Black Rock Amanda Smyth
L'auteur :
Amanda Smyth est née en Irlande, d’un père irlandais et d’une mère originaire de Trinidad. Si elle grandit dans le Yorkshire en Angleterre, son enfance sera émaillée de séjours plus ou moins prolongés à Trinidad.
Salué par la critique anglo-saxonne, son premier roman, Black Rock, reçut un Art Council Grant.
L'histoire :
"Une âme s'en vient, une autre s'en va", disait souvent tante Tassi, quand elle expliquait à la [size=16]belle Celia que sa mère était morte en lui donnant le jour. Elle l'avait recueillie, et élevée auprès de ses deux filles, Vera et Violet, et de son second mari, Roman. Roman était pour Celia le diable en personne. Un être pernicieux, misérable et détestable ; une brute alcoolique, doublé d'un coureur de jupons. Elle aurait aimé se tromper, mais, le jour où elle devient femme, il commit l'irréparable et lui fit découvrir l'enfer. Le soir même, ne pouvant s'imaginer dormir une nuit de plus sous le toit de cet infâme personnage, elle s'enfuit du village de Black Rock à Tobago et entama, sans le savoir, un bouleversant voyage intérieur, celui vers l'âge adulte. D'une plume intense et subtile, Amanda Smyth signe avec Black rock un premier roman aussi luxuriant que les paysages caraïbéens traversés par son héroïne.[/size]
Critiques :
"Il y a des réminiscences de "La Prisonnière des Sargasses" de Jean Rhys dans le fascinant, l'aérien roman d'Amanda Smyth. Elle nous enchante autant en décrivant une touffeur et des luminosités tropicales, qu'en explorant l'indolence de ses personnages, leur besoin de vengeance et les désirs qui les assaillent."
The Guardian
"Black Rock", d'Amanda Smyth : une leçon d'amour et de géographie
Le monde des livres Par Jean Soublin
Extraits :
"Ce que je savais de mes parents, on me l'avait raconté. Je n'avais jamais vu de photo ni de l'un ni de l'autre, parce qu'il n'en existait pas. Mais tante Tassi affirmait que, bien sûr, ma mère était jolie, et lorsque je lui demandais : "jolie comment?" elle me montrait une fleur d'hibiscus rose jaillissant d'un arbuste et répondait : "jolie comme ça.- Comment elle se coiffait? - Elle faisait un noeud avec ses cheveux et s'enroulait une bande de tissu autour de la tête, m'expliqua-t-elle par une fraîche après-midi où nous allions à pied au village de Black Rock pour y acheter de la farine de manioc."
", j'en avais la certitude, tous les chemins ne mènent nulle part."
"Comme un verre de rhum, il m'avait bue d'un trait et m'avait pissée ensuite."
"Tu me demandes toujours qui est le premier homme que j'aie connu. Eh bien, le premier homme que j'aie connu s'appelait Roman Bartholomew et ce soir j'ai appris qu'il était mort. Et je suis heureuse parce-que ça veut dire que [size=16]Dieu ne dort jamais."[/size]
"Certains jours je pensais trop à ma vie. J'avais l'impression que ma tête allait exploser. Debout sur la terrasse, où je regardais la lumière du soleil papilloter en éclats vifs et éblouissants sur les toits au-dessous, je m'efforçais de comprendre pourquoi les choses avaient tourné de cette manière. J'en revenais toujours à la même conclusion : il n'y avait pas de réponse. Et j'étais également consciente que je n'avais rien. C'était comme vivre dans un monde où il n 'y aurait que la chaleur et la lumière blanche, éclatante, qui produit ce genre de chaleur. Il n'y avait pas d'ombre, nulle part où se reposer, nul endroit où le soleil ne soit. Voilà ce qu'on ressent quand on n'a rien."
"Tu sais, Celia, quand on ressent une telle souffrance, ce n'est pas forcément une mauvaise chose. ça montre qu'on est capable d'éprouver des sentiments, qu'on est capable d'aimer, ajouta-t-elle en me serrant la main. Je vois le coeur un peu comme un lopin de terre. Nous ne voulons pas qu'il soit sec et poussiéreux. Il est bon qu'il pleuve de temps en temps : ça permet de faire germer les graines, ça apporte la vie. Peut-être la prochaine fois. Est-ce que tu comprends ce que je veux dire?
-Oui, l'assurai-je à voix basse.
-ça se sent, quand un coeur est plein et humide. Mais pas question qu'il déborde bien sûr!
Là, elle sourit. Je souris à mon tour.
- Je ne veux pas que tu aies peur. Un jour, en y repensant, tu te diras : "je suis contente que ce soit arrivé, ça a fait de moi la personne que je suis." Tes sentiments peuvent t'indiquer le chemin à suivre, comme une boussole."
Mon humble avis :
Difficile de le lâcher une fois commencé pour mon plus grand plaisir...Commencé hier et fini cet après-midi...Le genre de livre qui, une fois terminé, reste dans la tête avec ses personnages et ses images.
Célia, jeune fille très attachante, courageuse qui suite à un viol va découvrir très vite une autre vie que celle dont elle rêvait à l'école, en faisant le dur apprentissage du passage de l'adolescence à l'âge adulte.
Ce coin des Tropiques est admirablement décrit avec une merveilleuse écriture : on hume les odeurs, on admire les paysages, on découvre les croyances locales et les coutumes. Il y a aussi la dure réalité de la pauvreté, des classes sociales, du racisme, de la condition des jeunes femmes noires dans le monde des blancs notables ou propriétaires terriens.
Mais jamais de misérabilisme ou d'apitoiement inutile...Dignité et pudeurs de sentiments.
Sensible et prenant...
Ninnenne