marileine moderateur
Messages : 27475 Date d'inscription : 08/03/2012 Localisation : belgique
| Sujet: Quelques poèmes et textes (de différents auteurs) Lun 16 Mai - 13:40 | |
| ce court poème :« Il fait nuit : voici que s'élève plus haut la voix des fontaines jaillissantes. Et mon âme, elle aussi, est une fontaine jaillissante. Il fait nuit: voici que s'éveillent tous les chants des amoureux. Et mon âme, elle aussi, est un chant d'amoureux.» Nietzsche-------------------------------------------------------------------------------------------------------------"Bois du lent oubli ombre souveraine calme ma peine et mes regrets
beau bois épais verse sur mon âme ta sainte paixverse en mon âme comme un nyctamen ta sainte paix ta sainte paix."Largo de Handel------------------------------------------------------------------------------------------------------------Une dernière fois Georges est allé marcher dans la mer, laissant les embruns gifler son visage de vieux boucanier, cassant de ses mollets aux chausses retroussées les vagues immortelles. Il se sait atteint dun mal torpide et célèbre avec une joie sourde cette ultime baignade.Tout dans le monde qui nous crée est le siège dune répétition éternelle et rassurante : le retour du printemps, lheure dété, la fragilité des perce-neige, la splendeur mordorée des feuillages mosans à lautomne. La neige immaculée et le soleil pâle à travers les arbres nus. La pleine lune. Le retour des cigognes.Lêtre humain se rassure comme il peut, jouant lui aussi à la répétition : célébration joyeuse des anniversaires, des fêtes liturgiques, des premières dents, des premières règles, des premiers salaires. « A lan prochain, à la même heure » paraît être la devise dune humanité de fêtards prenant congé les uns des autres au terme dune année. Derrière les embrassades perce sans doute un zeste dinquiétude, vite neutralisé par les rires et les pétards : si cétait la dernière fois? Où suis-je sur mon échelle du Temps, ce projet entamé serait-il le dernier, de combien de cailloux dispose encore le Petit Poucet qui dort en chacun de nous?Nous sommes des créatures appelées à vivre un nombre incalculable de « dernières fois ». La dernière poussée dentaire, la dernière joie de lenfantement, la dernière fois quon donne son sein chaud à téter à son dernier bébé, les dernières règles, la dernière fois à faire lamour, la dernière cueillette des mirabelles, si juteuses et si parfumées cette année quon se dit quaprès en avoir goûté de pareilles on a connu le bonheur sur terre. Le dernier envol des canards sauvages. La dernière fois quon défait le lit de la petite dernière qui quitte la maison pour de bon avec son amoureux. La dernière fois quon pleure de bonheur en apprenant une naissance.Petits deuils dune existence, que je vous aurai appréciés. Mis bout à bout, ils portent un nom sublime : le bonheur. Ce fut celui dune écriture depuis de longues années, sous un pseudo autorisant une transparence et une sincérité sans faille, des émerveillements quotidiens dun simple généraliste. Les visites buissonnières racontaient la vie, demblée donc on savait quil y aurait une dernière fois. Toutes les fins ont quelque chose de magique : on est heureux, et on pleure à la fois. Merci aux innombrables lecteurs qui au fil des semaines nous ont encouragés de la parole ou de lécrit. Ce dernier billet leur est dédié, comme un foulard quon agite au loin pour sassurer quon ne soubliera pas.Zénon.------------------------------------------------------------------------------------------------------------ Sagesse du désertLes vrais sages Qu'ont-ils de plus que nous?Plus de désertC'est-à-dire moins ... Moins de bruit Moins de mental Moins de soucis Moins d'illusions Moins d'argent Moins ...Les vrais sages Sont désertsNous projetons sur eux Nos plus beaux mirages Et lorsque nous nous en approchons Ils nous laissent seuls Face à nous-mêmesA nous de creuser Notre propre puitsDécouvrir alors Que la sagesse C'est le désert « Moins» la soifL'ombre ou l'oasis Où rien n'entrave la lumièreJean Yves Leloup, Désert, déserts--------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Voyage en Hollande"Il n'est à voir que ton visage Entendre que ta voix aimée Car soient mes yeux ou non fermés Je n'ai que toi de paysageQue toi de ciel et d'horizon Que toi de sable dans mes dunes De nuit noire et de clair de lune De soleil à mes frondaisonsBreughel d'Enfer ou de Velours Moulins tulipes diableries N'est Hollande à ma songerie Que mon amour que mon amour."Louis Aragon Le voyage en Hollande-------------------------------------------------------------------------------------------------------------Tout passe et tout demeure Mais notre affaire est de passer De passer en traçant Des chemins Des chemins sur la mer Voyageur, le chemin C'est les traces de tes pas C'est tout ; voyageur, il n'y a pas de chemin, Le chemin se fait en marchant Le chemin se fait en marchant Et quand tu regardes en arrière Tu vois le sentier Que jamais Tu ne dois à nouveau fouler Voyageur! Il n'y a pas de chemins Rien que des sillages sur la merAntonio Machado-------------------------------------------------------------------------------------------------------------L'ombre légère d'un nuage errant caresse l'herbe furtivement Le ciel est ciel calme miroir tissé de la clarté du jour La vie dans le creux de la main rire d'eau fraîche à la fontaine Les feuilles tremblent dans le vent Un oiseau chante légère joie et la douleur pour un instant oublie le temps
A WANG WEI . Claude Roy-------------------------------------------------------------------------------------------------------------- "...une coulée de tons...
" L'an dernier j'ai suivi Claude Monet à la recherche d'impressions. Ce n'était plus un peintre, en vérité, mais un chasseur. Il allait, suivi d'enfants qui portaient ses toiles, cinq ou six toiles représentant le même sujet à des heures diverses et avec des effets différents. Il les prenait et les quittait tour à tour, suivant les changements du ciel. Et le peintre, en face du sujet, attendait, guettait, le soleil et les ombres, cueillait en quelques coups de pinceau le rayon qui tombe ou le nuage qui passe, et, dédaigneux du faux et du convenu, les posait sur la toile avec rapidité. Je l'ai vu saisir ainsi une tombée étincelante de lumière sur la falaise blanche et la fixer à une coulée de tons jaunes qui rendaient étrangement surprenant l'effet de cet insaisissable et aveuglant éblouissement. Une autre fois, il prit à pleines mains une averse abattue sur la mer et la jeta sur sa toile. Et c'était bien de la pluie qu'il avait peinte ainsi, rien que de la pluie voilant les vagues, les roches et le ciel à peine distincts sous ce déluge." Guy de Maupassant, La vie d'un paysagiste, 28 septembre 1886 --------------------------------------------------------------------------------------------
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