Un jour après l'autre Anita Shreve
L'auteur :
Anita Shreve vit dans le Massachusetts avec son mari et leurs deux enfants. Elle a mené une carrière de journaliste avant de se consacrer à l'écriture.
Ses romans et essais ont tous été des best-sellers aux États-Unis. Après, entre autres, La Femme du pilote, Un seul amour, Ultime rencontre, La Maison du bord de mer, L'Objet de son désir, Une lumière sur la neige, Un amour volé, Un mariage en décembre, Le Tumulte des vagues et Une scandaleuse affaire (tous publiés chez Belfond et repris par Pocket), Un jour après l'autre est son quinzième roman à paraître en français.
L'histoire :
Peut-on protéger quelqu'un de lui-même ? Dans les beaux paysages verdoyants du Vermont, le portrait poignant et réaliste d'une famille brisée par l'alcoolisme de la mère et sauvée par l'amour fou d'un père pour sa fille. Un roman sur la fragilité, le pardon et notre responsabilité envers ceux que nous aimons.
Porté par l'écriture vibrante d'Anita Shreve, le portrait saisissant d'une famille portée à bout de bras par l'amour fou d'un père. Une variation tout en subtilité sur le poids des erreurs passées et la difficulté de pardonner.
Webster, jeune ambulancier secouriste, sauve chaque nuit des vies. C'est sa raison d'être. Un soir comme beaucoup d'autres, il est appelé sur les lieux d'un accident de voiture. La victime se prénomme Sheila : c'est le coup de foudre. Webster en est convaincu, cette beauté farouche de vingt-quatre ans, hantée par un passé difficile, a besoin de lui.
Mais peut-on protéger quelqu'un de lui-même ? Après la lune de miel des premiers mois et la naissance de la petite Rowan, Sheila se renferme et se met à boire. Malgré tout l'amour dont l'entoure Webster, la situation dégénère, jusqu'au drame.
Quinze ans plus tard, Webster élève seul Rowan. Depuis quelque temps, il ne reconnaît plus sa fille dans cette adolescente irritable, qui joue avec le feu et se met délibérément en danger.
Mort d'inquiétude, prêt à tout pour empêcher que l'histoire se répète, Webster va être forcé de réveiller le passé pour venir en aide à sa fille.
Extraits :
"Webster dévale en chaussettes les marches étroites de l'escalier et déboule dans la cuisine.
- Du pain perdu !
Rowan rougit, penchée au-dessus de la poêle, celle dont la surface a plus de rayures que de Teflon.
Webster adore le visage de sa fille. Même tout bébé, elle avait au-dessus des sourcils ce petit espace supplémentaire, un demi-centimètre à peine. Comme si quelqu'un avait pris une paire de pinces et lui avait légèrement étiré la tête. Ça agrandit ses yeux bleus. Lui donne l'air un brin étonné par la vie. Ça plaît à Webster. Rowan a les cheveux bruns, presque noirs, le même épi que lui. Elle le cache sous une frange. Webster cache le sien, plus prononcé, sous une casquette de base-ball. L'épi est un problème, le sera toujours.
Webster, sur pilote automatique, ouvre le frigo pour y prendre du jus de fruits.
- C'est déjà fait, dit Rowan.
Webster se retourne et voit la table mise, les assiettes, les couverts en argent, les serviettes, et le beurre dans le beurrier ancien plutôt que dans une simple soucoupe, le jus de fruits dans de vrais verres à jus de fruits. Rowan porte un pull bleu pâle de chez J. Crewe qu'il lui a offert pour Noël. C'est la fin d'une époque, et ils veulent commémorer ça. Webster y pense depuis des mois maintenant.
Ils doivent fêter l'anniversaire ce matin. Webster est de garde cette nuit.
Rowan fait glisser le pain perdu sur les assiettes.
- Tu aurais dû postuler dans une école de cuisine, dit Webster en s'asseyant, avant de rapprocher la chaise de la table.
Erreur. Il note le petit rictus sur les lèvres de Rowan. L'instant d'après, il a disparu.
