoire qui détruit, ce souffle cru qui soulève vicieusement le lourd voile du deuil et offre aux autres le visage détruit des veuves en pâture. Cette foutue résilience qui fait se rejoindre les rives du passé et les falaises du présent."
"L'autre t'écouta avec attention, buvant tes paroles, rencherissant lorsque ton rythme faiblissait, il voulait tout savoir de toi, c'était grisant de pouvoir à nouveau se raconter, s'inventer... Mais tu ne pus t'empêcher de remarquer que son regard devenait parfois plus dur, plus perçant, glaçant même, et, à cet instant, comme s'il avait senti grandir ton inquiétude, il caressa ta main posée sur la table pour t'encourager à continuer. Tu fermas la bouche à cette petite voix intérieure qui te disait de te méfier, il avait l'air tellement parfait."
"Pourtant tu savais que l'éloignement t'avait déstabilisée, mais tu laissais filer dans l'attente de ton départ, inconsciente que la solitude crée des failles dans lesquelles les nuisibles, les toxiques, les cafards, les rampants vont s'engouffrer d'instinct.
Ton besoin d'amour était trop visible ma belle, et tout doucement un homme à l'aspect inoffensif allait combler ce manque en prenant toute la place dans ta vie."
"L'Autre aussi t'observait, avec ce qui ressemblait à de la douceur sous ses paupières mi-closes et, naïve, tu as pris ça pour de l'amour.
Alors que, tapi dans l'ombre de son sourire bienveillant, patiemment, il n'attendait que d efondre sur toi, sa proie.
Aujourd'hui encore, tu ne situes pas l'instant où tout a commencé.
Tu sais que ce ne fut pas soudain, sinon tu aurais fui, mais son agression se décomposa plutôt en une lente succession de micro-violences, un poison distillé à dose homéopathique. Son avis, ses conseils, te donnaient l'illusion d'exister, tu ne réalisas pas que, lentement, ses choix s'imposaient."
"Comme les mères, les femmes, toutes les femmes unies dans leurs destinées de putains résignées, devraient avoir comme devoir de transmettre de génération en génération non pas la quête du prince charmant, ce mirage originel, mais le danger de leurs fantasmes imposés."
"Tu aurais aimé que ta mère te mette en garde contre les hommes trop lisses à la voix qui déraille, qu'elle ait terminé son éducation par la meilleure façon de reconnaître les vrais salauds, ceux que l'on ne soigne pas, ceux qui vous détruisent en se fondant dans vos rêves, et non pas qu'elle baisse les yeux en pensant que c'est le destin, le tien, le vôtre, celui de toutes les filles quand elles deviennent femmes.
Mettre au deuxième plan les discours sur les capotes, la pilule, les joueurs, les volages ou ceux qui boivent un coup de trop, mais se concentrer sur les vrais dangers de la perversité."
"Privilégiant l'apparence, il demeurait quelqu'un de parfait aux yeux de votre entourage, mais c'est son discours dans l'intimité qui changea : des taquineries sur tes ex, tes amis, ton travail, tes vêtements, des allusions, des non-dits et des sous-entendus, puis des remarques plus cinglantes, des regards plus durs, de mépris parfois, une distance froide et ce sentiment qu'il te reprochait quelque chose, mais tu ne savais pas quoi. Malheureusement tu as balayé d'un revers de la main les petits signes et scènes qui auraient pu t'alerter, comme on remonte une mèche qui brouille la vision en feuilletant les pages d'un bouquin."
Mon humble avis :
Tant de paragraphes que je pourrais recopier...
Ce livre m'a profondément bouleversé sans tomber une seule seconde dans la miévrerie ou la plainte sur soi.
Un récit très bien écrit, une construction habile, un style direct, deux très beaux portraits de femmes...
Dans les remerciements, l'auteur cite Marie-France Hirigoyen (spécialiste du harcelement moral et de la violence psychologique) pour les conseils qu'elle lui a donné et j'ai compris pourquoi on ressentait si bien le vêcu de ces personnages.
Triste, vrai et Superbe. Difficile de le poser quand on l'a commencé.
Ninnenne