Le sel Jean-Baptiste Del Amo
L'auteur :
Jean-Baptiste Del Amo, de son vrai nom Jean-Baptiste Garcia, est un écrivain français, né à Toulouse le 25/11/1981 , vivant à Montpellier.
Après avoir suivi un cursus littéraire, le jeune [size=16]homme travaille pendant un temps comme animateur socio-culturel. Il part ensuite pour une mission humanitaire en Afrique.[/size]
En 2006, il reçoit le Prix du jeune écrivain francophone pour sa nouvelle Ne rien faire, écrite à partir de son expérience de quelques mois au sein d'une association de lutte contre le VIH en[size=16]Afrique. [/size]
Fin août 2008, son premier roman, Une Éducation libertine, paraît dans la [size=16]collection "blanche" chez Gallimard. Il est favorablement accueilli par la critique et reçoit le prix Laurent-Bonelli, fin septembre 2008. Le roman est à mi-chemin entre le roman historique et le roman d'apprentissage. Il évoque l'homosexualité, la prostitution et le libertinage bourgeois.[/size]
En mars 2009, Jean-Baptiste Del Amo se voit finalement attribuer le Prix Goncourt du premier roman, à l'unanimité dès le premier tour de scrutin.
Le Sel est son deuxième roman.
L'histoire :
«Quand tout sera terminé, vous douterez de moi, du souvenir qu'il vous restera de moi. Les choses sont ainsi, les vivants défigurent la mémoire des morts, jamais ils ne sont plus loin de leur vérité.»
Un grand dîner doit rassembler chez Louise, la veuve d’un pêcheur sétois, ses trois enfants dispersés et leurs familles.
La perspective de ce dîner fait remonter en chacun d’eux des souvenirs, des rancunes, des attendrissements mélancoliques, des regrets et des drames intimes : Fanny, sa rivalité avec sa mère et la perte de sa propre fille Léa ; Jonas, sa rivalité avec son frère Albin, son homosexualité et la perte de Fabrice, son premier compagnon, mort du sida ; Albin, enfin, sa ressemblance avec son tyran de père et la séparation qu’Émilie sa femme lui impose ce soir-là.
Louise, elle aussi, se souvient : de la brutalité de son mari, de la dureté de sa vie, des occasions de rencontres amoureuses qu’elle n’a pas pu saisir, de son corps jadis radieux et exigeant, du fossé qui l’a toujours séparée de ses enfants.
Jean-Baptiste Del Amo use de toutes les ressources d’une langue riche et vibrante pour décrire les mouvements de la sensualité qui tourmente et irradie les personnages. Les scènes qui se succèdent ont chacune une force propre, et certaines sont inoubliables (l’exode en train de la famille italienne, la mort de Léa, la confrontation entre Fanny et sa mère, les dialogues entre les deux frères…).
Il y a dans cette chronique, hantée par le caractère périssable de l’amour et par la toute-puissance de la mort, un souffle exalté, tremblant, qui évoque les films de Patrice Chéreau, les pièces de Koltès. C’est un roman d’une grande force.
Extraits :
"Ses enfants avaient-ils oublié avaient-ils jamais su qu'elle avait été une femme avant d'être leur mère ?"
"Les cloches de l’église Saint-Louis éparpillaient midi sur les hauteurs de Sète. Leur rondeur de métal vibrait dans la moiteur du port et sur les plages où les vagues s’ourlaient et chuintaient, drapaient les cris des enfants."
"La venue des enfants l'inquiétait. Leur présence dans la maison lui était douloureuse. Elle la désirait pourtant, et c'est à sa demande que tous venaient ce soir-là mais il lui apparaissaient avec brutalité dans une pièce ou dans l'autre, si démesurément grands qu'elle en venait à douter de les avoir enfantés et voyait en eux des inconnus. C'est pourtant, on le dit, chose normale et les enfants n'ont de cesse, sitôt extraits de la chair maternelle, de s'en éloigner et d egagner indépendance et légéreté. "
"Louise devinait les filets étendus puis hissés à bord des chalutiers, l'affairement des marins, l'échauffement de leurs voix, l'odeur de leurs peaux, puis celle ferreuse sur leurs mains, des entrailles de poisson. Jamais elle n'avait compris l'excitation de la mer, indéfiniment renouvelée. Les hommes y vont comme ils vont aux femmes, se lassent des femmes, mais jamais du large. Elle pensait à Armand sans y penser vraiment; les disparus nous habitent sans cesse. Ils ne sont pas une image mais une empreinte indélibile, un voile entre soi et le monde, qui le colore à sa façon d'une âpre mélancolie."
"Comme Louise finissait de border le lit, l’inquiétude la saisit à la gorge. Armand s’était imposé entre les enfants et elle. Bien qu’il fût aujourd’hui disparu, il était entre eux l’obstacle incontournable. Il lui était pourtant impensable de circonscrire son époux à ce rôle auquel Jonas, par exemple, condamnait le souvenir de son père. Armand était un être singulier, Louise n’avait pas la prétention de l’avoir connu. Ils avaient vécu l’un près de l’autre, ne partageant en réalité que de courts instants, des éclats fugaces qui les réunissaient. Dès lors, comment pouvait-elle prétendre savoir qui était Armand ? Louise voulait croire que l’image la plus approchante de l’homme qu’il fut était au confluent de leurs souvenirs à tous, des siens et de ceux des enfant, mais peut-être Armand leur échappait-il encore"
"Tu es devenu comme ton père, comme Jonas. Vous êtes tous tellement égoïste... Mais moi, je ne peux pas finir comme ta mère, dans cette solitude, dans cette tristesse. je veux prétendre à autre chose qu'à tes absences, tes coups d'éclats, ta violence silencieuse chaque fois que tu me touches."
Mon humble avis :
Une journée...une seule journée nous dépayse à Sète, son port, ses mouettes, son marché, ses joutes, sa plage, l'étang de Thau, ses ponts qui se lèvent...son ambiance particulière...
Sète a fait partie de ma vie durant 18 ans et je garde un attachement fort pour cette ville et ce livre m'y a ramené avec des personnages attachants, une histoire familiale avec les ressentis, les blessures, les non-dits de chacun.
La difficulté d'être mère et femme, les rapports entre mère et fille, le poids d'être une femme soumise à son mari simplement, la difficulté à réussir sa vie de couple, d'échapper au poids de l'hérédité, de s'entendre en famille...
Lot de souvenirs égrénés au fil de la journée de façon poétique... parfois tragique...
Leurs souffrances, leurs bonheurs...la vie tout simplement...
Ninnenne