Le dossier de Rowan a été refusé par trois universités, dont Middlebury, son premier choix. Webster se souvient du 15 mars et de sa fille en train d'attendre devant l'ordinateur de la cuisine qu'il soit cinq heures, l'heure à laquelle les établissements devaient communiquer leurs avis d'admission ou de refus. Lui s'attardait à la vaisselle, lavant le même verre deux fois, feignant de ne pas être là. Le moment fatidique arriva et il le sut. Cinq heures pile. La minute arriva et passa. D'autres minutes arrivèrent et passèrent. Pas un son de Rowan. Pas d'exclamation ravie, pas de cri de joie. Peut-être les universités avaient-elles du retard dans l'annonce des résultats, songea-t-il, tout en sachant pourtant que, lorsqu'on priait pour une intervention divine, ça ne marchait jamais.
Ce jour-là, il regardait le dos de Rowan. L'adolescente, immobile, examinait ses mains, tripotait une bague en argent à son majeur. Webster avait envie de dire quelque chose, de la toucher, mais ne pouvait pas. Elle aurait été gênée, ce qui n'aurait fait qu'aggraver la situation. Mieux valait ménager sa dignité. Au bout de vingt minutes dans la même position, Rowan s'était levée et avait quitté la cuisine. Elle était allée dans sa chambre et n'en était pas redescendue, pas même pour dîner. Webster avait été furieux contre les universités, et puis triste. Le lendemain matin, il s'était suffisamment ressaisi pour l'encourager. Il avait fait l'éloge de l'université du Vermont, le choix de secours de Rowan, où elle avait été acceptée à l'automne précédent. Mais elle n'avait pas envie d'y aller. Elle aurait préféré un établissement plus petit. Ce qui avait surtout peiné Webster, c'avait été l'absence de cette exclamation ravie, de ce cri de joie."
"Les lumières étaient éteintes dans presque toutes les maisons. Pas besoin d'une lampe allumée dans la cuisine ou le salon pour convaincre un cambrioleur potentiel que les lieux étaient occupés. Tout le monde était là, tout le monde dormait, et Webster savait que toutes les portes étaient ouvertes. Lui avait pris l'habitude de verrouiller ses portières parce que sa voiture était encore une nouveauté et que le matériel à l'intérieur attirait les ados, mais ses parents n'avaient jamais fermé à clé leurs voitures ou les portes de la maison. La plupart des appels adressés à la police concernaient des accidents de la route, des querelles domestiques attisées par l'alcool, parfois des tentatives d'entrée par effraction dans un magasin ou un entrepôt."
"Le stress, Webster connaît. De nombreux ambulanciers, novices et chevronnés, mettent fi prématurément à leur carrière, victimes d'une usure émotionnelle qui s'ajoute aux douleurs du dos et des genoux contractées à force de soulever des patients. Quelques-uns reprennent leurs études pour devenir infirmiers. Certains des plus jeunes postulent à l'école de police. D'autres disparaissent peu à peu de la circulation ou, comme son premier équipier, Burrow, meurent dans leur salon. Durant sa dernière année, Burrows avait été un homme usé, avant d'être emporté par une crise cardiaque. Webster, qui n'était pas de garde, avait appris sa mort une heure plus tard, ce qui l'avait mis dans tous ses états. Si seulement il avait été de service! Il était certain qu'il aurait pu sauver son ancien équipier, qu'il en était venu à aimer comme un oncle grincheux."
" Tu n'as pas eu de mère pendant la plus grande partie de ton enfance. C'est comme ça aussi. On t'a donné ces cartes là, et tu dois t'en contenter. Tu peux regretter de ne pas en avoir eu d'autres, mais ça ne t'apportera rien de bon. Quand les gens commencent à s'apitoyer sur eux-même, ils sont plus ou moins finis."
Mon humble avis :
J'ai lu tous les livres d'Anita Shreve depuis son premier...
Un jour après l'autre montre les dégâts de l'alcool dans une famille quand l'alcoolisme touche ...la femme, épouse et mère,
la colère et la difficulté du pardon, la solitude d'un père qui élève son enfant et se retrouve devant une adolescente seul...on retrouve l'importance de la famille, la remise en question, l'émotion des personnages et la vie pas toujours facile des ambulanciers dans les services de secours.
Un livre reflet de tant de vies...simplement...
Ninnenne